Marc Richir

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Marc Richir
Naissance
Décès
(à 72 ans)
Avignon
Nationalité
Formation
École/tradition
Phénoménologie, philosophie transcendantale, philosophie européenne
Œuvres principales
Au-delà du renversement copernicien, Phénoménologie et institution symbolique, Du sublime en politique, Méditations phénoménologiques, La naissance des dieux, Phénoménologie en esquisses, Variations sur le sublime et le soi, Propositions buissonnières

Marc Richir, né le à Couillet en Belgique et mort le à Avignon en France, est un philosophe belge, ayant vécu la majeure partie de sa vie dans le sud de la France.

Issu de la physique, initié à la pensée philosophique à travers Kant, Descartes, et d'autres comme Max Loreau, il se spécialise en phénoménologie et devient enseignant-chercheur. Il travaille également pour les éditions Jérôme Millon.

Son œuvre, abondante — vingt-quatre ouvrages et plus de deux cents articles[1] —, se situe à la croisée de multiples champs de recherche, de l'anthropologie politique à la pensée mathématique en passant par l'esthétique et les psychopathologies. Il se considère comme un héritier d'Edmund Husserl. Mais s’il demeure attaché à l’esprit de la phénoménologie husserlienne, il n’en reprend pas la lettre[2][source secondaire nécessaire].

Défiant vis-à-vis du tournant heideggerien[3], il refuse de "se mettre à la page" philosophique[réf. nécessaire]. Son œuvre reçoit un accueil pour le moins mitigé. Quand d'autres déjà prétendaient accomplir la phénoménologie en la dépassant, la résorber dans son dehors ou son fondement présumé (que ce soit en faveur d'une métaphysique de la nature, de la donation ou de la Vie majuscule, d'une pensée théologique ou résolument cosmologique)[4], Richir lui, faisait le vœu d'exhumer le statut du ''phénoménologique'' en tant que tel. Il s'intéresse ainsi au "contenu" du phénoménologique, sa teneur (les phénomènes comme rien-que-phénomènes, en amont des vécus intentionnels émergeant de leur déformation) autant que sa méthode (en tant que voie d'accès au registre d'expérience le plus archaïque), et sans rien négliger de ces "territoires" que Husserl, et à sa suite Eugen Fink ou Maurice Merleau-Ponty, auraient laissé en friche. Refonte plutôt que re-fondation[5], la phénoménologie richirienne paraissait vouée à demeurer "en marge" des grandes orientations fixées par ses contemporains[6].

Il est aujourd'hui considéré comme l'un des phénoménologues les plus importants de sa génération[7].

Biographie[modifier | modifier le code]

Carrière[modifier | modifier le code]

Marc Richir est géologue amateur, physicien diplômé, puis enfin philosophe, le parcours intellectuel de Richir semble jalonné de bifurcations.


Après un mémoire de maîtrise consacré à Edmund Husserl en 1968[8], il soutient sa thèse en 1973, consacrée à Johann Gottlieb Fichte et Friedrich Wilhelm Joseph von Schelling[9].

En 1976, il déménage en Provence, dans le Vaucluse, avec sa famille.

"Là, subitement, la montagne prend chair, s'irréalise en phénomène, et le jeu ensemble du proche et du lointain fait surgir quelque chose comme les hésitations de l'espace lui-même, pas encore capté dans sa re-présentation."[10]

Il occupe les fonctions de chercheur qualifié au Fonds de la recherche scientifique (Belgique), professeur à l’Université libre de Bruxelles, chargé de cours à l’ENS de Fontenay.

Il meurt d'un cancer le [11] à Avignon.

