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Une page de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
En safari-photo devant le barrage Daniel-Johnson.
Sommairement, pour mieux te connaître, qui es-tu ?
Mon nom est Claude Boucher, j'ai 45 ans et j'effectue présentement un retour aux études en économie et politique à l'Université Laval. Je suis né à Montréal, mais j'ai passé 12 ans au Nouveau-Brunswick.
J'ai pratiqué le journalisme pendant plusieurs années, notamment à L'Acadie Nouvelle avec un grand 'N'[1]. J'ai aussi travaillé comme agent d'information au gouvernement du N.-B. et j'ai monté des contenus pédagogiques en ligne à l'Université de Moncton.
Nous avons pris le chemin de Québec il y a quelques années afin de permettre à ma compagne de compléter sa maîtrise à Laval. Maintenant c'est mon tour de passer beaucoup de temps à profiter du privilège de lire des notes de cours.
Quelles sont tes motivations pour contribuer à Wikipédia ?
Wikipédia, c'est devenu un peu ma boîte de fiches, ces petits cartons qu'on utilisait dans le temps pour noter des sources, des adresses et des citations. Pour celui ou celle qui cherche une date, un fait précis, Wiki est en train de devenir une référence incontournable, bien qu'ils soient nombreux à refuser d'admettre son existence — il faut bien se garder une petite gêne !
Évidemment, Wiki deviendra, au meilleur des cas, un point de départ, une lecture initiale, pour le chercheur sérieux. C'est parfaitement acceptable. Mais il y a autre chose dans Wikipédia : des millions de lecteurs. Nous sommes lus. C'est une responsabilité importante et c'est pour eux que je travaille. Et ça marche. Je remarque souvent que le nombre de visites sur les pages auxquelles je contribue augmentent avec la qualité de l'article. Un meilleur texte, de la wikification, plus de sources, plus de photos = plus de visiteurs. Quoi de plus normal : plus la Wikipédia est utile, plus elle comptera de lecteurs. Exactement comme la saucisse Hygrade.
Raconte-nous ta première fois sur Wikipédia.
À regarder mon historique, je constate que ma première intervention signée sous mon pseudo, le est ici, en page de discussion de l'article Montréal. J'étais confus qu'on fasse figurer la prononciation anglaise du nom de Montréal en premier (voir ici), alors qu'on la décrivait comme la « la seconde ville francophone au monde après Paris ». Quelqu'un a lu mon message, mais le changement a tardé pendant plus de deux mois...
Quels sont les côtés de Wikipédia que tu aimes le plus ?
La gratification immédiate Émoticône sourire. Plus sérieusement, c'est le caractère collaboratif de l'entreprise, cette impression de travailler pour le bien commun, aussi difficile à définir qu'il soit. L'autre côté qui me fascine, c'est l'aspect universel et colossal de l'entreprise.
Je sais que plusieurs wikipédiens ont déjà lu le cycle de Fondation d'Isaac Asimov. En y repensant 25 ans après avoir lu les bouquins, je souris en pensant que le puissant empire de Trantor doive exiler ses meilleurs savants et historiens à l'autre bout de la galaxie pour écrire leur opus, alors que je peux le faire dès aujourd'hui « dans mon appart', en pyjama et en mangeant des Cheetos », pour tomber dans le cliché (pour la petite histoire, je préfère les Doritos et je dors en sous-vêtement)! Maintenant, il faut se méfier du Mulet. Le plan Seldon est en marche Émoticône
L'autre côté fascinant, c'est la présence des gnomes, créateurs de modèles, dresseurs de bots, correcteurs orthographiques impulsifs, préfets de discipline, patrouilleurs RC, catégorisateurs impénitents (l'approche pres-rustienne de la question étant évidemment exclue) et tous les autres que je salue. J'ai fait du travail du genre pendant un an et je me sens beaucoup plus à l'aise maintenant que je j'ai planté ma tente dans un périmètre plus circonscrit.
Quels sont les côtés de Wikipédia que tu déplores ?
Je l'ai déjà dit dans la jasette : la suppressionite aigüe est tellement contre-productive !
