Mireille Cifali

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Mireille Cifali
Portrait de Mireille Cifali
Conférence à Montevideo (2012)
Biographie
Naissance
La Chaux-de-Fonds
Nationalité Suisse
Thématique
Formation Université de Neuchâtel et Université de GenèveVoir et modifier les données sur Wikidata
Titres Professeure honoraire, université de Genève
Historienne
Psychanalyste
Profession Professeure d’université (d) et psychologueVoir et modifier les données sur Wikidata
Employeur Université de GenèveVoir et modifier les données sur Wikidata
Intérêts Clinique psychanalytique
Œuvres principales
  • Le Lien éducatif : contre-jour psychanalytique (2005)
  • Préserver un lien. Éthique des métiers de la relation (2019)
  • Tenir parole. Responsabilités des métiers de la transmission (2020)

Mireille Cifali est une historienne et psychanalyste suisse. Elle est professeure honoraire de sciences de l’éducation à l'université de Genève.

Biographie[modifier | modifier le code]

Mireille Cifali est née Lecoultre dans une famille originaire du Chenit (Canton de Vaud), aux racines huguenotes. Elle réalise des études de lettres et d'histoire à l’université de Neuchâtel puis poursuit sa formation en sciences de l’éducation à l’université de Genève[1], tout en entreprenant une psychanalyse à Paris avec Pierre Thèves. Elle soutient sa thèse de doctorat en 1979 sous la direction de Michel de Certeau[2], thèse dont une partie est éditée sous le titre de Freud pédagogue ? Psychanalyse et éducation (1982)[3]. Historienne et psychanalyste, Mireille Cifali devient en 1973 assistante des professeurs Michael Huberman et Constance Kamii, au sein de la section de sciences de l'éducation de l’université de Genève, puis chargée de cours (1981), professeur adjoint (1986, sous l’intitulé « Apports des théories psychanalytiques au champ éducatif »), et enfin professeur ordinaire en 1997, dans une chaire intitulée « Analyse du lien éducatif »[4]. Elle travaille dans le secteur « Formation d'adultes »[5] du Laboratoire Recherche Intervention Formation Travail (RIFT)[6]. Elle crée avec Daniel Hameline la Fondation des Archives Institut Jean-Jacques Rousseau (1984). En 2010, elle devient professeur honoraire[7].

Orientations épistémologiques[modifier | modifier le code]

Les premiers travaux de Mireille Cifali ont comme objet Freud et son rapport au champ de l’éducation et de l’enseignement. Ils se situent dans le domaine de ce qui fut nommé « la psychanalyse appliquée ». Ses travaux interrogent et sont interrogés par des auteurs tels que Catherine Millot et plus récemment Danièle Milhaud-Cape[8]. Mireille Cifali a tenté de cerner les enjeux épistémologiques de la psychanalyse lorsqu’elle s’exporte hors la cure psychanalytique. Sur le plan clinique, ses travaux de recherche s'inscrivent dans le courant clinique d'orientation psychanalytique en sciences de l'éducation, dont les perspectives sont exposées dans la note de synthèse publiée par Claudine Blanchard-Laville et al., en 2005, dans la Revue française de pédagogie, sous l'intitulé « Recherches cliniques d’orientation psychanalytique dans le champ de l’éducation et de la formation »[9]. Mireille Cifali a ainsi largement contribué à définir cette approche clinique[10] en sciences de l’éducation[11].

Dans la perspective de contribuer à la visibilisation de ce courant, elle a créé, en 2003, dans le cadre du réseau francophone Recherches en éducation et formation (REF)[12] des symposiums cliniques, à l'intention d'universitaires cliniciens engagés dans des recherches touchant à la clinique de la formation. Cinq ouvrages ont été publiés (voir ouvrages co-dirigés), ainsi qu'un dossier intitulé « Clinique du négatif : enseignement et formation en tensions », publié dans les Cahiers de psychologie clinique[13]. Elle a approfondi cette épistémologie de recherche et de formation, revendiquant en particulier une subjectivité travaillée, la prise en compte de la temporalité dans les pratiques et la singularité des situations lorsque celles-ci sont pensées. Elle est proche du courant de la psychosociologie clinique incarné par Eugène Enriquez, Florence Giust-Desprairies, notamment avec le CIRFIP, dans la Nouvelle revue de psychosociologie.

Les travaux de Mireille Cifali sont en lien épistémologique avec ceux menés dans le domaine par Jacques Lévine et Jeanne Moll, de l'AGSAS, Claudine Blanchard-Laville avec en particulier Cliopsy[14], Jacques Nimier, les travaux de Joseph Rouzel.

