Sayd Bahodine Majrouh

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Sayd Bahodine Majrouh
Naissance
Kaboul, Afghanistan
Décès
Peshawar, Pakistan
Activité principale
Écrivain, philosophe, militant
Auteur
Langue d’écriture Pashto, Dari
Genres

Œuvres principales

  • Le suicide et le chant (1988)
  • Ego-Monstre, en deux tomes :
    • Le Voyageur de Minuit (1989)
    • Le Rire des Amants (1991)

Compléments

  • Directeur du Centre Afghan d'Information (1981-1988)

Sayd Bahodine Majrouh (en pachto : سید بہاؤ الدین مجروح), né le à Kaboul (Afghanistan) et mort le à Peshawar (Pakistan), est un écrivain, poète, philosophe, folkloriste, politicien et militant afghan d'ethnie pashtoune[1].

Biographie[modifier | modifier le code]

Sayd Bahodine Majrouh, docteur en philosophie de l'Université de Montpellier, a été doyen de la Faculté des lettres de Kaboul et gouverneur de la province de Kâpîssâ[2]. Il est le fils de Sayd Shamsoudine Majrouh[3], qui a été membre du Parlement afghan, ministre de la Justice, ministre des Affaires tribales, sénateur et ambassadeur en Égypte (entre 1950 et 1973)[4],[5].

Auteur d'Ego-Monstre[modifier | modifier le code]

Son œuvre majeure en tant qu'écrivain est Ego-Monstre, un vaste conte philosophique à teneur militante et prophétique, mariant poésie, philosophie et fiction, dans lequel il attaque et déplore la tyrannie (dont le Monstre titulaire constitue l'incarnation) sous toutes ses formes. Ayant lui-même connu plus d'un visage de la tyrannie dans son propre pays, Majrouh y exprime et décrit la souffrance des individus et des peuples en proie au Monstre, ses diverses manifestations ou ses continuateurs. Par le truchement de paraboles, d'archétypes et de personnages symboliques, il exalte avec des accents soufis et plaide pour l'amour, la liberté et la beauté contre les affres de la cruauté, de la mégalomanie, de l'égoïsme et du nihilisme.

Au fil des années, Majrouh s'est livré à un important travail d'écriture, de réécriture, d'adaptation et d'édition d'Ego-Monstre : une première version rédigée en persan dari paraît en 1973, une seconde version rédigée en pashto en 1977, une traduction anglaise partielle de l'original dari révisé en 1984, puis la version française finale (quoique inachevée) à la fois réécriture et traduction, par les soins de Serge Sautreau, du texte dari révisé. Le texte français fut publié à titre posthume en deux tomes – Le Voyageur de Minuit en 1989 et Le Rire des Amants en 1991 – et a servi de base aux traductions en d'autres langues, dont l'arabe, l'italien et le danois[6].

Folkloriste[modifier | modifier le code]

En tant que folkloriste, Majrouh s'est tôt intéressé à la culture populaire et à sa préservation. C'est ainsi que, avec l'aide de sa belle-sœur[7], il a récolté chansons et témoignages auprès de femmes pashtounes pour ensuite rédiger ce qui deviendra Le suicide et le chant, une anthologie de distiques poétiques d'origine populaire précédés d'une étude, édité en 1988 avec la collaboration d'André Velter. De plus, il s'est chargé d'enregistrer des chansons populaires, avec ou sans musique, à fin de conservation du patrimoine afghan menacé pendant la guerre[8].

Directeur du Centre Afghan d'Information[modifier | modifier le code]

Majrouh fonda en 1981[9] et dirigea jusqu'à sa mort en 1988 le Centre Afghan d'Information (Afghan Information Centre) qu'il établit à Peshawar, son lieu d'exil tout près de la frontière afghano-pakistanaise, dans la province de Khyber Pakhtunkhwa au Pakistan. Le Centre se veut une organisation à but non lucratif, indépendante et non-partisane. En 1989, les objectifs du Centre étaient de reporter la situation exacte à l'intérieur de l'Afghanistan en se basant sur des informations exactes et fiables obtenues de l'intérieur même du pays, et de rendre ces informations disponibles sous la forme d'articles, de bulletins de nouvelles, d'enregistrements, de photographies et de films aux médias internationaux ainsi qu'aux individus et organisations privées et publiques internationales intéressées par ce qui se passe en Afghanistan[10].

