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Fausse fonction thêta

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En mathématiques, et plus précisément en analyse, une fausse forme modulaire est la partie holomorphe d'une forme de Maass (en) harmonique, et une fausse fonction thêta est essentiellement une fausse forme modulaire de poids 12. Les premiers exemples de fausses fonctions thêta furent décrits par Srinivasa Ramanujan dans sa dernière lettre à Godfrey Harold Hardy (en 1920) et dans son cahier perdu ; il a découvert alors que ces fonctions se comportent en partie comme les fonctions thêta, d'où leur nom (mock theta functions en anglais). Sander Zwegers découvrit en 2001 la relation entre les fausses fonctions thêta et les formes de Maas.

« Soit une fonction donnée sous forme eulérienne, telle qu'une infinité de points soient des singularités exponentielles, et qu'en ces points la forme asymptotique se referme aussi nettement que dans les cas (A) et (B). La question est alors : cette fonction est-elle la somme de deux autres, l'une une fonction θ ordinaire et l'autre une fonction (triviale) qui est O(1) en tout point  ? …Quand ce n'est pas le cas, j'appelle cette fonction une fausse fonction θ. »

Définition des fausses fonctions thêta donnée par Ramanujan dans sa lettre à Hardy de janvier 1920[1].

La lettre de Ramanujan à Hardy du 12 janvier 1920[2] donne une liste de 17 exemples de fonctions se comportant en partie comme les fonctions thêta, et qu'il propose d'appeler des mock theta functions[3] (dans cette lettre, il ne fait pas une distinction claire entre les « vraies » fonctions thêta et ce qu'on appelle actuellement des formes modulaires) ; le cahier perdu, écrit à la même époque, contient plusieurs autres exemples[4]. Ramanujan indique qu'elles ont un développement asymptotique aux « pointes » (c'est-à-dire aux sommets situés sur l'axe réel du polygone fondamental correspondant au groupe modulaire), semblable à celui des formes modulaires de poids 12 (peut-être avec des pôles aux pointes), mais qu'elles ne peuvent pas être exprimées en termes de fonctions thêta « ordinaires ».

Ramanujan associait un ordre à ces fonctions, mais sans le définir clairement ; cette notion s'avéra correspondre au conducteur (en) du caractère de la forme de Maas admettant la fausse fonction thêta comme projection holomorphe (avant les travaux de Zwegers, on ne connaissait que des exemples d'ordre 3, 5, 6, 7, 8 et 10).

Dans les décennies suivantes, les fausses fonctions thêta furent étudiées par de nombreux mathématiciens, dont  Watson, Andrews et Selberg, qui démontrèrent les affirmations de Ramanujan à leur sujet, et découvrirent plusieurs autres exemples et identités (la plupart étaient déjà connus de Ramanujan, et figuraient dans le cahier perdu). Watson montra en particulier en 1936 que sous l'action des éléments du groupe modulaire, les fausses fonctions thêta d'ordre 3 se transforment presque comme les formes modulaires de poids 12 (multipliées par des puissances convenables de q), si ce n'est qu'apparaissent des « termes d'erreur » dans les équations fonctionnelles, généralement donnés sous forme d'intégrales explicites[5]. Cependant, on ne disposait pas de définitions rigoureuses de ces fonctions, jusqu'à ce que  Sander Zwegers découvre vers 2001 la relation de ces fonctions avec les formes de Maass[6], les sommes de Lerch, et les séries thêta indéfinies. Zwegers montra, en utilisant les travaux de Watson et d'Andrews, que les fausses fonctions thêta d'ordre 3, 5, et 7 peuvent s'écrire comme somme d'une forme de Maass de poids 12 et d'une fonction bornée le long de géodésiques aboutissant aux pointes[6]. La forme de Maas a pour valeur propre 316 pour le Laplacien hyperbolique, la même valeur que pour les formes modulaires (holomorphes) de poids 12 ; elle augmente cependant exponentiellement près des pointes, ne satisfaisant donc pas la condition de croissance usuelle pour les formes holomorphes. Zwegers démontra ce résultat de trois façons différentes, en reliant les fausses fonctions thêta aux fonctions thêta de Hecke, aux sommes de Appell–Lerch, et aux formes de Jacobi méromorphes.

