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L'histoire des représentations est une sous-discipline récente de l'historiographie. Elle s'inspire de l'histoire des mentalités mais se concentre sur les sources iconographiques et textuelles. Elle a pour but d'analyser la manière dont les gens (individus ou groupes) vivant à une époque donnée se représentent le monde qui les entoure.


Définition[modifier | modifier le code]

L’histoire des représentations est une branche récente de l’historiographie. Elle recoupe plusieurs types d’histoires : histoire politique, histoire sociale, histoire des mentalités[1] …. et s’inspire directement de l’histoire des mentalités. Cependant, sa définition se veut plus rigoureuse que celle de lhistoire des mentalités. Le concept « représentation » intègre les sources iconographiques en plus des sources textuelles. L’étude se concentre sur la manière dont les hommes et les femmes du passé se sont représentés les choses[2]. En fait, « elle témoigne de ce qu’un individu, un groupe, une collectivité a perçu d’une réalité et comment elle est parvenue jusqu’à nous »[3].

L'histoire des représentations se fait de manière plus prudente que l'histoire des mentalités: les auteurs sont sceptiques quant à l'attribution d'états mentaux à des classes ou à des catégories sociales entières. De plus, ils mettent en doute l'emploi de méthodes quantitatives dans l'étude de ces états mentaux. Enfin, ils rechignent à établir des relations claires et univoques entre phénomènes mentaux et condition sociale. Les représentations ne sont donc plus considérées comme un simple « reflet mental » (sorte de superstructure au sens marxiste) de la réalité socio-politique, avec ses luttes et ses conflits d'intérêts et de pouvoir, mais plutôt comme l'espace, le « champ de bataille », où agissent et s'affrontent les acteurs et les partis opposés. Aucune démarcation claire ne sépare donc la réalité socio-politique (le monde matériel, l'univers des pratiques et de l'action politique) de la perception et de la représentation symbolique ou culturelle (langagière, artistique…) de cette réalité. Dans cette optique, l'histoire des représentations a pu être caractérisée comme une histoire culturelle du social[4].

Tout en étant distincte de l’histoire des mentalités, l’histoire des représentations partage certaines de ses caractéristiques. Tout est source pour ces courants historiographiques, notamment l’hagiographie et les documents littéraires et artistiques[5]. Les historiens des représentations s'intéressent également aux thèmes iconographiques, aux symboles et aux rituels voire même aux règles de politesse : l'histoire des représentations n'est donc pas détachée des structures sociales[6]. La notion même de représentation est également en lien avec l’histoire des émotions, puisqu’elle englobe l’approche des attitudes collectives devant la vie, l’amour, la sexualité...[7]

Dans une perspective plus théorique, cette notion est avant tout conçue par l’historien comme un élément nécessaire de la chaîne conceptuelle, qui le guide dans la façon de nommer et définir les différents aspects de la réalité[8]. Son axe de réflexion se situe au niveau des pratiques sociales relevant d'un inconscient psychologique plutôt que d'une conscience intellectuelle ; il privilégie les phénomènes collectifs aux aspects individuels[9]. L’histoire des représentations est donc avant tout une histoire sociale, qui étudie les attitudes collectives à travers le filtre des représentations pour se distinguer de l’histoire conceptuelle du politique[10]

Origines et évolution[modifier | modifier le code]

L’histoire des représentations est une excroissance de l’histoire des mentalités, qui elle-même découle de la Nouvelle Histoire conceptualisée par l'école des Annales[11]. Il s'agit d'une histoire rédigée par des auteurs majoritairement français, qui apparaît dans les années 1980-1990 suite au déclin de l'histoire des mentalités. Cette dernière a dominé l'historiographie dans les années 1970-1980 aux côtés de l'histoire totale conceptualisée par Fernand Braudel : elle prétend étudier entre autres, la démographie, l’économie, la psychologie et l’ethnologie[12]. Suite à son déclin, dû au fait que « beaucoup d’historiens, et en particulier ceux qui dirigeaient alors la discipline, refusaient de reconnaître pleinement et avec respect l’existence de rationalités anciennes, différentes des nôtres, ayant leur logique propre » [13], le terme « histoire des représentations » se généralise pour nommer cette sous-discipline qui étudie notamment les attitudes devant la vie, la famille et la mort. L'histoire des représentations redécouvre également les sentiments, les émotions et les pulsions à travers l’histoire[14].