Durant la guerre, le Centre, son directeur et leurs publications étaient reconnus internationalement comme la source d'information et d'analyse afghane la plus fiable, indépendante, complète et objective concernant plusieurs aspects de la guerre et de la Résistance. Les journalistes s'y appuyaient largement et Majrouh donnait de nombreuses conférences en Europe et aux États-Unis[11]. Un de ses fils, Naïm Majrouh, a succédé à la direction du Centre par la suite et est éditeur en chef du Afghanistan Quarterly, poursuivant ainsi l’œuvre de son père[8].

Décès[modifier | modifier le code]

La veille de son soixantième anniversaire, Majrouh fut la victime d'un assassinat de nature politique et partisane l'après-midi du à sa résidence de Peshawar[2]. Les sources divergent quant aux motifs exacts derrière le crime : on blâme des agents du KGB ou du KHAD (alliés pendant la guerre)[9] ainsi que des supporteurs du Hezb-e-Islami Gulbuddin[12] enragés par la prise de position ouvertement monarchiste de Majrouh qui préférait, à l'instar d'une large part de la population afghane, la réinstallation de Mohammed Zaher Chah au pouvoir plutôt que n'importe quel autre leader tribal ou parti politique[13]. Selon le journaliste Steve Coll, cet attentat a été interprété comme une attaque d'intimidation et de prévention de la part de Gulbuddin Hekmatyar contre ceux favorisant Zaher Chah une fois l'Afghanistan libérée de la présence soviétique[13].

Œuvres[modifier | modifier le code]

En français[modifier | modifier le code]

Quelques-uns de ses textes sont parus dans un livre de photos :

  • Chris Steele-Perkins (textes de André Velter, Sayd Bahodine Majrouh et Chris Steele-Perkins), Afghanistan, Marval Éditions, 2000 (ISBN 2-86234-297-1)

En d'autres langues[modifier | modifier le code]

Il est à noter que Majrouh a également publié plusieurs ouvrages dans les deux langues officielles de l'Afghanistan – soit le pashto et le persan dari – et qui n'ont pas été traduits en langues européennes, ce qui explique leur absence de cette liste incomplète.

  • (en) Alfred Brauner, Dr. Françoise Erna Brauner & Sayed Bahaouddin Majrooh, Children in War: Drawings from the Afghan Refugee Camps, Society for Central Asian Studies, « Central Asian Survey Incidental Paper No. 5 », 1988[9]
  • (en) Sayd Bahauddin Majrooh, Sufism and the Modern World[10]
  • (fa) Sayed Bahuddin Majrouh, « Sair-ul 'Ibad Ilal Ma'ad de Sanai de Ghazna » [« L'acheminement des créatures vers le lieu suprême du retour : sa signification et son intention »], Afghanistan, vol. 30, no 2, 1977, p. 1-24[14]

Références[modifier | modifier le code]

