Occupation austro-hongroise de la Serbie

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 22 octobre 2016 à 13:12 et modifiée en dernier par Ggal (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.

La conquête du royaume de Serbie achevée à l'automne 1915, les responsables de la monarchie danubienne mettent en place les modalités de l'occupation austro-hongroise des territoires serbes occupés par l'armée austro-hongroise. Dans l'attente de statuer définitivement sur le sort du royaume de Serbie, les territoires qui le composent sont partagés entre les Bulgares et la double monarchie. Dans les territoires dévolus à l'Autriche-Hongrie, la politique menée vise à réduire durablement la Serbie, afin qu'elle ne constitue plus un danger pour la cohésion de la double monarchie. Une administration militaire est mise en place à partir du début de l'année 1916.

Contexte

La conquête de la Serbie

À l'issue de la campagne de 1915, le royaume est presque totalement occupé par les armées des puissances centrales[N 1].

En effet, à l'issue d'opérations menées depuis le Nord, depuis la frontière de la double monarchie, et depuis l'Est, à partir de la frontière bulgare, l'armée serbe est écrasée par la masse des moyens militaires déployés pour réduire le royaume de Belgrade[1].

Le partage des dépouilles

Le partage du royaume de Serbie, fin 1915.

Le Reich ne manifestant aucun intérêt pour une occupation par des unités allemandes des territoires conquis, ceux-ci sont partagés entre les Austro-hongrois et les Bulgares[2].

Ainsi, conformément aux accords du 6 septembre 1915, la Morava borne le territoire serbe placé sous administration austro-hongroise et celui placé sous administration bulgare : le nord, le centre et l'ouest du pays est placé sous tutelle austro-hongroise, la Macédoine et la région de Nič, ancienne capitale de guerre étant placé sous tutelle bulgare[3].

De plus, devant l'hostilité des Hongrois, Istvan Tisza et Stephan Burian à toute annexion de territoires peuplés de Slaves[N 2], les dirigeants de la double monarchie ne se prononcent pas sur le sort définitif des territoires qu'ils contrôlent[4].

Buts de guerre de la Triplice en Serbie

Dès 1914, la double monarchie souhaite contrôler étroitement les populations serbes, soit en les annexant à la monarchie danubienne, soit en s'assurant une forte tutelle politique et économique sur la Serbie et le Monténégro. En 1915, la conquête de la Serbie modifie les objectifs austro-hongrois dans la région; la conférence du 7 janvier 1916, réunissant les principaux acteurs de la vie politique de la double monarchie, formule ainsi les objectifs de la double monarchie en Serbie et au Monténégro[5].

L'Autriche-Hongrie en annexe une petite partie, privant non seulement le nouvel État de tout accès la mer, mais aussi privant la Serbie d'une frontière sur le Danube[6]. De plus, les responsables politiques de la double monarchie aspire à la mise en place d'une nouvel dynastie en Serbie[7]. Au printemps 1917, à Kreuznach, la double monarchie propose la constitution d'une Serbie nominalement indépendante, mais en réalité totalement inféodée à la double monarchie[8].

Les accords entre la Bulgarie et les puissances centrales, si elle permettent de défaire rapidement la Serbie, stipulent également de larges annexions bulgares en Macédoine serbe et grecque[N 3]. Cependant, si les traités mentionnent l'annexion de la Macédoine au royaume de Sofia, jusqu'à la ligne de la Morava[9], la rivalité austro-bulgare autour de la délimitation des zones d'occupation en Serbie oblige le Reich à intervenir et, en avril 1916, à se faire le parrain d'un accord de partage de la Serbie entre la double monarchie et la Bulgarie[10]. De plus, en 1918, lors des négociations devant aboutir à la dévolution définitive de la Serbie, les responsables du Reich imposent l'intégration de la Serbie à l'ensemble économique imposé par le Reich à la monarchie danubienne, rendue exsangue par quatre années de conflit[11].

Au cours du conflit, il apparaît rapidement que les responsables politiques et militaires allemands se montrent intéressés par le contrôle à distance de la Serbie. Ainsi, le gouvernement du Reich se montre partisan de la création d'un État regroupant la Serbie et le Monténégro[11]. Ainsi, plus lointain, mais tout aussi présent, le Reich aspire à exercer une tutelle économique et politique sur la Serbie redécoupée. Ainsi, dès la fin de l'année 1915, le Reich affirme ses prétentions sur le contrôle des voies de communication et des richesse minières serbes[12]; cependant, face à ses prétentions, les austro-hongroise s'opposent à un contrôle allemand total de la région[13]. Mais les accords signés en 1916 garantissent la main-mise du Reich sur les richesse minières serbes[13].

contrôle politique et économique

Pour gérer les territoires qui lui sont dévolus, les responsables de la double monarchie, divisés sur le sort des territoires serbes dévolus à la double monarchie, mettent en place une administration militaire, le Militärgeneralgouvernement Serbien[T 1]. Dans le même temps, les richesses minières et les voies de communication sont mises au service des puissances centrales.

