Thérèse Rivière

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Thérèse Rivière
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Thérèse Rivière et ses guides dans les Aurès en 1936

Naissance
18e arrondissement de Paris (France)
Décès (à 68 ans)
Plouguernével (France)
Nationalité française
Domaines Anthropologie
Institutions Musée d’ethnographie du Trocadéro
Diplôme Diplôme de l'Institut d’ethnologie (1931)
Renommé pour « la Camille Claudel de l’ethnologie française »

Thérèse Marguerite Henriette Rivière, née le à Paris et morte le (à 68 ans) à Plouguernével (Bretagne), est une ethnologue et photographe française.

Biographie[modifier | modifier le code]

Elle est la sœur cadette de Georges Henri Rivière et la nièce du peintre Henri Rivière. Elle souffre de bipolarité et sa carrièr,e qui s’annonçait brillante, est entravée par des internements psychiatriques successifs. Elle meurt en 1970 après vingt-deux ans d'internement[1].

Les années de formation[modifier | modifier le code]

Thérèse Rivière naît à Paris en 1901. Son père est un fonctionnaire d'origine ardéchoise et sa mère vient de Picardie[2].

Elle obtient le brevet d’enseignement primaire supérieur, section industrielle. Douée pour le dessin, elle devient dessinatrice industrielle chez Michelin en 1921. Elle est la seule femme dans un monde d'hommes; sa mère la fait transférer au Bureau des itinéraires de la firme.

À la suite d'un héritage de sa grand-mère Lou, Thérèse reprend des études de dessin pendant deux ans à l’école du Louvre et à l’institut de paléontologie humaine. Elle suit également des cours à l'École pratique des hautes études et à l'Institut d'ethnologie dont elle est diplômée en 1931. Sous la direction de Marcel Mauss, elle étudie la préhistoire, l'anthropologie et l'ethnologie. Elle suit en parallèle une formation d’infirmière à la Croix-Rouge[3].

Après différents emplois de dessinatrice industrielle, elle est embauchée par son frère Georges-Henri Rivière pour le seconder dans son nouveau poste de sous-directeur du Musée d’ethnographie du Trocadéro, en . Elle y occupe diverses tâches et, grâce à son expérience chez Michelin, convainc le musée d'utiliser pour la première fois une machine à écrire[4]. Dès 1934, elle est nommée responsable du nouveau département "Afrique blanche et Levant" par Paul Rivet.

La mission dans les Aurès (1934-1936)[modifier | modifier le code]

En , Thérèse Rivière part un an en Algérie pour étudier l'ethnie berbère des Chaouïas dans l'Aurès, une région montagneuse de l'est du pays. Elle est choisie comme chef de mission par les trois directeurs de l’Institut d’ethnologie de Paris, Lucien Lévy-Bruhl, Marcel Mauss et Paul Rivet. Elle sera secondée par Germaine Tillion, alors étudiante de Marcel Mauss. Cette mission est décidée par l'africaniste Henri Labouret dans le cadre d'une mission d’ethnographie de l’Institut international des langues et des civilisations africaines de Londres qu'il co-dirige.

Les deux femmes arrivent le à Arris, un bourg désigné par l’administration française pour être la capitale de l’immense province de l’Aurès. Elles s’installent d'abord à Menaa, à l’ouest de Arris puis, en , partent chez les Chaouis, éleveurs et agriculteurs du versant saharien de l’Ahmar Khaddou, dans le douar Tadjmout (Biskra), l’un des plus pauvres de ce massif. Elles s’établissent chez les Beni Melkem puis, en juin, chez leurs voisins de l'ouest les Ath Abderrahman Kébèche.

Sur le terrain, Thérèse Rivière étudie plus particulièrement les techniques traditionnelles (agriculture, tissage…) pendant que Germaine Tillion s'intéresse aux mœurs et coutumes. La bourse initiale ayant été renouvelée pour un an, Thérèse Rivière rentre à Paris en 1936.