L'autre chose que je déplore, c'est encore le côté peu sourcé et un peu aléatoire de nombreux textes, ce qui donne une impression de manque de fini. Je pense qu'il faut insister pour inciter le plus grand nombre de wikipédiens à sourcer avec le meilleur matériel disponible. « La bibliothèque est l'hôpital de l'âme », répète souvent le politologue Guy Laforest. Combien il a raison ! Je me permettrai de le paraphraser en disant : « Les bibliothèques sont l'hôpital d'une Wikipédia encore trop peu sourcée ».
Enfin, il faut déplorer le manque de « spécialistes » intéressés à collaborer dans certains domaines ; l'économie en est un. Une aversion de ces matheux compulsifs pour la prose?
Quel est l'article dont tu es le plus fier ?
Hydro-Québec (d · h · j · )[2] évidemment. Cet article est un drôle d'animal. Il est parti d'un travail de session — de 10 pages —, que j'avais à faire dans le cadre un cours. J'avais besoin d'un peu de matériel pour orienter mes recherches sur la partie historique de l'exposé et des données sur les exportations d'électricité. Or, à cette époque, Wikipédia n'avait pas grand-chose à offrir.
Je me suis retroussé les manches (3 crédits dépendaient du succès de ma recherche !) et j'ai commencé à taper. En 18 heures, l'article avait doublé en taille et Cantons-de-l'Est (d · c · b) est passé faire un tour, sans doute alerté par le rythme élevé des modifications. Après une semaine, d'autres se sont joints à lui (c'est toujours encourageant) et on était rendu à 105k. En 16 jours, la page est passée de 13K à une proposition de BA. Un sacré blitz d'écriture.
L'automne dernier, j'ai décidé de mettre la bibliothèque du pavillon Jean-Charles-Bonenfant à contribution. Et comme le rayon HD 9685 C2134 H92 est situé tout près de l'entrée et que c'est sur le chemin de l'arrêt d'autobus... Disons que j'ai appris à connaître cette étagère.
Le petit blitz autour de Lhasa de Sela (d · h · j · ) dans les jours qui ont suivi l'annonce de son décès était bien plaisant. Les dizaines de milliers de visites sur cette page l'étaient aussi. Tout a commencé avec un message de Boréal (d · c · b) et l'article a bien meilleure mine ces jours-ci.
Écris-nous une maxime ou une citation que tu aimes.
« Le journalisme mène à tout... à condition d'en sortir! » et son corollaire « Never let the facts get in the way of a good story! », qui est, hélas, de plus en plus fréquent dans la profession. La récente vente d'Énergie NB à Hydro-Québec m'a permis de vérifier le second axiome dans les textes de certains anciens collègues de la presse parlementaire à Fredericton. Connaissant les travers des uns et des autres m'a permis de mieux choisir les informations. Par exemple, j'essaie d'éviter les textes d'un journaliste d'un média électronique anglophone qui pense que son rôle dans la couverture politique est de remplacer l'opposition au parlement. C'était peut-être nécessaire lorsque je couvrais l'Assemblée législative 100 % libérale qui a dirigé le Nouveau-Brunswick entre 1987 et 1991, mais les journalistes ne peuvent s'arroger ce rôle sauf dans des circonstances exceptionnelles. Après tout, personne n'a élu les scribouilleurs dépêchés à la tribune de la presse.
Quelles questions aurais-tu aimé que l'on te pose ?
Une question qui m'intrigue ? En voici une : Quel est l'article que vous aimeriez créer pour la beauté de la chose? Ma réponse serait peut-être Hiver québécois (d · h · j · ). Fascinant sur tellement de plans : anthropologique, sociologique, culturel, littéraire et cinématographique. Un sujet qui se fignole à l'infini et qui est au cœur de ce que nous sommes.
Notes
  1. J'ai encore mes talons de paie des Éditions de L'Acadie Nouvelle (1984) limitée. Il s'agit d'ailleurs d'un article que j'ai démarré et auquel je ne participe plus depuis qu'on a changé la graphie du titre. Étant donné que les plus grands spécialistes du sujet ont tranché, qu'ils se débrouillent pour le faire évoluer !
  2. NDLR : qui a obtenu son label AdQ le 30 janvier 2010