Mise en place de l'administration

La double monarchie prend officiellement le contrôle des régions serbes qui lui sont dévolues le 1er janvier 1916[2].

L'administration en est confié à un gouverneur général, le général Johannes Salis von Seewischen[2]

Occupé par une force d'occupation de 50 000 hommes, le territoire du gouvernement général de Serbie est redécoupé selon le modèle austro-hongrois[2].

La Serbie austro-hongroise est ainsi divisée en 13 Kreise[T 2], eux-même divisés en 64 Bezirke[T 3],[2]. À ce maillage territorial s'ajoute le maillage des services de renseignement de la double monarchie; dès 1916, ces services mettent en place un filet sur l'ensemble du territoire du gouvernement général de Serbie de nature à exercer un contrôle strict de la population[14].

Vassalisation économique

Ayant conquis la Serbie, les responsables des puissances centrales ne se contentent pas d'une simple tutelle politique. En effet, les responsables allemands utilisent au mieux la prépondérance du Reich au sein de la quadruplice pour contrôler étroitement l'économie et le territoire serbe serbe, stratégique dans la poursuite de la guerre.

En effet, dès le de début de l'année 1916, les ingénieurs allemands s'activent pour remettre en état les lignes de chemin de fer, sabotées par les Austro-hongrois en 1914 puis par les Serbes dans leur retraite, reliant directement le Reich à la Bulgarie et à l'empire ottoman[15].

Politique

L'armée commune, responsable de l'administration, mène sur le territoire du gouvernement général de Serbie la politique de dépolitisation et de dénationalisation de la population serbe[4]. Cette politique reprend les ordres précis édictés depuis Vienne afin de soumettre définitivement et totalement la Serbie à la double monarchie[10].

Toute activité politique ou associative est interdite aux citoyens serbes[4].

La presse, florissante dans la décennie précédente, est limitée à la publication d'un seul titre, les Belgrader Nachrichten[T 4], rédigé en Allemand[14].

L'enseignement constitue l'une des préoccupations de l'administration militaire de la double monarchie : les manuels scolaires de la période antérieure, utilisant l'alphabet Cyrillique et mettant en avant l'Histoire de la Serbie, sont interdits. De nouveaux manuels les remplacent, utilisant l'alphabet latin, mettant l'accent sur l'acquisition de savoirs de base (lecture, écriture, arithmétique) et de valeurs garantissant la paix politique et sociale[14].

Les Serbes

La politique austro-hongroise vise à faire de chaque civil serbe une victime potentielle des autorités d'occupation austro-hongroise[16]

Une population exsangue

La population serbe habitant à l'intérieur des territoires contrôlés par les militaires austro-hongrois apparaît comme fortement affaiblie par les épreuves du conflit.

En effet, cette population a subi une ponction démographique importante, le chiffre de la population s'élevant à 1,4 million d'habitant, la ville de Belgrade, par exemple, ayant perdu 85% de sa population d'avant guerre[N 4],[2].

De plus, la politique menée vise clairement à terroriser la population, à garantir son obéissance, afin de passer à la seconde étape programme que les autorités militaires austro-hongroises se sont assignées en Serbe, l'éradication de la conscience nationale serbe[16].

Les cadres serbes

Pour les autorités d'occupation, Il s'agit également de massivement priver le peuple de ses cadres, enseignants, fonctionnaires, intellectuels.

Ces personnes sont donc internés, exclus de la fonction publique, interdites d'enseignement[14].

L'enseignement est également sévèrement contrôlé, les enseignants serbes étant évincés et remplacés par des militaires ou des civils originaires de la double monarchie, de préférence des Croates, à même de se faire comprendre par leurs élèves[14].

Résistance

Rapidement, des mouvements de résistance, plus ou moins sporadiques s'organisent, dès la fin de la campagne de 1915[17].

Peu nombreuse dans un premier temps, la résistance parvient en mars 1917 à bousculer les unités bulgares, puis austro-hongroises, contre l'avis d'officiers de liaison envoyés sur place depuis Salonique ; en effet, les 13 000 partisans parviennent à conquérir des localités, mais, face à l'ampleur du phénomène, de vastes unités austro-hongroises et bulgares sont déployées, puis matent le soulèvement le 24 mars[18].

En dépit des succès des puissances centrales, des opérations de guérilla sporadiques continuent, aussi bien en Serbie qu'au Monténégro, empêchant la pacification complète et la sécurisation de la Serbie[19].

Vaincue en 1917, la résistance serbe joue un rôle important en 1918, lors de l'offensive alliée qui se développe à partir de la fin du mois de septembre. En effet, devant faire face aux troupes alliées, les unités austro-hongroises et allemandes sont rapidement gênées par de multiples insurrections en Serbie, dont le nombre va croissant au fil des jours et que la répression échoue à endiguer[20].

Libération

À partir de l'effondrement du front bulgare, dans la dernière semaine de septembre 1918, le territoire serbe est le théâtre d'une guerre de mouvement menée par des unités franco-serbes très mobiles.

