Concile de Hromgla

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Concile de Hromgla
Informations générales
Convoqué par Nersès IV Chnorhali
Sujets Union avec l'Église orthodoxe, rejet du monophysisme
Début avril 1178 ou Pâques 1179
Lieu Hromgla
Accepté par Église apostolique arménienne
Organisation et participation
Présidé par Grégoire IV Tgha
Nombre d'éveques 32

Le concile de Hromgla (ou Hromkla) (en arménien Հռոմկլայի ժողով, romanisé Hṙomklayi žoġov) est un concile de l'Église apostolique arménienne tenu à Hromgla en ou à Pâques 1179 dont le but est de finaliser l'union avec l'Église orthodoxe. Le concile est convoqué par le catholicos arménien, Nersès IV Chnorhali mais celui-ci étant mort, il est présidé par son neveu et successeur Grégoire IV Tgha, et vise à faire adopter par l'Église apostolique arménienne le résultat des discussions entre Nersès IV Chnorhali et l'Église orthodoxe, entre autres la reconnaissance du dyophysisme, le fait que Jésus-Christ aurait deux natures.

Malgré l'opposition de certains moines et d'un évêque d'Arménie, le concile adopte les propositions de Grégoire IV Tgha et de Nersès IV Chnorhali et signe l'union avec l'Église orthodoxe. Cependant, malgré ces avancées, l'Église orthodoxe se détourne de la question et ne donne pas suite au concile, ne considérant pas les deux Églises comme étant en union à la fin de celui-ci, notamment à cause de la mort de Manuel Ier Comnène en 1180.

Le concile est toujours reconnu par l'Église apostolique arménienne, ainsi, le catholicos Guaréguine I Sarkissian écrit un article en , où il revient sur le concile de Hromgla et l'apport de celui-ci à l'histoire et à la théologie de l'Église apostolique arménienne[1]. Le catholicos Aram Ier Kechichian y consacre aussi un ouvrage, en 2011[2].

Contexte[modifier | modifier le code]

En 1158, la dynastie des Roupénides prend contrôle de la Cilicie arménienne et décide de se vassaliser à l'Empire byzantin[3]. Alors que les relations politiques sont plus ouvertes, la discussion théologique peut reprendre ; le catholicos Grégoire III Pahlavouni envoie son frère et futur successeur Nersès IV Chnorhali pour négocier avec les Byzantins et voir si une union est possible. En 1165, Nersès rencontre le protostator Alexis Comnène à Mopsueste pour discuter de ces problèmes avec lui[3]. Grégoire III Pahlavouni meurt et est remplacé par son frère cadet, Nersès, en 1166[4].

L'empereur Manuel Ier Comnène, qui a une éducation religieuse, s'intéresse rapidement à la question et décide de demander à Nersès d'envoyer la profession de foi de l'Église apostolique arménienne à Constantinople[3],[4],[5]. La lettre en question est connue plus tard comme l'Exposé de la foi de l'Église d'Arménie[5],[6]. Dans cette lettre, Nersès déclare que l'Église apostolique arménienne reconnaît les deux natures de Jésus-Christ et n'est pas monophysite ou miaphysite, mais qu'elle préfère utiliser la terminologie cyrillienne d'« une seule nature », par tradition[3],[6]. Il y reconnaît aussi le dyothélisme[6]. Nersès y défend aussi l'iconodulie et reconnaît que certains Arméniens sont iconoclastes, mais les condamne[3],[7]. Le reste de la lettre concerne des questions pratiques d'organisation, en rapport avec le jeûne ou la liturgie[3],[8],[9] ainsi que la date de Noël, que l'Église apostolique arménienne célèbre de manière séparée[3].