Elle dépose son sujet de thèse « Aurès-Algérie – Les rites agraires dans une tribu semi-nomade (Ouled Abderrhaman) et dans une tribu sédentaire (Nawser d’Amentane) » à la section Sciences religieuses de l’École pratique des hautes études.

Photographie[modifier | modifier le code]

Thérèse Rivière prend des milliers de photographies au cours de ses missions ethnographiques, principalement dans l'Aurès en Algérie (1934-1937) mais également lors de courtes missions au Maroc (1937), puis de nouveau en Algérie (1937-1939) et en Espagne (1939). Elle utilise majoritairement un Leica. À partir de 1937, elle privilégie le Rolleiflex[2].

Le Musée de l'Homme[modifier | modifier le code]

« De la mission dans les Aurès, Thérèse Rivière rapporte 857 objets et Germaine Tillion 130. Les fiches muséographiques de chaque objet ont été rédigées par Thérèse Rivière jusqu’en 1944 avec une très grande rigueur : les noms des artisans y figurent très souvent ainsi qu’une photographie montrant aussi bien les étapes de sa fabrication que son usage. Les résultats de la mission sont présentés au Musée de l’Homme dans une exposition intitulée l’Aurès à partir du . Jacques Faublée est alors chargé de l’exposition, Thérèse Rivière étant souffrante et Germaine Tillion, résistante dans le “réseau du musée de l’Homme”, ayant été arrêtée sur dénonciation le . »[5]

L'internement[modifier | modifier le code]

Le , quatre jours après la projection de son film sur l'Aurès dans la salle du musée, Thérèse Rivière est de nouveau hospitalisée. Après un bref passage à l'hôpital Sainte-Anne, elle sera conduite dans une maison de santé. Elle réussira à repartir dans l’Aurès quelques mois, de à . Elle sera ensuite transportée d’une maison de santé à l’autre et définitivement internée jusqu’à sa mort en Bretagne, à l'hôpital psychiatrique de Plouguernevel, le .

Héritage[modifier | modifier le code]

Les 857 objets, 3000 photographies, ainsi qu'une vingtaine de carnets de terrain rapportés par Thérèse Rivière ont rejoint le Musée du quai Branly[6] en 2005.

Publications de Thérèse Rivière[modifier | modifier le code]

Articles[modifier | modifier le code]

  • « Coutumes agricoles de l'Aurès - Vallée de l'Oued El Abiod (ighzer amellal) & Vallée de l'Oued Abdi (Ighzer n Abdi) », Études et documents berbères, fascicule no 3
  • Recueil de 42 chansons chaouias des années 30, documents recueillis par Thérèse Rivière
  • « Les tatouages berbères dans l'Aurès », Études et documents berbères, fascicule no 6
  • « Dans le sud de l'Aurès en 1935 : Une étude descriptive des fêtes de mariage, de circoncision et de Hiji chez les Ouled Abderrahman », Études et documents berbères, fascicule no 8
  • « L'habitation chez les Ouled 'Abderrahman Chaouia de l'Aurès », Africa, Londres, vol. XI-3,‎ , p. 294–311.
  • « L'apiculture chez les Ouled 'Abderrahman, montagnards du versant sud de l'Aurès », Journal de la Société des Africanistes, Paris, vol. 13,‎ , p. 95–107.

Ouvrages[modifier | modifier le code]

  • Catalogue des collections de l'Aurès, Paris, Musée de l'Homme, .
  • Aurès, Algérie, 1935-1936. Photographies de Thérèse Rivière, Paris, Éditions de la maison des sciences de l'homme, .

