Gulf Stream

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Le Gulf Stream (en orange et jaune) au large de la côte Est des États-Unis (température de surface)

Le Gulf Stream (« courant du golfe » en anglais) est un courant océanique qui prend sa source entre la Floride et les Bahamas et se dilue dans l'océan Atlantique vers la longitude du Groenland. Son nom est abusivement utilisé pour désigner la dérive nord atlantique, voire l'ensemble de la circulation de surface de l'océan Atlantique nord.

Découverte

Il était probablement connu des Amérindiens Séminoles plusieurs siècles avant la découverte de l'Amérique[1]. Dès 1513, lors de la découverte de la Floride, le navigateur espagnol Juan Ponce de León remarque que ses navires sont emportés par un énorme et rapide courant d'eau chaude qui vient de l'actuelle mer des Antilles[2]. Ce n'est qu'en 1770 que l'Américain Benjamin Franklin, alors responsable de l'administration des postes fait réaliser une étude approfondie et une cartographie détaillée du Gulf Stream pour améliorer le temps de transport du courrier avec la Grande-Bretagne[2]. Il participe lui-même aux études et ce travail aura un tel retentissement qu'il donnera lieu à la légende selon laquelle c'est lui qui l'aurait nommé, voire découvert[1].

Étendue

Le Gulf Stream et la circulation de l'Atlantique nord

Henry Stommel[3] décrit en quelques mots le phénomène comme une frontière qui partage le nord, froid, et le centre, chaud :

« Le Gulf Stream n'est pas un fleuve chaud[N 1], mais un mur séparant de l'eau chaude et de l'eau froide. C'est une entité physique semblable à la pellicule d'air qui enrobe l'aile d'un avion se déplaçant dans les airs, la couche limite[4]. »

Le Gulf Stream est constitué de la fusion du courant de Cuba et du courant nord équatorial (en). Pour certains spécialistes, le courant de Floride est une partie du Gulf Stream entre le détroit de Floride et le cap Hatteras[5]. Sur cette partie, il est proche du littoral et reste relativement stable. Sa température est comprise entre 24 °C et 28 °C[6]. Au large de la Floride, le Gulf Stream est un véritable fleuve, de 30[6] à 150 km de large et de 300[6] à 1 200 m de profondeur, qui s'écoule à une vitesse de 2,5 m/s (9 km/h), et dont les bords sont visibles à l'œil nu. Il longe alors la côte vers le nord jusqu'au cap Hatteras, puis se dirige vers l'est en formant des méandres qui finissent par se détacher du courant principal sous forme de tourbillons qui s'atténuent en plusieurs jours ou quelques semaines. Ces tourbillons sont le principal mécanisme de ralentissement et de dilution du courant, selon l'océanographe William R. Holland[4].

La limite sud du courant se dilue rapidement dans l'océan dont la température et la salinité sont très peu différentes. Au contraire la limite nord-ouest constitue également la limite sud-est du courant du Labrador, froid et coulant en sens opposé.

Au sud du Groenland on continue à observer des poches d'eaux plus chaudes mais le déplacement de l'eau ne se fait plus vers l'est que statistiquement, à une vitesse inférieure à 8 km/jour. Son déplacement instantané dépend de la vitesse[7] et de la direction[8] du vent, et du temps depuis lequel il souffle.

Mécanisme

Le Gulf Stream s'est formé il y a 4,1 millions d'années durant le pliocène par la fermeture de l'isthme de Panama[réf. nécessaire].

Ce courant marin est propulsé et contrôlé par une combinaison d'interactions dont les forces éoliennes, les différences de densité de l'eau (température, salinité), les apports d'eau douce continentale, pluviale et la géographie des côtes. À noter que de légères différences d'altitude peuvent être mesurées par rapport à ce qui correspondrait à la surface moyenne d'équilibre statique des océans, mais ces différences moyennes d'altitude sont la conséquence des phénomènes dynamiques précités et non leurs causes[réf. nécessaire].

Le moteur de la circulation thermohaline est la différence de densité due à la salinité et à la température des eaux. Les eaux arctiques sont plus denses car elles sont plus froides et plus salées. Les eaux atlantiques sont moins denses car elles sont plus chaudes et moins salées. Les premières plongent donc sous les secondes en direction de l'Arctique, créant une aspiration des eaux atlantiques vers le nord.

