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Panini (grammairien)

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Pāṇini
Buste de Panini.
Biographie
Naissance
Vers Voir et modifier les données sur Wikidata
Shalatula (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Décès
Nom dans la langue maternelle
पाणिनिVoir et modifier les données sur Wikidata
Époque
Activités
Prononciation

Panini (en sanskrit : पाणिनि ; IAST : Pāṇini) est un grammairien de l'Inde antique (probablement du VIe siècle av. J.-C.) ayant vécu à Shalatura (en), dans le Gandhara[1] (Pakistan actuel).

Il est célèbre pour avoir formulé en 3 996 sutras, rassemblés dans un ouvrage connu sous le nom d'Ashtadhyayi[2] (अष्टाध्यायी, Aṣṭādhyāyī et également appelées Paniniya), les règles de morphologie, de syntaxe et de sémantique du sanskrit. L'Ashtadhyayi reste un ouvrage de référence sur la grammaire du sanskrit[3],[4].

Rien de sûr n'est connu de sa vie, pas même le siècle au cours duquel il a vécu — « vraisemblablement au VIe ou au Ve siècle av. J.-C. »[3],[Note 1]. D'après une tradition médiévale indienne, Panini serait né à Shalatura, près de l'Indus, dans le Gandhara (aujourd'hui au Pakistan)[3],[Note 2], et aurait vécu de 520 à 460 av. J.-C, durant la période védique tardive. Cette localisation concorde avec le fait que Panini connaît très bien la géographie et les spécificités dialectales du nord-ouest de l'Inde[5].

Nous ne connaissons que son œuvre de grammairien, et ce à travers un seul ouvrage, intitulé Ashtadhyayi (« les huit parties »). Des vers cités dans des anthologies sont attribuée à un poète portant le même nom, mais il est probable qu'il s'agisse là de deux auteurs différents, et que le poète soit nettement plus récent[5].

Panini institue quelques règles spéciales, dites chandasi (« dans les hymnes »), pour rendre compte des formes védiques tombées en désuétude dans la langue parlée de son temps, indiquant que le sanskrit védique était déjà un dialecte archaïque, mais toujours compréhensible.

Deux pages du Rupavatara, une grammaire du logicien indien Dharmakirti (VIIe siècle) basée sur celle de Panini. Manuscrit du XVIIe siècle en écorce de bouleau, Cachemire.

La grammaire de Panini est fortement systématisée et technique. Les concepts de phonème, de morphème et de racine sont inhérents à son approche analytique. Panini utilisait vers 500 avant J.-C. des règles contextuelles qui ne seront connues et comprises par les linguistes occidentaux qu'au XIXe siècle[6]. Les règles définies par Panini décrivent parfaitement la morphologie du sanskrit, et sont vues comme tellement claires que les informaticiens les ont mises en œuvre pour enseigner la compréhension du sanskrit aux ordinateurs[7]. Son traité, l'Ashtadhyayi, est générique et descriptif, il utilise un métalangage et des méta-règles, des transformations et la récursivité, ainsi qu'un système élaboré d'abréviations.

La forme de Backus-Naur, ou grammaire BNF, utilisée pour décrire les langages de programmation modernes, possède des similitudes importantes avec les règles de la grammaire de Panini[8], qui peut être ainsi considéré comme un informaticien précurseur[9],[10].

Le concept de dharma est attesté dans sa phrase d'exemple (4.4.41) dharmam carati, « il respecte la loi ». Un indice important pour la datation de Panini est l'occurrence du mot yavan-, « ionien, grec » dans 4.1.49, où la formation du mot yavanani (« femme grecque » ou « écriture grecque ») est discutée.

Œuvre orale ou écrite?

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On ne sait pas si le travail original de Panini était sous forme écrite ; certains[Qui ?] prétendent cependant qu'un travail d'une telle complexité aurait été impossible à compiler sans notes écrites. D'autres[Qui ?] envisagent la possibilité que Panini ait pu avoir composé son ouvrage avec l'aide d'un groupe d'étudiants dont la mémoire lui servait de bloc-notes. Cependant, comme l'écriture apparaît en Inde sous sa forme brahmi au Ve siècle av. J.-C., il est possible que Panini ait connu et employé un système d'écriture.

