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« Bible du roi Jacques » : différence entre les versions

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== Historique ==
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=== Contexte ===
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La décision de mettre en chantier une nouvelle traduction de la Bible autorisée par l’Église anglicane a été prise par le roi Jacques {{Ier}} en 1604 à l'issue du colloque qu'il avait organisé dès son accession au pouvoir sur les questions religieuses, la Conférence d'Hampton Court. À cette époque, la Bible la plus populaire en Angleterre était la [[Geneva Bible|Bible de Genève]], parue en 1560 et ainsi nommée parce qu'elle avait été traduite en anglais à [[Genève]] dans les années 1555-1558 par les [[exilés mariaux|exilés]] [[presbytérien]]s ou anglicans de tendance calviniste. Bien illustrée, peu coûteuse et très largement diffusée, elle indisposait le roi Jacques {{Ier}} autant que les hiérarques anglicans : ses notes marginales et ses notices introductives aux différents livres de la Bible étaient en effet non seulement empreintes du plus pur calvinisme mais encore teintées d'un « républicanisme » anti-clérical, laissant entendre que la hiérarchie de l'Église était inutile et donc, hypothétiquement, que le besoin d'avoir un roi à sa tête, et pourquoi pas d'avoir un roi comme chef d'État pourrait être remis en question. De plus, le fait que ces idées se trouvent imprimées dans la Bible pouvait conduire les lecteurs à croire que ces interprétations étaient officielles et permanentes. La contre-attaque faite par les évêques anglicans, la [[Bible des Évêques]], parue en 1568, n'ayant pas porté ses fruits, la nouvelle traduction allait donc enfin permettre de se débarrasser de ces notes trop radicales et d'orienter quelque peu la traduction<ref name=Founders>{{lien web|lang=en|url=https://founders.org/site/wp-content/uploads/2018/03/FoundersJournal86.pdf|auteur=Michael A.G. Haykin|titre="Zeal to Promote the Common Good”, the Story of the King James Bible|site=le site https://founders.org/|consulté le=27 avril 2018}}</ref>.
La décision de mettre en chantier une nouvelle traduction de la Bible autorisée par l’Église anglicane a été prise par le roi Jacques {{Ier}} en 1604 à l'issue du colloque qu'il avait organisé dès son accession au pouvoir sur les questions religieuses, la Conférence d'Hampton Court<ref name="">Cf. {{ouvrage|auteur1=P. Collinson|auteur2=H. Tomlinson|directeur2=H. Tomlinson|chap=The Jacobean Religious Settlement: The Hampton Court Conference|titre= Before the English Civil War |année=1983|éditeur=Palgrave|isbn=0333308999|pages=236}}</ref>. À cette époque, la Bible la plus populaire en Angleterre était la [[Bible de Genève]], parue en 1560 et ainsi nommée parce qu'elle avait été traduite en anglais à [[Genève]] dans les années 1555-1558 par les [[exilés mariaux|exilés]] [[presbytérien]]s ou anglicans de tendance calviniste. Bien illustrée, peu coûteuse et très largement diffusée, elle indisposait le roi Jacques {{Ier}} autant que les hiérarques anglicans : ses notes marginales et ses notices introductives aux différents livres de la Bible étaient en effet non seulement empreintes du plus pur calvinisme mais encore teintées d'un « républicanisme » anti-clérical, laissant entendre que la hiérarchie de l'Église était inutile et donc, hypothétiquement, que le besoin d'avoir un roi à sa tête, et pourquoi pas d'avoir un roi comme chef d'État pourrait être remis en question. De plus, le fait que ces idées se trouvent imprimées dans la Bible pouvait conduire les lecteurs à croire que ces interprétations étaient officielles et permanentes. La contre-attaque faite par les évêques anglicans, la [[Bible des Évêques]], parue en 1568, n'ayant pas porté ses fruits, la nouvelle traduction allait donc enfin permettre de se débarrasser de ces notes trop radicales et d'orienter quelque peu la traduction<ref name=Founders>{{lien web|lang=en|url=https://founders.org/site/wp-content/uploads/2018/03/FoundersJournal86.pdf|auteur=Michael A.G. Haykin|titre="Zeal to Promote the Common Good”, the Story of the King James Bible|site=le site https://founders.org/|consulté le=27 avril 2018}}</ref>.