Le théoricien de l’histoire des représentations est Rogier Chartier. Il propose de « faire une histoire avec un retour du social à partir des représentations que l’on s’en fait et qui le conditionnent »[15] : les représentations deviennent ainsi un moyen de faire de l’histoire sociale, puisqu’elles sont le médium essentiel pour refléter les attitudes collectives[16].

Il existe une ambiguïté sémantique entre le terme représentation (français) et representation (anglais). Le terme anglais évoque également la symbolique des contenus mentaux[17] et de l’imaginaire[18]. Selon les observations de Gérard Noiriel, les deux signifiés sont lexicalisés différemment en allemand : Vorstellung désigne le contenu mental alors que Darstellung indique l’expression symbolique[19]. La polysémie du mot français peut donc prêter à confusion. De plus, le terme représentation peut également se rattacher aux images matérielles en incluant les représentations visuelles[20]. Cette ambiguïté est davantage perceptible dans le domaine des études médiévales avec un rapprochement de « l’histoire des représentations » et de « l’anthropologie des images ». 

Aujourd'hui, l'histoire des représentations traite de sujets multiples tant elle peut s'appliquer à des sujets de nature différente (histoire de la famille, histoire de la violence, histoire animale, histoire des plantes, ...). Certains historiens se sont spécialisés dans cette approche à tel point que certains d'entre eux en sont devenus spécialistes de la méthode (Jean-Philippe Cornet, Myriam Watthee-Delmotte, ...).


Méthodes et sources[modifier | modifier le code]

Dans un premier temps, les historiens des représentations ont utilisé une analyse quantitative afin de visualiser l’évolution et les inflexions significatives des représentations dans le temps. Cette méthode vient de l’influence des travaux d’Ernest Labrousse et François Simiand sur l’histoire sociale. Les sources valorisées sont alors les testaments, les ex-voto, les retables, …

Par la suite, les historiens des représentations préfèrent l’étude de cas, l’étude d’un individu représentatif de l’« exception normale » théorisée par Carlo Ginzburg. Selon Michel Vovelle, ces deux approches ne sont pas nécessairement opposées, mais peuvent être complémentaires.

Les sources utilisées pour l’histoire des représentations sont notamment les témoignages littéraires (aujourd’hui remis en question), mais surtout les documents iconographiques[21]. Les mots, les images et les symboles sont les sources principales, mais l’histoire des représentations étudient également les modalités de l’échange d’images par le livre, les réseaux de sociabilité ou encore les porte-parole[22].


Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Notions

Théoriciens

Autres auteurs

Revues et groupes de recherches[modifier | modifier le code]

  • Representations (revue américaine pluridisciplinaire créée en 1983).
  • Centre de Recherche sur l'Imaginaire (centre de recherches installé sur le campus de l'UCLouvain ).
  • Centre Régional d'Histoire des Mentalités (centre de recherches installé à Montpellier).
  • Groupe de recherches en Histoire des Représentations (à l'Université François Rabelais).

Travaux en histoire des représentations (liste non-exhaustive)[modifier | modifier le code]

  • Bernard-Griffiths, S., Glaudes, P. et Vibert, B., La fabrique du moyen âge au XIXe siècle : représentations du moyen âge dans la culture et la littérature françaises du XIXe siècle, Paris, 2006.
  • Deffayet, D. et Vanderborght, A., Peaux noires-regards blancs : les représentations de l'Africain dans l'imaginaire occidental, Bruxelles, 1995.
  • Icher, F., Les compagnonnages en France au XXe siècle: histoire, mémoire et représentations, Paris, 1999.
  • Lecuppre, G., Images de la compétition royale à la fin du Moyen Âge, dans Collard, F., Lachaud, F., et Scordia, L., Images, pouvoirs et normes. Exégèse visuelle de la fin du Moyen Âge (XIIIe-XVe siècle), Paris, 2008, p. 131-160.
  • Martin, H., Mentalités médiévales. 2, Représentations collectives du XIe au XVe siècle, Paris, PUF, 2001.
  • Muchembled, R, Société et mentalités dans la France moderne XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, 1990.
  • Rey, M.-P., 1812, la campagne de Russie: histoire et représentations, Paris, 2012.
  • Ruffini-Ronzani, N., Châtelains et évêques de Cambrai autour de l’an mil : réalités et représentations, dans Revue du Nord, vol. 410, n°2, 2015, p. 337-355.
  • Tamagne, Fl., Mauvais genre : une histoire des représentations de l'homosexualité, Paris, 2001.
  • Vovelle, M., Sociétés, mentalités, cultures: France (XVe-XXe siècles), Aix-en-Provence, Université d’Aix-en-Provence, 1997.
  • Watthée-Delmotte, M., La violence: représentations et ritualisations, Paris, 2002.

