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Gym Tonic

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Gym Tonic était une émission télévisuelle d'aérobic (de 35 à 60 minutes selon les émissions) animée et coproduite[1] par Véronique de Villèle et Martine Lahary, dite Davina Delor, tournée aux Studios des Buttes-Chaumont à Paris et diffusée le dimanche matin sur Antenne 2. Cette émission donna lieu à deux albums 33 tours en 1982 pour le premier volume et en 1983 pour le second, qui rencontrèrent un certain succès, contribuant à rendre l'aérobic populaire et accessible aux téléspectateurs.

Elle a duré presque quatre ans, de septembre 1982 à juin 1986 et a stimulé l'accès des femmes au sport, et à un sport jugé plus féminin. Pour la sociologie du sport, cette émission a aussi marqué le mouvement de privatisation et de médiatisation du sport, féminin notamment, et selon certains auteurs le développement du passage du sport en tant qu'activité à une sportivisation d'une partie du temps libre et de loisir[2],[3].

Histoire

Au tout début des années 1980 en France, le sport est encore élitiste, militaire et masculin[4] ou élémentaire (sport à l'école) et bien moins pratiqué par les femmes que par les hommes[5],[6], et il est encore parfois considéré comme incompatible avec la féminité. La gymnastique de loisir s'était développée depuis la seconde guerre mondiale, sous forme de club dans les patronages (patroclubs)[1].
Dans la dynamique de mai 1968 et des années 1970[7], alors que les métiers évoluent et tendent à sédentariser l'emploi, naît une demande de maîtrise du corps et de sport, de mise ou remise en forme et d'amélioration de l'alimentation. À cette époque le sport féminin, de compétition notamment, fait l'objet d'un rapport au gouvernement commandé par la ministre Françoise Giroud. (Ce rapport propose notamment d'ouvrir les clubs aux sections féminines, d'y faire entrer des entraîneurs femmes, de mieux ouvrir le sport aux femmes en développant la garde d'enfant.)[1].

Les deux animatrices, brune et blonde se décrivant comme de caractères opposés, mais complémentaires[1], se sont rencontrées dans un cours de danse où Davina qui préparait un concours en Suisse propose à Véronique d'être sa danseuse partenaire[1].

Elles décident de produire un cours où l'on aurait plaisir à faire de la gymnastique, en musique, avec des tenues très colorées dans une ambiance de comédie musicale (Fame)[1], sans entrer dans les canons et standards du culturisme[8].

Elles trouvent et louent pour cela un local (un sous-sol industriel qui était un entrepôt de jeans, 66 rue Nicolo, à Paris)[1]. Le cours d'« energic danse » est à la fois conçu pour être un moment de pédagogie et de convivialité et un spectacle. Les prospectus photocopiés et distribués dans le quartier l'intitulent Cours de musculation Work. Trois personnes y assistent le premier jour, puis rapidement plusieurs dizaines et jusqu’à cent personnes[1]. Par rapport aux cours traditionnels où les élèves sont tous habillés de la même manière, ici l'individu est valorisé par sa tenue colorée[9]. Chaque participant est incité par les animatrices à inventer sa tenue et à la composer lui-même (bandeaux, bandanas, guêtres[1]...)[9].

Béatrice Augier, attachée de presse de la station de ski des Arcs, s'inscrit à leur cours après les avoir rencontrées lors de leurs vacances aux Arcs. Aux États-Unis, Jane Fonda et les Californiens pratiquent déjà le jogging[1].

À la suite d'un reportage, le nombre de pratiquants augmente, nécessitant d'abattre des cloisons. Le journal Vital consacre un reportage au cours (17 pages)[10], qui attire Antenne 2, qui lance l'émission le , année de publication en France de la traduction française de Ma méthode de Jane Fonda[11].

L'émission, qui a touché jusqu'à 12 millions de téléspectateurs par émission[12], s'est arrêtée le [13].

