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Lorsqu'une fraction <math>(1-f)</math> de la population a déjà été infectée ou est immunisée, les contacts avec cette fraction ne conduiront pas à des contaminations supplémentaires, et seule la fraction <math>f</math> reste susceptible d'être contaminée. Dans ce cas, le '''nombre de reproduction effectif''' <math>R</math> sera : <math display="block">R=f\cdot R_0</math>
Lorsqu'une fraction <math>(1-f)</math> de la population a déjà été infectée ou est immunisée, les contacts avec cette fraction ne conduiront pas à des contaminations supplémentaires, et seule la fraction <math>f</math> reste susceptible d'être contaminée. Dans ce cas, le '''nombre de reproduction effectif''' <math>R</math> sera : <math display="block">R=f\cdot R_0</math>


D'autre part, lorsque l'épidémie s'étend exponentiellement, la fraction <math>f</math> diminue également exponentiellement, réduisant d'autant le <math>R</math> effectif. Dans ce cas, on montre que la courbe de contamination est une [[Fonction logistique (Verhulst)|courbe logistique]]. Au fur et à mesure qu'une fraction de plus en plus importante de la population est touchée, le <math>R</math> effectif diminue et finit par devenir inférieur à l'unité : la vitesse de propagation diminue ; et à partir d'un certain point, c'est la décroissance qui devient exponentielle, et l'épidémie s'éteint d'elle-même.
D'autre part, lorsque l'épidémie s'étend exponentiellement, la fraction <math>f</math> diminue également exponentiellement, réduisant d'autant le <math>R</math> effectif. Dans ce cas, on montre que la courbe de contamination est une [[Fonction logistique (Verhulst)|courbe logistique]]. Au fur et à mesure qu'une fraction de plus en plus importante de la population est touchée, le <math>R</math> effectif diminue et finit par devenir inférieur à l'unité : la vitesse de propagation diminue ; et à partir d'un certain point, c'est la décroissance qui devient exponentielle, et l'épidémie s'éteint d'elle-même.<ref name=pmid15627236>{{cite journal | vauthors = Garnett GP | title = Role of herd immunity in determining the effect of vaccines against sexually transmitted disease | journal = The Journal of Infectious Diseases | volume = 191 Suppl 1 | issue = Suppl 1 | pages = S97-106 | date = February 2005 | pmid = 15627236 | doi = 10.1086/425271 | doi-access = free }}</ref><ref name=pmid24175217>{{cite journal | vauthors = Rodpothong P, Auewarakul P | title = Viral evolution and transmission effectiveness | journal = World Journal of Virology | volume = 1 | issue = 5 | pages = 131–4 | date = October 2012 | pmid = 24175217 | pmc = 3782273 | doi = 10.5501/wjv.v1.i5.131 }}</ref><ref name=dabmago>{{cite book| vauthors = Dabbaghian V, Mago VK |date=2013|title=Theories and Simulations of Complex Social Systems|url=https://books.google.com/books?id=AdLBBAAAQBAJ&pg=PA134|publisher=Springer|pages=134–35|isbn=978-3642391491|access-date=29 March 2015}}</ref>


[[File:Daily CoViD ZA.svg|thumb|upright=2|Croissance et décroissance de l'épidémie (Afrique du Sud) en [[repère semi-logarithmique]]. On distingue bien les différents pics épidémiques (juillet 2020, octobre 2020, février 2021, juillet 2021) avec leurs pentes symétriques de croissance et de décroissance.]]
[[File:Daily CoViD ZA.svg|thumb|upright=2|Croissance et décroissance de l'épidémie (Afrique du Sud) en [[repère semi-logarithmique]]. On distingue bien les différents pics épidémiques (juillet 2020, octobre 2020, février 2021, juillet 2021) avec leurs pentes symétriques de croissance et de décroissance.]]

Version du 2 juillet 2021 à 16:29

En épidémiologie, le nombre de reproduction de base ou R0 (ratio 0) d'une infection peut être considéré comme le nombre attendu de cas directement générés par un cas dans une population où tous les individus sont sensibles à l'infection[1],[2].

Définition et propriété de base

est le nombre moyen de personnes infectées par une autre personne. Par exemple, Ebola a un de deux, donc en moyenne, une personne atteinte d'Ebola le transmettra à deux autres personnes.

