Utilisateur:Lisette.librorum/Brouillon

Une page de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
George Eliot
Description de cette image, également commentée ci-après
George Eliot par François D'Albert Durade, 1850.
Nom de naissance Mary Ann Evans
Alias
George Eliot
Naissance
Nuneaton, Warwickshire,
Drapeau du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande Royaume-Uni
Décès (à 61 ans)
Chelsea, Londres,
Drapeau du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande Royaume-Uni
Activité principale
Auteur
Langue d’écriture anglais
Genres

Œuvres principales

George Eliot, de son vrai nom Mary Ann (ou Mary Anne) Evans, est plus connue sus son nom de plume. La romancière anglaise est née le à Nuneaton, une bourgade au cœur des Midlands, au centre de l'Angleterre. Elle est morte le dans le quartier de Chelsea, à Londres. Romancière mais aussi poète et initialement traductrice et journaliste, elle est généralement considérée comme un des plus grands écrivains de l'époque victorienne. Elle est surtout connue pour diverses œuvres de fiction : Scènes de la vie du clergé (1858), une suite de trois longues nouvelles qui, comme ses premières œuvres romanesques en général, se situent dans une Angleterre provinciale, voire rurale, celle de ses Midlands natales. Elle a ensuite composé des romans parfois assez longs, qui frappent à la fois par leur réalisme et par la finesse et la profondeur de leurs études psychologiques : Adam Bede (1859), Le Moulin sur la Floss (1860), Silas Marner, le tisserand de Raveloe (1861), Romola (1862--63) un roman historique situé à Florence à l'époque des Médicis et de Savonarole, Felix Holt, le radical (1866), un roman politique revenant à l'Angleterre du XIXe siècle, Middlemarch (1871-72), vaste fresque panoramique consacrée à la vie de province en Angleterre autour des années 1830, souvent considéré comme l'un des romans les plus réussis de la littérature anglais, et enfin, Daniel Deronda (1876), le plus contemporain de ses romans, qui comporte une part de prophétie, puisqu'il envisage la création d'un état juif en Palestine.

Elle prit un nom de plume à consonance masculine afin de s'assurer que son œuvre soit prise au sérieux. Elle n'était pas la seule à agir ainsi, si l'on pense à l'exemple des sœurs Brontë. Dans son cas, l'objectif visé était multiple : s'assurer que ses œuvres ne soient pas perçues comme de la littérature facile entretenant les rêveries sentimentales des jeunes filles désœuvrées ; détourner l'attention du public d'un écrivain qui s'était illustré par ses prises de position parfois hardies et discutables dans le journalisme, les débats d'idées et la traduction d'auteurs allemands très peu orthodoxes en matière de religion ; enfin, le désir de préserver sa vie privée des curiosités du public et notamment sa relation scandaleuse avec George Henry Lewes, journaliste et homme de lettres déjà marié et père de trois garçons.

Biographie[modifier | modifier le code]

Tombe au cimetière de Highgate.

Mary Anne Evans est le troisième enfant de Robert Evans (1773-1849) et de sa seconde femme Christiana Pearson (1814-1859). Son père, Robert Evans, est régisseur au château d'Arbury Hall, appartenant à la famille Newdigate (Warwickshire) et habite avec sa famille une ferme en bordure de la propriété. D'un précédent mariage de son père avec Harriet Poynton, Mary Anne a une demi-sœur, Christiana (1814-1859) dite Chrissey, qui épousa un médecin, et un demi-frère, Isaac (1816-90) dont elle était aussi proche que Maggie Tulliver de son frère Tom dans Le Moulin sur la Floss. Elle n'eut guère le temps de connaître ses frères jumeaux, décédés peu après leur naissance en mars 1821. Robert Evans , d'origine sans doute galloise, comme son patronyme l'indique, avait un métier bien considéré dans la région de Nuneaton. Cet ancien menuisier était en effet devenu régisseur du domaine des Newdigate, des hobereaux vivant à Arbury Hall, dans le Warwickshire. Et la jeune Mary Ann, la petite dernière particulièrement chère à son père, est née sur le domaine, dans une ferme appelée South Farm. Quelques moins plus tard, au début des années 1820, la famille déménage pour s'installer dans une maison plus spacieuse et confortable, Griff House, entre Nuneaton et Coventry.

