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Utilisatrice:TMillette/Brouillon

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Je suis Tanya Millette, étudiante à la mineure en Histoire de l'art à l'Université de Montréal. J'ai également réalisé une majeure en Études Hispaniques au sein du même établissement. Je réside dans Lanaudière. Mes intérêts sont tournés vers les langues, les arts et l'histoire. Je collabore avec la maison d'édition Bouc Productions en tant qu'auteure et réviseure linguistique.

Modèle:Infobox Œuvre Pionnière

Semiotics of the Kitchen[modifier | modifier le code]

Semiotics of the Kitchen est une vidéo réalisée par l'artiste américaine Martha Rosler. Il s'agit d'une œuvre pionnière de sa carrière. Elle date de 1975. Elle s'inscrit tout d'abord dans le mouvement de l'art vidéo, surtout utilisée au début des années 1970 par les artistes féministes revendiquant une identité sociale et politique. Cette vidéo s'inscrit également dans le domaine de la performance et remet ici en question l'image de la cuisine, comme lieu d'éducation féminin, véhiculée par la télévision.

Sommaire[modifier | modifier le code]

Semiotics of the Kitchen[modifier | modifier le code]

Présentation de l'œuvre[modifier | modifier le code]

Cette vidéo est d'une durée de 6 minutes et 9 secondes. Le sous-titre de l’œuvre est For Educational In-House Use Only, ce qui suggère l'élaboration de la question de l'intériorité versus l'extériorité comme espace genré. Il y a également un retour à la narration à travers cette œuvre, une narration qui avait été délaissée par l'abstraction et le minimalisme greenbergien. Ce retour à la narration est donc bien présent puisque l'artiste se met elle-même en scène dans la vidéo. Elle performe, incarne un personnage. Le style vidéographique utilisé correspond à la caméra de surveillance, ce qui permet d'affirmer que le support de l’œuvre prend tout son sens à travers l'image, pour sa fluidité, son immatérialité et son état d'apesanteur. Il est important de mentionner que le rôle du spectateur occupe une grande place dans la signification de l’œuvre puisqu'avec celui-ci, la vidéo, servant ici de médium, démontre la propension humaine au narcissisme. Le spectateur observe un personnage reflétant des habitudes de société de consommation qui lui sont ici miroir à ses propres habitudes de vie.

