Rayon gamma

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Des rayons γ sont produits par des processus nucléaires énergétiques au cœur des noyaux atomiques.

Un rayon γ (gamma) est un rayonnement électromagnétique à haute fréquence, d'un photon dont la longueur d'onde est inférieure à environ une dizaine de nanomètres[1] (< 10−8 m), ce qui correspond à des fréquences supérieures à environ 30 pétahertz (> 3 × 1016 Hz). Ils peuvent avoir une énergie allant de quelques keV[2] à plusieurs centaines de GeV voire jusqu'à 450 TeV pour le plus énergétique jamais observé[3]. La découverte des rayons γ en 1900 est due à Paul Villard, chimiste français (1860-1934), qui a observé ce rayonnement lors de la désexcitation d'un noyau atomique résultant d'une désintégration, ce processus d'émission est appelé radioactivité γ.

Caractéristiques

Les rayons γ sont plus pénétrants que les particules alpha et bêta, mais sont moins ionisants. Ils sont de même nature que les rayons X mais sont d'origine et de fréquence différentes.

Les rayons γ sont produits par des transitions nucléaires tandis que les rayons X sont produits par des transitions électroniques provoquées en général par la collision d'un électron avec un atome, à haute vitesse. La fréquence de leurs ondes est de l'ordre de 1017 à 1019 (en Hz). Comme il est possible pour certaines transitions électroniques d'être plus énergétiques que des transitions nucléaires, il existe un certain chevauchement entre les rayons X de haute énergie et les rayons γ de faible énergie.

Les observations de rayons γ émis dans des orages s'accumulent[4],[5],[6],[7],[8], et cela semble lié aux courants électriques dont les éclairs sont les manifestations les plus visibles. La prise en compte de l'effet des courants électriques naturels au niveau nucléaire a permis de comprendre des manifestations violentes accidentelles apparaissant parfois dans les batteries électriques[9] accompagnées de production de neutrons et d'autres particules.

Sources cosmiques du rayonnement γ

Les sources de rayonnement γ dans l'univers sont connues depuis 1948 mais n'ont été observées que depuis le début des années 1960. En effet, les photons γ sont presque complètement arrêtés par l'atmosphère terrestre. Les premières observations astronomiques ont été faites à partir de ballons-sondes, de fusées-sondes (temps d'observations très courts). Ils sont aujourd'hui observés par des télescopes spatiaux spécialisés. Les rayonnements γ les plus énergétiques peuvent être indirectement observés par des observatoires terrestres qui captent la cascade électromagnétique générée par l'effet Vavilov-Tcherenkov. Le rayonnement γ de source cosmique résulte des événements les plus violents de l'univers : jets relativistes produits par des trous noirs supermassifs (blazars), sursauts γ, etc. L'énergie des photons γ émis peut atteindre des centaines de GeV.

Interaction avec la matière

Illustration de la crête de Tavernier qui se caractérise par l'accroissement de la dose d'irradiation de certains rayonnements, dont les rayons γ, dans l'organisme avant sa décroissance exponentielle. Voir aussi transfert linéique d'énergie et effet de build-up.

En passant par la matière, les rayons γ sont absorbés d'une manière exponentielle :

Ici :

  • µ = est le coefficient d'absorption, mesuré en cm−1 ;
  • n le nombre d'atomes par centimètre cube dans la matière ;
  • σ la section efficace d'absorption en centimètres carrés, donnée pour un couple rayonnement-matière caractérisé par l'énergie du faisceau incident et la nature chimique du matériau cible (son numéro atomique Z, au premier ordre) ;
  • et d l'épaisseur du matériau en centimètres.

Ainsi, on constate que le blindage contre les rayons γ requiert des grandes quantités de matière et qu'il n'est pas possible de stopper 100 % du rayonnement. Par exemple, un blindage qui réduit de 50 % l'intensité de rayons γ de 1 MeV nécessite 1 cm de plomb, 6 cm de béton ou 9 cm de terre. Plus le numéro atomique (Z) est élevé, plus l'atténuation est forte. En inversant la relation ci-dessus, l'épaisseur nécessaire pour atténuer le rayonnement d'un facteur X=I0/I est donnée par d=[Ln(1/1-X)]/µ. Avec un blindage en plomb, de numéro atomique Z=82 et de coefficient d'absorption µ=0,693147 cm−1, il faut 6,6 cm pour éliminer 99 %, 13 cm pour éliminer 99,99 % et 19,9 cm pour éliminer 99,9999 % (ce qui atténue l'énergie du rayonnement d'un facteur 106). Avec un blindage en béton, de coefficient d'absorption µ=0,1155, il faut 19,9 cm pour éliminer 90 % des radiations γ, 99,6 cm pour éliminer 99,999 %, 1,20 m pour 99,9999 % et 1,30 m pour 99,99999 % (radiations γ divisées par 107).