C'est ce contexte qui explique l'appellation "Bible du roi Jacques", malgré le rôle inexistant du souverain dans la traduction elle-même. Il a néanmoins levé les sanctions (dont la [[peine de mort]]) applicables à ceux qui traduisaient le texte sacré, et a fixé un certain nombre de règles pour mener à bien cette entreprise (proscrire l'érudition partisane et les notes de bas de page, etc.). C'est l'[[archevêque de Cantorbéry]] [[Richard Bancroft]] qui est chargé de mettre en œuvre ces règles et donc d'organiser et de superviser tout le travail de cette nouvelle traduction de la Bible.
C'est ce contexte qui explique l'appellation "Bible du roi Jacques", malgré le rôle inexistant du souverain dans la traduction elle-même. Il a néanmoins levé les sanctions (dont la [[peine de mort]]) applicables à ceux qui traduisaient le texte sacré, et a fixé un certain nombre de règles pour mener à bien cette entreprise (proscrire l'érudition partisane et les notes de bas de page, etc.). C'est l'[[archevêque de Cantorbéry]] [[Richard Bancroft]] qui est chargé de mettre en œuvre ces règles et donc d'organiser et de superviser tout le travail de cette nouvelle traduction de la Bible.

=== Traduction ===
=== Traduction ===
La « ''{{Langue|en|King James Version}}'' » est l'œuvre d'une équipe d'une cinquantaine de traducteurs dont le travail s'est étendu sur quatre ans et demi.
La « ''{{Langue|en|King James Version}}'' » est l'œuvre d'une équipe d'une cinquantaine de traducteurs dont le travail s'est étendu sur quatre ans et demi.

Version du 24 octobre 2018 à 14:02

Frontispice de l'édition princeps (1611) de la Bible du roi Jacques, par Cornelis Bol.

La Bible du roi Jacques (King James Version en anglais, souvent abrégé KJV), publiée pour la première fois en 1611, est une traduction de la Bible en anglais réalisée sous le règne et à la demande de Jacques Ier d'Angleterre. Elle supplante rapidement la précédente version autorisée, dite Bible des Évêques, trop savante, et devient de facto la Bible standard de l'Église d'Angleterre.

Historique

Contexte

La décision de mettre en chantier une nouvelle traduction de la Bible autorisée par l’Église anglicane a été prise par le roi Jacques Ier en 1604 à l'issue du colloque qu'il avait organisé dès son accession au pouvoir sur les questions religieuses, la Conférence d'Hampton Court[1]. À cette époque, la Bible la plus populaire en Angleterre était la Bible de Genève, parue en 1560 et ainsi nommée parce qu'elle avait été traduite en anglais à Genève dans les années 1555-1558 par les exilés presbytériens ou anglicans de tendance calviniste. Bien illustrée, peu coûteuse et très largement diffusée, elle indisposait le roi Jacques Ier autant que les hiérarques anglicans : ses notes marginales et ses notices introductives aux différents livres de la Bible étaient en effet non seulement empreintes du plus pur calvinisme mais encore teintées d'un « républicanisme » anti-clérical, laissant entendre que la hiérarchie de l'Église était inutile et donc, hypothétiquement, que le besoin d'avoir un roi à sa tête, et pourquoi pas d'avoir un roi comme chef d'État pourrait être remis en question. De plus, le fait que ces idées se trouvent imprimées dans la Bible pouvait conduire les lecteurs à croire que ces interprétations étaient officielles et permanentes. La contre-attaque faite par les évêques anglicans, la Bible des Évêques, parue en 1568, n'ayant pas porté ses fruits, la nouvelle traduction allait donc enfin permettre de se débarrasser de ces notes trop radicales et d'orienter quelque peu la traduction[2].

