Extraction de racine carrée

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En algorithmique et en analyse numérique, l'extraction de racine carrée est le processus qui consiste, étant donné un nombre, à en calculer la racine carrée. Il existe de nombreuses méthodes pour effectuer ce calcul. C'est un cas particulier de la recherche de calcul de la racine n-ième.

Contexte[modifier | modifier le code]

La racine carrée d'un nombre pouvant être un nombre irrationnel, l'extraction de racine carrée est en général approchée.

Définitions[modifier | modifier le code]

L'extraction de la racine carrée d'un nombre a est identique à la résolution de l'équation x2 - a = 0. Les méthodes générales de résolution d'équations polynomiales, et plus généralement les algorithmes de recherche d'un zéro d'une fonction s'appliquent donc. On utilise les mêmes outils pour mesurer les performances des méthodes.

Lorsque l'on ne donne pas de précision supplémentaire, l'extraction de racine carrée se fait dans l'ensemble des nombres réels. On peut cependant s'intéresser à d'autres ensembles de nombres tels que les nombres complexes ou encore les anneaux tels que ℤ/nℤ.

Méthodes dans le cas des nombres réels positifs[modifier | modifier le code]

Méthode de Héron[modifier | modifier le code]

La méthode de Héron est une méthode historique développée par les Babyloniens. En termes plus modernes, c'est un cas particulier de la méthode de Newton.

Pour déterminer la racine carrée du nombre (positif) a, il convient dès lors de considérer la suite définie par récurrence de la façon suivante : de premier terme x0 > 0 choisi si possible « assez proche » de a, en général la partie entière de a.

La vitesse de convergence des approximations successives vers la valeur exacte est quadratique.

Méthode du manuscrit de Bakshali[modifier | modifier le code]

On trouve dans un manuscrit indien, dit manuscrit de Bakshali, datant peut-être du VIIe siècle, une correction différente de la méthode de Héron, la nouvelle valeur approchée étant . Elle est équivalente à appliquer deux fois de suite la méthode de Héron[1]. L'itération de cette dernière méthode donne une vitesse de convergence bi-quadratique :

Approximation de a à l'aide de suites adjacentes[modifier | modifier le code]

Considérons les suites u et v définies par :

  • ,
  • est la moyenne harmonique de un et vn,
  • est la moyenne arithmétique de un et vn.

Les suites u et v sont adjacentes, et convergent vers la même limite : a. L'erreur est majorée par la différence vn – un. La suite v n'est autre que la suite obtenue en itérant la méthode de Héron à partir de la valeur 1.

Remarquons l'originalité de cette présentation qui mêle moyennes harmonique, géométrique et arithmétique. En effet, a n'est autre que la moyenne géométrique de 1 et de a, et si l'on remplace par un réel strictement positif quelconque b, les suites u et v convergent vers la moyenne géométrique ab de a et b.

Algorithmes utilisant la notation décimale[modifier | modifier le code]

Algorithme de la potence[modifier | modifier le code]

L'introduction de la notation décimale des nombres par position a permis de développer un algorithme tirant parti de cette notation. On en trouve mention dans un ouvrage du mathématicien indien Âryabhata, vers 499 apr. J.-C.[2] Il a été utilisé pendant plusieurs siècles et jusqu'au milieu du XXe siècle, avant l'invention des calculateurs électroniques. Âryabhata donne également un algorithme comparable permettant de calculer des racines cubiques.

On sépare les chiffres du nombre par paires en commençant à partir de la virgule. On place le nombre dont on veut extraire la racine en haut, de la même façon que lorsqu'on effectue une division selon la méthode classique ; la racine carrée sera inscrite à la place réservée normalement au diviseur dans une division posée classique.

À chaque étape :

  • on abaisse la paire de chiffres la plus significative non encore utilisée et on la place au côté d’un reste éventuel de l'étape précédente (initialement nul) ;
  • soit r le résultat intermédiaire de la racine carrée obtenu précédemment (égal à zéro au début). On cherche le plus grand chiffre x tel que le nombre y = (20r + x)x ne dépasse pas le reste courant ;
  • on complète r en plaçant la décimale x à sa droite, pour former le nouveau résultat intermédiaire ;
  • on soustrait y de la valeur courante pour former le nouveau reste ;
  • si le reste est nul et qu’il n’y a plus de chiffre à abaisser alors l’algorithme se termine sinon on recommence.

On remarque que la recherche de x en négligeant le terme en x2 n'est autre que la méthode de Héron.[pas clair]

Jusqu’au XXe siècle on utilisait couramment cet algorithme en accélérant les calculs à l’aide d’un abaque formé d’un jeu de réglettes : les bâtons de Napier.