Influence sur le climat

En 1855, un lieutenant de marine des États-Unis, Matthew Fontaine Maury, publia The Physical Geography Of The Sea and its Meteorology[N 2]. Il y posait l'hypothèse que le Gulf Stream jouait un rôle majeur dans la régulation des températures hivernales de l'ouest de l'Europe. À partir d'observations faites de part et d'autre de l'Atlantique, l'auteur concluait que le Gulf Stream, seule vraie source de chaleur locale, était responsable du climat hivernal européen particulièrement doux[9] (15 °C de plus en moyenne que pour l'Est canadien). Mais ne disposant pas de relevés climatiques précis de haute-mer, l'auteur n'a pas distingué les climats « maritimes » de climats continentaux, en réalité fondamentalement différents.

Selon cette théorie, c'est le Gulf Stream, chaud, qui transférerait en hiver son énergie thermique aux vents d'ouest froids, stabilisant le déséquilibre entre les couches atmosphérique et océanique dû à un rayonnement solaire diminué. Les deux couches s'équilibreraient, réduisant de la sorte le refroidissement des températures. Cette théorie vieille de plus d'un siècle a été largement diffusée jusque dans les années 1990, notamment par les manuels de géographie et les encyclopédies, sans pourtant jamais avoir été scientifiquement confirmée[9].

On ignore encore l'importance exacte des impacts du Gulf Stream sur le climat européen continental ou océanique, ou sur la formation des nuages.

L'énergie thermique accumulée l'été par le continent eurasiatique mais surtout par les mers, est pour partie restituée l'hiver aux masses d'air poussées par les vents notamment au-dessus de l'Atlantique, sans que ces derniers connaissent les perturbations que leur imposent les chaînes montagneuses orientées nord-sud qui bordent les Amériques. D'autre part, le courant océanique de jet, c'est-à-dire la déviation des vents par la rotation de la Terre ou force de Coriolis, apporte en hiver sur le continent, grâce aux vents d'ouest dominants, de l'air océanique beaucoup plus doux que l'air continental. Or les vents dominants viennent de l'ouest en Europe et plutôt du nord pour l'Amérique du Nord.

Une étude publiée en 2002 par Richard Seager (climatologue de l'Université Columbia) étaye par des modèles l'hypothèse que l'effet du Gulf Stream est nettement moins important que l'effet des mouvements atmosphériques[10]. Les simulations de Richard Seager laissent penser que l'écart hivernal de température moyenne observé entre l'est de l'Amérique du Nord et l'Europe de l'Ouest n'est que peu lié au Gulf Stream (à l'exception notable de la Norvège), mais plutôt aux sens des vents dominants qui diffèrent : la présence des montagnes Rocheuses et la configuration géographique expliqueraient mieux les écarts de température, le vent d'ouest au nord-est de l'Amérique du Nord venant du nord-ouest, tandis que le vent d'ouest en Europe de l'Ouest vient du sud-ouest. Le Gulf Stream aurait dans les différents modèles testés par R. Seager un effet nettement plus faible, et son arrêt ne changerait rien au fait que l'Amérique du Nord resterait plus froide que l'Europe en hiver. Ses modèles suggèrent un refroidissement de l'ordre de 4,5 à 6 °C aux latitudes moyennes, et de l'ordre de 20 °C en Norvège, en cas d'arrêt du transport de chaleur océanique, mais également réparti de part et d'autre de l'Atlantique. Cet effet ne ferait alors, aux latitudes moyennes, que compenser le réchauffement global[10].

Le contraste entre Paris et Montréal est dû à la rotation de la Terre qui engendre des vents d'Ouest dominants pour les latitudes tempérées[10].

Les façades continentales Ouest (Europe), situées à l'Est de l'océan jouissent donc naturellement d'un climat plus doux que les façades continentales Est (comme Montréal), situées à l'Est d'un continent où les descentes d'air froid sont plus marquées et accentuées et non pas atténuées.

Possibilités de disparition du Gulf Stream

Les chercheurs du GIEC ont émis l'hypothèse que le réchauffement climatique pourrait entraîner l'arrêt de la circulation thermohaline, par diminution de la salinité et augmentation de la température de l'océan Arctique[11]. La presse a entretenu l'idée que la circulation des eaux empruntant le Gulf Stream sur une partie de son trajet pourrait s'arrêter et donc arrêter le Gulf Stream lui-même. En fait les débits concernés sont sans commune mesure. Le Gulf Stream est un élément d'un système plus grand encore : il fait partie de la branche occidentale renforcée de la gyre océanique subtropicale de l'atlantique nord. Le moteur de cette gyre étant l'anticyclone des Açores et l'origine de celui-ci étant la différence de température entre l'équateur et le pôle Nord, l'arrêt de la circulation thermohaline n'aurait qu'une conséquence à peine décelable sur le Gulf Stream[12].

