Centrale hydroélectrique de Muskrat Falls
Pays | |
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Province | |
Coordonnées | |
Cours d'eau |
Vocation |
Production électrique |
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Propriétaire | |
Date du début des travaux |
Janvier 2013 |
Date de mise en service |
Septembre 2021 |
Coût |
13 milliards $CA (estimation en 2020) |
Type | |
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Hauteur (lit de rivière) | |
Longueur |
757 m |
Superficie |
101 km² |
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Débit d'équipement |
5 930[1] m³/s |
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Nombre de turbines |
4 x 206 MW |
Type de turbines | |
Puissance installée |
824 MW |
Production annuelle |
4,9 TWh/an |
La centrale de Muskrat Falls est un projet hydroélectrique en cours de construction au Labrador, dans la partie continentale de la province de Terre-Neuve-et-Labrador, au Canada.
Cette centrale est construite sur le fleuve Churchill dans le cadre du développement hydroélectrique du Bas-Churchill. Elle prévoit une puissance installée de 824 MW et 4,9 TWh d'énergie électrique par an[2]. La construction a débuté en et doit s'achever en 2023[3].
Situation géographique
[modifier | modifier le code]La centrale de Muskrat Falls est située sur le site des anciennes chutes Muskrat (anglais : Muskrat Falls)[4], une série de rapides de 15 mètres de hauteur totale situés sur le fleuve Churchill à environ 25 kilomètres à l'ouest de Happy Valley-Goose Bay, au Labrador. Au niveau des chutes Muskrat, le lit du fleuve Churchill, large d'environ 1 km en amont, se rétrécit brusquement à une largeur de 130 mètres, en partie barré par la colline Manitu-utshu[5].
Les rapides étaient à cet endroit très puissants compte tenu du débit moyen important du fleuve de 1 830 m3/s (1 620 m3/s avant la création du réservoir Smallwood) pour une aire de drainage de 92 500 km2 (78 800 km2 avant la création du réservoir Smallwood)[6]. Les chutes Muskrat se composaient de deux séries de rapides aux deux extrémités occidentale et orientale de la colline Manitu-utshu séparés par une zone intermédiaire de 600 mètres de long. Les rapides supérieurs étaient les plus étroits et les rapides inférieurs les plus accidentés. La centrale de Muskrat Falls et son barrage furent implantés sur les rapides aval.
Historique du projet
[modifier | modifier le code]Planification du projet
[modifier | modifier le code]En 2007, le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador Danny Williams crée la société Nalcor Energy pour développer le Bas-Churchill. Une première phase du projet prévoit un barrage et une centrale à Muskrat Falls, ainsi que toute l'infrastructure de transport nécessaire pour acheminer l'électricité produite vers Terre-Neuve et le continent.
En , le gouvernement provincial et Nalcor Energy signent une entente avec le gouvernement de la Nouvelle-Écosse et la société Emera Inc., basée à Halifax[7],[8]. L'entente prévoit en particulier la construction d'une infrastructure maritime vers la Nouvelle-Écosse permettant d'exporter l'énergie vers le continent. L'ensemble du projet est alors estimé à 6,2 milliards $CA.
En , un comité de révision à Terre-Neuve-et-Labrador rejette le plan de transport de l'électricité qui sera produite par les futures installations hydroélectriques sur le bas du fleuve Churchill, en expliquant douter des bénéfices financiers à long terme de ce projet[9]. La nouvelle première ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, Kathy Dunderdale, veut répondre aux inquiétudes du comité sans arrêter la réalisation du projet, alors que l'opposition et la chef du Nouveau Parti démocratique de Terre-Neuve-et-Labrador, Lorraine Michael, appuient le rapport et proposent plutôt de cesser les travaux jusqu'à ce que la rentabilité du projet soit démontrée.
Le projet Muskrat Falls, officialisé en 2012, est présenté comme le mégaprojet hydroélectrique du bas du fleuve Churchill. L'ambition du projet est l'autonomie énergétique et la création de profits devant stimuler l'économie provinciale[10]. Les travaux de construction du barrage débutent en janvier 2013[11].
