Fonction booléenne

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Arbre de décision binaire

Une fonction booléenne est une fonction prenant en entrée une liste de bits et donnant en sortie un unique bit.

Les fonctions booléennes sont très utilisées en informatique théorique, notamment en théorie de la complexité et en cryptologie (par exemple dans les boîtes-S et les chiffrements par flot -- fonction de filtrage ou de combinaison de registres à décalage à rétroaction linéaire).

Définition, exemple et circuits[modifier | modifier le code]

Une fonction booléenne est une fonction de dans désigne le corps fini à 2 éléments. Un exemple de fonction booléenne est la fonction parité, dont la sortie dépend de la parité du nombre de 1 dans l'entrée. Une fonction booléenne peut être représentée par un circuit booléen.

Propriétés[modifier | modifier le code]

Forme algébrique normale[modifier | modifier le code]

Les corps finis et les polynômes interpolateurs de Lagrange conduisent rapidement à une propriété fondamentale des fonctions booléennes : la représentation dite « forme algébrique normale » (algebraic normal form ou ANF). Toute fonction booléenne peut s'écrire comme un polynôme en variables à coefficients dans . Cependant, différents polynômes de donnent la même fonction. Par exemple, et donnent bien la même valeur lorsqu'ils sont évalués sur un élément de . Pour obtenir une représentation unique, il faut considérer les éléments de l'anneau quotient, soit :

Autrement dit, une fonction booléenne peut être représentée de manière unique par un polynôme de la forme :

( est une suite d'éléments de et ).

On pose fréquemment , et , permettant l'écriture compacte :

.

La notion de degré d'une fonction booléenne est alors évidente, il s'agit du degré maximal des monômes de son ANF.

Exemple de forme algébrique normale sur  :

Linéarité et non-linéarité[modifier | modifier le code]

Les fonctions de degré 1 sont appelées les fonctions affines. En fait, ce sont des formes affines de l'espace vectoriel — vu comme espace sur le corps . Ce sont les fonctions les plus simples, hormis les constantes. Il a fini par apparaître que « ressembler » à une fonction linéaire était une propriété pouvant être exploitée en cryptanalyse. La ressemblance en question se base sur le nombre de fois où deux fonctions prennent la même valeur, il s'agit de la distance de Hamming :

Les cryptographes utilisent le terme de non-linéarité pour parler de la distance d'une fonction booléenne à l'ensemble des fonctions affines :

L'intérêt de cette notion est de quantifier l'erreur commise si on remplace la fonction par une fonction affine : dans le meilleur des cas, on se « trompe » fois sur si est le nombre de variables.

On montre, en utilisant la transformée de Fourier, que la non-linéarité d'une fonction booléenne est au plus de

Lorsque est pair, cette borne supérieure est atteinte, on parle alors de fonction courbe.

Précisons que l'ensemble des fonctions affines a une importance particulière en théorie des codes correcteurs, au point qu'il possède un nom, le code de Reed-Muller d'ordre 1 (en variables). L'ordre est le degré maximal des fonctions. Ainsi, le code de Reed-Muller d'ordre en , usuellement noté est l'ensemble des fonctions en variables de degré au plus . Dans le contexte de la théorie des codes, la non-linéarité maximale se trouve correspondre au « rayon de recouvrement » du code , c'est-à-dire la distance maximale entre un mot binaire de longueur et un mot du code.

Outil d'étude : la transformée de Fourier[modifier | modifier le code]

La transformation de Fourier, appliquée aux fonctions booléennes, se révèle être un moyen très puissant pour explorer les différentes propriétés de ces objets. Elle est, par exemple, fréquemment utilisée pour étudier des propriétés cryptographiques comme la non-linéarité maximale. On la retrouve également dans des aspects plus appliquées : l'existence d'algorithmes de calcul de la transformée de Fourier de type FFT sert à décoder efficacement les codes de Reed et Muller. On trouvera dans la suite une présentation générale de la transformation de Fourier dans le cas des groupes abéliens finis qui est ensuite particularisée pour le cas des fonctions booléennes.