La jeune Marian (contraction de Mary Anne) qui était dotée d'une intelligence rare, était passionnée de lecture. Grâce à la position de son père dans le manoir, elle se voit autorisée à fréquenter la bibliothèque du château ; c'est là qu'elle fera son éducation dans les livres, en découvrant notamment Shakespeare, mais aussi Walter Scott, la gloire littéraire du moment.Son père avait beau avoir un faible pour elle, il se rendait compte que son physique ingrat pouvait compromettre ses chances de trouver un mari. Il valait mieux miser sur son éducation. De cinq à neuf ans, elle fut pensionnaire, avec sa sœur Chrissey, à l'école de Miss Latham à Attleborough. de neuf à treize ans, à l'école de Mrs Wallington à Nuneaton ; et de treize à seize ans, à l'école des demoiselles Franklin à Coventry. Dans la première école, elle fut fortement influencée par une enseignante, Maria Lewis, qui l'initia au courant évangélique. Ce courant s'était développé à la fin du XVIIIe siècle, surtout en réaction à l'essor du Méthodisme qui, malgré la volonté de son fondateur, John Wesley, s'était détaché de l'Église anglicane pour former une secte. En fait, l'Évangélicalisme avait beaucoup en commun avec le Méthodisme, mais il restait intégré à l'Église anglicane. Il insistait lui aussi sur la justification par la foi, l'expérience personnelle de la conversion, l'autorité suprême de la Bible et l'importance de la prédication par rapport à la liturgie. Dans sa dernière école, celle des demoiselles Franklin, la jeune Mary Ann vivait dans une atmosphère religieuse "baptiste" qui n'avait rien à voir avec l'Évangélicalisme. Mais elle garda l'habitude de correspondre avec Maria Lewis, son premier guide spirituel. Elle y étudia le piano avec succès et apprit le français, qu'elle maîtrisait assez bien. C'est ainsi qu'elle découvrit Pascal. À cette époque, la religion jouait un rôle capital dans sa vie personnelle.

Ces études furent interrompues en 1836, lorsque sa mère tomba gravement malade. Elle dut alors revenir à la maison avec sa sœur pour s'occuper des tâches domestiques et soigner sa mère. Mais son père lui fit donner des cours particuliers pour parfaire ses connaissances tant en langues anciennes qu'en langues vivantes. L'année où elle atteignit sa majorité (21 ans), son frère Isaac se maria et décida de rester dans la maison familiale, au service du même patron, tandis que son père et elle s'installèrent à Foleshill (en) près de Coventry. Là, son monde s'élargit, et Marian peut fréquenter d'autres cercles dans le clergé local ; elle fait la connaissance de Sara Hennell, gouvernante chez les Bonham-Carter, parents de Florence Nightingale. Elle se lie aussi avec le couple Charles et Cara Bray (la sœur de Sara Hennell). Charles Bray s'est enrichi grâce à la fabrication de rubans et consacre sa fortune à des projets philanthropiques, comme la construction d' écoles.

Maru-y Ann, qui a commencé à avoir des doutes dans le domaine religieux, devient ainsi l'amie des Bray, connus à Coventry comme libres-penseurs et même comme "radicaux" en politique (c'est-à-dire quasiment des "révolutionnaires"). Sous leur influence, elle est introduite à une pensée religieuse proche du libéralisme voire de l'agnosticisme. Comme elle a la réputation d'être une bonne germaniste, on l'invite à mener à bien une traduction entreprise, puis abandonnée, par un membre du cercle des Bray. Et c'est ainsi que sa première œuvre publiée en 1846 fut la traduction de David Friedrich Strauss, Das Leben Jesu, kritish bearbeitet (The Life of Jesus, critically examined), où la vérité des récits bibliques sur Jésus était remise en cause, notamment en ce qui concerne les "miracles".