En pénétrant une substance, telle la matière vivante, la dose d'irradiation par les rayons γ passe d'abord par un maximum ou « crête de Tavernier », du nom du physicien belge Guy Tavernier qui découvrit ce phénomène en 1948, avant de décroître exponentiellement avec la profondeur. Ce maximum se situe à environ 1 cm de profondeur pour les rayons γ et l'intensité de ce rayonnement γ est fort dépendante de la longueur de diffusion valable pour la substance pénétrée.

Le coefficient d'absorption total de l'aluminium pour les rayons γ, et les contributions des trois effets. Ici, l'effet Compton domine.
Le coefficient d'absorption total du plomb pour les rayons γ, et les contributions des trois effets. Ici, l'effet photoélectrique domine pour l'énergie basse, et la production des paires au-dessus de 5 MeV.

Les rayons γ interagissent avec la matière via trois mécanismes principaux :

Effet photoélectrique

Dans l'effet photoélectrique, un photon γ interagit avec la matière en transférant l'intégralité de son énergie à un électron occupant une orbitale donnée qui est alors éjecté de l'atome auquel il était lié. L'énergie cinétique de ce photo-électron est égale à l'énergie du photon γ moins l'énergie de liaison de l'électron. L'effet photoélectrique est considéré comme le mécanisme principal de transfert d'énergie des rayons X et des rayons γ d'énergie inférieure à 50 keV, mais est beaucoup moins important aux plus hautes énergies. Sa plage d'énergie est fonction du numéro atomique de l'élément avec lequel le photon X ou γ interagit. L'effet photélectrique dépend donc directement de la densité de l'élément et augmente considérablement avec celle-ci (densité à la puissance 6). Cela explique la forte atténuation des rayons X et γ par le plomb et le choix de ce matériaux facile à mettre en oeuvre pour les blindages de protection.

Diffusion Compton

Dans le cas de la diffusion Compton, le photon γ possède une énergie plus que suffisante pour arracher un électron d'orbitale ; l'énergie restante est réémise sous forme d'un nouveau photon γ de moindre énergie et dont la direction d'émission est différente de la direction incidente du photon γ d'origine. L'efficacité de la diffusion Compton diminue avec l'augmentation de l'énergie des photons ; on pense que c'est le principal mécanisme d'absorption des rayons γ dans la gamme d'énergie entre 100 keV et 10 MeV, qui est celle qui inclut la plus grande part de radiations γ provenant d'une explosion nucléaire. La diffusion Compton est relativement indépendante du numéro atomique de la matière absorbant les photons γ.

Production de paires

En interagissant avec la force de Coulomb au voisinage d'un noyau atomique, l'énergie du photon γ incident peut spontanément être convertie en masse (équivalence masse-énergie: E = mc2) sous la forme d'une paire électron-positon. La production d'une telle paire (matière-antimatière) nécessite une énergie supérieure à la masse au repos des particules qui la composent (2 × 0,511 MeV), soit 1,022 MeV : l'énergie excédentaire est transférée sous forme d'énergie cinétique à la paire formée ainsi qu'au noyau de l'atome. L'électron produit, qui est souvent appelé électron secondaire, est hautement ionisant. Quant au positon, très ionisant aussi, il possède une très courte durée de vie dans la matière : 10−8 s, car dès qu'il est à peu près arrêté, il s'annihile avec un autre électron de la matière ; l'énergie équivalente à la masse totale de ces deux particules est alors transformée (à nouveau E = mc2) en deux photons γ de 0,511 MeV émis en direction diamétralement opposée (c.-à-d. formant un angle de 180 ° entre elles).

Les positons (antiélectrons, particules d'antimatière) provoquent beaucoup d'ionisation tout le long de leurs trajectoires. Cela les ralentit jusqu'à la fin de leur parcours, où ils s'annihilent très rapidement avec les électrons de la matière.

Utilisation

Spectrométrie Mössbauer

Il s'agit d'une spectrométrie d'absorption γ qui a valu le prix Nobel à son découvreur Rudolf Mössbauer à l'age de 28 ans.