Participation fédérale
[modifier | modifier le code]Dans le discours du Trône de , le gouvernement du Canada, déterminé à mettre en valeur les vastes ressources naturelles du pays, s'est engagé à appuyer les projets sur le cours inférieur du fleuve Churchill. Le , Stephen Harper a annoncé la conclusion d'une entente entre le gouvernement fédéral, les gouvernements de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse ainsi que deux sociétés, Nalcor Energy et Emera Inc., concernant les conditions d’une garantie d'emprunt fédérale applicable aux projets du Bas-Churchill. Le , le gouvernement du Canada a annoncé que la garantie d'emprunt fédérale pour les projets de la société Nalcor sur le Bas-Churchill (centrale hydroélectrique de Muskrat Falls, immobilisations de transport du Labrador et ligne de transport Labrador–Terre-Neuve) était en place. Cette garantie d'emprunt fédérale s'applique aux 5 milliards $CA empruntés pour la réalisation des projets de Nalcor. Le gouvernement du Canada a aussi émis la garantie d'emprunt accordée à la partie du projet qui a été confiée à la société Emera Inc., la ligne de transport vers les provinces maritimes. Cette garantie d'emprunt s'appliquera à la dette du projet jusqu’à concurrence de 1,3 milliard $CA. En signant les modalités de la garantie, le gouvernement du Canada s'est engagé à se porter garant, jusqu'à concurrence de 6,3 milliards $CA, des dettes liées aux projets du Bas-Churchill pendant une période de 35 à 40 ans à compter de la date à laquelle le prêt aura été contracté[12].
Construction
[modifier | modifier le code]Le projet dépasse le budget initial de plus de 6 milliards $CA[13] et avait deux ans de retard en 2019. Les dépassements de coûts prévus de 50 %, de 7,4 milliards $CA à 12,7 milliards $CA, sont liés à plusieurs facteurs : une mauvaise planification, un manque d'expérience en ingénierie et des hypothèses connexes non valides, trompeuses ou qui se sont avérées incorrectes a posteriori. Le PDG de Nalcor, Stan Marshall, a déclaré que le projet était un gâchis[14]. Le premier ministre Dwight Ball a appelé à une enquête publique sur le projet qui a débuté en [15].
Fin , Nalcor indique que la centrale hydroélectrique de Muskrat Falls pourra commencer à transmettre de l’électricité vers Terre-Neuve dès le début de l’année 2020. La première des quatre turbines à Muskrat Falls a la capacité de produire 206 mégawatts d’électricité et pourrait être alimentée à la fin . Nalcor espérait alors que la production commerciale d’électricité atteindrait son plein niveau à la fin de 2020[16].
En , Nalcor avise la Commission des services publics de nouveaux retards à Muskrat Falls. Le PDG Stan Marshall indique que la première mise sous tension et la date de livraison du logiciel pour la liaison Labrador-Island ont toutes deux été repoussées. L'exploitation commerciale de l'unité 1 à la centrale ne devait pas avoir lieu avant la mi-[17]. La production d'électricité par la première turbine mise en service débute le [18]. La mise en route des trois autres turbines doit s'étaler jusqu'au , date prévisionnelle de la livraison complète de l'ouvrage[19],[20]. Cependant en , l'achèvement de la centrale est encore estimée à au moins une année supplémentaire[3].
La livraison d'électricité à la Nouvelle-Écosse, via le nouveau lien sous-marin Maritime Link construit par Emera, débute fin [21].
Controverse
[modifier | modifier le code]Le projet de Muskrat Falls est le plus ambitieux jamais entrepris par Terre-Neuve-et-Labrador, mais a plongé le gouvernement dans une crise financière sans précédent. En , le projet était réalisé à 96 %. Le coût estimé de 12,7 milliards $CA représentait le double du prix du projet de la Romaine d'Hydro-Québec qui pourra générer deux fois plus d'énergie. Muskrat Falls comptait pour 35 % de la dette nette de la province, dont l'endettement s'élevait à 14,7 milliards $CA avec l'endettement par habitant le plus élevé du pays. Un doublement des tarifs d’électricité résidentielle d'ici 2022 serait nécessaire pour rentabiliser le projet hydroélectrique. L'engagement d’Ottawa de se porter garant jusqu’à concurrence de 7,9 milliards $CA des dettes terre-neuviennes liées aux projets du Bas-Churchill apporte au problème une dimension nationale[22].