L'ouvrage de Strauss, qui avait fait sensation en Allemagne, ne passa pas inaperçu en Angleterre, où il suscita de vives réactions. Par exemple, le comte de Shaftesbury déclara que la traduction était "le livre le plus pestilentiel recraché par la gueule de l'Enfer[1]." À la suite de cette expérience, la jeune femme fut invitée à traduire Das Wesen des Christentums (The Essence of christianity, 1854) de Ludwig Feuerbach, critique humaniste de la religion chrétienne avec laquelle elle se déclara en accord total et qui allait fortement influencer sa fiction.

Après la publication des deux traductions, son père, qui adhérait à la religion en partie par conformisme social mais aussi en partie par conviction, commença à s'interroger sur les croyances de sa fille. Il menaça même de la chasser de son toit, si elle refusait de l'accompagner au culte dominical. Fort heureusement, grâce à l'affection qui existait entre eux, cette menace ne fut jamais mise à exécution et un compromis fut trouvé : elle accompagnerait son père à l'église, mais penserait de la religion ce qui lui paraissait juste. Elle continua donc de tenir la maison de son père (seule après le mariage de Chrissey) et de prendre soin de lui jusqu'en 1848, l'année de sa mort, où elle avait atteint ses 30 ans.

Aussitôt après les Bray, constatant qu'elle s'était épuisée à soigner son père malade, l'emmenèrent sur le Continent, en Italie et en Suisse, pour lui, changer les idées et l'aider à sa rétablir. Elle aima tellement Genève qu'elle décida d'y prolonger son séjour, seule, ou plutôt comme pensionnaire des d'Albert-Durade qui devinrent ses amis. François d'Albert-Durade, qui devait inspirer le personnage de Philippe Wakem dans Le Moulin sur la Floss, était peintre, et c'est à lui que l'on doit le premier portrait connu de la jeune femme, que l'on peut voir aujourd'hui à Londres à la National Portrait Gallery. Ils restèrent liés et le peintre sera également le traducteur en français de plusieurs de ses œuvres.[2]

À son retour en 1850, elle s'installe à Londres pour se lancer dans une carrière littéraire et vivre de sa plume. Elle commence à signer "Marian Evans". Elle s'installe chez John Chapman, l'éditeur de sa traduction de La Vie de Jésus. Chapman vient d'acheter le journal de gauche, The Westminster Review (en), et Marian devient son assistante en 1851. Marian est fascinée par cet homme, qui ne s'embarrasse pourtant pas du scandale puisqu'il vit entre sa femme et sa maîtresse, laquelle habite sous son toit. Mais c'est aussi un homme cultivé, qui compte de nombreuses relations mondaines dans les milieux de l'édition, et Marian compte bien dans son ambition profiter de l'envergure d'un tel personnage. Elle rédige pour la revue force articles critiques de nature littéraire, sociologique, philosophique et religieuse ; tandis que Chapman se pare du titre de Rédacteur en chef, c'est elle qui assume en fait la fonction. Ce n'est pas étonnant si, de manière discrète d'abord, puis plus franchement, la jeune Marian s'éprend de son employeur. Dans le milieu littéraire londonien essentiellement masculin, elle étonne, voire scandalise, par sa présence. La femme et la maîtresse de Chapman se liguent pour évincer la jeune ambitieuse et Chapman finit par la repousser. Elle garde toutefois sa place à la Westminster Review, où elle et indispensable.

C'est alors qu'elle rencontre plusieurs personnalités du moment parmi lesquelles Herbert Spencer, un brillant intellectuel, rédacteur en chef de The Economist, qui vient de publier Social Statics ; Marian tombe éperdument amoureuse de lui, mais il la repousse.