Travaux à propos de l'histoire des représentations (liste non-exhaustive)[modifier | modifier le code]

  • Artières, P., L’inscription dans un courant historiographique majeur, dans Sociétés & représentations, vol. 40, no 2, 2015, p. 343-349.
  • Baschet, J. et Schmitt, J.-C., dir., L'image : fonctions et usages des images dans l'Occident médiéval, Paris, 1996.
  • Bertrand, R. et Carlotti, F.-X., Des « mentalités » aux « représentations » : un moment de la recherche aixoise. Entretien de Régis Bertrand, dans Rives méditerranéennes, vol. 48, no 2, 2014, p. 189-207.
  • Bourdieu, P. et Chartier, R., Le sociologue et l’historien, Marseille, Agone, 2010.
  • Boureau, A., La compétence inductive. Un modèle d'analyse des représentations rares, dans Lepetit, B., dir., Les formes de l'expérience. Une autre histoire sociale, Paris, 1995, p. 23-38.
  • Brilli, E., L'essor des images et l'éclipse du littéraire. Notes sur l'histoire et sur les pratiques de l'histoire des représentations, dans Faire l'anthropologie historique du Moyen Âge, Brilli, E., Dufal, B., Dittmar,P.-O, éd., num. mon. de l'Atelier du Centre des Recherches Historiques, 7/2010. En ligne: http://acrh.revues.org/index2028.html.
  • de Certeau, M., L’écriture de l’histoire, Paris, Gallimard, 1984.
  • Chartier, R. Le monde comme représentation, dans Chartier, R., Au bord de la falaise. L'histoire entre certitudes et inquiétude, Paris, 1998, p. 67-86.
  • Corbin, A., Le vertige des foisonnements, esquisse panoramique d'une histoire sans nom, dans Revue d'histoire moderne et contemporaine, 39/1, 1992, p. 103-126.
  • Corbin A., Deloye, Y. et Haegel, F., De l’histoire des représentations à l’histoire sans nom. Entretien avec Alain Corbin, dans Politix, vol. 6, no 21, 1993, p. 7-17.
  • Cousin, B. et Gebeil, S., Des « ex-voto » au document audiovisuel. Pour une histoire des représentations. Entretien de Bernard Cousin, dans Rives méditerranéennes, vol. 48, no 2, 2014, p. 133-148.
  • Daniel, U., Kompendium Kulturgeschichte, Frankfurt a. M., 2002.
  • Dekoninck, R., Le pouvoir des images. De l’histoire des mentalités à l’histoire des cultures visuelles dans Clio Revue de l’Association des historiens et du Département d’histoire de l’UCL, n°125, 2006, p. 8-11.
  • Delacroix, C., dir., Historiographies : concepts et débats, Paris, Gallimard, 2010.
  • Delacroix, C., Dosse, F. et Garcia, P., Les courants historiques en France : 19e – 20e siècles, Paris, Armand Colin, 1999.
  • Delacroix, C., Dosse, F. et Garcia, P., Histoire et historiens en France depuis 1945, Paris, ADPF, 2003.
  • Dortier, J.-F., L'univers des représentations ou l'imaginaire de la grenouille, dans Sciences humaines, t.128, 2002, p. 24-31 et 39 (bibliographie).
  • Ginzburg, C., Représentation: le mot, l'idée, la chose, dans Annales. Économies Sociétés Civilisations, t.46, no 6, 1991, p. 1219-1234.
  • Jodelet, D., dir., Les représentations sociales, Paris, PUF, 2003.
  • Le Goff, J., Nora, P., Faire de l’histoire, Paris, Gallimard, 1974.
  • Noiriel, G., Qu'est-ce que l'histoire contemporaine, Paris, 1998.
  • Poirrier, P., Les enjeux de l'histoire culturelle, Paris, 2004.
  • Prost, A., Sociale et culturelle indissociablement, dans Rioux, J.-P. et Sirinelli, J.-F., dir., Pour une histoire culturelle, Paris, 1997, p. 131-146.
  • Ricœur, P., La mémoire, l'histoire, l'oubli, Paris, 2000, p. 238-253.