Articles publiés par Jacques Faublée après sa mort[modifier | modifier le code]

  • Thérèse Rivière et Jacques Faublée, « Dans le sud de l’Aurès en 1935. Circoncisions, mariages, et Hiji chez les Ouled Abderrahman », Études et documents Berbères, 1991
  • Jacques Faublée, « À propos de Thérèse Rivière (1901-1970) et de ses missions dans les Aurès », Études et documents Berbères, 1988
  • Thérèse Rivière et Jacques Faublée, « Les Tatouages berbères dans l’Aurès », Études et documents Berbères, 1989

Filmographie[modifier | modifier le code]

  • L'Aurès (1946), film documentaire sur la mission Rivière-Tillion, tourné par Thérèse Rivière, consultable à la BNF-CNC.

Expositions[modifier | modifier le code]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Michèle Coquet, L'Aurès de Thérèse Rivière et Germaine Tillion – Être ethnologue dans l'Algérie des années 30, Le Bord de l'Eau, Lormont, 2019, 167 p.
  • Michèle Coquet, Un destin contrarié : la mission Rivière-Tillion dans l'Aurès (1935-1936) [en ligne], Paris, Lahic / DPRPS-Direction des patrimoines, 2014, 97 p. Disponible à l'adresse : http://www.berose.fr/spip.php?article596
  • Frédérique Faublée, Thérèse Rivière, l'ethnologue oubliée du Musée de l'Homme, Librairie Editions tituli, 2013 - (ISBN 979-10-92653-15-1)
  • Michèle Coquet, « L'album de dessins indigènes. Thérèse Rivière chez les Ath Abderrahman Kebèche de l'Aurès (Algérie) », Revue Gradhiva, no 9, "Arts de l'enfance, enfance de l'art", 2009
  • Mathilde de Lataillade et Fabrice Grognet, « Des montagnes de l'Aurès à la colline de Chaillot : l'itinéraire de Thérèse Rivière », Revue de l'Outremer, tome 92, no 344-345, 2004
  • Fabrice Grognet, Mathilde de Lataillade. Des montagnes de l'Aurès à la colline de Chaillot, l'itinéraire de Thérèse Rivière. In: Outre-mers, tome 91, no 344-345, 2e semestre 2004. Les instruments de l'échange. p. 141-156.
  • Jacques Faublée, « À propos de Thérèse Rivière (1901-1970) et de ses missions dans l'Aurès », Études et documents berbères, no 4, 1988
  • Pierre-Robert Baduel, Thérèse Rivière, Aurès/Algérie 1935-1936, Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, 1988, vol. 47, no 1, p. 156.
  • Fanny Colonna, Aurès/Algérie 1935-1936 - photographies de Thérèse Rivière - elle a passé tant d'heures, Office des publications universitaires Alger & Éditions de la maison des sciences de l'homme, Paris, 1987
  • Annabelle Lacour, Thérèse Rivière, in Luce Lebart (dir) et Marie Robert (dir), Une histoire mondiale des femmes photographes, Textuel, 2020, 503 p.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Michèle Coquet, Un destin contrarié : la mission Rivière-Tillion dans l'Aurès (1935-1936), Paris, Lahic / DPRPS-Direction des patrimoines, 2014, p. 6 [lire en ligne]
  2. a et b Luce Lebart (dir.), Marie Robert (dir.) et Annabelle Lacour, Une histoire mondiale des femmes photographes, Paris, Textuel, , 503 p. (ISBN 978-2-84597-843-0), p. 164
  3. Frédérique Faublée, Thérèse Rivière, l'ethnologue oubliée du Musée de l'Homme, Librairie Éditions Ttituli, 2013 [lire en ligne]
  4. Fabrice Grognet, Mathilde de Lataillade, « Des montagnes de l'Aurès à la colline de Chaillot, l'itinéraire de Thérèse Rivière », Outre-mers, tome 91, no 344-345, 2e semestre 2004, Les instruments de l'échange, p. 144. [lire en ligne]
  5. Fiche biographique de Thérèse Rivière sur le site du Musée du quai Branly
  6. (en) « Collection : CNRSMH_I_1936_007 - CREM-CNRS - Sound archives of the CNRS and the Musee de l'Homme. Research Centre of Ethnomusicology (CREM), University of Paris 10 », sur crem-cnrs.fr (consulté le ).