Elle rencontre ensuite, en 1851, le philosophe et critique George Henry Lewes (1817-78) et à partir de 1854 ils décident de vivre ensemble comme mari et femme. Lewes était alors marié à Agnes Jervis, mais gardait une pratique de libre union ; d'ailleurs, en plus des trois enfants du couple, Agnes en eut d'autres d'un autre homme (Thornton Hunt). Cette pratique ouverte de ce qui était considéré comme de l'adultère empêche Lewes de divorcer. En 1854, Marian et George voyagent ensemble en Allemagne, allant à Weimar et Berlin car Lewis menait des recherches pour sa biographie de Goethe. Marian continue ses travaux sur la théologie en achevant la traduction de l'ouvrage de Ludwig Feuerbach L'essence du christianisme, parue en 1854. La suivante, celle de L'Éthique de Spinoza ne fut publiée qu'au siècle suivant.

Le voyage en Allemagne fait aussi office de lune de miel pour le couple, et Marian accole le nom de Lewes au sien : elle signe alors "Mary Ann Evans Lewes". L'adultère à cette époque n'était pas rare, mais le fait que le couple Lewes-Evans s'affiche ouvertement comme un couple en dehors des liens du mariage scandalise leur entourage. De retour en Angleterre, Marian se tient à l'écart des sociétés littéraires de Londres et entend se consacrer désormais à devenir une romancière à part entière, une volonté qu'elle affiche dans un de ses derniers billets pour la Review. Un de ses derniers articles ressemble à un manifeste  : "Silly Novels by Lady Novelists"(1856). Cet article critique la production surabondante de romans d'une banalité affligeante écrits par des femmes. Dans d'autres articles, elle fait l'éloge du réalisme qui commence à s'imposer partout en Europe, ce qui annonce l'orientation décisive de ses propres romans. Pour se lancer elle-même dans la fiction, elle se donne un nom de plume qui n'est pas sans rappeler "George Sand", pour laquelle elle avait une véritable admiration. Comme elle l'explique à son premier biographe, John Walter Cross, "George" est aussi le prénom de Lewes. Quant à Eliot, c'est un patronyme assez courant et facile à prononcer.

C'est sous ce pseudonyme que le premier volet des Scenes of Clerical Life (Scènes de la vie du clergé), "The sad fortunes of the Reverend Amos Barton", est publié dans le Blackwood's Magazine. Blackwood le reprend en 1858, enrichi de deux autres nouvelles , "Mr Gilfil's Love story" et "Janet's repentance", dans une édition en deux volumes qui fut assez bien reçue. Lorsqu'on spécula pour savoir qui avait pu les écrire, on pensa naturellement à un ecclésiastique de province. Seul Dickens fit preuve de clairvoyance en décelant dans cette œuvre des preuves tangibles qu'elle avait été écrite par une femme.

Son œuvre suivante, son premier roman, Adam Bede (1859) remporta un succès inouï, devenant ce que nous appelons maintenant un best seller. Les spéculations sur l'identité de l'auteur reprirent de plus belle. Il y eut même un parfait inconnu, un certain Joseph Liggins, qui prétendit en être l'auteur, en ajoutant que son éditeur, Blackwood, le maltraitait en négligeant de le rémunérer comme il le devait. George Eliot fut contrainte de se démasquer et de révéler son identité : c'était elle, Marian Evans Lewes, qui en était l'auteur.

Cette révélation n'affecta en rien son succès de romancière, qui ne fit que se confirmer au fil des années et des œuvres. Entre la mort de Dickens en 1870 et la sienne en 1880, elle était unanimement respectée comme la meilleure romancière d'Angleterre. Sa relation affectueuse avec Lewes lui apportait la stabilité et les encouragements dont avait si grand besoin une personnalité inquiète, anxieuse, même, pour écrire de la fiction dans les meilleures conditions.