Croissance ou décroissance exponentielle

« Le R0 [est] le nombre moyen de personnes qu’une personne contagieuse peut infecter.[3] »

  • Au premier rang de transmission, individus seront infectés ;
  • Ceux-ci étant à leur tour contaminants, chacun contaminera personnes, et donc au deuxième rang de transmission, individus seront infectés ;
  • Ceux-ci étant à leur tour contaminants, chacun contaminera personnes, et donc au troisième rang de transmission, individus seront infectés ;
  • ... ; et donc au nème rang de transmission, individus seront infectés ; et ainsi de suite.

Le nombre de personnes infectées varie donc exponentiellement.

Une propriété importante de ce est que :

  • Si , la croissance sera exponentielle, et l'épidémie va se propager. En général, plus la valeur de R 0 {\ displaystyle R_ {0}} R_0 est grande, plus il est difficile de maîtriser l'épidémie. Le R0 contribue à estimer le temps de doublement du nombre de victimes d’une épidémie.
  • Si , la décroissance sera exponentielle, et l'épidémie va s'éteindre.

Nombre de reproduction effectif

Fonction logistique, cas particulier : sigmoïde.

En réalité, le ne décrit l'évolution d'une maladie qu'à ses tout débuts.

« Ce taux s’applique, et se calcule à partir d’une population qui est entièrement susceptible d’être infectée, c’est-à-dire qui n’a pas encore été vaccinée ni immunisée contre un agent infectieux.[3] »

Lorsqu'une fraction de la population a déjà été infectée ou est immunisée, les contacts avec cette fraction ne conduiront pas à des contaminations supplémentaires, et seule la fraction reste susceptible d'être contaminée. Dans ce cas, le nombre de reproduction effectif sera :

D'autre part, lorsque l'épidémie s'étend exponentiellement, la fraction diminue également exponentiellement, réduisant d'autant le effectif. Dans ce cas, on montre que la courbe de contamination est une courbe logistique. Au fur et à mesure qu'une fraction de plus en plus importante de la population est touchée, le effectif diminue et finit par devenir inférieur à l'unité : la vitesse de propagation diminue ; et à partir d'un certain point, c'est la décroissance qui devient exponentielle, et l'épidémie s'éteint d'elle-même.[4][5][6]

Croissance et décroissance de l'épidémie (Afrique du Sud) en repère semi-logarithmique. On distingue bien les différents pics épidémiques (juillet 2020, octobre 2020, février 2021, juillet 2021) avec leurs pentes symétriques de croissance et de décroissance.

Sur une courbe épidémiologique décrivant le nombre de nouveaux cas et tracée dans un repère semi-logarithmique, dans ce cas idéal, on verra dans un premier temps la courbe monter suivant une droite croissante (phase de croissance exponentielle), puis s'infléchir, et descendre suivant la pente inverse (phase de décroissance exponentielle).

Le permet également de déterminer la proportion minimale au sein d'une population (P) qui doit être immunisée par l’infection naturelle ou par vaccination (si disponible) pour empêcher le déclenchement ou la persistance d’une épidémie :

On parle à ce propos d'effet d'immunité collective (immunité grégaire, herd immunity) pour désigner le pourcentage de la population qui devrait être immunisée pour que l’épidémie cesse de prospérer.

Observation du

Le nombre de reproduction de base peut être estimé en examinant les chaînes de transmission détaillées ou par séquençage génomique. Cependant, il est le plus souvent calculé à l'aide de modèles épidémiologiques.[7]

Calcul du R0

Taux de contact et période infectieuse

La modélisation de base est que en moyenne, un individu infectieux établit contacts infectieux par unité de temps, pendant une période infectieuse moyenne de . Le nombre de reproduction de base sera alors :

Ce est une donnée biologique de la maladie. Il est possible de diminuer cette période infectieuse en traquant et trouvant, puis en isolant, traitant ou éliminant (dans le cas des animaux) les individus infectieux dès que possible. Afin d'estimer l'effet de cette politique sur le , des hypothèses sont nécessaires sur le délai entre l'infection et le diagnostic, le délai entre l'infection et le début de la contamination, et la durée de la période contaminante. Si un diagnostic peut être posé avant même le début de la phase de contamination, et conduit à un isolement strict, il est clair que le sera réduit à pratiquement zéro, et l'épidémie sera stoppée net. Si le diagnostic est plus tardif, un isolement reste d'autant plus efficace qu'il est rapide et permet de réduire par l'isolement la durée de la période contaminante.