Travaux[modifier | modifier le code]

Histoire de la psychanalyse en Suisse[modifier | modifier le code]

En tant qu’historienne, Mireille Cifali cherche d’abord à saisir comment, dès le début du XXe siècle, des pédagogues se préoccupent de psychanalyse : entre éducation et psychanalyse, entre psychanalyse et pédagogie, en particulier en Suisse. Elle s'inscrit dans une tradition de « pédagogie psychanalytique », inaugurée par Anna Freud ou encore August Aichhorn[15] qui a vu naître l'intérêt des pédagogues pour la psychanalyse dès ses débuts. Ses travaux en retracent les espoirs, les avancées et les échecs. Elle étudie particulièrement les travaux des enseignants, des psychanalystes et des médecins suisses qui s'efforcèrent de transformer l'éducation et l'enseignement, notamment Oskar Pfister, Hans Zulliger, ou encore Charles Baudouin. Elle contribue plus spécifiquement à la construction de l’histoire de la psychanalyse en Suisse, en particulier à Genève, elle s'intéresse à la personnalité de Théodore Flournoy, professeur de psychologie à l'université de Genève et à ses recherches liées à la parapsychologie et au spiritisme, et en lien avec la médium Hélène Smith. Elle écrit également à propos de Sabina Spielrein et de la rupture entre Carl Gustav Jung et Sigmund Freud[16].

La relation éducative et formative[modifier | modifier le code]

Les travaux de recherche de Mireille Cifali concernent les « métiers de la relation », avec une attention particulière portée à la dimension affective des gestes et des paroles professionnels. Elle étudie particulièrement la dimension relationnelle des métiers, là où la raison et les sentiments se mêlent. Elle a apporté sa contribution à la compréhension des épreuves que traverse tout humain, que ce soit la séparation, la mort, l'agressivité, l'angoisse, la sexualité, s'attachant à favoriser la prise de conscience par les acteurs de leur propre subjectivité, tant professionnelle que privée. Des éléments de ces recherches sont publiés dans de nombreux articles scientifiques et dans son ouvrage Le lien éducatif : contre-jour psychanalytique. Mireille Cifali œuvre dans la formation des métiers de l’enseignement, de l’éducation et du soin pour que la dimension relationnelle d’altérité soit ainsi mise au travail, afin d'en éviter les écueils destructeurs. Dans cette perspective, elle accompagne des professionnels à partir des récits de situations de travail qui leur posent question et les confrontent à des dilemmes. Elle utilise en effet, dès 1982, les récits de pratique professionnelle pour transmettre des connaissances et en construire. Elle interroge ainsi le rapport de la science à la littérature, rejoignant ceux qui œuvrent à une poétique du savoir, tels Michel de Certeau ou Jacques Rancière. Cet intérêt est présent dans son ouvrage copublié avec Alain André, Écrire l'expérience (2007). Elle participe au courant qui cherche à donner aux praticiens de la relation les moyens d’écrire leurs expériences, de les théoriser et de les publier. Elle contribue à théoriser le développement de l'analyse des pratiques dans ce qu'elle nomme « les métiers du lien ». Elle s’est également intéressée à la pratique d’accompagnement des professionnels, pratique porteuse de possibles dégagements.

Publications[modifier | modifier le code]

Une bibliographie plus complète est disponible sur le site personnel (cf. liens externes)

Ouvrages[modifier | modifier le code]

  • (1982) Freud pédagogue ? Psychanalyse et éducation, Paris, InterEditions.
  • (1994) Le lien éducatif : contre-jour psychanalytique. Paris, Puf, 6e éd., 2012.
  • (2018) S'engager pour accompagner. Valeurs des métiers de la formation, Puf.
  • (2019) Préserver un lien. Éthique des métiers de la relation, Paris, Puf, 352 p..
  • (2020) Tenir parole. Responsabilités des métiers de la transmission, Paris, Puf, 336 p., (ISBN 978-2-13-082538-8).

Ouvrages coécrits[modifier | modifier le code]

  • (1985/2003) avec Moll J. Pédagogie et psychanalyse (Sélection commentée de textes inédits parus dans la Zeitschrift fur psychoanalytische Pädagogik). Paris : Dunod ; (2003) 2e tirage Paris : L’Harmattan.
  • (1998) avec Imbert F. Freud et la pédagogie. Paris : Presses universitaires de France ; (2013)
  • (2006) avec Myftiu B. Dialogue et récits sur la différence. Nice: Paradigme.
  • (2007) avec André A. Écrire l’expérience. Vers la reconnaissance des pratiques professionnelles. Paris : PUF.

Ouvrages codirigés[modifier | modifier le code]

  • (2006) avec Giust-Desprairies F. (dir.), De la clinique : engagement pour la formation et la recherche. Bruxelles : de Boeck.
  • (2008) avec Giust-Desprairies F. (dir.), Formation clinique et travail de la pensée. Bruxelles : De Boeck.
  • (2010) avec Bourassa, M. & Théberge, M. (dir.), Cliniques actuelles de l’accompagnement. Paris : L’Harmattan.
  • (2012) avec Périlleux T. (dir.), Les métiers de la relation malmenés. Répliques cliniques. Paris : L’Harmattan.
  • (2015) avec Giust-Desprairies F., Périlleux T. (dir.), Processus de création et processus cliniques. Paris : PUF.
  • (2017) avec Grossmann S., Périlleux, T. (dir.), Théâtre du corps dans la formation et l’enseignement, Clinique d’une absence. Paris : L’Harmattan.
  • (2019) avec Giust-Desprairies, F. Périlleux, T. (dir.), Travail des affects en recherche et formation. Approches cliniques. Paris : L’Harmattan.
  • (2022) avec Long Pham Quang & Christophe Roiné, Éthique de l’intériorité dans les pratiques contemporaines de la formation et de la recherche, Paris : L’Harmattan, coll. « Santé Éthique Formation » (ISBN 978-2-14-029202-6)