Manuel Ier Comnène est sensible à la lettre et aux propos de Nersès et lui propose de le rejoindre à Constantinople pour poursuivre la discussion[4],[10]. Nersès répond qu'il serait mieux que l'empereur envoie un représentant à Hromgla, le siège catholicossal, pour y discuter[4],[9]. Deux représentants, un théologien nommé Théorien et un higoumène arménien orthodoxe nommé Jean Outman sont envoyés[9]. Ils apportent avec eux une série de demandes de l'empereur qui concernent non seulement des points dogmatiques, mais aussi des points liturgiques ou des questions d'organisation, qui gênent Nersès par leur sévérité[4],[9]. Après une discussion tenue en 1170 entre ces représentants et les évêques arméniens, dont Nersès[3] et le futur Grégoire IV Tgha, toujours conservée dans la Patrologie Grecque[9],[11], il est décidé d'organiser un concile dans les années à venir et Nersès envoie une lettre synodale pour parler de l'union aux clercs arméniens et les convoquer à un concile[3],[8],[12],[13],[14], malgré le fait que les Roupénides soient désormais indépendants[3].

Nersès IV Chnorhali meurt en 1173. Son neveu lui succède sous le nom de Grégoire IV Tgha[4],[13] et réussit, en 1174, à réclamer de l'empereur byzantin qu'il laisse de côté une partie importante des demandes, pour se concentrer sur les questions dogmatiques, principalement la question du monophysisme ou du dyophysisme[3],[8],[12]. Selon lui, les Arméniens sont plus attachés à leurs propres traditions liturgiques et culturelles qu'à l'union, et demander de telles concessions serait le moyen le plus sûr de faire avorter l'union[3].

Déroulé et conséquences[modifier | modifier le code]

Déroulé[modifier | modifier le code]

Grégoire IV Tgha préside le concile, qui se tient à Hromgla en [3],[8] ou à Pâques 1179[4],[15],[16]. Le catholicos d'Albanie et 32 évêques d'Arménie, de Cilicie et de diaspora s'y rendent[8],[10],[17], même si l'évêque d'Ani et les higoumènes d'Haghpat et de Sanahin sont absents[4], notamment en raison de conflits avec l'Église géorgienne, qui les rendent très hostiles au concile d'union[3]. Face à leurs accusations de nestorianisme, Grégoire leur envoie une lettre pacifique pour les reprendre et les invite à venir tout de même, en disant[18] : « Les Grecs nous ont invité une fois, puis deux, ne devrions nous pas les rencontrer courageusement et soit être d'accord avec eux, soit les rendre d'accord avec nous ? »

Nersès de Lampron, évêque de Tarse, y fait un discours remarqué où il critique les antagonismes entre l'Église orthodoxe et l'Église apostolique arménienne et appelle à la paix et l'union[19],[20].

Le concile accepte l'union avec l'Église orthodoxe[3],[9],[21] et propose une profession de foi dyophysite, acceptant la terminologie chalcédonienne[3],[22],[23]. De surcroît, il condamne Eutychès et Nestorius[23]. Le concile accepte aussi le Concile d'Ancyre, le Concile de Césarée, le Concile de Néocésarée, le Concile de Gangres, le Concile d'Antioche, le Concile de Laodicée et le Concile de Sardique[17]. C'est aussi à partir de cette époque, et de ce concile, que le livre de l'Apocalypse fait son entrée dans la liste des livres canoniques de la Bible pour l'Église apostolique arménienne[24].

Grégoire envoie ensuite une lettre au patriarche de Constantinople ou il déclare qu'il « confesse, comme vous, l'union ineffable des deux natures du Christ »[18].

Conséquences[modifier | modifier le code]

À la suite de la mort de Manuel Ier Comnène, en 1180, l'accord signé tombe dans l'oubli[3],[9], notamment car en 1196, les Byzantins reprennent les demandes liturgiques que Manuel avait accepté de laisser de côté[18].

Le catholicos Guaréguine I écrit un article en 1999, où il revient sur le concile de Hromgla et l'apport de celui-ci à l'histoire et à la théologie de l'Église apostolique arménienne[1]. Le catholicos de Cilicie Aram Ier Kechichian y consacre aussi un ouvrage, en 2011[2].