La vidéo met en scène Martha Rosler, revêtant un tablier, se tenant debout derrière une petite table couverte d'ustensiles, devant un four et un réfrigérateur, le tout mis en scène dans un studio, donnant l'impression de se trouver dans une cuisine. Cette cuisine conçue par l'artiste donne une impression de show de cuisine télévisé, animé par un chef cuisinier. La présentation de la vidéo se fait par l'entremise d'un tableau noir sur lequel est inscrit le titre de la vidéo et le nom de l'artiste, tel un menu. Le choix de l'artiste de réaliser son œuvre dans cette représentation permet d'élaborer la question de l'intériorité, ici représentant le domaine du privé, c'est-à-dire la cuisine, versus l'extériorité, représentant le domaine du public, c'est-à-dire tout ce qui a trait au politique, plus particulièrement l'accès à l'éducation dans ce cas-ci. À l'époque où la vidéo a été réalisée et publiée, c'est-à-dire en 1975, le premier domaine, nommé précédemment, était attribué aux femmes, tandis que le second était attribué aux hommes. Évidemment, à partir des espaces genrés pouvaient également découler des métiers genrés. Comme l'a écrit l'éditrice Elizabeth C. Baker, « [...] souvent les femmes étaient autorisées à enseigner comment dessiner, mais non comment peindre... »[1], pour mentionner à quel point l'homme se présentait, et parfois même encore actuellement, comme étant supérieur au statut de la femme. Le sous-titre de l’œuvre For Educational In-House Use Only permet également de comprendre que cette vidéo s'adresse à deux types de spectateur: d'un côté aux femmes, pour une prise de conscience collective et féministe, de l'autre aux hommes pour critiquer les balises sociales et politiques. À travers la performance de l'artiste, le mode éducationnel de l'époque est remis en question. Est-il convenable de dire que la cuisine soit le lieu d'éducation à prioriser pour les filles, jeunes femmes et femmes d'âge mûr? En réalisant cette vidéo, Martha Rosler change les perspectives en rendant le domaine du privé public. Elle expose aux yeux de tous cette intériorité considérée banale, de peu d'intérêt pour interpeller la notion d'éducation dans sa subjectivité. Elle le fait en nommant les objets/ustensiles par ordre alphabétique tout en mimant la gestuelle qui accompagne ces objets/ustensiles, un peu comme le chef cuisinier nomme et effectue les étapes dans la réalisation d'une recette. Par contre, ceci démontre qu'encore une fois, à cette époque, les métiers étaient genrés tout comme les espaces, puisqu'un homme pouvait animer un show de cuisine dans un studio et être considéré comme un grand chef, mais une femme, elle, n'était associée qu'à son rôle de femme au foyer. Il n'y avait aucun mérite à en tirer, aucune fierté, d'où l'apparence sérieuse et morne de l'artiste, malgré des gestes radicaux où l'on ressent la colère de celle-ci. Parmi ces gestes radicaux, il est possible d'observer une tentative d'extérioriser la femme à partir de son intériorité, mais il est également possible de le voir comme un rejet de l'homme dans cette intériorité féminine. Une reprise de possession de son corps par la performance féministe en utilisant un lieu du domaine privé, permettant de démontrer que ce domaine est lui aussi d'intérêt public. La narrativité présente dans cette vidéo expose également la division entre les deux genres puisque le minimalisme et l'abstraction sont deux mouvements artistiques qui ont priorisé les artistes masculins. L'objectif de ces deux mouvements étant de faire parler le médium de lui-même, par lui-même, c'est-à-dire en utilisant seulement les caractéristiques propres au médium pour se faire comprendre. Il y avait donc un rejet de toute narrativité puisque cette dernière faisait référence au monde littéraire. De plus, pendant longtemps les œuvres de Martha Rosler ont été associées à l'art abstrait, paradigme duquel elle désirait se sortir. Elle a donc réintégré la narrativité dans son œuvre avec pour objectif de sortir de ce cadre préétabli.

Le style vidéographique de l’œuvre s'associe à la caméra de surveillance. Le cadrage de l'image, la caméra fixe, le noir et blanc de l'image, les plans utilisés permettent de l'affirmer. Dans cette démarche, Rosler met à profit son expérience en tant que photographe. C'est par l'entremise du médium technologique qu'elle concrétise son concept artistique qui va au-delà de la simple réalisation artistique. Le cadre de l'image étant rapproché, la caméra étant fixe (probablement sur pied) et le sujet étant central, tous trois dirigent le regard du spectateur, sans possibilité de sortir de ce cadre, tout comme la caméra de surveillance enregistre un même point focal en tout temps. Comme le mentionne la chargée de cours de l'Université de Rochester, Rachel Haidu, « même dans une vidéo de surveillance qui ne montre aucune figure humaine, l'absence de cette figure demeure le sujet de la vidéo »[2]. Il est donc possible de dire que par l'entremise de ce style vidéographique, Martha Rosler rend visible l'invisible, c'est-à-dire l'espace que les femmes occupent dans la société. L'artiste, utilisant ce style, permet ainsi de mettre en relation l'immatérialité du psychologique et la matérialité du physique, tout en les associant respectivement à l'immatérialité de l'image et à la matérialité du lieu. En 2013, Rachel Haidu a de plus écrit, en se référant aux années 60 et 70, qu' « au même moment, l'idée que les femmes 'ne jouissent pas de leur propre espace' suggère une prise de conscience collective, des réalités psychiques ayant trait au domestique, à l'institutionnel, au travail et aux espaces publics que les femmes ont occupé (et continuent d'occuper). Il y a une subtile indication que cet espace manquant est celui de 'l'intérieur', l'espace psychique. [C'est là, dans] la relation entre tous deux, espaces psychique et physique que les femmes sont représentées »[3]. La décision de l'artiste de tourner sa vidéo en noir et blanc ajoute également à l'aspect caméra de surveillance qui par l'entremise de bruit dans le résultat de l'image permet encore une fois de rendre visible l'invisible, et dans ce cas-ci, de rendre l'immatérialité de l'image matérielle. La piètre qualité de l'image est aussi signature de l'artiste puisqu'elle se considère comme faisant partie du cheap media movement, insistant sur le désir de rendre la vidéo déplaisante au spectateur, afin de susciter chez lui un ennui, voire même une confusion.[4] Les plans de caméra utilisés dans cette vidéo débutent par un plan taille pendant la présentation de la vidéo, puis passent à un plan américain, pour la démonstration des ustensiles jusqu'à la lettre « t » de l'alphabet, pour ensuite se terminer par un plan italien dans la mimique gestuelle des lettres « u » à « z ». La vidéo se termine brutalement par un noir, comme une caméra de surveillance rendue au bout de son enregistrement. Ces plans établissent dès le départ une relation d'intimité avec l'artiste, pour ensuite s'en éloigner, comme si le propos provenant de l'intériorité devait se libérer vers une extériorité.