  • Roucloux, J., Retour sur un itinéraire intellectuel. De l’anthropologie à l’histoire des représentations, dans Revue du MAUSS, vol. 21, no 1, 2003, p. 405-425.
  • Solchany, J., Images et imaginaires. Le rôle des représentations en histoire, dans Vingtième Siècle, vol. 53, no 1, 1997, p. 157-158.
  • Vovelle, M., Histoire et représentations, dans Ruano-Borbalan, J.-C., dir., L'histoire aujourd'hui. Nouveaux objets de recherche. Courants et débats. Le métier d'historien, Auxerre, 1999, p. 45-49.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Corbin, A., Deloye, Y., et Haegel, F., De l’histoire des représentations à l’histoire sans nom. Entretien avec Alain Corbin, dans Politix, vol. 6, no 21, 1993, p. 7-17.
  2. Cousin, B. et Gebeil, S., Des « ex-voto » au document audio-visuel. Pour une histoire des représentations. Entretien de Bernard Cousin, dans Rives méditerranéennes, vol. 48, no 2, 2014, p. 133-148.
  3. Artières, P., L’inscription dans un courant historiographique majeur, dans Sociétés & représentations, vol. 40, no 2, p. 343-349.
  4. Prost, A., Sociale et culturelle indissociablement, dans Rioux, J.-P. et Sirinelli, J.-F., dir., Pour une histoire culturelle, Paris, 1997, p. 131-146.
  5. Le Goff, J., Nora, P., Faire de l’histoire, vol. 3, Paris, 1974, p. 87.
  6. Samaran, C., L’Histoire et ses méthodes, Paris, 1967, p. 962.
  7. Vovelle, M., Histoire et représentations dans Ruano-Borbalan, J.-C., dir. L’histoire aujourd’hui, Paris, 1999, p. 57.
  8. Jodelet, D, dir., Les représentations sociales, Paris, 1989, p. 47.
  9. Delacroix, C., Dosse, F. et Garcia, P., Histoire et historiens en France depuis 1945, Paris, 2003, p. 114.
  10. Vovelle, M. et Bosseno, C.-M., Des mentalités aux représentations dans Sociétés & représentations, 2001/2, no 12, p. 15-28.
  11. Delacroix C., Dosse F. et Garcia P., Histoire et historiens en France depuis 1945, Paris, 2003, p. 114.
  12. Bertrand, R., Carlotti, F.-X., Des « mentalités » aux « représentations » : un moment de la recherche aixoise. Entretien de Régis Bertrand, dans Rives méditerranéennes, vol. 48, no 2, 2014, p. 190-195 ; Delacroix, C., Dosse, F. et Garcia, P., Les courants historiques en France : 19e – 20e siècles, Paris, 1999, p. 215.
  13. Bertrand, R., Carlotti, F.-X., Des « mentalités » aux « représentations » : un moment de la recherche aixoise. Entretien de Régis Bertrand, dans Rives méditerranéennes, vol. 48, no 2, 2014, p. 197.
  14. Vovelle, M., Histoire et représentations, dans Ruano-Borbalan, J.-C., dir., L’histoire aujourd’hui, p. 47.
  15. Vovelle, M., Histoire et représentations, dans Ruano-Borbalan, J.-C., dir., L’histoire aujourd’hui, p. 48.
  16. Vovelle, M., et Bosséno, C.-M., Des mentalités aux représentations, dans Sociétés & Représentations, vol. 12, no 2, 2001, p. 18.
  17. Ginzburg, C., Représentation: le mot, l'idée, la chose, dans Annales. Économies Sociétés Civilisations, t.46, no 6, 1991, p. 1225.
  18. Burke, P., What is Cultural History ?, Cambridge, 2008, p. 64. 
  19. Noiriel, G., Qu'est-ce que l'histoire contemporaine, Paris, 1998, p. 146.
  20. Martin, H., Mentalités médiévales, vol. 2 : Représentations collectives du XIe au XVe siècle, Paris, 2001, p. 29.
  21. Vovelle, M., Histoire et représentations dans Ruano-Borbalan, J.-C., dir. L’histoire aujourd’hui, Paris, 1999, p. 49.
  22. Vovelle, M., Histoire et représentations dans Ruano-Borbalan, J.-C., dir. L’histoire aujourd’hui, Paris, 1999, p. 48.

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