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Le terme de mémoire collective renvoie, de manière générale, aux souvenirs partagés au sein d’une collectivité. Cependant, il n’existe pas de consensus sur la manière de définir le terme.

Les travaux sur la mémoire collective ont été initiés par Maurice Halbwachs qui donnait à ce terme au moins deux sens distincts [1]. Dans le premier, la notion de mémoire collective renvoie à l'idée que la mémoire individuelle est systématiquement influencée par les cadres sociaux dans lesquels elle s'insère. Dans le deuxième sens, la mémoire collective prend un sens plus radicalement collectiviste et renvoie à la mémoire du groupe en lui-même, au-delà de la mémoire de ses membres.

Les travaux pionniers de Halbwachs[modifier | modifier le code]

La version forte[modifier | modifier le code]

La version distribuée[modifier | modifier le code]

Approche individuelle[modifier | modifier le code]

Les travaux de Bartlett[modifier | modifier le code]

Frederic Charles Bartlett est reconnu pour avoir introduit l’étude de la mémoire collective dans le domaine de la psychologie [2]. Bien que Bartlett ait critiqué Halbwachs, l’accusant de « réifier la mémoire collective en une âme quasi-mythique ayant son existence propre » (Douglas, 1980 ; pp. 16-17)[3], il considère que la mémoire est un phénomène intrinsèquement social, au sens où la mémoire est influencée par le contexte social. En effet, Bartlett rejette l’idée que l’acte de se souvenir se réduise à la réactivation de traces mnésiques préalablement stockées en mémoire. Selon lui, l'acte de se rappeler constitue un processus de reconstruction au cours duquel le contexte interagit avec des « schémas » (schemata) issus de notre expérience individuelle et de notre appartenance culturelle [2].

L'approche cognitive[modifier | modifier le code]

Dans le champ de la psychologie, une approche a consisté à développer l’approche de Bartlett en étudiant les déterminants individuels de la mémoire collective du point de vue de la psychologie cognitive [2].

Texte alternatif
Le Lincoln Memorial, un symbole public susceptible de créer une mémoire collective

Dans cette perspective, Coman et ses collègues [4] considèrent que les psychologues doivent étudier la mémoire, et plus généralement la cognition, d’un point de vue interactionniste. Citant Olick [1], ils admettent que la mémoire collective ne peut pas être réduite à un ensemble de « mémoires individuelles partagées » mais ajoute cependant qu’on ne peut limiter l’étude de la mémoire collective au niveau collectif, à travers les symboles publics maintenus par la société. En effet, il est nécessaire de s’intéresser à la manière dont la mémoire individuelle interagit avec l’environnement extérieur : lorsqu’il se rappelle, l’individu ne se limite pas à récupérer une information préalablement stockée mais construit un souvenir en utilisant des indices présents dans l’environnement. Pour illustrer cette idée, Coman et ses collègues [4] s’appuient sur les observations de Beach (1993) : si des barmans expérimentés arrivent mieux à retenir des commandes compliquées que des barmans novices, ce n’est pas parce qu’ils ont une « meilleure mémoire » mais parce qu’au moment où ils reçoivent la commande, ils sortent les verres correspondants et les posent sur le comptoir ; c’est la forme de ces verres qui sert ensuite d’indice pour se rappeler de la commande, la présence physique des verres constituant donc un guide pour leur mémoire. Cet exemple illustre comment les individus peuvent structurer l’environnement pour guider leur mémoire ; de la même manière, la société peut restructurer l’environnement pour façonner la mémoire collective à travers des artefacts sociaux : ainsi, la manière dont le Lincoln Memorial de Washington est conçu – la statue d’Abraham Lincoln assis à la manière de Zeus dans un bâtiment construit comme un temple grec – est susceptible de façonner la mémoire que les visiteurs se forment de ce président comme un personnage quasiment divin. Ce genre d’artefacts sociaux peut ainsi façonner la mémoire d’un grand nombre d’individus et former une mémoire collective[4].

