Rivington (entreprise)

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Rivington est une agence de lobbying française sise à Paris, rue du Renard.

Statuts[modifier | modifier le code]

Rivington est une société commerciale créée en . Le cabinet de conseils en lobbying[1] réalise en 2018 un chiffre d'affaires de 4,1 millions d'euros[2].

Laurent Lotteau est son PDG[3]. Selon le magazine Challenges, « actif au sein des réseaux strauss-kahniens, il avait dû quitter en 2010 précipitamment et de manière inexpliquée M&M, la filiale « évènementiel » du spécialiste du lobbying, le cabinet Boury Tallon »[4].

Le 28 avril 2023, Rivington annonce son intégration au Groupe ADIT, leader de l’intelligence économique[5].

Activité de lobbying[modifier | modifier le code]

Auprès des institutions de l'Union européenne[modifier | modifier le code]

Rivington est inscrit depuis 2017 au registre de transparence des représentants d'intérêts auprès de la Commission européenne, et déclare en 2018 pour cette activité des dépenses annuelles d'un montant inférieur à 10 000 euros. L'agence est intervenue en 2018 pour le compte de trois clients, pour un chiffre d'affaires inférieur à 100 000 euros[6],[7].

En France[modifier | modifier le code]

Rivington déclare à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique exercer des activités de lobbying en France pour un montant qui n'excède pas 1 250 000 euros sur l'année 2021[8]. L'agence déclare 43 clients en 2017, dont Philip Morris, Sanofi, BASF, Danone et Eiffage[9].

Le média Agrapresse indique en mai 2022 que l'agence mobiliserait « environ 140000 euros annuels et deux lobbyistes pour accompagner Phyteis (ex-UIPP) et plusieurs fabricants de pesticides »[10].

Rencontres entre parlementaires et lobbyistes[modifier | modifier le code]

L'agence organise chaque année environ 15 « colloques parlementaires » ou rencontres parlementaires, dont le financement est assuré par des entreprises, qui souhaitent rencontrer différents parlementaires[11],[12]. Le coût du ticket d'entrée s'échelonne, pour une entreprise, de 8 000 à 20 000 euros[13].

Pour Laurent Lotteau, ces réunions sont « l'antichambre du dépôt d'amendements en commission »[13].

Claude Bartolone, ancien président de l'Assemblée nationale, a souhaité en 2014 que le terme de « colloque parlementaire » ne soit plus employé pour ces réunions[13]. Ces réunions se déroulent fréquemment à la Maison de la Chimie[14].

Dans ce domaine, le cabinet Rivington et le cabinet Boury, Tallon et associés se livrent à une « concurrence frontale »[15].

Rédaction d'amendements pour les parlementaires[modifier | modifier le code]

Le cabinet vend des amendements clés en main pour les parlementaires[16],[17], ainsi que des notes pour contrer les amendements adverses lors du processus législatif[18].

Critiques[modifier | modifier le code]

Transparence[modifier | modifier le code]

En 2014, le cabinet Rivington n'a pas souhaité, à l'inverse d'autres agences, s'inscrire sur le registre des représentants d'intérêts de l'Assemblée nationale, qui ne présente à l'époque pas de caractère obligatoire[18],[19].

Philip Morris[modifier | modifier le code]

En 2015, l'agence Rivington défend les intérêts du cigarettier Philip Morris, lors du débat législatif, pour s'opposer au paquet neutre[20],[21]. L'agence organise alors « des rendez-vous en tête-à-tête, [un] colloque à un jet de pierre du Palais-Bourbon, [des] amendements livrés clés en main et même, comme le révélera le magazine Challenges, une collecte de signatures parlementaires contre le paquet neutre via un mail où Rivington se fait passer pour un député notoirement pro-tabac »[17], Jean-Louis Dumont, qui affirme n'avoir jamais mandaté Rivington pour cette initiative[4].

Conflits d'intérêts potentiels[modifier | modifier le code]

Plusieurs responsables politiques rejoignent l'agence à l'issue de leur mandat, alors que des collaborateurs de l'agence accèdent à des responsabilités publiques dans le même temps, ce qui nourrit de possibles conflits d'intérêts[21]. Ainsi, Matthias Fekl, ancien secrétaire d’État chargé du Commerce extérieur et Romain Derache[22], auparavant chargé de mission Relations avec les parlementaires du ministre Bruno Le Roux rejoignent Rivington en 2017[20],[23]. Dans l'autre sens, d'anciens employés de Rivington quittent l'entreprise pour des responsabilités politiques, comme Layla Rahhou, devenue cheffe de cabinet au secrétariat d'État au numérique, Patrick Kanner qui est employé au ministère de la ville, de la jeunesse et des sports[24]. Plusieurs anciens collaborateurs de l'agence accèdent ainsi à des responsabilités publiques, notamment Jessica Chetboun, qui devient conseillère politique auprès du groupe LREM à l'Assemblée, Étienne Lesoeur qui est choisi comme assistant parlementaire de Frédérique Dumas, vice-présidente LREM de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, et Céline Montaner, collaboratrice d'Aurore Bergé[25].