Évacuation du territoire

La défection bulgare remet en cause les clauses du partage de la Serbie, établies en 1915 entre la Bulgarie et la double monarchie, les unités bulgares devant évacuer les territoires qu'elles occupent[21].

Le généralissime austro-hongroise, Staussenburg, ordonne la mise en place d'une forte armée dans la région de Nič[22], s'appuyant sur l'idée qu'un front raccourci, de Scutari à la frontière bulgare, en passant par Nić[23], sera plus propice à la défense, mais la rapidité de l'avance allée compromet les chances de réussite de ce plan[22]. Au début du mois d'octobre, la ville de Nič est le théâtre d'un affrontement, qui se solde par un succès allié[22].

Nic est ainsi évacuée le 11 octobre, puis le centre du pays dans les jours qui suivent, tandis que l'administration mise en place par les autorités d'occupation de la double monarchie reflue en désordre; à partir du 25 octobre, les Austro-hongrois commencent à évacuer Belgrade, conquise le 1er novembre, à la suite d'un audacieux raid mené par des unités françaises et serbes[24],[25]. Durant le mois, alors que les ordres d'évacuation se succèdent les uns aux autres, Hermann Kövess, depuis quelques semaines, chargé du front de Serbie, tente d'établir une seconde ligne de défense le long de la frontière entre la Serbie et la double monarchie, sans plus de succès[23].

Issue

Cette libération, fruit du succès allié, est sanctionnée juridiquement par le texte de l'armistice signé entre la double monarchie et les Alliés; en effet, parmi les dispositions acceptées par la double monarchie alors en pleine déconfiture, figure l'évacuation des territoires encore occupés dans les Balkans[26].

Traductions, notes et références

Traductions

  1. Gouvernement militaire général de Serbie.
  2. Cercle.
  3. arrondissement.
  4. Les Nouvelles de Belgrade.

Notes

  1. Seule le Sud de la Serbie, autour de Monastir, n'est pas occupée.
  2. La renonciation à toute annexion significative de territoires dans les Balkans avait été la condition de l'accord hongrois à l'entrée en guerre de la double monarchie en 1914.
  3. La Macédoine grecque serait dévolue à Bulgarie dans le cas où Athènes rejoindrait les Alliés.
  4. En 1914, sur les mêmes territoires, on compte 1,8 million d'habitants.

Références

  1. Bled, 2014, p. 191
  2. a b c d e et f Bled, 2014, p. 195
  3. Le Moal, 2008, p. 115
  4. a b et c Bled, 2014, p. 196
  5. Fischer, 1961, p. 323
  6. Le Moal, 2008, p. 139
  7. Fischer, 1961, p. 324
  8. Fischer, 1961, p. 365
  9. Fischer, 1961, p. 326
  10. a et b Le Moal, 2008, p. 116
  11. a et b Lacroix-Riz, 1996, p. 35
  12. Fischer, 1961, p. 367
  13. a et b Le Moal, 2008, p. 142
  14. a b c d et e Bled, 2014, p. 197
  15. Motte, 2004, p. 48
  16. a et b Le Moal, 2008, p. 117
  17. Le Moal, 2008, p. 125
  18. Le Moal, 2008, p. 126
  19. Le Moal, 2008, p. 128
  20. Le Moal, 2008, p. 212
  21. Bled, 2014, p. 401
  22. a b et c Schiavon, 2014, p. 348
  23. a et b Bled, 2014, p. 402
  24. Le Moal, 2008, p. 213
  25. Schiavon, 2014, p. 350
  26. Schiavon, 2014, p. 353

Voir aussi

Bibliographie

  • Jean-Paul Bled, L'agonie d'une monarchie : Autriche-Hongrie 1914-1920, Paris, Tallandier, , 463 p. Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Annie Lacroix-Riz, Le Vatican, l'Europe et le Reich. : De la Première Guerre mondiale à la guerre froide, Paris, Armand Colin, (ISBN 978-2-200-21641-2)Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Frédéric Le Moal, La Serbie du martyre à la victoire. 1914-1918, Paris, Éditions SOTECA, 14-18 Éditions, coll. « Les Nations dans la Grande Guerre », , 257 p. (ISBN 978-2-9163-8518-1) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Martin Motte, « La seconde Iliade : blocus et contre-blocus au Moyen-Orient, 1914-1918 », Guerres mondiales et conflits contemporains, vol. 2, no 214,‎ , p. 39-53 (DOI DOI 10.3917/gmcc.214.0039) Document utilisé pour la rédaction de l’article Inscription nécessaire
  • Max Schiavon, L'Autriche-Hongrie dans la Première Guerre mondiale : La fin d'un empire, Paris, Éditions SOTECA, 14-18 Éditions, coll. « Les Nations dans la Grande Guerre », , 298 p. (ISBN 978-2-9163-8559-4) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Max Schiavon, Le front d'Orient : Du désastre des Dardanelles à la victoire finale 1915-1918, Paris, Taillandier, , 378 p. (ISBN 979-10-210-0672-0) Document utilisé pour la rédaction de l’article

Articles connexes

Liens externes