Ces résultats de Zwegers permettent d'étendre de nombreuses propriétés des formes modulaires aux fausses fonctions thêta. En particulier, ces fonctions appartiennent à certains espaces explicites de dimension finie, ce qui simplifie les difficiles démonstrations de certaines identités entre elles, les ramenant à des calculs de routine d'algèbre linéaire. Il devient ainsi possible de produire des exemples de ces fonctions en nombre infini, alors qu'avant ces travaux on ne connaissait qu'une cinquantaine d'exemples, pour la plupart déjà obtenus par Ramanujan. Kathrin Bringmann et Ken Ono, appliquant les idées de Zwegers, montrèrent que certaines q-séries provenant des séries hypergéométriques de Rogers–Fine sont liées à la partie holomorphe de formes de Maas de poids 32[7] et que les développements asymptotiques des coefficients des fausses fonctions thêta d'ordre 3 f(q) étudiées par Andrews et Dragonette[8] convergeaient vers ces coefficients[9](Ken Ono fait remarquer que certains de ces résultats avaient été conjecturés avec précision par Ramanujan, ce qui lui semble incompréhensible, compte tenu des outils dont ce dernier disposait[10]).

Définitions

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On appelle fausse forme modulaire la partie holomorphe d'une forme de Maass faiblement harmonique (en).

Plus précisément, soit k un poids fixé (en général, avec 2k entier). Soit Γ un sous-groupe du groupe spécial linéaire SL2(Z) (ou du groupe métaplectique si k est demi-entier) et ρ un caractère de Γ. Une forme modulaire f pour ce caractère, de poids k, est transformée par les éléments de Γ selon la règle :

.

Une forme de Maass (faible) de poids k est une fonction continue sur le demi-plan supérieur qui se transforme comme une forme modulaire de poids 2 − k et qui est une fonction propre du Laplacien de poids  k ; on dit que cette forme est faiblement harmonique si la valeur propre associée est [11], c'est-à-dire la valeur propre des formes modulaires de poids k. Une forme de Maass (en) est une forme de Maass faible à décroissance rapide aux pointes.

Une forme de Maass faiblement harmonique est donc annulée par l'opérateur différentiel .

Si F est une forme de Maass faiblement harmonique, la fonction g définie par est holomorphe (sauf peut-être aux pointes), et se transforme comme une forme modulaire de poids k. Définissant alors g* par

, où est la fonction gamma incomplète (à une constante près),

on dit que h = F − g* est la partie holomorphe de F. L'intégrale ne converge que si g s'annule à la pointei∞, mais on peut au besoin étendre la fonction gamma incomplète par prolongement analytique, ce qui permet de définir la partie holomorphe de F même quand ce n'est pas le cas.

Une fausse forme modulaire est définie comme la partie holomorphe h d'une forme de Maass faiblement harmonique F ; il y a donc un isomorphisme entre l'espace des fausses formes modulaires h et un sous-espace des formes de Maass faiblement harmoniques.

La fausse forme modulaire h est holomorphe, mais pas tout à fait modulaire, tandis que h + g* est modulaire, mais holomorphe seulement en dehors des pointes (on dit que c'est une forme « presque modulaire »). L'espace de formes presque modulaires de poids k est un sous-espace de l'espace des fausses formes modulaires de poids k. L'espace quotient est isomorphe à l'espace des formes modulaires (holomorphes) de poids 2 − k. La forme g correspondant par cet isomorphisme à une fausse forme modulaire h est appelée son ombre. Il est fréquent que des fausses fonctions thêta distinctes aient la même ombre ; par exemple, les dix fausses fonctions thêta d'ordre 5 trouvées par Ramanujan forment deux groupes, les cinq fonctions de chaque groupe ayant la même ombre à une constante multiplicative près.

Don Zagier définit une  fausse fonction thêta[12] comme le produit d'une puissance rationnelle de q = eiτ (ce terme provient de considérations historiques) par une fausse forme modulaire de poids 1/2 dont l'ombre est une série thêta de la forme, où κ est un rationnel positif et ε une fonction impaire et périodique (toute série thêta de ce type est une forme modulaire de poids 3/2).

La plupart des fausses formes modulaires et des formes faibles de Maas ont une croissance rapide aux pointes. On impose le plus souvent que cette croissance soi au plus exponentielle (ce qui implique pour les fausses formes modulaires qu'elles sont méromorphes aux pointes). Pour un groupe et un poids donné, l'espace des fausses formes modulaires dont la croissance est bornée aux pointes par une exponentielle fixée est un espace de dimension finie.

Séries d'Appell–Lerch

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Les séries d'Appell–Lerch, généralisation des séries de Lambert, furent définies et étudiées par Paul Appell et Matyáš Lerch[13]. Watson exprima les fausses fonctions thêta d'ordre 3 en termes de séries d'Appell–Lerch, et Zwegers les utilisa pour montrer que les fausses fonctions thêta sont essentiellement des fausses formes modulaires.

Une série d'Appell–Lerch de paramètres u, v et τ est définie par

et

La série modifiée

,

et y = Im(τ) et ,

vérifie les propriétés de transformation suivantes :

Autrement dit, les séries (modifiées) d'Appell-Lerch se transforment comme les formes modulaires (par rapport à τ). Les fausses fonctions thêta pouvant s'exprimer à l'aide de séries d'Appell-Lerch, cela entraîne qu'elles se transforment comme des formes modulaires si on leur ajoute une série (non-holomorphe) convenable.