Articles et chapitres récents[modifier | modifier le code]

  • (2013) (co-dir.) « Clinique du négatif : enseignement et formation en tension », avec Thomas Périlleux, Cahiers de psychologie clinique, no 41, p. 7-190
  • (2016) Le corps angoissé dans l’enseignement : la force d’une vulnérabilité, in Christine Delory-Momberger (dir.), Éprouver le corps. Corps appris, corps apprenant, Toulouse, Érès, 2016, p. 21-31.
  • (2017) Action poétique dans le monde de la science et de la formation, in Gilles Amado, Jean-Philippe Bouilloud, Dominique Lhuillier, Anne-lise Ulmann, La créativité au travail. Paris : Erès, p. 109-126.
  • (2018) Freud et l’approche psychanalytique : un autre regard sur la relation éducative, Revue internationale d'éducation de Sèvres, dossier « Figures de l’éducation dans le monde », no 79, p. 127-137.
  • (2018) L’énigme de la voix, in Mireille Cifali, S. Grossman et Thomas Périlleux (dir.), Présences du corps dans l’enseignement et la formation. Approches cliniques, Paris, L’Harmattan, coll. « Clinique et changement social », 2018, p. 153-165.
  • (2019) Le sentiment au risque de l’émotion, in Mireille Cifali, Florence Giust-Desprairies & Thomas Périlleux (dir.), Travail des affects en recherche et formation. Approches cliniques. Paris : L’Harmattan, p. 105-123.
  • (2019) Préserver se conjugue, même au futur, Éducation permanente, « Former demain », septembre-, no 220-221, p. 15-23.
  • « “Soyez !”, une optimisation du moi en actes et paroles », in M. Cifali, L. Pham Quang, et C. Roiné (2022), Éthique de l’intériorité dans les pratiques contemporaines de la formation et de la recherche. Paris : L’Harmattan, p. 23-42.

En ligne[modifier | modifier le code]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Louis-Marie Bossard, « Entretien avec Mireille Cifali », Cliopsy, no 3,‎ , p. 93-107 (lire en ligne, consulté le ).
  • (de) « Mireille Cifali Bega geb. Lecoultre (*1946) », Psychoanalytikerinnen. Biografisches Lexikon (consulté le ).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Cf. l'entretien de Mireille Cifali, Revue Cliopsy no 3/2010, p. 93-107.
  2. Éléments pour une démarche psychanalytique dans le champ pédagogique, Notice Worldcat
  3. Voir la recension critique de cet ouvrage par Jean-Claude Filloux, Revue française de pédagogie en ligne n° 83, 1983
  4. Nomination comme professeur ordinaire de sciences de l'éducation à l'université de Genève en 1997, sous l'intitulé de poste «Analyse du lien éducatif»
  5. Formation d'adultes, université de Genève
  6. Laboratoire Recherche Intervention Formation Travail (RIFT)
  7. Mireille Cifali, Leçon d'adieu, université de Genève, 28 mai 2010
  8. Danielle Milhaud-Cappe, Freud et le mouvement de pédagogie psychanalytique, 1908-1937 : A. Aichhorn, Hans Zulliger, Oskar Pfister, Paris, Vrin, 2007. (ISBN 2-7116-1900-1).
  9. Revue française de pédagogie, no 151 en accès libre
  10. Cf. le dossier coordonné par C. Blanchard-Laville, «Approche clinique d'inspiration psychanalytique», Revue française de pédagogie, no 127 en accès libre
  11. Cf. Il fait moins noir quand quelqu’un parle. Éducation et psychanalyse aujourd’hui, CRDP de Dijon, 2002, ouvrage en ligne.
  12. Le REF est un réseau international de recherche en éducation et en formation, né en 1989 qui organise tous les deux ans dans l'un des quatre pays fondateurs (France, Belgique, Québec, Suisse), des rencontres entre chercheurs en éducation. Ces rencontres prennent la forme de symposiums parallèles sur différents thèmes de recherche en éducation. Cf. historique du réseau REF, site UCL (Louvain)
  13. Dossier “Clinique du « négatif »”, p. 9-190, Cahiers de psychologie clinique no 41, 2013/2.
  14. Table ronde Analyse de pratique et transmission/professionnalisation, colloque Cliopsy 3, université Paris-Ouest Nanterre, 2009 enregistrement en ligne.
  15. François Marty, Florian Houssier (dir.), Éduquer l’adolescent. Pour une pédagogie psychanalytique, Nîmes, Champ social éditions, 2007 ; August Aichhorn au risque du social, Les Cahiers du Collège international de l’adolescence, Paris, 1996.
  16. Les archives liées à l’histoire sont déposées à la Fondation Archives, Institut Jean-Jacques Rousseau (Genève).