Le facteur , en revanche, est une donnée sociologique. Cette formule simple suggère différentes manières de réduire , et finalement la propagation de l'infection. Il est possible de diminuer le nombre de contacts infectieux par unité de temps , en réduisant le nombre de contacts par unité de temps (par exemple rester à la maison si l'infection nécessite un contact avec les autres pour se propager) ou en réduisant la proportion de contacts qui produisent une infection (par exemple avec le port d'équipement de protection).

En isolant les deux facteurs précédents, le taux peut finalement être écrit de manière équivalente, sous la forme [8]

est le taux de contact entre individus sensibles et infectés, et est la transmissibilité, c'est-à-dire la probabilité d'infection lors d'un contact.

Cette formulation est parlante et permet de comprendre les différentes stratégies utilisées pour maîtriser une épidémie, mais est sans utilité pratique pour ce qui est des modélisations quantitatives de sa modélisation. En effet, la « transmissibilité » varie suivant les conditions des rencontres, et est extrêmement difficile à évaluer quantitativement même en conditions standardisées. De son côté, le « taux de contact » est extrêmement variable suivant le caractère sociable ou non du porteur (solitaire ou serveur de bar?) et la connectivité d'un groupe social à l'autre : une épidémie aviaire se transmettra très rapidement dans une même volière, mais les contacts d'une volière à une autre sont beaucoup plus limités.

Vitesse de croissance de l'épidémie

Début de l'épidémie Covid-19 en France: le nombre total de cas (bleu), nombre de décès (rouge) et nombre de nouveaux cas (pointillés noirs) croissent initialement suivant le même taux de croissance.

Pendant une épidémie, généralement le nombre d'infections diagnostiquées au fil du temps est connu. Aux premiers stades d'une épidémie, la croissance est exponentielle en , avec un taux de croissance logarithmique :

Pour une croissance exponentielle, peut être interprété indifféremment comme le nombre cumulé de diagnostics (y compris les individus qui se sont rétablis) ou le nombre actuel de cas d'infection ; le taux de croissance logarithmique est le même pour l'une ou l'autre définition.

En croissance exponentielle, est lié au temps de doublement comme

Afin d'estimer , des hypothèses sont nécessaires sur le délai entre l'infection et le début de la contamination, et la durée de la période contaminante.

S'il faut en moyenne un temps pour franchir un « rang » de contamination, le nombre de cas croît également exponentiellement avec le nombre de « rang » de contamination successive ayant été franchis au bout d'un temps t,

On en déduit que K (qui a pour dimension l'inverse d'un temps) est égal à , et donc que .

Si l'on suppose pour simplifier qu'un malade est uniformément contagieux d'un bout à l'autre de sa période contaminante, le délai moyen de contamination pour le premier « rang » qu'il contamine est le milieu de cet intervalle de temps, soit : , et dans ce cas :

Dans la courbe ci-contre, par exemple, le nombre de décès passe de 30 à 30 000 en un mois. Le K est donc de par mois, soit 6,9, le temps de doublement est de soit ~3 jours, et le correspondant, pour un délai de contagiosité de l'ordre de dix jours (1/3 de mois), serait de l'ordre de .[9]

Exemples de calcul

Si R0 est facile à conceptualiser, le calcul de R0 se révèle difficile.[10] Ainsi, au début de l'épidémie de Covid-19 en 2019, 12 équipes scientifiques ont cherché à calculer le R0 de la nouvelle maladie : leurs résultats ont varié du simple au quintuple (de 1,5 à 6,68[11]).

Le R0 peut parfois être dépendant de divers facteurs : région, comportements, densité de population, organisation sociale ou saisonnalité.