Avec les années, à mesure que se multipliaient les succès littéraires, le couple Lewes fut accepté peu à peu dans la bonne société victorienne. La reconnaissance officielle fut sans doute confirmée après la publication de Daniel Deronda (1876) , son dernier roman, lorsque les Lewes furent présentés, en 1877, à la princesse Louise, fille de la reine Victoria. La reine elle-même lut avec le plus grand intéret les romans de George Eliot, à commencer par le premier, Adam Bede (1859), qui l'impressionna tant qu'elle demanda au peintre Edward Henry Corbould de représenter des scènes remarquables du livre.

George Eliot vécut près d'un demi-siècle avec Lewes, qui mourut d'un cancer en 1878. Après la mort de Lewes, en 1878, George Eliot entreprit de réviser l'œuvre qu'il avait dû abandonner, faute de temps pour la finir et la publier, Problems of Life and Mind (1879). En mémoire de Lewes, elle créa une bourse d'étudiant à son nom, à l'Université de Cambridge. Pour sa part, elle publia encore un livre d'essais, Impressions of Theophrastus Such (1879), un peu à la manière de La Bruyère et de son maître grec Théophraste.

La mort de Lewes l'avait affectée, à la mesure du bonheur qu'ils avaient connu ensemble. Pourtant, à la surprise générale, le 6 mais 1880, elle épousa leur jeune banquier, John Walter Cross, de 20 ans son cadet, qui venait de perdre sa mère…

Après son mariage avec Cross et son retour à Londres, à Cheyne Walk, dans le quartier de Chelsea, elle prit froid lors d'un concert (18 décembre ) ; elle sentit que son état de santé se dégradait sérieusement, à la suite d'une laryngite et de violentes douleurs rénales (l'affection qui avait emporté son père) et mourut le 22 décembre 1880. Elle fut inhumée dans le cimetière londonien de Highgate, près de Lewes, dans la partie réservée aux "dissidents" et aux "agnostiques" — non loin en fait de la tombe de Herbert Spencer et de celle de Karl Marx. Et en 1980, pour le centième anniversaire de sa mort, on lui consacra un petit "monument" dans le Poets' Corner, à l'Abbaye de Westminster.

La maison du no 4 Cheyne Walk, à Chelsea, possède une blue plaque commémorative depuis 1949[3]..

Œuvre littéraire[modifier | modifier le code]

Pendant toute sa carrière, George Eliot a écrit avec une plume spécialement pénétrante, sur le plan social et même politique. Dans Adam Bede, Le Moulin sur la Floss et Silas Marner, elle s'est intéressée à des personnages exclus de la société et victimes de diverses persécutions, dans les petites villes autant qu'à la campagne. Son roman historique, Romola, présente des personnages issus du peuple, tout en faisant la part belle à des personnalités célèbres ; elle introduit la thématique politique dans un contexte étranger et distant de son temps. Felix Holt, le radical se tourne résolument vers la politique nationale et contemporaine, et c'est bien une crise politique que l'on trouve au cœur de Middlemarch où elle présente la vie quotidienne d'un certains nombre d'habitants d'une petite ville de province, à la veille de la réforme électorale de 1832 qui commence à élargir le cercle des électeurs. Ce roman, véritable panorama social, reste célèbre pour l'ampleur de la narration, la finesse des analyses psychologiques et ses portraits de personnages élaborés et nuancés. Quant aux racines de son esthétique réaliste, on peut déjà les observer dans le compte rendu qu'elle a consacré à l'ouvrage de John Ruskin, Modern Painters, dans la Westminster Review en 1856.

Les lecteurs victoriens appréciaient ses romans pour leur peinture de la société rurale, en passe d'être bousculée par l'industrialisation. Avec le poète William Wordsworth, elle partageait la conviction qu'il y avait de la richesse et de la beauté dans les réalités simples de la vie rurale. Après son incursion dans le roman historique avec Romola (1863), elle se permit encore quelques innovations, notamment avec The Spanish Gipsy (1868), un drame en vers blancs, conçu sur le modèle shakespearien, mais, même si sa poésie a été plutôt bien reçue, elle doit essentiellement sa gloire à la création romanesque.