Jugement sur Panini

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Après J. Frits Staal qui écrit en 1960[11] que « grammaire et linguistique peuvent être dites occuper la même place dans la philosophie indienne que les mathématiques dans la philosophie occidentale. À maints égards, Pânini (ive siècle av. J.-C.) est à l'Inde ce que Euclide est à l'Europe. », Michel Angot renchérit[12]: « [l]a grammaire a été le premier savoir en Inde (...) et le modèle de tous les savoirs. (...) Elle a joué le rôle des mathématiques et de la physique en Occident. »

Quant à la sanskritiste Émilie Aussant, elle relève[13] que Panini constitue « la figure emblématique du grammairien indien non seulement en Inde, mais également en Occident et (...) sa grammaire constitue une "référence" pour de nombreux spécialistes du monde entier, indianistes ou non. »

Notes et références

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  1. On notera que dans le titre de son article paru dans le Dictionnaire des littératures de l'Inde (v. Filliozat 2001), le même auteur mentionne une période qui s'étend du VIIe au IVe siècle av. J.-C. Quant à Michel Angot, il indique dans L'Inde classique « vers le IVe siècle av. J.-C. » (p. 170) et plus loin, p. 213, Ve ou IVe siècle av. J.-C. (Belles Lettres, 2007, 297 p. (ISBN 978-2-251-41015-9)). Plus récemment, Vincent Eltschinger et Isabelle Ratié retiennent le IVe siècle av. J.-C. (Qu'est-ce que la philosophie indienne? Folio, 2023, 558 p. (ISBN 978-2-072-71173-2) p. 549)
  2. Selon certains, Panini serait un personnage mythique de l'hindouisme dont le nom est une invention issu de la colonisation anglaise de l'Inde[réf. nécessaire].

Références

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  1. « पाणिनि » [« Pāṇini »], dans Gérard Huet, le Dictionnaire Héritage du sanscrit (lire en ligne) (consulté le )
  2. (en) B. M. Sullivan, The A to Z of Hinduism, Vision Books (ISBN 8170945216), p. 152
  3. a b et c Pierre-Sylvain Filliozat, « PĀṆINI (Ve siècle av. J.-C. env.) », sur Encyclopædia Universalis (consulté le ).
  4. Emilie Aussant, « La grammaire de Pāṇini: quand la conscience linguistique d’un grammairien devient celle de toute une communauté », Revue roumaine de linguistique, Bucureşti : Ed. Academiei Române, vol. 53, no 4,‎ , p. 377-387 (ISSN 1012-0769, lire en ligne).
  5. a et b Filliozat 2001, p. 230
  6. (en-US) Frits Staal, Universals : studies in Indian logic and linguistics, University of Chicago Press, , 267 p. (ISBN 978-0-226-76999-8, lire en ligne), p. 47
  7. Denis Lopez, Le syndrome d'Armageddon, Mon Petit Éditeur, , 444 p. (ISBN 978-2-748-39131-2, lire en ligne), p. 270
  8. (en) Peter Zilahy Ingerman, « "Pāṇini-Backus Form" Suggested », Association for Computing Machinery, vol. 10, no 3,‎ , p. 137 (DOI 10.1145/363162.363165). Ingerman suggère que la forme de Backus-Naur soit rebaptisée la « forme de Pânini-Backus » pour donner le crédit de cette forme dû à Pânini en tant qu’inventeur indépendant antérieur.
  9. Gérard Huet, « Le Sanskrit est la langue savante de la civilisation indienne. » (consulté le )
  10. (en) Subhash C. Kak, « The Paninian approach to natural language processing », International Journal of Approximate Reasoning, vol. 1, no 1,‎ , p. 117–130 (DOI 10.1016/0888-613X(87)90007-7)
  11. Cité dans Vincent Eltschinger et Isabelle Ratié, Qu'est-ce que la philosophie indienne?, Paris, Folio, , 558 p. (ISBN 978-2-072-71173-2), p. 64
  12. Michel Angot, L'Inde classique, Paris, Les Belles-Lettres, coll. « Guide Belles Lettres des civilisations », 2007, 297 p. (ISBN 978-2-251-41015-9) p. 170
  13. Émilie Aussant, « La grammaire de Pāṇini: quand la conscience linguistique d'un grammairien devient celle de toute une communauté », Revue roumaine de linguistique, vol. 53, no 4,‎ , p. 377-387 (v. p. 385) (lire en ligne)

Bibliographie

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Article connexe

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Liens externes

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