En 2019, les Terre-Neuviens payaient 12,3 cents du kilowattheure, plus de deux fois plus cher que la première tranche de tarif d'Hydro-Québec. Un rapport de 2018 concluait que pour que les taux augmentent à 14 cents du kWh, plutôt qu’à 22,9 cents du kWh, il faudrait trouver 744 millions $CA par an. Le plan prévoyait de piger dans les royautés du pétrole et de demander 200 millions par année au gouvernement fédéral[23].
Le coût du projet fait peser un risque de solvabilité pour la province de Terre-Neuve-et-Labrador, avec un risque pour la dette souveraine du Canada. Muskrat Falls aura un impact si grave sur les coûts de l'électricité à Terre-Neuve que d'ici 2021, un plan de sauvetage fédéral sera nécessaire. Le développement de Muskrat Falls et de Gull Island sur la rivière Churchill inférieure était pourtant perçu comme une forme de délivrance de l'injustice passée après la signature du contrat d'achat d'électricité le ayant permis la construction de la centrale de Churchill Falls[24].
Le , le rapport du commissaire Richard LeBlanc est rendu public après deux ans de travail. La commission a entendu plus d’une centaine de témoignages et examiné quelque 6 millions de documents afin d'expliquer l'escalade des coûts du projet hydroélectrique de Muskrat Falls passés de 6,2 milliards à 13 milliards $CA. Dans ce document, LeBlanc dénonce les dirigeants de Nalcor pour avoir délibérément sous-estimé les coûts et fait des déclarations trompeuses sur le projet au public. Le rapport indique que les représentants du gouvernement ont fait preuve de parti pris politique et n'ont pas réussi à garantir que le projet hydroélectrique était dans le meilleur intérêt de Terre-Neuve-et-Labrador[25].
Installations
[modifier | modifier le code]Centrale hydroélectrique
[modifier | modifier le code]La mise en eau du réservoir a été achevée en 2019 avec l'inondation de 41 km² de terrain pour créer le réservoir de 101 km²[26]. Le confinement se fait par un barrage en béton en deux parties d'une longueur totale de 757 mètres. Le lit principal du fleuve est barré et l'eau dérivée vers la centrale par un canal situé au sud du fleuve, profondément taillé dans le sol, avec une prise d'eau en amont des anciens rapides inférieurs.
Le barrage a détruit les rapides inférieurs tandis que le lac de barrage a inondé les rapides supérieurs. Le barrage comprend deux déversoirs : un premier déversoir avec 5 portes radiales immergées construit au milieu de la vallée où l'eau du fleuve s'écoule durant la construction de la centrale et un second déversoir de trop-plein au bord de la pente de la colline du Manitu-utshu[27].
Le fleuve alimentera la centrale de Muskrat Falls équipée de 4 turbines Kaplan et d'une puissance totale de 824 MW[26].
Lignes de transport d'électricité
[modifier | modifier le code]L'électricité sera acheminée par la route anglo-saxonne (en contournant le Québec) vers l'île de Terre-Neuve via le Labrador Island Link (LIL), une ligne à courant continu haute tension de 2,1 milliards $CA. La longueur totale doit être de 1 100 km, dont 30 km de câbles électriques sous-marins sous le détroit de Belle Isle[26]. La construction a commencé en 2014 et s'est terminée en 2018[28].
La ligne, d'une capacité maximale de 900 MW, a son terminus au poste convertisseur de Soldier Pond, dans la péninsule d'Avalon, au sud-ouest de St. John's. Elle achemine vers le réseau à haute tension de la Newfoundland and Labrador Hydro l'électricité produite à Muskrat Falls ainsi qu'une certaine quantité d'énergie excédentaire produite à Churchill Falls[29]. La mise en service définitive du lien entre l'île de Terre-Neuve et le Labrador a toutefois été retardée à plusieurs reprises en raison de problèmes techniques et des mesures sanitaires mises en place durant la pandémie de Covid-19. Le logiciel nécessaire à l'opération des installations à courant continu a dû être mis à niveau et les condensateurs synchrones installés au poste de Soldiers Pond ont connu des problèmes de vibration qui retardent la mise en service du lien à [30].