Cas d'un groupe abélien fini[modifier | modifier le code]

Dans le cas d'un groupe abélien fini, le théorème de Kronecker assure que le groupe est isomorphe à un produit direct de groupes cycliques. Ce théorème est à la base de nombreuses propriétés des fonctions booléennes.

Caractère et groupe dual[modifier | modifier le code]

De manière générale, on peut définir une transformation de Fourier sur un groupe en utilisant la notion de caractère. Un caractère est un morphisme de dans , le groupe des racines de l'unité du corps des nombres complexes .

L'ensemble des caractères opèrent sur l'ensemble des applications de dans , cet ensemble est appelé algèbre du groupe et est généralement noté . Il est muni du produit hermitien suivant :

Ici si z est un complexe, z* désigne son conjugué.

Les caractères forment une base orthonormale de l'algèbre du groupe.

L'ensemble des caractères de peut être muni d'une structure de groupe en utilisant la multiplication entre applications, ce groupe est appelé le groupe dual. Le groupe et son dual sont isomorphes si est abélien.

Les démonstrations sont données dans l'article détaillé.

Définition de la transformée de Fourier[modifier | modifier le code]

Lorsque est abélien et fini, il est possible de définir simplement la transformée de Fourier. On appelle transformée de Fourier d'un élément de l'algèbre du groupe de une application du groupe dual dans notée ici et définie par :

Cette application dispose de toutes les propriétés usuelles d'une transformée de Fourier, elle est linéaire, l'égalité de Parseval le théorème de Plancherel, la formule sommatoire de Poisson et la dualité de Pontryagin sont par exemple vérifiées. Il est aussi possible de définir un produit de convolution.

Les démonstrations sont données dans l'article détaillé.

Espace vectoriel fini[modifier | modifier le code]

Il existe un cas important, celui où le groupe est un espace vectoriel fini V, donc de dimension fini sur un corps fini . Dans ce cas, il existe un isomorphisme entre V et son groupe dual, appelé dualité de Pontryagin. Soit . une forme bilinéaire non dégénérée de V et μ un caractère non trivial de , l'application χ de V dans son dual, qui à y associe le caractère χy définie par l'égalité suivante est cet isomorphisme :

Cet isomorphisme permet d'exprimer la transformation de Fourier d'un élément f de l'algèbre du groupe de V de la manière suivante :

Espace vectoriel sur le corps F2[modifier | modifier le code]

Formes des caractères et isomorphisme avec le dual[modifier | modifier le code]

On considère maintenant le cas où le corps est celui à deux éléments noté et l'espace vectoriel est n est un entier strictement positif. Soit x = (xi) et y = (yi) deux éléments de l'espace vectoriel, la forme bilinéaire . est définie par :

Il n'existe que deux caractères dans , le caractère trivial et celui qui à s associe (-1)s. Comme il n'existe qu'un caractère non trivial, l'isomorphisme χ du paragraphe précédent prend la forme suivante :

Transformation de Walsh[modifier | modifier le code]

Dans le cas d'un espace vectoriel binaire (ie. sur le corps fini à deux éléments) la transformée de Fourier prend le nom de transformée de Walsh. Elle prend la forme suivante :

On remarque que le signe moins utilisé dans la définition disparait car dans la multiplication par -1 est égale à l'identité. On remarque que la transformée de Walsh est idempotente, c'est-à-dire qu'elle est égale à son inverse.

On voit donc que l'un des intérêts de cette identification est d'avoir la transformation de Walsh et son inverse qui agissent sur les mêmes objets : des fonctions de dans .

Formule de Poisson[modifier | modifier le code]

Un autre intérêt de l'identification de et de son dual, et non moins agréable que celui évoqué précédemment, est de simplifier considérablement la formule de Poisson. En effet, on obtient alors

On remarque que s'identifie naturellement à . C'est ce qui est fait dans la formule ci-dessus, passant ainsi d'une notation multiplicative pour à une notation additive (on a également utilisé dans le cas de ). On vérifie également que et sont des espaces vectoriels sur .

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]