Klein [5] suggère également qu’il est nécessaire de rendre compte des processus cognitifs impliqués dans la formation de la mémoire collective. Etant donné que les individus sont fréquemment amenés à penser à des évènements historiques, il propose de considérer les processus psychologiques individuels impliqués dans cette situation à travers la métaphore de « l’historien naïf » (lay historian) : il s’agit d’établir un parallèle entre les étapes de production de la connaissance historique par un historien expert et la manière dont un individu profane pense à un événement historique.

L'approche conversationnelle[modifier | modifier le code]

Selon Edwards et Middleton (1990) [6], la mémoire ne doit pas être considérée comme un phénomène purement mental mais plutôt comme prenant place dans une activité conjointe de communication : l’acte de se souvenir ensemble (joint remembering). De ce point de vue, les individus impliqués dans cette activité co-construisent leurs souvenirs et peuvent s’opposer à la version des événements rapportée par d’autres. Ces auteurs considèrent donc la mémoire comme une activité : les souvenirs verbalisés par les individus ne doivent pas être considérés comme reflétant leur « vraie mémoire » mais comme des actes de langage ayant une fonction rhétorique [2].

Coman et ses collègues [4] attribuent également un rôle important aux conversations dans la formation de la mémoire collective, considérant celles-ci comme des artefacts sociaux au cours desquels des versions au départ différentes d’événements passés peuvent être amenées à converger. Ils s’intéressent en particulier à deux processus par lesquels les mémoires individuelles peuvent converger au cours d’une situation de rappel collectif dans une conversation : le premier est le cas où un individu implante de nouveaux souvenirs ou modifie des souvenirs préexistants chez les autres, et le second est celui où la situation de rappel collectif conduit à l’oubli collectif de certains éléments.

Concernant le premier cas de figure, les auteurs montrent que la situation de souvenir collectif conduit à un consensus plus important dans les souvenirs individuels. Par exemple, Cuc et ses collègues (2007) [4] ont observé que lorsque des membres d’une famille discutaient entre eux d’une histoire qu’ils venaient de lire, les souvenirs individuels de l’histoire étaient plus homogènes après la conversation qu’avant celle-ci. De plus, les éléments partagés au cours de la conversation étaient rapportés de manière disproportionnée par les individus. Par ailleurs, le rôle pris par les participants au cours de la conversation détermine quel contenu sera partagé par les mémoires individuelles [4]. Plus spécifiquement, Brown, Coman et Hirst [4] ont observé que les participants adoptant un rôle de narrateur et, dans une moindre mesure, ceux disposant d’une expertise, exercent l’influence la plus importante sur le contenu des souvenirs qui seront partagés par les individus après le rappel collectif.

Concernant le deuxième point, plusieurs travaux montrent que le rappel événements passés peut conduire à des oublis sélectifs chez l’audience du récit [7] : après la conversation, les éléments mentionnés par le narrateur seront plus facilement rappelés par l’audience alors que le rappel des éléments omis sera inhibé [7].

Emotions et mémoire collective[modifier | modifier le code]

Selon Pennebaker et Banasik (1997) [2], un des facteurs susceptible de transformer un évènement collectif en mémoire collective est sa charge émotionnelle. L’importance des émotions dans la formation de la mémoire collective est illustrée dans le phénomène de flashbulb memories qui font référence aux souvenirs très précis des circonstances personnelles dans lesquelles nous étions lorsque nous avons appris un évènement choquant [2]. Par exemple, les gens se souviennent généralement très précisément des circonstances dans lesquelles ils se trouvaient lorsqu’ils ont appris les attentats du 11 septembre.

