Jean-Pierre Humblot

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Meurtre de Jean-Pierre Humblot
Fait reproché Homicide
Chefs d'accusation « Violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, avec préméditation, en réunion et en raison de l'orientation sexuelle de la victime »
Pays France
Ville Nancy
Lieu chemin de halage du canal de la Marne au Rhin
Date
Jugement
Statut Affaire jugée en appel : double condamnation à cinq ans de prison, dont trois fermes
Tribunal Cour d'assises des mineurs des Vosges
Date du jugement

Jean-Pierre Humblot est une personnalité française de Nancy, né en 1940 à Cousances-les-Forges (Meuse) et mort assassiné en 2003 pour des motifs homophobes et transphobes.

Personnalité nancéienne, travesti, il gère durant les années 1970 et 1980 Le Bénélux dans le quartier de la Pépinière. Le , il est noyé dans le canal de la Marne au Rhin par deux adolescents. Les auteurs du meurtre sont condamnés en 2009 à cinq ans de prison, dont trois ferme.

La mémoire de « Jeannot » est perpétuée depuis par les associations LGBT locales. Une stèle apposée en 2005 lui rend hommage sur les berges du canal.

Biographie[modifier | modifier le code]

Jean-Pierre Humblot naît le à Cousances-les-Forges, village de la Meuse à proximité de Saint-Dizier[1],[2].

Il s'installe ensuite à Nancy, chef-lieu de Meurthe-et-Moselle. Aux côtés de sa mère[3], il gère le restaurant Le Bénélux, rue Gustave-Simon, de 1969 à 1984[4], où il devient une figure de la vie locale[5]. « Jeannot » se fait remarquer par ses tenues travesties, son maquillage, ses boas[3],[4], qu'il continue à porter dans sa vie quotidienne[6]. Il habite longtemps le quartier de la Pépinière avant de déménager près du parc de Sainte-Marie, mais continue de fréquenter son ancien quartier[3].

Il est inhumé au cimetière du Sud, à Nancy[7].

Six ans après sa mort, sa sœur rapporte que Jean-Pierre Humblot avait souhaité entamer une transition au cours des années 1970, mais qu'il « avait finalement décidé de vivre librement son identité en raison de l'accueil indigne que lui avaient réservé les équipes médicales qu'il avait consultées »[1],[8].

Meurtre[modifier | modifier le code]

Durant l'année 2003, la ville de Nancy est marquée par une série d'attaques homophobes, qui se déroulent en bordure du canal de la Marne au Rhin, lieu de drague gay car isolé. Suivant le même mode opératoire, un groupe de jeunes approche un homme et lui demande une cigarette[9]. Si sa manière de répondre correspond à leurs stéréotypes sur l'homosexualité, la victime est frappée, insultée, fouillée et volée[4]. Entre mars et , trois hommes survivent à des tentatives de noyade[1],[4], mais les agresseurs ne sont jusque-là pas inquiétés par la police[10].

Le , à 23 h 30, alors qu'il se trouvait sur le chemin de halage[6], Jean-Pierre Humblot est abordé par deux jeunes hommes âgés de 16 ans. Il est passé à tabac avant d'être jeté à l'eau. Malgré ses appels à l'aide — il ne sait pas nager —, ses agresseurs repartent en scooter. Il décède avant que les pompiers, prévenus par un témoin, ne puissent le secourir[9].

Interpellés rapidement, les deux agresseurs sont condamnés en 2007 par la cour d'assises des mineurs de Meurthe-et-Moselle, à cinq ans de prison, dont trois ferme, pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, avec préméditation, en réunion et en raison de l'orientation sexuelle de la victime »[9],[11]. Trois autres victimes, la sœur de Jean-Pierre Humblot et la Ligue des droits de l'homme se portent partie civile[12],[13]. Les auteurs de faits reconnaissent faire partie d'un groupe de jeunes ayant l'habitude d'agresser des homosexuels « pour s'amuser »[10]. La condamnation est confirmée en appel[14],[15].

Mémoire[modifier | modifier le code]

La mort de Jean-Pierre Humblot, qui suscite une émotion dans la presse locale, est une des rares affaires d'agressions transphobes médiatisées en France au cours des années 2000, mais n'est observée que sous l'angle de l'homophobie[10]. Deux ans après, Mylène, femme trans âgée de 38 ans, est retrouvée morte à Marseille[16].