On n'oubliera pas qu'elle a commencé sa carrière littéraire comme traductrice, ce qui l'a exposée à la philosophie sociale, morale et religieuse d'œuvres comme La Vie de Jésus de Strauss, L'Essence du Christianisme de Feuerbach ( qui a inspiré l'athéisme de Karl Marx) et de L'Éthique de Spinoza. Bon nombre d'éléments de ces œuvres se retrouvent , plus ou moins transformés ou assimilés, dans sa fiction, qui porte manifestement la trace d'un humanisme agnostique. Elle était en accord total avec la conception du christianisme propre à Feuerbach, pour qui notre idée de la nature du divin se retrouvait dans la nature de l'humain projeté dans la figure divine. Cette philosophie parcourt toute son œuvre romanesque y compris son roman historique, Romola, où son protagoniste manifeste une tendance curieusement moderne à interpréter le langage religieux en termes humanistes et séculiers. Même si elle n'adhérait plus à la religion de sa jeunesse, elle gardait un profond respect pour la tradition religieuse et son pouvoir de maintenir le sentiment de l'ordre moral et de l'ordre social. Les éléments religieux de ses romans doivent bien sûr beaucoup à sa formation initiale et à son éducation de base, surtout quand on s'aperçoit à quel point ce que vit la petite Maggie Tulliver dans Le Moulin sur la Floss présente d'analogies avec ce qu'a vécu la jeune Mary Ann Evans. En outre, George Eliot a vécu une situation pénible, comparable à celle de Silas Marner, dont le divorce avec l'église signifiait également un divorce avec la société. Et curieusement, c'est parce qu'elle gardait des traces de respect pour la religion que le philosophe allemand Friedrich Nietzsche s'est moqué de son système moral qui présente le péché comme une dette que l'on peut expier par la souffrance, ce qu'il méprisait comme typique des "petites femmes moralisatrices à la Eliot"[4].

Son œuvre la plus autobiographique n'est pas la plus connue. C'est un essai,"Looking Backwards", qui fait partie de sa dernière publication, The Impressions of Theophrastus Such (1879).

Postérité[modifier | modifier le code]

Après Daniel Deronda (1876), son dernier grand succès romanesque, ses ventes ont commencé à décliner légèrement et, assurément, le public a commencé à s'intéresser un peu moins à elle. Cette tendance fâcheuse a sans doute été aggravée par l'effet de sa biographie posthume, écrite par John Cross, qui la représente comme une femme merveilleuse, presque sainte, sans aucun rapport avec la vie scandaleuse qu'elle avait menée aux yeux de bien des Victoriens. Cette pseudo-hagiographie, qui avait cependant le mérite d'apporter des informations de première main, encore inconnues, n'était guère convaincante.

Au XXe siècle, George Eliot fut défendue plus efficacement par une nouvelle génération de critiques, et d'abord par Virginia Woolf, très impressionnée par le parcours littéraire original de cette femme de lettres anglaise du XIXe siècle. Elle écrivit, en 1919, que Middlemarch était « One of the few English novels written for grown-up people » (« L’un des rares romans anglais écrits pour les grandes personnes »).

En 1994, le critique littéraire Harold Bloom place George Eliot parmi les écrivains occidentaux les plus importants de tous les temps[5]. En 2007, une consultation des écrivains menée par le magazine américain Time a classé Middlemarch comme la dixième œuvre littéraire la plus importante jamais écrite[6]. En 2015, des écrivains étrangers au Royaume-Uni l'ont classé premier — et de très loin — de tous les romans britanniques.

De nombreuses adaptations au cinéma et à la télévision n'ont fait que la remettre en avant auprès d'un large public.