Activités éditoriales[modifier | modifier le code]

Durant sa première période d'activité philosophique, Marc Richir participe à la création de la revue Textures, avec, entre autres, Max Loreau, Cornelius Castoriadis, Robert Legros, Claude Lefort, Marcel Gauchet et Miguel Abensour. D'autres revues suivront : Epokhè (six numéros) puis les Annales de phénoménologie (toujours en cours de parution), dont il est l'un des membres fondateurs.[réf. nécessaire]

Il coécrit avec Jérôme Millon et Marie-Claude Carrara. Il commence par publier aux éditions Ousia, avec Le Rien et son apparence. Néanmoins, sa rencontre avec les Éditions Jérôme Millon s'avère déterminante pour le reste de sa carrière[12]. À la fin des années 1980, il devient directeur de sa collection Krisis. Il publie alors un grand nombre de classiques de la philosophie et de la tradition phénoménologique, tels que le Livre des XXIV philosophes, Les Disputes métaphysiques XXVIII et XXIX de Francisco Suárez ou Les monades d'Étienne Bonnot de Condillac, ainsi que deux ouvrages de Gilbert Simondon et trois de Friedrich Wilhelm Joseph von Schelling, mais aussi d'importants textes de Edmund Husserl, Eugen Fink, Ludwig Binswanger, Jan Patočka, Henri Maldiney, Kimura Bin et Erwin Straus. Il publie en outre des études historiques et commentaires, comme ceux de Jacques Taminiaux, Franck Pierobon (dont il dirige la thèse), Jean Greisch ou Stanislas Breton, etc[13].

Richir à également publié plusieurs traductions, aussi bien des inédits d'Edmund Husserl (Hua XXIII, Hua XXXIV, Hua XXXIII, Hua XXXV, Hua XXXIII) que les Recherches philosophiques sur l’essence de la liberté humaine, de Friedrich Wilhelm Joseph von Schelling (coll. critique de la Politique, Payot, Paris, 1977).

Il apporte enfin sa contribution à de nombreux ouvrages, tels que Le Vide : Univers du Tout et du Rien, Revue de l’Université de Bruxelles. Éditions Complexe, 1998, sous la direction d'Edgard Gunzig et Simon Diner ; L’être et le phénomène, Vrin, 2009, édité par Jean-Christophe Goddard et Alexander Schnell, ou encore Utopia 3 - La question de l'art au 3e millénaire, Germs, 2012, sous la direction de Ciro Giordano Bruni.

Postérité[modifier | modifier le code]