Une partie de l'énergie sera ensuite transmise de Stephenville sur l'île de Terre-Neuve à la Nouvelle-Écosse via le Maritime Link (ML), une ligne sous-marine à courant continu de 180 km sous le détroit de Cabot jusqu'à Point Aconi sur l'île du Cap-Breton. La construction est une coentreprise de 1,2 milliard $CA entre Nalcor Energy et Emera, la société mère du principal distributeur d'électricité néo-écossais Nova Scotia Power. Vingt pour cent de l'électricité produite à Muskrat Falls pendant les 20 premières années d'opération du projet seront livrées gratuitement au service public néo-écossais en échange d'une participation financière pour la construction du projet[26]. Ce lien a été mis en service en [31].
L'ambition initiale des autorités terre-neuviennes était de pouvoir éventuellement vendre l'électricité produite à Muskrat Falls et à Gull Island dans le marché de la Nouvelle-Angleterre par le biais d'une autre ligne de transport sous-marine de 563 km, qui aurait été construite du Nouveau-Brunswick au Massachusetts.
Impact environnemental
[modifier | modifier le code]Des chercheurs de l'université Harvard ont constaté que les niveaux de mercure dans les poissons augmenteraient à la suite du projet[32]. Après les protestations menées par des groupes autochtones dans le centre du Labrador en 2016, une entente a été conclue entre les trois groupes autochtones du Labrador (gouvernement du Nunatsiavut, nation innue et Conseil communautaire NunatuKavut) et le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador décrivant la création d'un comité indépendant pour formuler des recommandations. sur l'atténuation des impacts potentiels du méthylmercure sur la santé humaine du projet du Bas-Churchill aux chutes Muskrat[33].
Relations avec le milieu
[modifier | modifier le code]Notes et références
[modifier | modifier le code]- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Lower Churchill Project » (voir la liste des auteurs).
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- (en) Ken Rolling, « HYDROLOGY 5.1 Database », sur mae.gov.nl.ca, (consulté le ).
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- « Que faut-il comprendre de la saga Muskrat Falls? Questions et réponses », sur ici.radio-canada.ca, (consulté le ).
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- (en) Holly McKenzie-Sutter, « Transmission link between Labrador and Newfoundland energized as Muskrat Falls project nears completion », sur theglobeandmail.com, (consulté le ).
- (en) Nalcor Energy, « Transmission Projects »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), sur Muskrat Falls Project, (consulté le ).
- (en) Terry Roberts, « Pandemic adds $400M to Muskrat project costs, full power a further 10 months behind », (consulté le ).
- (en) The Canadian Press, « New power transmission towers connect Muskrat Falls, mainland Nova Scotia », sur theglobeandmail.com, (consulté le ).
- Bill Flowers, « Inadequate consultation on the Muskrat Falls project », sur policyoptions.irpp.org, (consulté le ).
- (en) Comité consultatif d'experts indépendants Projet Muskrat Falls, « Timeline - Independent Expert Advisory Committee », sur ieaclabrador.ca, (consulté le ).
- (en) Sue Bailey, « 'Project was not the right choice': Muskrat Falls estimate surpasses $11-billion », sur theglobeandmail.com, (consulté le ).
Annexes
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Chutes Muskrat
- Fleuve Churchill
- Centrale de Churchill Falls
- Nalcor Energy
- Emera
- Route anglo-saxonne
- Hydroélectricité au Canada
Liens externes
[modifier | modifier le code]- (en) Nalcor Energy Site de Nalcor Energy.
- (en) Galerie photo et vidéo du projet sur le site de Nalcor Energy.
- (en) Commission of Inquiry Respecting the Muskrat Falls Project Site de la commission d'enquête concernant le projet Muskrat Falls.
- (en) The Muskrat Falls Hydro Project Opportunities and Risks sur le site de l'Atlantic Institute for Market Studies.
- L'électrification du Labrador sur le site Heritage Newfoundland & Labrador.
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- (en) Hatch, The Lower Churchill Project Muskrat Falls Project, , 170 p. (lire en ligne).
- (en) Nalcor Energy, Muskrat Falls Hydroelectricy Development Final Feasibility Study Vol 1 1999 Appendix D Construction Flood Study, , 161 p. (lire en ligne).