Mais, dans tout ce mouvement, quid de la France où sa notoriété laisse encore à désirer, et l'on trouve encore des lecteurs cultivés qui ne l'ont jamais lue, ce qui paraît incroyable à des lecteurs anglo-saxons ? Il faut savoir qu'elle a eu très tôt chez nous d'ardents défenseurs, comme Hippolyte Taine, Émile Montégut, Edmond Schérer, Ferdinand Brunetière, Albert Thibaudet, Charles Du Bos, pour ne citer que les critiques, mais aussi André Gide ou un certain Marcel Proust, particulièrement fasciné par Le Moulin sur la Floss, sans doute parce qu'il s'agit déjà d'une "recherche du temps perdu" avant la lettre. Proust allait jusqu'à écrire qu'il ne pouvait lire deux pages de ce roman sans être ému jusqu'aux larmes.

Il faut savoir qu'ensuite, entre les deux guerres, George Eliot en général et Silas Marner en particulier, faisaient partie des proposition de lecture dans l'enseignement secondaire en France, au temps où l'apprentissage d'une langue vivante passait nécessairement par sa littérature.

Plus près de nous, George Eliot a trouvé en France deux célèbres avocates pour défendre sa cause : Simone de Beauvoir et Mona Ozouf.Simone de Beauvoir, qui l'a découverte quand elle était encore jeune fille, en lisant Adam Bede, puis le Moulin sur la Floss dans le texte anglais, pendant des vacances d'été du lycée, rapporte son enthousiasme dans ses Mémoires d'une jeune fille rangée (1958):; et plus près de nous, Mona Ozouf philosophe, et historienne de formation, qui a une fine connaissance de de la littérature anglaise et américaine (entre autres Henry James), a publié récemment une magnifique étude consacrée entièrement à George Eliot, qu'elle a découverte lorsqu'elle était adolescente comme un trésor caché dans la bibliothèque de son père. Son livre est intitulé L'autre George. À la rencontre de George Eliot (2018)[7]. La consécration du renouveau d'intérêt pour George Eliot, qu'elle a contribué à susciter, a abouti à la publication du Moulin sur la Floss et de Middlemarch dans la bibliothèque de la Pléiade en 2020.

Notons que l'autrice de comic strip Jan Eliot a pris ce nom de plume en hommage à George Eliot[7]

Œuvres[modifier | modifier le code]

Romans[modifier | modifier le code]

  • Adam Bede, 1859, Londres : Blackwood, 1859. Adam Bede - traduction en français d'Albert-Durade, revue et préfacée par Dominique Jean, Paris, Archipoche, 2022. lire en ligne sur Gallica la traduction du XIXe s.
  • The Mill on the Floss, Londres: Blackwood,1860 - lire en ligne sur Gallica. Le Moulin sur la Floss, texte présenté, traduit et annoté par Alain Jumeau, Paris: Gallimard, 2003; réédition en poche (trad. Alain Jumeau) (ISBN 978-2-0704-2627-0)
  • Silas Marner, the weaver of Raveloe, Londres: Blackwood, 1861. Silas Marner, le tisserand de Raveloe, préface inédite de Marie Darrieusecq, traduction de Pierre Leyris révisée par Alain Jumeau, Paris : Gallimard, 2023 lire en ligne sur Gallica
  • Romola, 1862-1863, Cornhill Magazine, 1862-63; Londres : Smith, 1863. [lire en ligne]
  • Felix Holt, the Radical (en), Londres : Blackwood,1866 [lire en ligne]. Felix Holt , le radical, Préface de Mona Ozouf, texte traduit et annoté par Alain Jumeau, Paris Gallimard, 2021.
  • Middlemarch, Londres: Blackwood 1871-72 et 1872. Middlemarch, préface de Virginia Woolf, texte traduit et annoté par Sylvère Monod, Paris, Gallimard, 2005. lire en ligne sur Gallica
  • Daniel Deronda, 1876. Daniel Deronda, vol 1 et 2, texte présenté, traduit et annoté par Alain Jumeau, Paris: Gallimard, 2010.

