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Affaire Amine Bentounsi

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Amine Bentounsi
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Biographie
Naissance
Décès
Nationalité
Fratrie
Amal Bentounsi (d)Voir et modifier les données sur Wikidata

Amine Bentounsi, né le , décède à Noisy-le-Sec le , abattu dans le dos par le policier Damien Saboundjian lors d'une course-poursuite à pied. Dans cet entre-deux-tours de la présidentielle de 2012, l'affaire est très politisée. La légitime défense est finalement écartée, et Damien Saboundjian est condamné à 5 ans de prison avec sursis en appel le , sans interdiction d'exercer le métier de policier ; trois ans plus tard, il devient délégué syndical. En 2017, l'Assemblée assouplit les conditions de légitime défense des policiers.

Biographie

Amine Bentounsi nait le [1],[2], sa famille habite la cité Pierre-Collinet à Meaux (Seine-et-Marne). Ses parents font des ménages pour nourrir la fratrie de six enfants. A l'âge de 11 ans, il est placé en foyer d'accueil. À l'adolescence il enchaine les bagarres et les petit délits. À 15 ans, il devient le plus jeune incarcéré de France, à Fleury-Mérogis, après sa condamnation à cinq mois de prison pour vols avec violence. Son avocat décrit cet univers carcéral : « Le centre pour jeunes détenus, c'est juste l'enfer ». Selon sa sœur Amal, Amine a été « cassé » par la prison.

Au début des années 2000, Amine Bentounsi et un autre jeune accusent des agents de l'office HLM de les avoir payés pour incendier des voitures lors des émeutes de 1999. Amine se rétracte ensuite et explique avoir été soudoyé par des policiers ; la commissaire de Meaux et son adjoint sont mutés.

Il multiplie ensuite les « braquages improvisés ». Le 12 octobre 2004, il est jugé à Melun pour le braquage de la poste de Meaux, à 200 m de chez lui. En 2009, il est condamné à huit ans de prison pour le hold-up du Champion de Saint-Pathus. Il s'échappe en 2010 de la prison de Châteaudun (Eure-et-Loir), à l'occasion d'une permission de sortie. A 29 ans, il avait été condamné onze fois, dont trois fois devant les assises.

En prison, il obtient un CAP de cuisine et trouve un poste, mais sa demande de liberté conditionnelle est refusée. Pendant sa cavale, il travaille sur les marchés et a pour projet d'ouvrir un restaurant.

Il est enterré le 2 mai 2012 à Meaux. Sa fille a six ans.

Circonstances de la mort

Amine Bentounsi était en cavale depuis une permission en 2010[3]. Le samedi , la veille du premier tour de l’élection présidentielle, la police est alertée vers 20h30 du fait qu'un homme « recherché pour des faits de braquage » est devant un bar de Noisy-le-Sec. Des policiers interviennent. Le suspect, Amine Bentounsi, s’enfuit, jette une grenade factice. Le gardien de la paix Damien Saboundjian poursuit Amine Bentounsi en voiture, puis à pied, avant de tirer quatre coups, dont l'un l'atteint et provoque sa mort à 5h10 du matin[3]. Le policier invoque la légitime défense, mais Amine Bentounsi est tombé face contre terre[4], et le coup a été tiré dans son dos[5]. Les témoins contredisent point par point la version des policiers[4].

Médiatisation

Les faits sont révélés entre les deux tours de la présidentielle de 2012, et l'affaire est très politisée, entrainant marches blanches, manifestations policières, manifestations contre les violences policières, et polémiques sécuritaires[3],[6],[7]. La mise en examen du policier provoque la colère de ses collègues, dont plusieurs centaines défilent en armes sur les Champs-Élysées[8],[9]. Le candidat à la présidentielle Nicolas Sarkozy (UMP) leur promet « une présomption de légitime défense, car dans un État de droit, on ne peut pas mettre sur le même plan un policier dans l'exercice de ses fonctions et le délinquant dans l'exercice de ses fonctions à lui »[10]. François Hollande, lui aussi candidat, condamne les faits mais demande que le salaire des policiers incriminés soit maintenu[11].

En 2014, Amal Bentounsi, la sœur d'Amine Bentounsi, fondatrice du collectif « Urgence notre police assassine »[12],[13],[14], dénonce les pratiques policières dans une vidéo diffusée sur Internet[15]. Manuel Valls porte plainte pour « diffamation publique envers une administration publique ». Elle est relaxée[15].

Suites judiciaires

Le policier maintient pendant cinq ans sa version, « il m’a braqué, j’ai tiré », qu'aucun témoin ne peut corroborer, excepté dans un premier temps son coéquipier, mais celui-ci avoue ensuite avoir menti[3],[16]. Il est mis en examen pour « homicide volontaire » le . En 2014, le tireur est renvoyé devant les assises de Seine-Saint-Denis pour des faits requalifiés de « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner »[17],[18]. Selon Le Monde, l'enquête est « caviardée par la trop bonne volonté des syndicats policiers de protéger leur collègue et les pressions exercées sur l’Inspection générale de la police (IGS), avec le soutien du préfet de police du département de l’époque, Christian Lambert, pour accréditer la thèse de la légitime défense »[19]. Le policier, défendu par Me Daniel Merchat, qui a obtenu l'acquittement des deux policiers impliqués dans la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré[20], est acquitté en première instance en janvier 2016[19],[20]. En appel le [21],[22], la légitime défense n’est pas retenue. Le policier est reconnu coupable de « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner » et condamné à cinq ans de prison avec sursis et 5 ans d'interdiction de port d'arme. Il peut continuer d’exercer le métier de policier[3],[23],[24]. En mars 2020, il devient délégué syndical Unité SGP Police à Grenoble[25],[26].