Pour la journaliste Laure Bretton, « le cabinet est une nébuleuse de gauche. On y croise Raphaël Zarader, fils de Robert Zarader, le publicitaire qui a l’oreille de Hollande à l’époque, ainsi que l’ex-présidente de SOS Racisme Layla Rahhou. Signe de la porosité entre le monde politique et les lobbys, Rahhou vient de rejoindre le cabinet de Mounir Mahjoubi, l’actuel secrétaire d’Etat au numérique : elle a été remplacée dans la foulée chez Rivington par Romain Derache, ex-collaborateur parlementaire PS passé par le ministère de l’Intérieur »[17].

Rivington recrute également des journalistes de La Chaîne parlementaire afin de disposer d'accès multiples au Parlement[25].

Dépenses[modifier | modifier le code]

Laurent Lotteau justifie les dépenses de l'entreprise par le recours onéreux à la « compétence ». Pour l'association Anticor, cette justification est peu crédible : l'association met en cause la pratique habituelle des cadeaux aux parlementaires ou hauts fonctionnaires, dépenses qui n'apparaissent pas telles quelles dans les montants déclarés[3],[26].

Campagne d'influence du Qatar[modifier | modifier le code]

Rivington est impliquée, à partir de 2018, dans la campagne d'influence controversée du Qatar en Europe[27].

Prises de position[modifier | modifier le code]

En 2018, Laurent Lotteau estime que les contraintes déclaratives imposées aux lobbies ne peuvent être efficaces que si élus et hauts fonctionnaires sont également soumis à des obligations analogues, ce qui n'est pas le cas[28].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Maxime Ferrer et Thibaut Faussabry, « Cibles, moyens : quelles activités les lobbys déclarent-ils en France ? », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  2. « Toute la donnée des sociétés », sur societeinfo.com (consulté le ).
  3. a et b Maxime Ferrer, « Transparence : où vont les millions d’euros dépensés par les lobbys pour influencer le pouvoir ? », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  4. a et b « Paquet neutre: comment l'industrie du tabac fait la loi », Challenges (consulté le ).
  5. « Rivington Conseil sur LinkedIn : Toute l’équipe de Rivington a le plaisir de vous annoncer son intégration… », sur www.linkedin.com (consulté le )
  6. « Registre des représentants d'intérêts - Rechercher dans le registre », sur ec.europa.eu (consulté le )
  7. (en) « Rivington | LobbyFacts Database », sur lobbyfacts.eu (consulté le )
  8. « Fiche Rivington », sur le site de la HATVP (consulté le )
  9. Olivier Petitjean, « Qu'apprend-on dans le tout nouveau registre du lobbying en France ? », sur Observatoire des multinationales (consulté le )
  10. Ivan Logvenoff, « Lobbying et agriculture : qui sont les acteurs les plus influents », sur Agra Presse (consulté le ).
  11. « Rivington », sur Les Jours (consulté le ).
  12. « À l’Assemblée, le lobby-boulga des groupes d’études », sur Les Jours, (consulté le ).
  13. a b et c Valérie de Senneville, « Le nouveau pouvoir des lobbys au Parlement », Les Échos,‎ (lire en ligne).
  14. Aurore Gorius et Vincent Mahé, « Dans la place », La Revue dessinée,‎ hiver 2019-2020, p. 36-39
  15. « Rivington », sur La Lettre A, (consulté le ).
  16. Jean-Baptiste Daoulas, « Comment les lobbys s'adaptent aux macronistes », L'Express,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  17. a b et c Laure Bretton, « Paquet neutre : les trouvailles de sape du lobby du tabac », Libération,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  18. a et b Rémi Noyon, « Ça va devenir trop facile de repérer les amendements dictés par les lobbies », L'Obs,‎ (lire en ligne).
  19. Rémi Noyon, « « Il reste encore beaucoup à faire sur le lobbying » », L'Obs,‎ (lire en ligne)
  20. a et b Roger Lenglet et Jean-Luc Touly, « Ces élus PS qui ont rejoint les cabinets de lobbying pour revendre leurs relations et leur influence au secteur privé », sur Atlantico.fr, (consulté le )
  21. a et b « Secrétaires d’État et lobbies se mettent en colloques », sur Les Jours, (consulté le )
  22. « Derache quitte (déjà) Rivington - 16/11/2017 », sur La Lettre A, (consulté le )
  23. « Ça rentre et ça sort chez Rivington - 10/03/2016 », sur La Lettre A, (consulté le )
  24. Lenglet et Touly 2017, p. 14-15.
  25. a et b « Parlement : l'ascenseur fonctionne bien entre Rivington et En Marche ! », sur La Lettre A, (consulté le ).
  26. Nicolas Berrod, « Comment les lobbys s’immiscent dans la fabrique de la loi », Le Parisien,‎ (lire en ligne, consulté le )
  27. Willy Le Devin et Laurent Léger, « La France, porte d’entrisme et de lobbying du Qatar », sur Libération (consulté le )
  28. Valérie de Senneville, « Pourquoi les lobbies restent tout-puissants en France », Les Échos,‎ (lire en ligne)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Roger Lenglet et Jean-Luc Touly, Les crapules de la République, First, , 124 p. (ISBN 2412025002).

Lien externe[modifier | modifier le code]