Poésie[modifier | modifier le code]

  • The Choir Invisible, 1867
  • The Spanish Gypsy (poème dramatique), 1868 [lire en ligne]
  • Agatha, 1869 [lire en ligne]
  • Brother and Sister, 1869 [lire en ligne]
  • Armgart, 1871 [lire en ligne]
  • Stradivarius, 1873 [lire en ligne]
  • The Legend of Jubal, 1874 [[ lire en ligne]]
  • Arion, 1874 [[ lire en ligne]]
  • A Minor Prophet, 1874 [lire en ligne]
  • A College Breakfast Party, 1879
  • The Death of Moses, 1879 [lire en ligne]
  • From a London Drawing Room
  • Count That Day Lost
  • I Grant You Ample Leave

Autres œuvres[modifier | modifier le code]

Œuvres dérivées[modifier | modifier le code]

Adaptations cinématographiques[modifier | modifier le code]

Éditions en ligne, traductions françaises[modifier | modifier le code]

Listes[modifier | modifier le code]

Œuvres[modifier | modifier le code]

  • (en) George Eliot, The Mill on the Floss, Forgotten Books, , 474 p. (lire en ligne)
  • (en) George Eliot, MiddleMarch, Forgotten Books, , 908 p. (lire en ligne)
  • (en) George Eliot, Sylas Marner and Scenes of Clerical Life, Fields, Osgood, , 332 p. (lire en ligne)
  • (en) George Eliot, Romola, Harper & brothers, (lire en ligne) (volume V de Novels of George Eliot)
  • (en) George Eliot, Adam Bede, Felix Holt, and Scenes of clerical life, Fields, Osgood, (lire en ligne) (volume 1 de Novels of George Eliot)
Traductions françaises
  • George Eliot (trad. M.-J. M.), Middlemarch, Calmann Lévy, (lire en ligne) sur Wikisource
  • George Eliot (trad. A.-F. D'Albert-Durade), Romola ou Florence et Savonarole, t. 1, Hachette, , 326 p. (lire en ligne)
  • George Eliot (trad. Auguste Malfroy), Silas Marner, le tisserand de Raveloe, Paris, Hachette, , 338 p. (lire en ligne) (Google Books)
  • George Eliot (trad. Ernest David), Daniel Deronda, vol. 2, Paris, Calmann Lévy, (lire en ligne) (Google Books)
  • Felix Holt, le radical (trad., éd. : Alain Jumeau), Préface de Mona Ozouf, Gallimard, Folio classique (n° 6817), 2021, (ISBN 9782072858505), [lire en ligne]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Valérie Fehlhbaum, « Qui est cette femme? », notice sur le tableau intitulé "M.-A. Evans" (George Eliot), sur Bibliothèque de Genève Le Blog, (consulté le ). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  2. (en) « George Eliot Blue Plaque, Chelsea », sur openplaques.org (consulté le )
  3. Jean-Louis Tissier, « Une voix de George », Libération.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. Bloom, Harold. 1994. The Western Canon: The Books and School of the Ages. p. 226. New York: Harcourt Brace.
  5. Lev Grossman, « The 10 Greatest Books of All Time », TIME,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. Ozouf, Mona., L'autre George : à la rencontre de George Eliot, Paris, Gallimard, 242 p. (ISBN 978-2-07-280202-7 et 2072802024, OCLC 1055833680, lire en ligne)
  7. a et b Washington Post chat transcript, 24 octobre 2003.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Price Leah (trad. Valérie Cossy), « Genre et lectorat : le cas de George Eliot », Nouvelles Questions Féministes (Vol. 22),‎ , p. 28-41 (lire en ligne)
  • Mona Ozouf, L’Autre George. A la rencontre de George Eliot, Paris, Gallimard, , 256 p. (ISBN 978-2-07-280202-7)
  • Nicole Blachier, Le monde provincial et sa présentation dans les romans de George Eliot (1819-1880) - thèse 3è cycle, faculté des langues et lettres de Grenoble 1974 - 2 volumes (un livret de photos et vues sur la vie de l'écrivain)

Liens externes[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :