Chaudronnerie

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Chaudron de Gundestrup (Tène)
Équipements sous pression d'une raffinerie

La chaudronnerie est une branche industrielle qui couvre l'ensemble des activités de mise en œuvre des métaux en feuilles, des tubes et des profilés entrant dans la réalisation d'équipements destinés aux secteurs des industries de l'alimentaire, de la chimie, de l'énergie (pétrole, gaz, nucléaire), de l'aéronautique et de l'espace, de la charpente (bâtiments, ouvrages d'art, ponts, structures métalliques terrestres et marines), de la manutention et du traitement des gaz et des liquides (canalisations terrestres et marines, équipement sous pression) et de leurs stockages (cuves et réservoirs de stockages aériens, semi enterrés ou enterrés), de la navale, de l'automobile, de la menuiserie et du mobilier métalliques. C'est une branche généraliste de l'industrie à l'origine de nombreux autres métiers plus spécialisés comme, par exemple, les métiers de tuyauteur, charpentier ou menuisier métalliques.

Autrefois, les compagnons transformaient les métaux en feuilles (tôles), manuellement par battage ou martelage. Depuis approximativement le milieu du XXe siècle, les machines permettent de développer la production d'objets simples, notamment les tours à repousser et les presses à emboutir. C'est aussi le travail du chaudronnier que de façonner les produits sidérurgiques semi-finis comme les tubes et les profilés.

À l'origine, les matériaux travaillés étaient principalement : l'acier ; le cuivre ; le zinc ; le plomb ; le laiton. De nos jours, l’acier inoxydable, l’aluminium, le titane, mais aussi les matières plastiques ont permis de montrer que les métiers de la chaudronnerie, du fait de leur présence dans tous les secteurs de l'industrie, s'adaptent en permanence. La chaudronnerie est l'un des piliers de l'industrie.

Connaissance de base

Le traçage sert à développer les pièces à plat à même la tôle, le tube, le profilé voire l'ébauche en vue de leur découpage et/ou façonnage pour réaliser les éléments qui, une fois assemblés, constitueront l'équipement fini.

Les techniques du traçage sont issues de la géométrie descriptive et consistent à déterminer la vraie grandeur des pièces à partir d'un dessin technique (épure), constitué en général de simples vues de face et de dessus, associé à des techniques géométriques appropriées de recherche des vraies grandeurs(changements de plan, rabattements, rotations, projections).

L'arrivée sur le marché de machines à calculer programmables (années 1970) puis d'ordinateur (années 1980) ont permis le développement de programme de traçage respectivement issus de la trigonométrie et de la géométrie analytique (voir géométrie analytique).

Dès les années 1970, les constructeurs de machines outils ont aussi développé des équipements de coupage automatisés en 2D (tôles) et 3D (tubes) fonctionnant à partir de propriétés géométriques et de données numériques à saisir dans un calculateur embarqué telles que le type de solide (cône, sphère, cylindre), diamètres, épaisseurs, entre axes, angles, etc... (voir b:Solution analytique à l'intersection de deux corps creux à parois épaisses)

Historique

Cuirasses en bronze de Marmesse (Bronze final)

L’histoire de la chaudronnerie remonte au moins au Bronze final. Les premiers statuts de la corporation en France sont datés du XIVe siècle, sous Charles V de France. Il fallait alors 6 ans d’apprentissage et 600 livres pour accéder à la maîtrise. L’ordonnance de 1776 réunit les chaudronniers aux potiers d’étain et aux balanciers.

Ces artisans fabriquaient des objets usuels tels des chaudrons, des aiguières, ou des récipients divers, (voir le paragraphe production des chaudronniers) mais aussi des objets d’art religieux, en cuivre ou en laiton battu. Un centre important de cette corporation était à Dinant, dans la vallée de la Meuse, en Belgique, d’où le nom de dinandiers donné à ces artisans qui travaillaient plutôt le laiton repoussé (laiton, alliage de cuivre et de zinc souvent appelé, à tort, cuivre jaune).

Les chaudronniers, eux, étaient alimentés en cuivre par les "martineurs" : ceux-ci travaillaient des galettes de cuivre, à chaud, pour en obtenir des calottes hémisphériques, à l'aide de marteaux pilons rudimentaires appelés "martinets" et utilisant la force hydraulique. Ces marteaux pilons, installés dès la fin du XVIe siècle, ont disparu début XXe siècle.

Petit à petit, ce travail d'abattage, de martelage, prendra plus d’importance que la fonderie pour un certain nombre de récipients ; une nouvelle corporation est née, celle des batteurs. Leur emblème est composé d’un chaudron et de deux marteaux en croix, de là viendra l’appellation de chaudronnier. Des "batteries" existeront près de Dinant, mais aussi en Normandie (France) notamment à Villedieu-les-Poêles, qui reste un centre de dinanderie "faite à la main" et de fonderie de cloches réputé, et en Auvergne (Aurillac, Saint-Flour[Lequel ?]). Un centre de chaudronnerie cuivre s'installa à Durfort (Tarn) où existe toujours un musée de la chaudronnerie.

Spécialisations de la chaudronnerie

Au début du XXe siècle, après la découverte du four convertisseur Bessemer permettant la fabrication d’acier doux, la chaudronnerie se divise en deux grandes branches : la chaudronnerie en cuivre et la chaudronnerie en fer. Aujourd’hui, c’est l’épaisseur, plutôt que la nature du métal travaillé, qui entraîne les spécialisations suivantes :

  • Ferblanterie et chaudronnerie légère : travail du fer blanc et de tous métaux, cuivre, laiton, maillechort, d’épaisseur inférieure à 1 mm.
  • Tôlerie, et ses branches diverses : industrie automobile et carrosserie, aviation, ventilation, fumisterie, où sont traités les métaux de 1 à 3 mm d’épaisseur.
  • Chaudronnerie moyenne, pour les réservoirs, citernes, et tous appareils nécessitant des épaisseurs de 10 à 50 mm.
  • Grosse chaudronnerie enfin, où l’on construit des équipements à pression / température (hydrocraqueur), soumis ou non à l'action de la flamme (respectivement chaudière et réacteur nucléaire), structure offshore, pont et ouvrage d'art de très fortes épaisseurs, au-dessus de 50 mm et pouvant aller jusqu'à 500 mm.

La production ancestrale du chaudronnier

Si les familles aisées mangeaient dans de la vaisselle d'argent et possédaient vases, aiguières, pichets en étain, par contre, l'ensemble de la population utilisait toutes sortes de récipients en cuivre, pour un usage quotidien, d'où l'importance du travail des chaudronniers. Chaque foyer tenait en permanence son chaudron sur le feu, pour y faire cuire la soupe et toutes sortes de légumes. Ces chaudrons à tout faire, omniprésents, et utilisés par des familles nombreuses, pesaient parfois jusqu’à 30 kg. On voit qu'il y avait du travail pour cette corporation. Outre les fameux chaudrons, on peut citer, pour l'usage domestique :

  • Les batteries de casseroles, marmites, braisières, tourtières et chaudrons.
  • Les seaux (ou ferrats) pour aller quérir de l'eau au puits.
  • Les fontaines en cuivre ou en d'autres métaux (pour se laver les mains ou le visage), les bouilloires.
  • Les grezelles à large ouverture, pour écrémer le lait (notamment dans le Cantal.
  • Les caleils (lampes à huiles), les bassinoires, etc.

Cette liste est donnée à titre d'exemple, mais n'a pas la prétention d'être exhaustive.

La chaudronnerie et l'art

Les techniques de chaudronnerie, associées aux techniques de soudage, de brasage ou encore de revêtement métallique, sont utilisées par nombre d'artistes. Toutes les techniques de mise en forme et d'assemblage des métaux sont ainsi mises à disposition des artistes lors de stages de formation dans les centres d'apprentissage, chez les compagnons ou encore chez les fabricants de matériel.

Les moyens mis en œuvre

Deux types de méthode peuvent être utilisés pour réaliser un ouvrage chaudronné :