Bien que décrite ici pour des nombres écrits en base 10, la procédure fonctionne dans n’importe quelle base de numération, par exemple la base 2.

Méthode de Ruffini-Horner[modifier | modifier le code]

On pose le problème comme la détermination de la racine positive du polynôme P(X) = X2 - a. Soit n le plus grand entier tel que P(n) soit négatif ou nul. La racine de a est un réel compris entre n et n + 1. On pose alors X = n + Y/10, dont on déduit P(X) = P(n + Y/10) = P1(Y). La racine carrée de a est alors égale à n + r/10r est racine du polynôme P1.

Si m est le plus grand entier tel que P1(m) est négatif, la racine de a est alors comprise entre n + m/10 et n + b/10 + 1/10. On pose alors Y = b + Z/10, d'où P1(Y) = P2(Z), puis on procède par récurrence.

La méthode de Ruffini-Horner permet d'effectuer facilement les changements de variables.

Extraction par sommes d'impairs successifs[modifier | modifier le code]

Cette méthode enseignée parfois au XIXe siècle a l'avantage de se résumer à une série d'additions (au maximum 9 pour chaque décimale cherchée) d'impairs consécutifs[3].

Elle consiste à exploiter la table des carrés successifs et de leur différence, en remarquant que, pour tout entier n, (n+1)2 - n2 = 2n+1. Balayer la table des carrés consiste donc à ajouter des impairs successifs. Après avoir découpé le nombre en tranches de deux chiffres en commençant par la droite, on recherche le carré immédiatement inférieur au groupe le plus à gauche. Soit n, la racine carrée de ce carré immédiatement inférieur. On multiple l'entier n trouvé par 10 et on balaie la table des carrés à partir de 10n (et 100n2) pour s'approcher du nombre formé des deux groupes les plus à gauche. Ce nombre n1 étant trouvé, on le multiplie par 10 pour parcourir la table des carrés à partir de 10n1, etc.

C'est ce même principe qui est utilisé dans l'extraction de racine carrée par la méthode du goutte à goutte.

On peut raccourcir l'exécution de l'algorithme : avant de balayer la table des carrés à partir de 10n, la facile calculabilité des carrés d'entiers se terminant par 5 peut permettre, dans certains cas, de s'affranchir de cinq additions en testant si (10n+5)2, soit 100n(n+1) + 25, reste aussi inférieure (ou pas) au nombre dont on cherche la racine. Si c'est le cas, il vaut mieux poursuivre l'algorithme à partir de 10n+5 que de 10n.

Par exemple, on cherche l'arrondi au dixième près de la racine carrée de 4700. Pour respecter cette précision, on est amené à chercher la racine de 4700 × 100 = 470000. Il suffira alors de diviser la racine finale par 100 = 10.

Comme 62 = 36 < 47 < 49 = 72, on a n = 6. Mais 47 étant plus proche de 49 que de 36, 47 sera plus proche de 7 que de 6.

Au lieu de commencer à balayer à 10n = 60 et 100 n2 = 3600, on peut, dans ce cas, initier le processus à 10n+5 = 65 : 652 = 6 × 7 × 100 + 25 = 4225. On a bien, comme prévu, 4225 < 4700.

L'algorithme (détaillé dans l'exemple ci-dessus) amène, petit à petit, à n2
4
= 6852 = 469225
auquel on ajoute 2 n4 + 1 = 1370, d'où n2
5
= 6862 = 470595
qui est plus proche de 470000 que n2
4
. On en déduit : au dixième près.

Extraction par additions et soustractions[modifier | modifier le code]

Cette méthode[4] très simple a la particularité de n'utiliser que des opérations très simples : addition, soustraction et ajout de 0. Considérons les suites a et b définies par :

  • ,
  • Si alors et
  • Sinon, (ce qui revient à rajouter deux zéros à la fin de ) et (ce qui revient à insérer un zéro juste avant le dernier chiffre de car cette dernière termine toujours par un 5)

Ainsi, les chiffres de approchent de plus en plus les chiffres de . À noter que reste un entier (de plus en plus grand) donc ce n'est pas qui tend vers mais seulement ses chiffres dans sa représentation décimale.

Si, au lieu de prendre 5m, on en prend des troncatures par tranches de deux chiffres et, au lieu d'ajouter à an deux zéros, on abaisse les tranches suivantes, on aboutit à la variante par 5 de la méthode par goutte à goutte.

