Labor omnia vincit improbus

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Au fronton portant la date de 1866 d'une ferme, sise à Roëllecourt (Pas-de-Calais).

Labor omnia vincit improbus (ou seulement Labor omnia vincit) est une locution latine généralement traduite en français par « Un travail acharné vient à bout de tout ».

Origine[modifier | modifier le code]

Fresque de Jerzy Siemiginowski-Eleuter, fin XVIIe siècle, dans le Palais de Wilanów (Pologne).

La citation est reprise d'une phrase répartie sur les vers 145-146 au premier livre des Géorgiques de Virgile, le renvoi à la ligne, le rejet, de Improbus soulignant la mise en valeur de ce mot. La citation originale comporte le verbe au passé :

« tum variæ venere artes : labor omnia vicit
improbus
et duris urgens in rebus egestas[1].
 »

Dans ce poème, sont célébrés la campagne, les soins à donner à la terre et les paysages bucoliques. En effet, l'Italie est sortie épuisée et ravagée après des dizaines d'années de guerres civiles ; les Romains aspirant à la paix sont invités par Auguste, soucieux de remettre l'agriculture en honneur, à retrouver le goût du travail et la simplicité des mœurs de leurs ancêtres paysans[2],[3].

Ainsi, Labor improbus omnia vincit, à première vue, prônerait simplement le goût du travail et de l'effort. Cependant, étymologiquement, le terme improbus a une nuance péjorative[4] ; formé de in-, préfixe négatif et probus qui veut dire : « de bonne qualité, honnête, vertueux ». S'il est traditionnellement traduit dans cette citation par « acharné » ou « hardi »[5], il signifie aussi « mauvais », « malhonnête », « trompeur », « impudent », « pervers »[6], alors que le terme labor implique la notion de « peine ».

Interprétation[modifier | modifier le code]

Dans le livre premier des Géorgiques qui raconte le passage de la nature primitive, innocente et « honnête » à la culture, Virgile suggère qu'avec l'invention des arts et des techniques, est arrivé le règne de l'artificiel, donc de la ruse et du mensonge[6]. Aussi des traducteurs modernes, comme le latiniste Alain Michel (1929–2017) ou Frédéric Boyer, proposent-ils pour ces deux vers :

« Alors sont apparues différentes techniques : le travail sur tout l'a emporté
trompeur
, et l'urgente nécessité, dans les conditions extrêmes[7],[8]. »

Dès le IVe siècle cependant, en commentant l'œuvre de Virgile, Servius a buté sur le sens de improbus ; il propose « qui n'est louable pour personne (car personne n'aime la peine) », et une édition ultérieure de son In Virgilii Opera Expositio (deutero-Servius) ajoute : « qui ne se lasse pas, permanent, sans modération », d'où le glissement de sens des premières traductions vers « incessant » puis « acharné », qui permet d'éviter la tonalité péjorative, mais édulcore le sens profond du texte : depuis la fin de l'âge d'or (ou l'éviction du paradis terrestre dans la tradition hébraïque) le travail est devenu une nécessité pour répondre à la dureté de la nature[9],[N 1].

Utilisation[modifier | modifier le code]

Labor omnia vicit improbus
le verbatim de Virgile :

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Labor omnia vincit improbus
avec verbe au présent :

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L'antichambre du roi, dans le palais construit à Wilanów pour Jean III Sobieski, est ornée de quatre fresques illustrant les quatre livres des Géorgiques. Celle qui présente la préparation des outils agricoles cite intégralement (mais avec le verbe au présent, et egestas orthographié ægestas) les vers 145-146 du livre premier.

C’est la devise de la ville d’Autrèche[10] en Indre-et-Loire et de la ville de Thiers dans le Puy-de-Dôme.

Il existe aussi des estampes dont le titre est constitué par cette locution latine[N 2].

Labor improbus omnia vincit
sans rejet de l’adjectif :

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Labor improbus omnia vincit est aussi la devise de la ville de Voiron (Isère)[11].

Labor improba omnia vincit

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Labor omnia vincit
avec omission de l’adjectif :

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Labor vincit omnia

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Clement Attlee, chef du Parti travailliste (Labour Party en anglais) prit cette devise lorsqu’Élisabeth II lui octroya le titre de comte en 1955[14].

Labor vincit omniaque

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Omnia vincit labor

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Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. « Faut-il attribuer l'existence du travail à la colère des Dieux ou à leur cruauté ? La Genèse en a fait le châtiment du péché originel : "Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front". » précise Alain Michel[9].
  2. Comme cette caricature révolutionnaire détournant la citation : « Avec de la patience on vient à bout de tout : labor omnia vincit improbus : [estampe] / [non identifié] », sur Gallica, (consulté le )
  3. Gravure extraite de Deux livres de chirurgie, de la génération de l'homme, & manière d'extraire les enfans hors du ventre de la mère chez André Wechel (Paris), 1573.
  4. En suivant les replis du listel on lit bien LABOR OMNIA VINCIT.

Références[modifier | modifier le code]

  • Jean-Jacques Lartigue et Olivier de Pontbriand, Dictionnaire des devises héraldiques et historiques de l’Europe, Perros-Guirec, Jean-Jacques Lartigue éditeur, , 508 p. (BNF 37189631), p. 178-179
  1. Virgile, Géorgiques, Les Belles Lettres, Paris, 2003, p. 7.
  2. J. L. Ferri de St Constant, Rudimens de la traduction: ou L'art de traduire le latin en français…, Delalain, (lire en ligne), p. 118
  3. Rien ne résiste au travail opiniâtre et à l'industrie pressée par le besoin.
  4. Virgile, Œuvres Complètes, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », p. 1125.
  5. « improbus - Dictionnaire Gaffiot français-latin - Page 786 », sur www.lexilogos.com (consulté le )
  6. a et b Virgile (trad. Frédéric Boyer), Le souci de la terre, Paris, Gallimard, , p. 39.
  7. Virgile (trad. Frédéric Boyer), Le souci de la terre, Paris, Gallimard, , p. 66.
  8. Virgile, Œuvres Complètes, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », note p. 1140.
  9. a et b Virgile, Œuvres Complètes, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », p. 1125, notice d'Alain Michel.
  10. Lartigue-Pontbriand, n° 13938, p. 179.
  11. Lartigue-Pontbriand, n° 13903, p. 178.
  12. (en) « The UBC Emblem », United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America (consulté le )
  13. Lartigue-Pontbriand, n° 13935, p. 179.
  14. Notice « Attlee, Earl (UK, 1955) » du site Cracroft’s Peerage : [1], page consultée le 29 septembre 2021.