  1. Jade Lindgaard et Xavier de La Porte, Le B.A.-BA du B-HL. Enquête sur le plus grand intellectuel français, p. 175
  2. a et b Sayd Bahodine Majrouh, Le suicide et le chant, 1988, p. 7
  3. Gilles Dorronsoro, Revolution Unending. Afghanistan: 1979 to the Present, p. 171
  4. Ramazan Bachardoust, Afghanistan. Droit constitutionnel, histoire, régimes politiques et relations diplomatiques depuis 1747, p. 80
  5. Sayed Bahaouddin Majrooh et Sayed Mohammad Yusuf Elmi (éds.), The Sovietization of Afghanistan, p. 24
  6. Amir Moghani, « Copie d'acte de dissidence », dans Marc Kober (dir.), Poésies des Suds et des Orients, p. 219
  7. Åsne Seierstad, The Bookseller of Kabul, p. 38
  8. a et b Naïm Majrouh, « The talibans have banned all music »
  9. a b et c Rosanne Klass, « Genocide in Afghanistan 1978-1992 », dans Israel W. Charny (éd.), The Widening Gyre of Genocide. Volume 3: "Genocide: A Critical Bibliographic Review", p. 159
  10. a et b Afghan Information Centre, Monthly Bulletin, no 104
  11. Rosanne Klass, « Genocide in Afghanistan 1978-1992 », dans Israel W. Charny (éd.), The Widening Gyre of Genocide. Volume 3: "Genocide: A Critical Bibliographic Review", p. 159. Traduction approximative de l'original anglais : « Not affiliated with any party, this center, its director and its publications were internationally recognized as the most reliable, independent, comprehensive and objective Afghan source of information and analysis on many aspects of the war and the Resistance. Journalists relied heavily on this source and Majrooh lectured widely in Europe and the U.S. »
  12. Gérard Chaliand, Chaliand, un itinéraire combattant. Afrique, Asie, Amérique latine : 30 ans d'enquêtes de terrain, p. 375
  13. a et b Steve Coll, Ghost Wars: The Secret History of the CIA, Afghanistan, and bin Laden, from the Soviet Invasion to September 10, 2001, pp. 181-2
  14. Ramin Khanbagi (comp.), Persian Classical and Modern Poetry: A Bibliography, p. 78

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Afghan Information Centre, Monthly Bulletin, Peshawar, no 104, Neuvième année, (Disponible en document PDF.)
  • Ramazan Bachardoust, Afghanistan. Droit constitutionnel, histoire, régimes politiques et relations diplomatiques depuis 1747, L'Harmattan, 2003 (ISBN 2-7475-3654-8)
  • Gérard Chaliand, Chaliand, un itinéraire combattant. Afrique, Asie, Amérique latine : 30 ans d'enquêtes de terrain, Karthala, coll. « Hommes et Sociétés », 1997 (ISBN 2-86537-679-6) (Aperçu disponible sur Google Books.)
  • (en) Steve Coll, Ghost Wars: The Secret History of the CIA, Afghanistan, and bin Laden, from the Soviet Invasion to September 10, 2001, Penguin Books, 2004 (ISBN 1-59420-007-6) (Aperçu disponible sur Google Books.)
  • (en) Gilles Dorronsoro, Revolution Unending. Afghanistan: 1979 to the Present, Hurst & Company/CERI, 2005 (ISBN 0-231-13626-9)
  • (en) Ramin Khanbagi (comp.), Persian Classical and Modern Poetry: A Bibliography, Global Scholarly Publications, 2004 (ISBN 1-59267-038-5) (Aperçu disponible sur Google Books.)
  • (en) Rosanne Klass, « Genocide in Afghanistan 1978-1992 », dans Israel W. Charny (éd.), The Widening Gyre of Genocide. Volume 3: "Genocide: A Critical Bibliographic Review", Institute on the Holocaust and Genocide, 1994 (ISBN 1-56000-172-0) (Aperçu disponible sur Google Books.)
  • Jade Lindgaard et Xavier de La Porte, Le B.A.-BA du B-HL. Enquête sur le plus grand intellectuel français, La Découverte, coll. « Cahiers libres », 2004 (ISBN 2-7071-4478-9)
  • (en) Sayed Bahaouddin Majrooh et Sayed Mohammad Yusuf Elmi (éds.), The Sovietization of Afghanistan, Afghan Information Centre/Afghan Jehad Works Translation Centre, 1986 (Aperçu disponible sur Google Books.)
  • (en) Naïm Majrouh, « The talibans have banned all music », 1988. Allocution dans le cadre de la « 1st Freemuse World Conference on Music and Censorship ».
  • Amir Moghani, « Copie d'acte de dissidence », dans Marc Kober (dir.), Poésies des Suds et des Orients, Itinéraires et Contacts des Cultures, vol. 42, L'Harmattan, 2008 (ISBN 978-2-296-05967-2), (ISSN 1157-0342), (BNF 42201704), p. 219-226 (Une analyse traductologique du recueil poétique Chants de l'errance.)
  • (en) Åsne Seierstad, The Bookseller of Kabul, Back Bay Books, 2004 (ISBN 0-316-15941-7) (Aperçu disponible sur Google Books.)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Liens externes[modifier | modifier le code]