Les associations LGBT nancéiennes et les proches de Jean-Pierre Humblot, organisent chaque année, à partir de 2004, un hommage sur le lieu du crime, avec la participation de la mairie[9],[17]. Une stèle en bois est apposée en 2005[9] par la mairie, à la demande de l'association Homonyme[10]. Régulièrement vandalisée, la stèle est gravée en 2008 d'une croix gammée et la plaque décrochée. Une nouvelle stèle de granit est inaugurée par la mairie le , à l'occasion de la journée mondiale contre l'homophobie et la transphobie, mais reste souvent dégradée[1],[9],[18].

Une salle de réunion Jean-Pierre Humblot est inaugurée en 2012 au sein du local de l'association Équinoxe Lorraine, centre LGBTI de Lorraine-Sud[1],[19].

Le combat pour la mémoire de Jean-Pierre Humblot est notamment mené par sa sœur Simone Monvoisin, jusqu'à son décès en 2012[1],[20]. Un site web dédié à sa mémoire est inauguré le par Patrick Roberstein, ancien président de l'association Équinoxe Lorraine[9],[21].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e et f « Biographie Jean Pierre Humblot », sur Jean Pierre Humblot, (consulté le ).
  2. « Humblot Jean-Pierre », sur matchID (consulté le ).
  3. a b et c « Noyé dans le canal à Nancy une agression homophobe ? », Le Républicain lorrain,‎ (lire en ligne).
  4. a b c et d Philippe Mercier, « Crime homophobe en appel », L'Est républicain,‎ (lire en ligne).
  5. Ju. B., « faits divers. Jean-Pierre Humblot n'est pas oublié », sur Le Républicain lorrain, (consulté le ).
  6. a et b Philippe Mercier, « Bêtes et homophobes ! », L'Est républicain,‎ (lire en ligne).
  7. « Galerie photos », sur Jean Pierre Humblot, (consulté le ).
  8. François Labatut, « Nancy: Equinoxe invite à venir rendre hommage à Jean-Pierre Humblot », sur Yagg, Komitid, (consulté le ).
  9. a b c d e f et g Aurore Gayte, « Depuis 14 ans, Nancy rend hommage à une victime de l'homophobie », sur Têtu, (consulté le ).
  10. a b c et d Arnaud Alessandrin et Karine Espineira, Sociologie de la transphobie, Pessac, Maison des sciences de l'homme d'Aquitaine, coll. « Genre, cultures et sociétés », , 182 p. (ISBN 9782858924523, DOI 10.4000/books.msha.4833, lire en ligne), « Introduction : Compter numériquement pour compter politiquement », p. 21-31.
  11. Geoffroy Tomasovitch, « Ils avaient tué un homosexuel en le jetant à l'eau », sur Le Parisien, (consulté le ).
  12. Philippe Mercier, « Crime homophobe aux assises », L'Est républicain,‎ (lire en ligne).
  13. Philippe Mercier, « Crime homophobe en appel », L'Est républicain,‎ (lire en ligne).
  14. « Mémoire : Cérémonie organisée par la mairie de #Nancy en hommage à Jean-Pierre Humblot, victime d'homophobie », sur Stop Homophobie, (consulté le ).
  15. Philippe Mercier, « Crime homophobe : le déni », L'Est républicain,‎ (lire en ligne).
  16. Karine Espineira et Arnaud Alessandrin, « La transphobie : Comité IDAHO  », sur Mémoire des sexualités, (consulté le ).
  17. « Photos. À Nancy, la mort de Jean-Pierre Humblot, une commémoration qui perdure », sur L'Est républicain, (consulté le ).
  18. La-Croix.com, « VANDALISME. Une stèle contre l'homophobie dégradée. », sur La Croix, (consulté le ).
  19. Valérie Richard, « À la mémoire de Jeannot », L'Est républicain,‎ (lire en ligne).
  20. Simon Chodorge, « Main en main pour Jeannot », L'Est républicain,‎ (lire en ligne).
  21. Julien Massillon, « À la découverte de Jean-Pierre Humblot, victime d'un assassinat homophobe à Nancy il y a 11 ans », sur Yagg, Komitid, (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]