C'est ce contexte qui explique l'appellation "Bible du roi Jacques", malgré le rôle inexistant du souverain dans la traduction elle-même. Il a néanmoins levé les sanctions (dont la peine de mort) applicables à ceux qui traduisaient le texte sacré, et a fixé un certain nombre de règles pour mener à bien cette entreprise (proscrire l'érudition partisane et les notes de bas de page, etc.). C'est l'archevêque de Cantorbéry Richard Bancroft qui est chargé de mettre en œuvre ces règles et donc d'organiser et de superviser tout le travail de cette nouvelle traduction de la Bible.

Traduction

La « King James Version » est l'œuvre d'une équipe d'une cinquantaine de traducteurs dont le travail s'est étendu sur quatre ans et demi.

Dès les jours qui ont suivi la décision royale de Hampton Court, six groupes de traducteurs ont été nommés : deux installés à Westminster pour travailler sur l'Ancien Testament depuis la Genèse jusqu'à 2 Rois et sur les épîtres du Nouveau Testament, deux à l'Université de Cambridge pour travailler sur l'Ancien Testament depuis 1 Chroniques jusqu'au Cantique des Cantiques et sur les livres apocryphes, et deux à l'Université d'Oxford traduisant les prophètes ainsi que les évangiles, les actes et l'Apocalypse. Il n'y a pas de consensus sur le nombre exact de personnes impliquées dans la traduction, la mise en forme et la relecture de la King James Version. Les estimations varient entre 47 et 57 traducteurs réels, selon que l'on compte ou non ceux qui ont été impliqués dans les dernières étapes de la relecture. Une demi-douzaine d'entre eux avaient de claire sympathies puritaines[2].

Le Nouveau Testament de la Bible du roi Jacques a été traduit depuis le « texte reçu » (Textus Receptus), qui est pour l'essentiel le texte grec rétabli par Érasme[3] (1516, rév. 1522 et 1533). L'Ancien Testament, quant à lui, est traduit depuis le texte massorétique en hébreu. Les bibles anglophones modernes, telles que la New American Standard Bible ou l'English Standard Version, tirent leur autorité de textes manuscrits entièrement différents.

Malgré la demande du roi de prendre comme modèle la Bible des Évêques, dont il fait distribuer un exemplaire à chaque traducteur[4], c'est la traduction du Nouveau Testament de William Tyndale (1538)[5] et la Bible de Genève elle-même qui vont le plus inspirer le langage de la nouvelle traduction ! La Bible des Évêques, que le roi avait souhaité voir prendre pour modèle, fut victime de sa médiocrité et n'inspira que très peu les traducteurs de la King James Version. Les études philologiques ont établi avec précision les influences sur la King James. Voici le relevé établi par Charles C. Butterworth[6] :

Origine du texte % du texte de la King James Commentaires
Bible de Genève 19%
Bible Tyndale 18% y compris la Bible Matthew
Traduction de Coverdale 13% y compris la Grande Bible
Traduction de Wycliffe 4% y compris ses sermons
Bible des Évêques 4% y compris ses révisions
Autres versions d'avant 1611 3%
Total 61%
Matériau inédit de la King James 39%
Total général 100%

De manière surprenante au regard de la motivation initiale de la création de la King James (voir historique plus haut), les notes de la Bible de Genève ont également été incluses dans plusieurs éditions de la King James[7],[4].

Le travail de traduction se déroula entre août 1604 et fin 1608. Les résultats des 6 comités de traduction furent ensuite contrôlés en 1610 sur une période de neuf mois par un comité de six à douze hommes qui se sont réunis à Londres et dont une partie seulement des noms est connu. Le travail validé et amendé par ce comité a ensuite été confié à deux autres hommes, dont Miles Smith, qui a écrit la «Préface» au KJB, puis il a encore été examiné par l'archevêque Bancroft. Ainsi, vers la fin de 1610, le manuscrit a finalement été transmis à l'imprimeur royal, Robert Barker[2].

Réception et diffusion

Malgré le soutien enthousiaste du roi et de l’Église anglicane, les débuts de la King James Version furent difficiles, perturbés notamment par quelques erreurs typographiques grossières (voir plus bas). Elle reçut des critiques acerbes de certains érudits et les puritains continuèrent à utiliser de préférence la Geneva Bible. La disparition des notes ne fut pas positive pour la compréhension des textes difficiles de l'Ancien Testament[2]. Malgré cela, avec l'appui de l'institution ecclésiale, la King James Version va devenir graduellement la Bible de référence de l'anglicanisme, se modernisant au gré de ses révisions successives.

Langue anglaise

C'est la Geneva Bible et non la King James qui a été a Bible de William Shakespeare (d'ailleurs décédé en 1616), d'Oliver Cromwell (1599–1658) et de John Bunyan (1628–88)[4]. La King James a en revanche exercé par la suite une influence majeure sur la littérature anglaise et la langue anglaise dans leur ensemble. La syntaxe de l'anglais aussi bien que les œuvres d'auteurs comme John Milton, Herman Melville, John Dryden ou William Wordsworth sont truffées d'hébraïsmes, passés « tels quels » en anglais, et de réminiscences de cette Bible et de ses antécédents lorsqu'ils ont été repris par la King James.

Le nom alternatif de « version autorisée » (Authorised Version) a été longtemps utilisé au Royaume-Uni, car l'expression de « Bible du roi Jacques » était considérée comme très américaine.

Coquilles célèbres

À la suite d'une erreur d'impression, l'édition de 1631 de la Bible du roi Jacques a été plaisamment surnommée Bible vicieuse car elle semblait inciter à l'adultère au lieu de le condamner : en effet, l'omission du mot not dans le texte du 7e commandement du Décalogue (Exode 20:14), transformait l'injonction négative “Thou shalt not commit adultery” ("tu ne commettras point d'adultère") en une injonction positive “Thou shalt commit adultery” ("tu commettras l'adultère")[2].

Une autre coquille célèbre est celle de l'édition de 1612, la première au format in-octavo : dans le Psaume 119, au verset 161, il est écrit “Princes have persecuted me without a cause” ("les princes m'ont persécuté sans raison"), mais l'édition de 1612 dit : “Printers have persecuted me without a cause” ("les imprimeurs m'ont persécuté sans raison"). Certains pensent qu'il s'agit d'une vengeance d'un typographe mécontent de l'imprimerie londonienne Barker[2] !

Bibliographie

  • Jean Paul Dufour, « La version autorisée dite aussi Bible du roi Jacques. Quand la Parole se fait anglaise », dans Jean-Robert Armogathe (dir.), Le Grand Siècle et la Bible, Paris, Beauchesne, coll. « Bible de tous les temps », (ISBN 2-7010-1156-6), p. 361-374

Notes

  1. Cf. P. Collinson et H. Tomlinson (dir.), Before the English Civil War, Palgrave, , 236 p. (ISBN 0333308999), « The Jacobean Religious Settlement: The Hampton Court Conference »
  2. a b c d e et f (en) Michael A.G. Haykin, « "Zeal to Promote the Common Good”, the Story of the King James Bible », sur le site https://founders.org/ (consulté le )
  3. D'après Bruce M. Metzger et Bart D. Ehrman, The Text Of The New Testament: Its Transmission, Corruption and Restoration, Oxford University Press, , p. 152.
  4. a b et c Matthew Barret, The Geneva Bible and Its Influence on the King James Bible, p.21 lire en ligne
  5. D'après Naomi Tadmor, The Social Universe of the English Bible: Scripture, Society, and Culture in Early Modern England, Cambridge University Press, (ISBN 978-0-521-76971-6), p. 16, qui cite l'étude de John Nielson et Royal Skousen, « How Much of the King James Bible is William Tyndale's? An Estimation Based on Sampling », Reformation, no 3,‎ , p. 49–74.
  6. Charles C. Butterworth, The Literary Lineage of the King James Bible (Philadelphia, PA 1941), cité par Matthew Barret, The Geneva Bible and Its Influence on the King James Bible, p.24 [lire en ligne https://founders.org/site/wp-content/uploads/2018/03/FoundersJournal86.pdf]
  7. AS Herbert, Catalogue historique des éditions imprimées de la Bible anglaise 1525-1961, Londres, New York, Société biblique britannique et étrangère, American Bible Society, (ISBN 0-564-00130-9).

Voir aussi

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