Selon Antonino Mazzù, il est possible de distinguer au moins « deux générations d’interprètes : les lecteurs de longue date qui ont publié des travaux de référence (ceux de Robert Alexander, de Sacha Carlson, d’Alexander Schnell, de Florian Forestier, de Pablo Posada Varela, de Joëlle Mesnil) et les lecteurs d’une nouvelle génération qui tantôt s’intéressent et étudient l’œuvre pour elle-même (dans ses grandes dimensions ou sur tel point spécifique), tantôt nourrissent leurs propres recherches (par exemple et notamment en psychopathologie phénoménologique ou en philosophie politique) de l’étude attentive de Richir »[14].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Bibliographie, site des archives Marc Richir »
  2. Marc Richir, « Conférence E.N.S : "Nouvelle phénoménologie en France – 3", Journées d’études autour de Gondek et Tengelyi, Neue Phänomenologie in Frankreich, organisées par Jean-Claude Monod et Christian Sommer. » [audio], sur savoirs.ens.fr,
  3. Florian Forestier, « Entretien avec Marc Richir (1) : Autour de « Variations sur le sublime et le soi » », Actu philosophia,‎ , "Mon rapport à Heidegger est évidement complexe. Je ne parlerai pas du premier Heidegger, et du statut très équivoque de ce qu’il appelle la problématique phénoménologique du sens de l’être. La question m’a été posée par Alexander Schnell rue d’Ulm, je vais en profiter pour préciser ma réponse. Je disais que la problématique de l’être est trop massive. Il y a chez Heidegger une sorte d’éléatisme qui ne me satisfait pas du tout. Et il y a une pièce fondamentale qui manque chez Heidegger : la dimension du simulacre. Chez Heidegger, il y a éventuellement de l’erreur, éventuellement confusion d’un étant avec un autre étant, comme Platon l’explique dans le Théétète. Mais il n’y a pas, ce que Platon montre très bien, lui, dans le Sophiste, de simulacre, de simulacre qui donne au néant l’apparence de l’être. Pour moi, c’est un défaut fondamental, qui me fait me séparer radicalement de Heidegger. Il n’y a jamais par exemple de réflexion chez Heidegger sur l’illusion. (...) Cette question fondamentale totalement absente fait tomber Heidegger dans un éléatisme radical, l’éléatisme de Parménide plutôt que de Zénon.". Sur la fidélité de Richir au projet phénoménologique husserlien en dépit de Heidegger, on pourra consulter « Schwingung et Phénoménalisation », Internationale Zeitschrift für Philosophie, Heft 1,1998, pp.52-63 – et plus spécifiquement les pages 59 à 63. (lire en ligne)
  4. Voir sur ce point Bruce Bégout, Pensées privées : journal philosophique (1998-2006), Grenoble, Jérôme Millon, p.109 : "Seul, dans l'Expérience du penser , Marc Richir échappe à ce travers de la phénologie française". La phénologie se distinguant de la phénoménologie comme son travers spéculatif, plus précisément en tant que "réduction du phénomène à son apparaître, et réduction de cet apparaître à une condition plus originelle souvent non apparaissante (...) : être, vie, donation, chair..."
  5. Sur le concept de "refonte", voir surtout "La refonte de la phénoménologie", Annales de Phénoménologie no 7/2008 – A.P.P. – Amiens – janvier 2008 – pp. 199-212.
  6. Aux marges de la phénoménologie — Lectures de Marc Richir, ed. Sophie-Jan Arrien, Jean-Sébastien Hardy, Jean-François Perrier, Hermann, novembre 2019.
  7. Alexander Schnell, Le sens se faisant, Bruxelles, Ousia, , p.24 : « On pourrait dire que Husserl et Heidegger constituent la première génération, Fink, Landgrebe, Patočka, Ingarden, Sartre, Merleau-Ponty, Levinas, Derrida, Ricœur, Desanti la deuxième, et M. Henry (qui est à cheval entre la deuxième et la troisième), K. Held, B. Waldenfels, J.-L. Marion et M. Richir les représentants les plus importants de la troisième. »
  8. Mémoire intitulé : « La fondation de la phénoménologie transcendantale (1887-1913) », non publié
  9. "J’ai donc soutenu en 1973 ma thèse qui portait essentiellement sur Fichte et Schelling. J’ai publié une partie de ce travail sur Fichte, dans Le rien et son apparence', alors que l’introduction générale a été publiée sous le titre : Au-delà du renversement copernicien. C’est d’ailleurs dans ce dernier texte, me semble-t-il, qu’on peut voir comment j’ai pu articuler la phénoménologie et la métaphysique de l’idéalisme allemand. cela étant, tout le reste de la thèse n’a jamais été publié, et je ne veux pas que ce le soit un jour. Car je ne m’y reconnais pas du tout : c’est du travail trop vite fait, pour boucler, et que je ne trouve pas bon.", Marc Richir, L'écart et le rien — Conversations avec Sacha Carlson, Grenoble, Jérôme Millon, 2014, p. 14
  10. Marc Richir, « L'espace lui-même ; libres variations phénoménologiques », Epokhé n°4, Grenoble, Jérôme Millon, janvier 1994, p.160
  11. Cédric Enjalbert, « Mort du philosophe phénoménologue Marc Richir », sur philomag.com,
  12. Marc Richir, L'écart et le rien — Conversations avec Sacha Carlson, Grenoble, Jérôme Millon, , pp.28-30
  13. Erwan Moulinec, « Portraits d'éditeurs - Portrait n°1 : les éditions Jérôme Millon, Grenoble » [vidéo], sur Youtube,
  14. Antonino Mazzù, « Note critique — À propos d'un ouvrage collectif récent sur Marc Richir », Laval théologique et philosophique, 75,‎ , pp.503-509. L'ouvrage auquel la note se réfère est le suivant : Aux marges de la phénoménologie. Lectures de Marc Richir, Paris, Hermann (coll. « Rue de la Sorbonne »), 2019, 292 p. (lire en ligne Accès libre [PDF])

Liens externes[modifier | modifier le code]