Séries thêta indéfinies

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Andrews montra en 1986[14] que plusieurs des fausses fonctions thêta d'ordre cinq étaient de la forme Θ(τ)/θ(τ), où θ(τ) est une forme modulaire de poids 1/2 et Θ(τ) une fonction thêta d'une forme quadratique binaire non définie ; Hickerson démontra des résultats analogues pour des fonctions d'ordre sept[15]. Zwegers montra comment prolonger ces fonctions thêta pour obtenir des formes modulaires réelles analytiques, et s'en servit pour obtenir une nouvelle preuve de la relation entre fausses fonctions thêta et formes de Maass.

Formes de Jacobi méromorphes

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En 1988, Andrews observa de même qu'on pouvait exprimer ces fonctions comme quotients de fonctions thêta de Jacobi[16] ; là encore, Zwegers put utiliser ces idées pour exprimer les fausses fonctions thêta comme coefficients de Fourier de formes de Jacobi méromorphes.

Applications

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  • Toute forme modulaire de poids k (peut-être seulement méromorphe aux pointes) est une fausse forme modulaire de poids k et d'ombre 0.
  • La série d'Eisenstein quasi-modulaire
de poids 2 et de niveau 1 est une fausse forme modulaire de poids 2 avec pour ombre une constante. Cela implique que
se transforme comme une forme modulaire de poids 2 (où τ = x + iy).
  • La fonction étudiée par Zagier et Hurwitz[21], dont les coefficients de Fourier sont les nombres de classe d'Hurwitz H(N) des corps imaginaires quadratiques, est une fausse forme modulaire de poids 3/2, de niveau 4, et d'ombre ∑ q n2. La forme de Maas correspondante est
et y = Im(τ), q = e2πiτ.

Les fausses fonctions thêta sont les fausses formes modulaires de poids 1/2 dont l'ombre est une fonction thêta unitaire, multipliées par une puissance rationnelle de q, ceci pour des raisons historiques : avant que les travaux de Zwegers n'amènent à une construction générale, la plupart des exemples étaient donnés en fonction de séries hypergéométriques, ou plus précisément de leurs q-analogues). Cela est considéré actuellement comme anecdotique, la plupart des fausses fonctions thêta n'admettant pas de telles représentations.

Le cas « trivial » est donné par les formes modulaires holomorphes de poids 1/2, lesquelles furent classifiées par Serre et Stark en 1977, qui montrèrent qu'elles pouvaient toutes s'écrire à l'aide de fonctions thêta associées à un réseau de dimension un[22].

Bibliographie

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Notes et références

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  1. Texte original : « Suppose there is a function in the Eulerian form and suppose that all or an infinity of points are exponential singularities, and also suppose that at these points the asymptotic form closes as neatly as in the cases of (A) and (B). The question is: Is the function taken the sum of two functions one of which is an ordinary θ-function and the other a (trivial) function which is O(1) at all the points ? ... When it is not so, I call the function a Mock θ-function. »
  2. (Ramanujan 2000, Appendix II)
  3. mock a ici le sens de "faux", "simulacre" ou même "fantaisie".
  4. a et b (Ramanujan 1988)
  5. a et b Watson 1936
  6. a b et c Zwegers 2002
  7. Bringmann, Folsom et Ono 2009
  8. Andrews 1966 et Dragonette 1952
  9. Bringmann et Ono 2006
  10. Ono 2006, p. 649.
  11. Bruinier et Funke 2004
  12. Zagier 2007
  13. txt et txt
  14. a b et c Andrews 1986.
  15. Hickerson 1988b
  16. Andrews 1988.
  17. Lawrence et Zagier 1999.
  18. Semikhatov, Taormina et Tipunin 2005.
  19. Troost 2010.
  20. Atish Dabholkar, Sameer Murthy et Don Zagier, Quantum Black Holes, Wall Crossing, and Mock Modular Forms, (arXiv 1208.4074).
  21. Zagier 1975, Hirzebruch et Zagier 1976, 2.2
  22. Serre et Stark 1977.
  23. McIntosh 2007
  24. Dragonette 1952
  25. Fine 1988
  26. Zwegers 2000
  27. Watson 1937.
  28. Andrews et Garvan 1989.
  29. Hickerson 1988
  30. Andrews et Hickerson 1991
  31. Berndt et Chan 2007
  32. Selberg 1938.
  33. Gordon et McIntosh 2000
  34. Ramanujan 1988, p. 8, eqn 1; p. 29 eqn 6
  35. Choi 2007
  36. Ramanujan 1988, p. 9

Liens externes

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