La productrice Pascale Breugnot ayant décidé de faire un an de rediffusions, Véronique et Davina ont été moins proches des téléspectateurs et ont donc pris une année sabbatique. De nouvelles émissions auraient dû être tournées mais le projet n’a pas été reconduit à la télévision. Les animatrices ont néanmoins continué cette aventure pendant deux ans au Maroc sur la chaîne 2M avec leur émission 2M en Forme.

Réaction du public et des spécialistes

Véronique et Davina reçoivent 20 000 lettres de remerciement pour leur émission de à et vendent 600 000 cassettes de remise en forme pendant les cinq ans de l'émission[14].

Toutefois, l'émission ne fait pas l'unanimité parmi les professionnels de la gymnastique[Lesquels ?] :

« J'émets une vive protestation au vu de la diffusion de l'émission Gym Tonic qui prétend mettre en forme les malheureux gogos qui vont la pratiquer, plantés devant leur poste de télévision. Ils vont s'agiter dans tous les sens, martyriser leurs muscles et leurs articulations, et leur pauvre colonne vertébrale. C'est insensé ! Comment peut-on oser proposer de telles pratiques qui, au lieu d'entretenir, d'assouplir et muscler en prenant toutes les précautions nécessaires, en s'assurant de la plus élémentaire prudence, vont très rapidement démolir des corps d'adultes, non entraînés, non préparés et déjà touchés par tous les problèmes physiques qu'apporte l'avance en âge... Les vrais professionnels de l'éducation physique doivent sentir leurs cheveux se dresser sur la tête s'ils regardent un tel spectacle. Je pratique la gymnastique d'entretien et je l'enseigne. Cela demande une formation spécifique sérieuse. Je fréquente de nombreux professeurs d'E.P.S., tous sont consternés[15]. »

Le docteur Dominique Poux, spécialiste de traumatologie sportive, attaché à l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance déclare :

« Les exercices ne sont pas toujours bien contrôlés, les flexions sont trop violentes, les temps ressorts peuvent endommager la colonne vertébrale. Le rythme accéléré peut entraîner des claquages et nécessite, en tout cas, un assez important entraînement cardio-vasculaire[16]. »

Générique

Pendant le générique de fin d’émission (à partir d'), Véronique et Davina prennent une douche nues[13]. En réalité, Pascale Breugnot elle-même dira (Cf : Documentaire télévisé La télé des années 80, France 3, 2018) que cette scène s'est tournée le plus simplement du monde après une émission. Mais au vu des images, une légère mise en scène est visible. Davina et Véronique sont filmées séparément dans deux douches différentes placées l'une à côté de l'autre. Tout d'abord, Davina est filmée de dos, dévoilant ainsi son postérieur, puis Véronique, quant à elle, est filmée de face, dévoilant ainsi sa poitrine.

Cette scène a été un succès phénoménal et a fait le tour du monde.[réf. nécessaire] Après un arrêt de deux semaines, cette séquence a été de nouveau programmée en boucle aux petites heures, à la suite des nombreuses réclamations des téléspectateurs, parmi lesquels essentiellement des hommes. Effectivement, il était rare de voir une telle scène à la télévision à une heure de grande écoute à l'époque.

Cette scène a néanmoins contribué à apporter un public masculin à l'émission, qui au départ visait un public essentiellement féminin.

Cette émission a contribué à accroître le rythme d'ouverture de salles de gym et notamment de grandes salles (façon gymnases-club, salle des Champs-Élysées) à Paris, puis en province.

Gym Tonic est restée célèbre par la suite, notamment grâce à la musique du générique composée par Alain Goraguer, qui a été reprise et remixée de nombreuses fois. Les paroles de cette musique sont composées d'onomatopées, et elle est caractérisée par son refrain contenant toutouyoutou[17]. Elle est par exemple devenue la musique-phare des publicités pour le numéro de renseignements 118 218 à partir de 2004, publicités qui parodient aussi l'émission avec deux hommes moustachus, dans des tenues d'aérobic.

TF1 a ensuite également proposé une émission de gymnastique (téléforme) et cette forme de gymnastique s'est intégrée dans le phénomène de privatisation et mondialisation du sport[18].