Valeurs de R0 pour des maladies communes[12]
Maladie Mode de transmission R0
Rougeole aérien 12–18
Coqueluche aérien 12–17
Varicelle aérien 10–12
Variant Delta aérien 7.5(P. J-F Delfraissy) [13]
Diphtérie contact (salive) 6–7
Variole contact 5–7
Polio contact (matière fécale) 5–7
Rubéole aérien 5–7
Oreillons aérien 4–7
VIH/SIDA contact (sang, sperme, sécrétions vaginales) 2–5[14]
Syndrome respiratoire aigu sévère aérien 2–5[15]
Grippe (grippe espagnole de 1918) aérien 2–3[16]
COVID-19 aérien et contact 2-4

Notes et références

  1. (en) James Holland Jones. Notes on R0. Stanford University, 1/05/2007
  2. « Qu’est-ce que le « R0 », le taux de reproduction du virus ? », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. a et b (en) Giulio Viceconte et Nicola Petrosillo, « COVID-19 R0: Magic number or conundrum? », Infectious Disease Reports, vol. 12, no 1,‎ (ISSN 2036-7449 et 2036-7430, PMID 32201554, PMCID PMC7073717, DOI 10.4081/idr.2020.8516, lire en ligne, consulté le )
  4. « Role of herd immunity in determining the effect of vaccines against sexually transmitted disease », The Journal of Infectious Diseases, vol. 191 Suppl 1, no Suppl 1,‎ , S97-106 (PMID 15627236, DOI 10.1086/425271)
  5. « Viral evolution and transmission effectiveness », World Journal of Virology, vol. 1, no 5,‎ , p. 131–4 (PMID 24175217, PMCID 3782273, DOI 10.5501/wjv.v1.i5.131)
  6. (en) Theories and Simulations of Complex Social Systems, Springer, , 134–35 p. (ISBN 978-3642391491, lire en ligne)
  7. « Analyse génomique des épidémies virales », Revue annuelle de virologie, vol. 3,‎ , p. 173–195 (PMID 27501264, PMCID 5210220, DOI 10.1146/annurev-virologie-110615-035747, lire en ligne)
  8. J.H. Jones, Notes sur R0. Université de Stanford (2007).
  9. Ce chiffre pris sur le tout début de l'épidémie est fortement sur-estimé. Dans tous les pays observés, le début de l'épidémie est marqué par une pente très raide et atypique, puis se stabilise avec des croissances et décroissances symétriques, montrant un K de l'ordre de 1,6, en cohérence avec les estimations de l'OMS.
  10. Paul L. Delamater, Erica J. Street, Timothy F. Leslie et Y. Tony Yang, « Complexity of the Basic Reproduction Number (R0) », Emerging Infectious Diseases, vol. 25, no 1,‎ , p. 1–4 (ISSN 1080-6040, PMID 30560777, PMCID 6302597, DOI 10.3201/eid2501.171901, lire en ligne, consulté le )
  11. Viceconte G & Petrosillo N (2020) COVID-19 R0: Magic number or conundrum?. Infectious Disease Reports, 12(1).
  12. Sauf lorsque des références sont données, les valeurs de R0 proviennent de (en) History and Epidemiology of Global Smallpox Eradication du cours "Smallpox: Disease, Prevention, and Intervention" par le Centers for Disease Control and Prevention (CDC) et l'Organisation mondiale de la santé (OMS), diapositives 16-17. Consulté le 3 mars 2010.
  13. « Covid-19 : une quatrième vague, "différente" des précédentes, pourrait arriver à la rentrée », Midi libre,‎ (lire en ligne)
  14. (en) Anderson RM, May RM, « Population biology of infectious diseases: Part I », Nature, vol. 280, no 5721,‎ , p. 361–7 (PMID 460412, DOI 10.1038/280361a0)
  15. (en) Wallinga J, Teunis P, « Different epidemic curves for severe acute respiratory syndrome reveal similar impacts of control measures », Am. J. Epidemiol., vol. 160, no 6,‎ , p. 509–16 (PMID 15353409, DOI 10.1093/aje/kwh255, lire en ligne)
  16. (en) Mills CE, Robins JM, Lipsitch M, « Transmissibility of 1918 pandemic influenza », Nature, vol. 432, no 7019,‎ , p. 904–6 (PMID 15602562, DOI 10.1038/nature03063, lire en ligne)

Bibliographie

  • Bacaër N., « Mathématiques et épidémies », Cassini, 2021.
  • « Covid-19 : une quatrième vague, "différente" des précédentes, pourrait arriver à la rentrée », Midi libre,‎ (lire en ligne)


Voir aussi