Dialectique du maître et de l'esclave
La dialectique du maître et de l'esclave (en allemand : Herrschaft und Knechtschaft) renvoie à un passage célèbre de la Phénoménologie de l'Esprit (1807) de Georg Hegel dans lequel le philosophe explore l'instabilité essentielle de la relation de domination du maître avec son esclave.
Concept
[modifier | modifier le code]Hegel définit l'esclave comme celui qui, par son travail, transforme la Nature. Il remarque qu'en travaillant, il accède à l'objet dans son côté actif. Le maître, qui pour sa part ne travaille pas mais fait réaliser, vit immédiatement dans la jouissance de l'objet consommable : il ne connaît que son aspect passif. Il apparaît que l'esclave, travaillant (réalisant) à transformer le monde humain, se transforme lui-même et en vient à revendiquer son autonomie du monde naturel dans sa transformation humaine du monde, tandis que le maître se rend étranger à son monde, qu'il ne reconnaît plus dans la reconnaissance qu'en fait l'esclave[1].
Ainsi, l'esclave, en s'appuyant sur le produit de son travail, peut renverser le rapport de domination pour se retrouver dans l'accomplissement du monde humain : l'égalité. La dialectique du maître et de l'esclave se base sur la thèse paradoxale selon laquelle le travail aliéné de l'esclave est la voie de sa libération[2]. Il est nécessaire pour le maître de reconnaître l'autre (l'esclave) s'il veut se connaître lui-même[3].
Le conflit est inhérent à la condition humaine. Hegel dit d'ailleurs de la naissance de l'enfant qu'elle est « la mort des parents ».
Si deux êtres humains entretiennent des relations tendues, il va donc y avoir conflit, et l'un des deux, en acceptant de prendre des risques, va devenir le maître : « la vie vaut ce que nous sommes capables de risquer pour elle. » La liberté résulte de l'acte même de libération : celui qui ne veut pas risquer sa vie risque fort la servitude. Cependant, une fois devenu maître, l'individu devient passif/inactif. C'est son esclave qui travaille et qui s'accomplit. Ainsi le maître devient-il dépendant du travail de son esclave. Il devient l'esclave de son esclave, car c'est en travaillant qu'on atteint la liberté.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- ↑ Alexandre Kojève, Introduction À la Lecture de Hegel: Leçons Sur La Phénoménologie de L'esprit, Professées de 1933 À 1939 À L'École Des Hautes-études, Réunies Et Pub. Par Raymond Queneau, Gallimard, (lire en ligne)
- ↑ France Farago, Frédéric Guillaud, Maël Lemoine et Cyril Morana, Philosophie, terminales L, ES, S, Editions Bréal, (ISBN 978-2-7495-0276-2, lire en ligne)
- ↑ Collectif, Les autres et moi, Larousse, (ISBN 978-2-03-598139-4, lire en ligne)
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Hegel, Phénoménologie de l'esprit.
- A. Kojève, Introduction à la lecture de Hegel, Leçon sur la phénoménologie de Hegel, France, Gallimard, 1947.
- Olivier Tinland, Hegel, Maîtrise et servitude, phénoménologie de l'esprit B, IV, A, Ellipses, 2003.