Approche groupale[modifier | modifier le code]

Théorie de l'identité sociale et mémoire collective[modifier | modifier le code]

La présence d’une mémoire collective au sein d’un même groupe présuppose que l’ensemble de ses membres partageraient une histoire et une identité communes. A ce titre, la théorie de l’identité sociale élaborée par Henri Tajfel et Turner[8] et la mémoire collective entretiennent une relation particulière. L’identité sociale renvoi à la partie de notre image de soi qui fait référence à notre appartenance à un groupe ou une catégorie sociale particulière. Selon Licata, Klein et Gély[9], la mémoire collective satisferait certaines fonctions liées à l’identité sociale d’un groupe donné. Ainsi, ils avancent que la mémoire collective jouerait un rôle prédominant dans la construction de la définition de l’identité d’un groupe ainsi qu’à sa valorisation. Aussi, la mémoire collective jouerait également un rôle pertinent dans la justification des actes du groupe ainsi que dans la mobilisation collective.

Selon Liu et Hilton[9], « l’histoire nous procure des récits qui nous disent qui nous sommes, d’où nous venons et où nous devrions aller ». Les auteurs parlent d’une fonction narrative de la mémoire collective permettant de façonner l’identité d’un groupe comme celle d’une nation dont l’histoire réelle ou mythologique a permis de bâtir son identité au fil du temps. L’ensemble des éléments constitutifs de l’histoire d’un groupe procurerait des représentations normatives relatives à des ensembles de règles morales d’attitudes et/ou de comportements valorisés par le groupe. L’histoire est susceptible d’être partagée et transmise. Le partage et la transmission entre les membres du groupes de l’ensemble de ces représentations procurerait ainsi un sentiment de cohésion à l’ensemble des membres du groupe.

Selon la théorie de l’identité sociale, tout individu appartenant à un groupe tendra à valoriser ce dernier. Cette tendance renvoi à l’idée selon laquelle le groupe auquel l’individu appartient fait partie inhérente de la construction de son identité personnel. Toujours selon la théorie de l’identité sociale, cette tendance s’actualiserait à travers la notion de comparaison sociale. Cette notion nous invite à considérer la tendance d’un individu à comparer son groupe et lui-même en fonction des autres groupes et individus afin d’en tirer un forme quelconque de valorisation de soi et de son groupe. Ainsi, la comparaison de son groupe par rapport à un autre permettrait de garder ou d’augmenter l’image positive de son groupe afin de garder ou d’augmenter une positive estime de soi collective. Selon Licata, Klein et Gély[9] (voir aussi Licata et Mercy[2]), l’histoire passé d’un groupe (ou une glorieuse mythologie comme celle de la Grèce ou encore des Scandinaves) lui octroie une grande source de valorisation possible. Par la comparaison intergroupe de leurs histoires respectives, la mémoire collective aurait ainsi une fonction de valorisation du groupe.

La mémoire collective aurait également une fonction de justification des actes passés, présents et futures perpétrés par le groupe. Par la mise en exergue d’un événement passé significatif, un groupe peut ainsi légitimer ces pratiques passées, présentes et futures[9]. Par exemple, la légitimation de la Seconde Guerre mondiale (1939/1945) par l’absurdité du Traité de Versailles, perçu comme une extrême humiliation par le NSDAP (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei) en Allemagne. Ou encore, la guerre d’Irak (2003/2011) pour laquelle le 11 septembre et la détention d’arme de destruction massive a été mainte fois pris comme raison suffisante par les politiques américaines faisant fonction à l’époque.

Selon Reicher & Hopkins[9], la mise en évidence d’un événement historique propre au groupe peut également fournir des raisons suffisante à la mobilisation de l’ensemble (ou de la majorité) des membres du groupe concerné. À titre d’exemple, la déflation faisant suite à la crise économique de 1929 et l’accession aux pouvoir en 1928 du socialiste Herman Müller en Allemagne précipita l’Allemagne et l’Autriche dans une crise politique et économique sans précédent qui favorisa la mobilisation en faveur du NSDAP, lui permettant de passer d’un parti marginal à l’un des partis les plus important d’Allemagne avant même la première candidature d’Adolf Hitler en février 1932.

