Bal Tabarin
Le Bal Tabarin était un cabaret parisien situé au 36, rue Victor-Massé dans le 9e arrondissement au pied de Montmartre. Il est actif de 1904 à 1953, avant d'être détruit en 1966.
Historique
[modifier | modifier le code]Fondé en 1904 par le compositeur et chef d'orchestre Auguste Bosc[1], il est construit sur l'emplacement de baraques de fortune près d'un cabaret de chansonniers, Les Tréteaux de Tabarin. Ce nom de Tabarin provient d'un comédien et bateleur de foire, Antoine Girard, surnommé Tabarin, actif à Paris au début du XVIIe siècle.
Dès l'ouverture, le succès est immédiat. Le « Tout Paris » s'y précipite pour danser au rythme de partitions agrémentées de bruits divers : trompe d'auto, coups de revolver, participer à des bals costumés ou à des batailles de fleurs, ou encore assister à des concours fantaisistes. En 1915, alors que le Moulin-Rouge est ravagé par un incendie, Auguste Bosc accueille son French cancan, participant à l'essor du Bal Tabarin[1].
En 1921, le Moulin-Rouge est reconstruit et la clientèle du Tabarin est en baisse[1]. Deux ans plus tard, en 1923, sur ordre du président du Conseil, Raymond Poincaré, le Bal Tabarin est temporairement fermé pour discrimination, après que le Dahoméen Kojo Tovalou Houénou eut été expulsé à la suite d'un incident raciste[2],[3].
En 1928, Auguste Bosc cède l'établissement à Pierre Sandrini, directeur artistique du Moulin-Rouge, et à son associé Pierre Dubout[1]. Ils transforment la salle de fond en comble, détruisent la décoration Art nouveau et installent une machinerie permettant de faire monter, depuis les sous-sols, les décors pour les revues à grand spectacle (music-hall)[1]. De cette année 1928, date l'affiche publicitaire Tabarin, œuvre de Paul Colin.
Durant l'occupation allemande, de 1940 à 1944, l'établissement est très fréquenté par les officiers de la Wehrmacht. Le Pariser Zeitung leur indique que se joue au Bal Tabarin l’un des meilleurs spectacles érotiques de Paris[1]. La fille de Pierre Sandrini, Anne-Marie Sandrini, précise à ce propos : « Ils n’interdisaient pas aux officiers allemands de venir, bien sûr. Mais ils n’ont pas demandé de faveur spéciale, comme de pouvoir rester ouvert au-delà de 23 heures. Et mon père a caché des danseuses juives. À la Libération, des résistants FFI sont montés un jour à Tabarin pour l’invectiver. Il leur a parlé, cela n’est pas allé plus loin. Il n’y avait rien à lui reprocher. »[1].
Parmi les artistes qui se produisent au Bal Tabarin, on peut entre autres citer le guitariste Django Reinhardt, les chanteuses Joséphine Baker, Damia, Suzy Delair, Zizi Jeanmaire et Juliette Gréco.
En 1949, l'établissement est racheté par les frères Clerico, propriétaires du Moulin-Rouge et qui s'en désintéressent. Il est fermé en 1953, adjugé[4], et finalement démoli en 1966 pour être remplacé par un immeuble et un supermarché (aujourd'hui un magasin d'instruments de musique)[1]. Depuis 2023, une plaque commémorative rappelle l'existence du Bal Tabarin au 36, rue Victor-Massé, dans le 9e arrondissement de Paris[5].
Le Bal Tabarin dans la culture
[modifier | modifier le code]Le Tabarin est cité dans plusieurs chansons :
- Timélou lamélou de Georgette Plana[6]
- Si tu veux… Marguerite d'Harry Fragson (1913)
- La duchessa del Bal Tabarin, opérette de Carlo Lombardo (it) (1915)[7], adaptée au cinéma par Giovanni Grimaldi en 1976 dans Frou-frou del tabarin.
- Le P'tit Bal du samedi soir de Jean Dréjac, Jean Delettre et Charles Borel-Clerc (1946)[8]
- Les Demoiselles de Tabarin, pièce pour piano de Jacques de La Presle (1959)
- Inventaire 66 de Michel Delpech (1966) qui évoque « Un Tabarin en moins, un Palladium en bus »[1]
Le Tabarin est également cité au chapitre IV de l'ouvrage Le Chemin de Buenos Aires d'Albert Londres, ainsi que dans le poème de Paul Éluard, Au Bal Tabarin, in Les Mains libres (1937).
Galerie
[modifier | modifier le code]-
Théâtre de Tabarin par Abraham Bosse, XVIIe.
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Danseuse au Bal Tabarin par Pierre Savigny de Belay, 1904.
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Quadrille au bal Tabarin par Louis Abel-Truchet, av. 1918.
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Bal Tabarin par Johannes Wilhjelm, 1909.
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Bal Tabarin par Magnus Enckell, 1912.
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Bal Tabarin à Paris par (cs) Jan Šafařík, av. 1915.
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Bal Tabarin par Julius Paulsen, 1916.
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Étude à Tabarin par Élie Anatole Pavil (1873-1948).
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Tabarin par Josef Eberz, 1924.
Source
[modifier | modifier le code]- Jean-Paul Caracalla, Montmartre, éditions Pierre Bordas et Fils, 1995.
Liens
[modifier | modifier le code]- Le Bal Tabarin.
- Bal Tabarin, peint dans l'entre-deux-guerres par Chrysis Jungbluth.
- Django Reinhardt au Tabarin en 1944.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Denis Cosnard, « Paris veut réveiller le souvenir du mythique cabaret bal Tabarin », Le Monde, (lire en ligne)
- Dominique Chathuant, « Français de couleur contre métèques : les députés coloniaux contre le préjugé racial (1919-1939) », Outre-mers, revue d’histoire, t. 98, nos 366-367, , p. 253
- Dominique Chathuant, « L'émergence d'une élite politique noire dans la France du premier 20e siècle ? », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, no 101, , p. 133-147 (lire en ligne)
- C. S., « Le bal Tabarin est adjugé aux bougies pour 28 millions », Le Monde, (lire en ligne)
- « Il était une fois le Bal Tabarin (en podcasts) », sur www.paris.fr (consulté le )
- J'ai fait la serpentine pendant 6 mois au Tabarin.
- La duchessa del Bal Tabarin, livret d'Arturo Franci et musique de Carlo Lombardo (it) (sous le nom de « Léon Bard »), première représentation : Teatro Fossati, Milan,
- D'ailleurs des beaux yeux,
Y'en a tant qu'on veut,
Y vont par deux.
Et v'là qu'dans les coins,
On est aussi bien qu'au Tabarin.