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b (en) I. Karekin, « Ecumenical Trends in the Armenian Church », The Ecumenical Review, vol. 51, no 1,‎ , p. 31–39 (DOI 10.1111/j.1758-6623.1999.tb00377.x, lire en ligne, consulté le )
  2. a et b Aram, Saint Nersēs the gracious and church unity: Armeno-Greek Church relations (1165-1173), Armenian Catholicosate of Cilicia, (ISBN 978-9953-0-1442-5)
  3. a b c d e f g h i j k l m n o p et q Krzysztof Stopka, Armenia Christiana: Armenian religious identity and the Churches of Constantinople and Rome (4th-15th century), Jagiellonian University Press, coll. « Jagiellonian studies in history », (ISBN 978-83-233-4190-1)
  4. a b c d e f g et h (en) Charles A. Frazee, « The Christian Church in Cilician Armenia: Its Relations with Rome and Constantinople to 1198 », Church History, vol. 45, no 2,‎ , p. 166–184 (ISSN 0009-6407 et 1755-2613, DOI 10.2307/3163715, lire en ligne, consulté le )
  5. a et b « NERSES IV SCHNORHALI : Exposé de la foi de l'Eglise d'Arménie. », sur remacle.org (consulté le )
  6. a b et c Julija Vidovic, « La christologie de Nersès Snorhali (Gracieux) à partir de son 'Exposé de la foi de l'Eglise d'Arménie », Sadornosia (?),‎ (lire en ligne)
  7. (de) JAHRBUCH DER ÖSTERREICHISCHEN BYZANTINISTIK: 55. BAND, Verlag der Österreichischen Akademie der Wissenschaften, coll. « JAHRBUCH DER ÖSTERREICHISCHEN BYZANTINISTIK », (ISBN 978-3-7001-3483-1, DOI 10.1553/joeb55, lire en ligne)
  8. a b c d et e Gioacchino Strano, « Le relazioni fra Chiesa armena e Chiesa greca in età comnena (secc. XI-XII) », Filologia antica e moderna : XXX, 50, 2020, no 50,‎ (DOI 10.1400/286878, lire en ligne, consulté le )
  9. a b c d e f et g Christopher MacEvitt, The crusades and the Christian world of the East: rough tolerance, University of Pennsylvania Press, coll. « The Middle Ages series », (ISBN 978-0-8122-4050-4)
  10. a et b Claude Mutafian, « L'Arménie du Levant: XIe – XIVe siècle », les Belles lettres, les Belles lettres,‎ (ISBN 9782251444253)
  11. (el) Jacques-Paul Migne, Patrologiae cursus completus, seu, Bibliotheca universalis, integra, uniformis, commoda, oeconomica: omnium SS patrum, doctorum scriptorumque ecclesiasticorum ... : series græca, in qua prodeunt patres, doctores scriptoresque Ecclesiae græcae, J.P. Migne, (lire en ligne), p. 113
  12. a et b Peter Halfter, Das Papsttum und die Armenier im frühen und hohen Mittelalter: von den ersten Kontakten bis zur Fixierung der Kirchenunion im Jahre 1198, Böhlau, coll. « Forschungen zur Kaiser- und Papstgeschichte des Mittelalters », (ISBN 978-3-412-15395-3)
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  14. (en) Hagop A. Chakmakjian, Armenian Christology and Evangelization of Islam: A Survey of the Relevance of the Christology of the Armenian Apostolic Church to Armenian Relations with Its Muslim Environment, Brill Archive, (lire en ligne)
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  16. Gilles Grivaud, « Les minorités orientales à Chypre (époques médiévale et moderne) », /,‎ (lire en ligne, consulté le )
  17. a et b (hy) « Հայոց եկեղեցական իրաւունքը. Ա Գիրք - 54) ՀՌՈՄԿԼԱՅԻ ԺՈՂՈՎԸ 1179 ԹՈՒԻՆ », sur digilib.aua.am (consulté le )
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