Le rôle du spectateur dans l'oeuvre de Rosler occupe une grande importance puisqu'il devient acteur dans sa compréhension. En visionnant l'intériorité de l'artiste, son intimité, le spectateur prend le rôle d'un voyeur qui le mène à une prise de conscience autoréférentielle, c'est-à-dire narcissique. Rachel Haidu ajoute même que « dans ce sens, la vidéo est encore plus profondément anthropocentrique que le film, lequel, comme plusieurs cinéastes structuralistes ont démontré, transporte sa propre matérialité dans l'image, dans la projection et dans le médium. »[5] Ici, le spectateur s'observe à travers la performance de l'artiste, il se voit dans toutes ses définitions préétablies et déterminées par un patriarcat des plus capitalistes. Il devient donc œuvre d'art en soi et autocritique par le fait même. Le concept de Martha Rosler s'accomplit donc par l'entremise du spectateur, qui sans lui, n'atteint pas l'extériorisation désirée.

Document audiovisuel[modifier | modifier le code]

  • Semiotics of the Kitchen[1] [archive]
  • Electronic Arts Intermix: Semiotics of the Kitchen, For Educational In-House Use Only, Martha Rosler (1975), 6:09 min., b&w, mono.
  • Another Gaze: In Conversation with Martha Rosler[1]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Alexander Alberro et Blake Stimson, Institutional Critique: an Anthology of Artists' Writings, Cambridge, Massachusetts, The MIT Press, .
  • (en) Antony Beyant et Griselda Pollock, Digital and Other Virtualities: Renegotiating the Image, London, New York, I.B. Tauris, .
  • (en) Thomas B. Hess et Elizabeth C. Baker, Art and Sexual Politics : Women's Liberation, Women Artists, and Art History, New York, Macmillan Publishing Co., Inc., .
  • (en) Anaël Lejeune, Olivier Mignon et Raphaël Pirenne, French Theory and American Art, Bruxelles, Sternberg Press, .
  • Florence de Mèredieu, Arts et nouvelles technologies : art vidéo, art numérique, Paris, Larousse, .
  • (en) Jayne Wark, Radical Gestures: Femenism and Performance Art in North America, Montréal, McGill-Queen's University Press, .

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Thomas B. Hess et Elizabeth C. Baker, Art and Sexual Politics: Women's Liberation, Women Artists, and Art History, New York, Macmillan Publishing Co., Inc., , 150 p., p. 111
  2. (en) Rachel Haidu, French Theory and American Art, Bruxelles, Sternberg Press, , 384 p., p. 341
  3. (en) Rachel Haidu, French Theory and American Art, Bruxelles, Sternberg Press, , 384 p., p. 328
  4. Another Gaze Journal, « In Conversation with Martha Rosler (Interview) », (consulté le )
  5. (en) Rachel Haidu, French Theory and American Art, Bruxelles, Sternberg Press, , 384 p., p. 341

Liens externes[modifier | modifier le code]