Gulf Stream et marée noire du forage de la Deepwater Horizon (2010)

Le courant marin qui circule dans le golfe du Mexique (le Loop current) a d'abord entraîné le pétrole vers le littoral de la Floride[13], puis un mois après l'accident, vers les plages de la station balnéaire de Key West, située à l'extrémité des Keys (la troisième barrière de corail au monde[14],[15]). Les modèles mathématiques laissent craindre un flux rapide vers l'Atlantique une fois que la nappe pourra sortir du Golfe, si les courants marins ont leur configuration habituelle[16].

Notes et références

Notes

  1. Matthew Fontaine Maury écrivait dans la Géographie physique de la mer... (1855) : « Il existe un fleuve, en plein océan, qui ne tarit jamais même lors des sécheresses extrêmes et ne déborde jamais, même pendant les pires inondations ; ses rives et son lit sont faits d'eau froide, mais son courant est chaud [...] » cité dans A. B. C. Whipple, Les Courants marins, Amsterdam, Time-Life, coll. « La Planète terre », , 176 p. (ISBN 2-7344-0280-7, OCLC 25344302, BNF 34765965), p. 51
  2. L'ouvrage The Physical Geography Of The Sea and its Meteorology de Matthew Fontaine Maury eut un certain succès dans le grand public (voir par exemple ce qu'en dit Jules Verne dans 20000 lieues sous les mers), mais fut assez largement critiqué par les scientifiques de l'époque, en particulier Sir John Herschel.

Références

  1. a et b Who First Mapped the Gulf Stream?
  2. a et b Bruno Voituriez, Le Gulf Stream, Paris, UNESCO, (ISBN 2746702347), p. 19
  3. (en) Henry M. Stommel, The Gulf Stream : A Physical and Dynamical Description, Berkeley, University of California Press (2e éd.), , 248 p. (ISBN 0520033078, OCLC 16398251)
  4. a et b Whipple 1984, p. 57
  5. Bruno Voituriez, Le Gulf Stream, Paris, UNESCO, (ISBN 2746702347), p. 64
  6. a b et c Bruno Voituriez, Le Gulf Stream, Paris, UNESCO, (ISBN 2746702347), p. 156
  7. La vitesse du courant est de l'ordre de quelques pourcents de celle du vent, soit de l'ordre de 1 km/h par bonne brise.
  8. Voir Spirale d'Ekman
  9. a et b Richard Seager, Gulf Stream et douceur du climat européen, pourlascience.fr, 30 novembre 1999
  10. a b et c Seager et al. Année.
  11. « lien brisé »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?).
  12. Bruno Voituriez, « Le Gulf Stream peut-il un jour s’arrêter? », sur clubdesargonautes.org, (consulté le ).
  13. (en) « Scientist warns oil spill may reach Miami », Euronews,
  14. « Marée noire : la Floride et l’Atlantique menacés », Euronews,
  15. « Marée noire : premières boulettes en Floride », Euronews,
  16. Modélisation

Voir aussi

Bibliographie

  • Bruno Voituriez, Le Gulf Stream, Paris, UNESCO, (ISBN 2746702347).
  • Michèle Fieux, L'océan planétaire, Paris, Les Presses de l'ENSTA, (ISBN 9782722509153).
  • Erik Orsenna, Portrait du Gulf Stream : éloge des courants, Paris, Seuil, (ISBN 2020486784).
  • Jean-François Detrée, Thierry Huck et Nicolas Lemarchand, Si le Gulf Stream s’arrêtait ?, Bonsecours, Point de vues, (ISBN 9782915548457).
  • Richard Seager, D.S. Battisti, J. Yin, N. Gordon, N. Naik, A.C. Clément et M.A. Cane, « Is the Gulf Stream responsible for Europe's mild winters? », Quarterly Journal of the Royal Meteorological Society, vol. 128, no 586,‎ , p. 2563-2586 (lire en ligne, consulté le ).

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