L'échantillon est excité par un rayonnement γ (photon) dont on fait varier l'énergie de façon infinitésimale autour d'une énergie de transition nucléaire. Pour cela, on dispose d'une source émettant un rayonnement γ, et on applique à cette source un mouvement d'oscillation (à l'aide d'un simple mécanisme ressemblant au vibreur d'une sonnette) ; c'est l'effet Doppler-Fizeau qui produit la variation de l'énergie.

Un détecteur est placé derrière l'échantillon. Lorsque l'énergie du rayonnement incident correspond exactement à l'énergie de transition nucléaire, le rayonnement γ est absorbé, et donc l'intensité transmise mesurée est plus faible.

Le spectre Mössbauer est constitué d'un ensemble de pics multiplets symmétriques dont la position et forme (déplacement isomérique et éclatement quadrupolaire ) sont à la fois caractéristiques de l'état d'oxydation de l'élément étudié, mais aussi de la nature et de la géométrie des atomes voisins les plus proches de ceux de l'élément chimique étudié.

Danger

Les rayons γ émis par les radionucléides contenus dans les retombées radioactives représentent le principal danger liés aux contaminations résultant d'une guerre nucléaire. Si les rayons γ sont moins ionisants que les rayons α ou β, ils demandent des épaisseurs de blindage plus importantes pour s'en protéger (de l'ordre d'un ou deux mètres d'épaisseur de béton, de roche ou de terre, en fonction de l'intensité initiale des rayonnements). Ils peuvent produire des dégâts similaires à ceux produits par les rayons X et les autres rayonnements ionisants, tels que brûlures (effet déterministe), cancers et mutations génétiques (effets stochastiques, c.-à-d. aléatoires).

Répartition géographique en France

En France, le Réseau national de mesures de la radioactivité de l'environnement (RNM) diffuse des mesures de rayons γ en divers points du territoire[10]. Ci-dessous, les ordres de grandeur (exprimés en nanosieverts par heure, symbole nSv/h) de ces rayonnements mesurés par différents organismes de 2009 à 2012 :

Mesures d'EDF :

Mesures de l'IRSN de sites à forte radioactivité naturelle :

Mesures de l'IRSN :

Mesures du CEA :

Autres mesures :

Notes et références

  1. (en) « gamma ray », sur dictionary.com.
  2. « Fiche radionucléide - Iode 129 et environnement [PDF], IRSN.
  3. (en) M. Amenomori et al., « First detection of photons with energy beyond 100 TeV from an astrophysical source », Physical Review Letters,‎ (lire en ligne).
  4. (en) Alexandra Witze, « Space-station cameras reveal how thunderstorms trigger gamma-ray bursts », Nature,‎ (DOI 10.1038/d41586-019-02181-8, lire en ligne, consulté le ).
  5. (en) Davide Castelvecchi, « Rogue antimatter found in thunderclouds », Nature News, vol. 521, no 7551,‎ , p. 135 (DOI 10.1038/521135a, lire en ligne, consulté le ).
  6. (en) Harufumi Tsuchiya, Daigo Umemoto, Toshio Nakano et Yousuke Sato, « Photonuclear reactions triggered by lightning discharge », Nature, vol. 551, no 7681,‎ , p. 481–484 (ISSN 1476-4687, DOI 10.1038/nature24630, lire en ligne, consulté le ).
  7. (en) Q. M. Ali, C. L. Bhat, H. Razdan et G. N. Shah, « Neutron generation in lightning bolts », Nature, vol. 313, no 6005,‎ , p. 773–775 (ISSN 1476-4687, DOI 10.1038/313773a0, lire en ligne, consulté le ).
  8. A. V. Gurevich, V. P. Antonova, A. P. Chubenko et A. N. Karashtin, « Strong Flux of Low-Energy Neutrons Produced by Thunderstorms », Physical Review Letters, vol. 108, no 12,‎ , p. 125001 (DOI 10.1103/PhysRevLett.108.125001, lire en ligne, consulté le ).
  9. A. Widom, Y. Srivastava, J. Swain et Georges de Montmollin, « Reaction products from electrode fracture and Coulomb explosions in batteries », Engineering Fracture Mechanics, vol. 184,‎ , p. 88–100 (ISSN 0013-7944, DOI 10.1016/j.engfracmech.2017.08.030, lire en ligne, consulté le ).
  10. « Réseau national de mesures de la radioactivité de l'environnement », sur mesure-radioactivite.fr (consulté le ).

Voir aussi

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Articles connexes