Évolution de la législation sur la légitime défense

À l'issue du procès en appel, qui contredit le premier, le secrétaire national Ile-de-France du syndicat policier Alliance, se demande qui peut être désormais certain « des conditions de la légitime défense, en France »[3].

Début 2017, pendant une campagne présidentielle marquée par les discours sécuritaires[27], peu après la condamnation de Damien Saboundjian et l’attaque de policiers à Viry-Châtillon[28], et dans un contexte de très forte hausse du recours aux armes à feu chez les policiers[29], l'Assemblée se penche sur l'assouplissement des conditions de légitime défense des policiers[30]. Il s'agit notamment de rapprocher les règles d’usage des armes à feu par la police en cas de légitime défense de celles de la gendarmerie[31]. La législation est modifiée dans ce sens par la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique[32].

Références

  1. Sara Ghibaudo, « L’homme derrière le casier », sur www.franceinter.fr, (consulté le )
  2. Célia Lebur et Léonie Place, « Itinéraire d'un enfant gâché », sur Libération, (consulté le )
  3. a b c d e et f « Affaire Bentounsi : le policier condamné en appel, la légitime défense non retenue », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. a et b « Derrière le procès d’un policier, le débat sur l’usage des armes par les forces de l’ordre », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  5. « Me Samia Maktouf, l'avocate de Ziad Takieddine, une femme d'influence sous Ben Ali », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. « Une centaine de personnes rassemblées en mémoire d'Amine tué par un policier », sur www.20minutes.fr, (consulté le )
  7. « Rassemblement pour Amine tué par un policier », sur CNEWS, (consulté le )
  8. « Policier mis en examen: ses collègues ont manifesté sur les Champs-Elysées », sur LExpress.fr, (consulté le )
  9. « Policier mis en examen: la polémique s'invite dans la campagne présidentielle », sur LExpress.fr, (consulté le )
  10. Louise Fessard, « Présomption de légitime défense des policiers : Sarkozy s'aligne sur le FN », sur Mediapart (consulté le )
  11. Mathilde Blézat, Tifenn Hermelin, Le jiu-jitsu pratique et Charles Péchard, « Ceci n’est pas une bavure: Crimes policiers et luttes contre le permis de tuer », Z : Revue itinérante d’enquête et de critique sociale, vol. N° 8, no 1,‎ , p. 90–101 (ISSN 2101-4787, DOI 10.3917/rz.008.0090, lire en ligne, consulté le )
  12. Frédéric Ploquin, « Mort d'Amine Bentounsi : le combat de sa soeur, Amal », sur www.marianne.net, (consulté le )
  13. « Amal Bentounsi, grande soeur courage et bête noire de la police », sur L'Obs, (consulté le )
  14. StreetPress, « Amal Bentounsi, la militante à l’origine de la marche de la dignité », sur StreetPress, (consulté le )
  15. a et b « Diffamation de la police : la sœur d'un homme tué lors d'une intervention relaxée », sur LEFIGARO, (consulté le )
  16. Violaine de Montclos, « Procès : l'honneur perdu de Damien Saboundjian », sur Le Point, (consulté le )
  17. « Un policier renvoyé aux assises pour la mort d'un délinquant », sur Europe 1 (consulté le )
  18. Louise Fessard, « Meurtre à Noisy-le-Sec: un policier est renvoyé devant les assises », sur Mediapart, (consulté le )
  19. a et b « A Bobigny, « la police tue et la justice acquitte ! » », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  20. a et b « Bobigny, le policier qui avait tué un braqueur d’une balle dans le dos est acquitté », sur www.franceinter.fr, (consulté le )
  21. « Procès en appel du policier qui a tué un fugitif d’une balle dans le dos », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  22. « Dans l'affaire Amine Bentounsi, "comme un sentiment de toute puissance" chez le policier accusé », sur Bondy Blog, (consulté le )
  23. « Décès d'Amine Bentounsi : le policier condamné en appel », sur Franceinfo, (consulté le )
  24. Willy Le Devin, « Affaire Bentounsi : le policier condamné en appel, la légitime défense non retenue », sur Libération, (consulté le )
  25. Camille Polloni, « Un policier condamné aux assises, toujours en poste, devient délégué syndical », sur Mediapart, (consulté le )
  26. Anthony Pregnolato, « Les violences policières en procès : mort d’Amine Bentounsi : la condamnation exceptionnelle du policier Saboundjian », Lien social et Politiques, no 84,‎ , p. 163–183 (ISSN 1703-9665, DOI 10.7202/1069448ar, lire en ligne, consulté le )
  27. « Sur la sécurité, les candidats à la primaire à droite en phase avec la gauche », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  28. « Une loi pour élargir la légitime défense des policiers », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  29. « Le recours aux armes à feu par les policiers a fortement augmenté en France en 2017 », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  30. « Légitime défense des policiers : "Ils demandent un permis de mise à mort" », sur LCI (consulté le )
  31. « Les règles de légitime défense des policiers assouplies par le Sénat », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  32. « Quand et comment les policiers peuvent-ils faire usage de leurs armes à feu ? », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )

Articles connexes