  • Le changement de forme. C’est le procédé le plus ancien. Il repose sur une qualité essentielle du cuivre : la malléabilité. À partir d’une feuille de métal plane, qu’on appelle le « flan », le martelage va lui donner une forme en cuvette, de plus en plus profonde, jusqu’à ce que la forme définitive soit satisfaisante, et cela, sans joint ni assemblage. Ce changement de forme est obtenu soit par rétreinte, soit par emboutissage soit par une combinaison des deux.
    • La rétreinte. On travaille le métal par martelage depuis le centre vers la périphérie du flan, pliant le métal progressivement. Il s'agit là de "conduire le métal", de le replier, de le refouler comme "un papier de cellophane qui recouvre un pot de confiture et qui fait des plis. Rétreindre, c'est supprimer ces plis"[1]. On commence par le marquage de la carre, sur un tas ou un chevalet, cette carre définira le fond du récipient. Puis la rétreinte proprement dite, à l'aide d'un marteau ou d'un maillet, se fait par passes successives allant de la carre vers l’extérieur. Pour les petits diamètres et petits bords, on utilise un plissoir pour bien marquer les plis à rétreindre. Un plissoir est un outil aciéré en forme de té avec d'un côté la poignée qui est une tige droite soudée sur le corps qui a au bout deux ronds d'environ 15 millimètres de diamètre, écartés de deux à trois millimètres sur une longueur de quatre à cinq centimètres. On met cette " pince " sur le bord à rétreindre et avec un mouvement du poignet on provoque un pli comme un moule à gateau. Au cours de ce travail, le métal s’écrouit, perd sa malléabilité, il convient alors d’effectuer un recuit, pour redonner au métal ses qualités initiales. Un cycle complet, une passe de rétreinte suivie d'un recuit s'appelle une "chaude"[2]. La forme finale obtenue, il faut alors passer au planage, qui lisse la surface et lui donne un aspect brillant et fini.
    • L’emboutissage. L’action de déformation du métal s’exerce de la périphérie vers le centre du flan, pour creuser un cuvette de plus en plus importante. Le travail se fait au marteau ou au maillet, par passes successives, et nécessite aussi des recuits. Suivant la nature du métal et de son épaisseur, cette opération peut se faire à froid ou à chaud. Le planage viendra conclure le travail.
    • Le Planage. C'est l'opération finale, une fois que la pièce est presque terminée, et que le changement de forme est satisfaisant. Il s'agit de durcir le métal par écrouissage, pour lui donner de la tenue et de la solidité, pour un usage domestique, mais aussi de polir la pièce et de lui donner un fini lisse et brillant.
  • La mise en forme. Il s’agit là d’obtenir des formes à l’aide d’éléments plats calculés et tracés, découpés, pliés ou cintré, et enfin assemblés par un procédé mécanique ou par soudage. Ce sont des surfaces développables. Il va de soi que ces deux procédés peuvent être conjugués pour élargir les possibilités de façonnage.

Le matériel de base

Outre l’installation générale et l’outillage de base commun à plusieurs métiers, l’établi, les marteaux et limes d’usage courant, gants, mètres, cisailles à main, pinces, serre-joint, étau, etc., l’environnement du chaudronnier, qu’il soit sur un chantier ou dans un atelier, devrait comporter :

  • Découpe (laser,plasma,cisaille, chalumeau découpeur dit oxy-coupeur etc)
  • Une forge pour le recuit des pièces écrouies, mais aussi pour les brasures dites à la forge et pour les pièces qui doivent être travaillées à chaud. Il faut préciser cependant que la forge est de moins en moins utilisé, car le métier se rapproche plus de celui du forgeron
  • Un poste de soudage au chalumeau pour les assemblages soudés ou soudo-brasés, certains recuits partiels, ou les chaudes de retrait (effectuées au chalumeau), semi-automatique (MIG-MAG) soudage TIG etc... (plus éventuellement un poste de soudage à l’arc électrode enrobée) .
  • Des machines telles que perceuses, plieuses, cintreuses (ou rouleuses), meules, cisailles guillotines etc.
  • Des bacs à acide, pour le décapage des pièces, c'est-à-dire acide chlorhydrique pour le fer et l'étain, et vitriol (ou acide sulfurique dilué) pour le cuivre et ses alliages. Ce décapage est nécessaire avant et après les recuits, les brasages, et avant le planage. Celui-ci doit s'exercer sur une pièce très propre.
  • Une table avec un étau ou des tréteaux, suivant la ou les pièce(s) à faire.