Méthode par les fractions continues[modifier | modifier le code]

La fraction continue d'un irrationnel est la suite de ses approximations « optimales » par des fractions, c'est-à-dire que si p/q est une des valeurs de cette suite, alors aucune fraction de a/b avec b < q n'approche plus précisément le réel. Dans le cas particulier des racines carrées, on calcule relativement simplement cette suite, ainsi qu'une sous-suite qui correspond à un cas particulier de la méthode de Héron.

Méthode par dichotomie[modifier | modifier le code]

On peut également procéder par dichotomie à condition de disposer d'un encadrement de la racine carrée cherchée. On peut pour cela utiliser le nombre de chiffres du nombre dont on cherche la racine carrée. Cette racine aurait moitié moins de chiffres. Ainsi, si le nombre possède 1 024 chiffres, sa racine carrée en possèdera entre 511 et 513. On peut également utiliser d'abord les méthodes précédentes pour obtenir une première valeur approchée de la racine carrée avant de procéder à la dichotomie.

L'algorithme de dichotomie est le suivant. Il évite de procéder à des divisions (autre que la division par 2 qui n'est qu'un décalage de registre si les nombres sont codés en binaire. Cette division est notée shr 1 ci-dessous).

function Racine_64(C: int64): int64;
var
 A, B, D, D2: int64;
begin
  A := borne basse;
  B := borne haute;
  repeat
    D := (A + B) shr 1;
    D2 := D * D; ⇐ on élève au carré avant de tester
    if D2 > C then        
      A := D - 1
    else
      if C > D2 then
        B := D + 1
      else
        Result := A;
  until B > A;
end;

La même méthode s'applique pour les racines n-ièmes, en remplaçant le calcul de D2 = D*D par le calcul de D^n.

La méthode de dichotomie a cependant une vitesse de convergence plus lente que l'itération de la méthode de Héron.

Méthode informatique par décalage des bits[modifier | modifier le code]

Le code ci-dessous présente un algorithme en C qui extrait la racine carrée d'un nombre entier positif en exécutant des décalages de bits :

// retourne le nombre qui doit être multiplié par lui-même pour atteindre num.
unsigned racine_carree(const unsigned num) {
    unsigned a = 0, b = num, c, d;
    for (c = 1 << 30 ; c; c >>= 2) {
        d = a + c;
        a >>= 1;
        if (b >= d)
            b -= d, a += c;
    }
    // la variable b contient le reste.
    return a;
}

Dans d'autres ensembles de nombres[modifier | modifier le code]

Nombres complexes[modifier | modifier le code]

La racine carrée d'un nombre complexe Z = a + ib sera un nombre complexe z = x + iy tel que :

En posant m2 = |z|2 = x2 + y2, le carré du module de Z, on peut établir une formule générale :

Le calcul revient donc à extraire trois racines carrées : le calcul de m, puis les racines carrées de m + a et m - a.

Anneaux ℤ/nℤ[modifier | modifier le code]

On cherche à résoudre l'équation x2a mod n. On distingue alors trois cas[5]:

S'il existe une solution, c'est-à-dire si a est un résidu quadratique modulo n, on dispose d'algorithmes efficaces pour la trouver dans les deux premiers cas. Si n est un nombre composé, on ne dispose à l'heure actuelle d'un algorithme efficace que si la factorisation de n est connue[5]. De plus on peut montrer que s'il existait un algorithme efficace pour calculer une racine carrée sans disposer de la factorisation de n, cet algorithme pourrait être utilisé pour obtenir un algorithme efficace de factorisation. On ne pourra donc pas calculer efficacement de racines carrées modulo n tant que l'on ne pourra pas factoriser efficacement n'importe quel entier et réciproquement[5].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. T. Hayashi, The Bakhshali mauscript, an ancient Indian mathematical treatise, John Benjamins Publishing Company, Amsterdam (2005).
  2. (en) W. E. Clarke, The Aryabhatiya of Aryabhata, an ancient Indian work on mathematics and astronomy, Chicago, University of Chicago, .
  3. Joseph Claudel, Introduction à la science des ingénieurs, Dunod, , 86/87 (lire en ligne)
  4. [lire en ligne]
  5. a b et c (en) Victor Shoup, A computational introduction to number theory and algebra, Cambridge University Press, , 2e éd., 580 p. (ISBN 9780521516440 et 0521516447, OCLC 277069279, lire en ligne), 12. Quadratic reciprocity and computing modular square roots, chap. 5 (« Computing modular square roots »), p. 350-355.