Massacre du 14 juillet 1953 à Paris

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Manifestation anticoloniale du 14 juillet 1953

Informations
Date 14 juillet 1953
Localisation Paris
Caractéristiques
Organisateurs CGT, PCF, MTLD
Revendications célébration des valeurs républicaines (PCF, CGT), fin du régime colonial en Algérie, indépendance (MTLD)
Types de manifestations défilé
Coordonnées 48° 50′ 51″ nord, 2° 23′ 45″ est
Bilan humain
Morts 7 manifestants
Blessés au moins 50 manifestants blessés,
16 policiers blessés

La manifestation du à Paris s'achève par des tirs de la police sur le cortège du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) algérien, occasionnant sept morts et environ 50 blessés graves.

Contexte

Depuis 1936, avec une interruption sous Vichy et l'occupation allemande, le Parti communiste français (PCF), la Confédération générale du travail (CGT) et divers mouvements proches organisaient à Paris, le jour du 14 Juillet, un défilé pour célébrer les « valeurs de la République »[1].

Depuis le début des années 1950, les indépendantistes algériens du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), dirigé par Messali Hadj, prenaient part au défilé, malgré leurs divergences avec des communistes français alors défavorables à l’indépendance de l’Algérie[1].

En 1953, le contexte est tendu. Les manifestations du 1er Mai ont été l'occasion de violences policières. Un an plus tôt, le , le communiste algérien Hocine Bélaïd a été tué lors de la manifestation contre la venue en France du général américain Ridgway, accusé d’utiliser des armes bactériologiques en Corée[1].

Déroulement

La manifestation est très encadrée : les pancartes ou drapeaux et banderoles « injurieuses » ont été interdites par la préfecture de police de Paris, ainsi que les chants et cris « séditieux »[2].

Le cortège emprunte un parcours traditionnel, de République à Nation. Rue du Faubourg-Saint-Antoine, des parachutistes en permission attaquent les manifestants, mais se font rosser et repartent avec six blessés[2]. D'autres agressions sont commises par les mêmes parachutistes, à chaque fois exfiltrés du parcours par la police qui ne procède à aucune arrestation[1].

Un court affrontement avec les policiers a lieu place de la Nation, où la manifestation se disperse. Mais le cortège du MTLD continue à défiler pour se disperser un peu plus loin[3] ; selon d'autres sources, les manifestants se dirigent vers l'avenue du Trône pour déposer pancartes et drapeaux dans le camion du MTLD. Sous la pluie[1], la police tire sur eux, intentionnellement[3] et sans sommations[1],[2] ; il semble que l'initiative des tirs soit venue du rang, et non de la hiérarchie. De 17h00 à 17h30, les Algériens utilisent les barrières pour affronter les policiers ; au moins deux cars de police sont incendiés. On relève sept morts, dont six ouvriers algériens et un ouvrier métropolitain de la CGT[4]. Le décompte des blessés, très probablement incomplet, se monte à 50 manifestants au moins, dont 44 Algériens et 40 par balles. Parmi les quinze policiers blessés, la majorité ont été touchés par des armes de fortune, et trois à cinq par arme blanche[2].

Suites

Immédiatement, les autorités tentent de faire passer la manifestation pour une émeute déguisée, ce qu'Emmanuel Blanchard qualifie de « mensonge d'État »[2]. Pour éviter le débat public, le gouvernement dépose dès le une plainte pour rébellion et violence envers une personne dépositaire de la force publique : dans ce cadre, aucune enquête n'est prévue sur les tirs policiers. Néanmoins, en septembre, le mandat du juge est élargi par suite de la constitution de partie civile de familles de victimes. Cependant, peu de témoins algériens sont entendus. Le procès aboutit à un non-lieu le , confirmé en appel le [2].

Le PCF organise un meeting le au Cirque d'Hiver[1].

Mémoire

Sur la place de l'Île-de-la-Réunion, sur la façade ouest du pavillon Philippe Auguste, une plaque apposée en juillet 2017 rappelle ce fait tragique.

Notes et références

  1. a b c d e f et g Maxime Courban, « Retour sur la manifestation du 14 juillet 1953. », Archives départementales de la Seine-Saint-Denis, juillet 2013.
  2. a b c d e et f Emmanuel Blanchard, « 14 juillet 1953 : répression coloniale, place de la Nation », sur Histoire coloniale et postcoloniale, 15 juillet 2012.
  3. a et b Emmanuel Blanchard, « « Octobre 1961, continuités et ruptures dans la répression policière », sur Histoire coloniale et postcoloniale, 2 février 2012.
  4. Maud Vergnol, « Mémoire. Les balles du 14 juillet 1953 », L'Humanité, 13 juillet 2017.

Voir aussi

Bibliographie

  • Emmanuel Blanchard, La Police parisienne et les Algériens (1944-1962), Paris, Nouveau Monde, , 448 p. (ISBN 978-2-84736-627-3), « 14 juillet 1953 : une répression coloniale, place de la Nation », p. 129-143
  • Daniel Kupferstein, Les Balles du 14 juillet 1953, La Découverte, (présentation en ligne)
  • Maurice Rajsfus, 1953, un 14 juillet sanglant, Agnès Viénot,
  • Danielle Tartakowsky, « Un 14 juillet 1953 à Paris », dans La Guerre d'Algérie : au miroir des décolonisations françaises. Actes du colloque en l'honneur de Charles-Robert Ageron, Société française d'histoire d'outre-mer, , p. 473-488

Filmographie

  • Daniel Kupferstein, Les Balles du , 2014, 85 minutes (bande-annonce)

Articles connexes