Notes et références

  1. a b c d e f g h i et j France-Culture, La Fabrique de l'Histoire, Émission consacrée à ce sujet, rediffusée 2014-12-29
  2. Donnât, O. (1987). Du sport à la sportivisation : une rupture ?. Connexions, 150
  3. Suchet, A. La sportivisation des pratiques, dites, nouvelles ; Université de Laval.
  4. Garrigues, P. (1987). D'une gymnastique militaire et scolaire à une gymnastique multiforme et féminine. Économie et statistique, 204(1), 35-41.
  5. Davisse, A., & Louveau, C. (1998). Sports, école, société: la différence des sexes: féminin, masculin et activités sportives. Éditions L'Harmattan.
  6. Saint-Martin, J., & Terret, T. (2005). Sport et genre (volume 3). Éditions L'Harmattan.
  7. Y. Travaillot et S. Haissat, « Corps sportifs: corps à la mode au féminin depuis les années soixante ? », Corps, no 1,‎ , p.19-24.
  8. Y. Travaillot, « Le monde culturiste face aux gymnastiques aérobiques dans la première moitié des années 1980: les conceptions divergentes des acteurs du système d'offre », Staps, no 1,‎ , p.39-52 (lire en ligne).
  9. a et b A. Bidaud, « Rencontres sportives, l'individu en jeu », Espaces Temps, no 37(1),‎ , p.35-43.
  10. Davina, interviewée par Isabelle Léouffre, « Le jour où je suis devenue moniale bouddhiste », Paris Match, semaine du 7 au 13 décembre 2017, page 182.
  11. Archambault F & Artiaga L (2008) Plus vite, plus haut, plus riche. Le Temps des médias, (2), 137-148.
  12. Koebel, M. (2010). L'intégration par le sport : une croyance durable. Empan, (3), 28-39.
  13. a et b « Gym tonic - L'Encyclopédie des émissions TV », sur Toutelatele.com (consulté le )
  14. Travaillot 1998, p. 96.
  15. Lettre de Madame Claude Alberca, d'Orange (Var), publiée dans Télé 7 jours n° 1169 du 23 octobre 1982, page 14.
  16. Télé 7 jours n° 1169 du 23 octobre 1982, pages 122 et 123, article de Martine Bourillon : « Une, deux...une, deux, Véronique et Davina ont déjà leurs fans et leurs détracteurs ».
  17. « Gym Tonic par Véronique et Davina », sur musique.com (consulté le ).
  18. Terret, T. (2011). Sport et mondialisation (1975-2011). Que sais-je?, 3, 88-105

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Dansou P, Kotin M.L, Laleye A, Lawani M & Darboux R (2004) Effets des exercices physiques sur la cellularité adipeuse des femmes obèses préménopausées. Cahiers d'études et de recherches francophones/Santé, 14(3), 183-186 (résumé).
  • Dine, P. (2003). The end of an idyll? Sport and society in France, 1998-2002. Modern & Contemporary France, 11(1), 33-43.
  • Feillet R & Roncin C.(2001) Représentations du vieillissement et du risque dans les activités physiques et sportives à la retraite. Loisir et Société/Society and Leisure, 24(1), 205-222 (résumé).
  • Le Breton D & Walker R.S (1988) Dualism and Renaissance: Sources for a modern representation of the body. Diogenes, 36(142), 47-69.
  • Mischler S & Pichot L.(2005) La nécessaire diversification des politiques de salles de fitness. Les logiques d’action des entreprises de la forme en Alsace. Loisir et Société/Society and Leisure, 28(1), 239-263 (résumé).
  • Yves Travaillot, Sociologie des pratiques d'entretien du corps : l'évolution de l'attention portée au corps depuis 1960, Presses universitaires de France, coll. « Pratiques corporelles », , 235 p. (ISBN 978-2-13-049324-2, lire en ligne), p. 96.
  • Sabrina G (2007) Le marché du Fitness en France. Publications Oboulo.com.

Liens externes