Enfin, l’outillage spécifique du chaudronnier comprendra:

  • Le petit matériel de traçage, compas, pointe à tracer, trusquin, pointeau, règle, équerre, rapporteur d'angle etc...
  • Les tas, chevalets et supports divers : tas à boule, pied de chèvre, bigorne, billot, salière (ou morceau de rail de chemin de fer où les bords sont arrondis), enclume et barre de tôlier.
  • Les marteaux, composés d'une tête comprenant une panne d'un côté et une table de l'autre, et creusée d'un œil pour le manche, dont les principaux sont :
    • Marteau à garnir, pour tous usages.
    • Marteau rivoir, pour les assemblages rivetés.
    • Marteau à rentrer, pour la réalisation des bordés.
    • Marteau à rétreindre pour réaliser les bords d'un plateau à partir d'un flan par exemple.
    • Marteau à boule pour réaliser les emboutis
    • Marteau à gorge.
    • Marteau à dresser, pour rendre les tôles planes.
    • Marteau postillon, pour le planage final.
    • Batte à planer, sorte de postillon à une seule table rectangulaire polie miroir pour la finition du planage.
    • Marteau de forge.
  • Maillet en bois ou en plastique (tonneau ou boule)

Les assemblages

Le chaudronnier utilise des méthodes d’assemblage classables en trois familles :

  • Les assemblages démontables.
    • Le boulonnage, réalisé à l’aide d'un système bride /tiges filetée / écrous (les mécaniciens utilisent plutôt les systèmes vis / écrous), goujons, etc. Cet assemblage est démontable.
    • Les système de fermeture mécanique (ressort, clipsage, vérins).
    • Les système de fermeture rapide (autocalve).
  • Les assemblages mécaniques permanents.
    • L’agrafage, pour les tôles de faible épaisseur (jusqu’à 1,5 mm) : on replie les extrémités de la tôle pour les emboîter et les sertir. Étanchéité possible avec technique spéciale d'agrafage.
    • Le rivetage, pour assembler des pièces de toutes épaisseurs à l’aide de rivets. Étanchéité possible avec technique spéciale par matage du bord de la tôle.
    • Le dudjonage, réalisé pour l'assemblage d'un tube par expansion dans une pièce (cas de certains tubes d'échangeurs thermiques par exemple).
  • Les assemblages permanents essentiellement basés sur les techniques de soudage ou de brasage.

Le saint patron des chaudronniers

Le saint patron des chaudronniers puis par extension, des mécaniciens et des métallurgistes, est Saint Éloi qui fut orfèvre et monnayeur à l'époque de Dagobert Ier. Il est fêté le 1er décembre. Toutefois les dinandiers de la ville de Villedieu-les-Poêles lui ont préféré Saint Hubert, par ailleurs, patron des chasseurs.

Conclusion

Ce métier s’est extrêmement diversifié au cours du XXe siècle : depuis son stade artisanal de dinanderie, il a su ajouter les métiers plus spécialisés comme le tourneur-repousseur, le chaudronnier-tôlier, le chaudronnier-métallier, bref, il a su se moderniser pour devenir une chaudronnerie industrielle de haute technicité, utilisant l’informatique et les machines de précision. Il garde encore aujourd’hui son côté manuel dans les chaudronneries d’art, où l'artisan va reproduire des copies de récipients anciennement utilisés, cache-pots, chaudrons, bassines à confitures, etc., destinées aux amateurs de brocantes et de cuivres anciens, mais également le côté industriel avec la production de cuves, silos, et autres pièces importantes destinées à un usage agro-alimentaire, pharmaceutique ou pétro-chimique. L'arrivée de nouveaux matériaux ou alliages ou procédés de fabrication modernise chaque jour ce métier. On peut retrouver le métier de chaudronnier dans quasiment toute industrie utilisant des équipements métalliques et/ou plastique, dans le BTP et dans les process mettant en oeuvre pression et température. On retrouve ainsi des chaudronniers dans des usines aéronautiques, spatiales, navales, de chemin de fer, de train, de camion, les complexes chimiques et pétrochimiques, etc.

Notes et références

  1. Image donnée par un vieux chaudronnier, et rapportée dans l'ouvrage de Marc Prival, cité en référence.
  2. Ne pas confondre avec une chaude de retrait, qui consiste en une chauffe localisée effectuée pour corriger la géométrie d'une pièce voire pour former une pièce en général non développable (cf étrave de navire par exemple)
  • A. Montagne, Le Chaudronnier, Eyrolles, Paris, 1951.
  • Marc Prival, Des métiers racontés par leurs ouvriers, éditions CREER, 4e trimestre 1981, dessins de Madeleine Jaffeux.
  • Bernard Henry, Des métiers et des hommes, vol 1:Au village, Le Seuil, Paris, 1975.

Voir aussi

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