Théorie des représentations sociales et mémoire collective[modifier | modifier le code]

Comme la mémoire collective le suggère, tout groupe est assujetti à une histoire passée qu’il considère comme étant représentatif de sa construction identitaire. Cette idée suppose donc que le groupe développe une certaine représentation de son histoire. A ce titre, Licata et Mercy[2] propose un développement tiré de l’idée de Prager de 1998 selon laquelle « la façon dont un groupe social se rapporte à son passé peut être envisagé de deux manières différentes: les mémoires collectives sont soit représentées comme pesant sur le présent du groupe, ou comme étant influencées par le présent du groupe. Le passé peut être subi ou il peut être choisi ».

Les études menées par Schuman et Rodgers[10] nous procurent de bons exemples de l’influence d’un événement passé marquant sur l’ « état mental » actuel d’un groupe. Schuman et Rodgers ont comparé la mention d’événements historiques marquants chez des participants américains en 1985, 2000 et après le 11 septembre. Entre 1985 et 2000, leurs résultats mettent en évidence que la Guerre du Vietnam (1955/1975) et le risque d’une guerre nucléaire furent nettement moins mentionnés en 2000 au profit des événements plus ressent tels que la chute de l’URSS et la fin de la Guerre Froide (1991). Entre 2000 et fin 2001, nous pouvons observer que les mentions liées à la fin de la Guerre Froide ont disparu au profit des événements historiques violents liées à la mise en péril de l’intégrité de l’identité américaine (augmentation nette de la Seconde Guerre mondiale (1939/1945) ; la Guerre du Vietnam ; l’assassinat de JFK (1963).

Comme nous l’avons développé plus haut, la mémoire collective jouerait un rôle prédominant dans la définition identitaire d’un groupe par le biais de la narration et du partage de leur histoire mais également dans la justification d’actions passés, présents et futures du groupe. Comme la mémoire collective le suggère, tout groupe est assujetti à une histoire passée qu’il considère comme étant représentatif de sa construction identitaire. Cette idée suppose donc que le groupe développe une certaine représentation de son histoire dans la mesure où celle-ci est source de valorisation. Comme le souligne Bartlett[2], l’histoire passé du groupe est continuellement remaniée, remodelée, reconstruite par ses membres afin de satisfaire au mieux leurs intérêts actuels. Ainsi, la construction narrative faite à-posteriori ferait l’objet d’une procédure de sélection dans laquelle la majorité de leurs actions négatives est mise sous silence au profit des événements positifs les plus marquants servant à la valorisation de leur groupe. Nous nous retrouvons alors dans une situation où le passé du groupe est choisi en fonction de ces intérêts et projets présent ou future. Aussi, l’utilisation d’événements passées sélectionnées avec intérêt peut fournir au groupe les éléments nécessaire aux justifications de ses actions présentes ou futures et à la mobilisation et/ou au soutien de ces membres (cf. guerre en Irak et Afghanistan, expansion coloniale israélienne, revendications linguistiques en Belgique et au Canada, etc.). Toutefois, la construction narrative faite à-posteriori peu également faire l’objet d’une sélections mettant uniquement en avant les éléments négatifs de l’histoire d’un exogroupe (cf. la peste ; voir plus bas) afin de fournir une explication plausible d’un événement nouveau et/ou sans précédent.

La théorie proposée par Moscovici[11] avance que les représentations sociales « ne représentent pas simplement « des opinions sur » […] ou des « attitudes envers » un objet ou des groupes, mais plutôt des « théories » ou « des branches de connaissances » dans leur propre légitimité, pour la découverte et l’organisation de la réalité » (p. xiii). Les représentations sociales permettraient une assimilation des savoirs non familiers dans des cadres épistémologiques préexistant. La théorie des représentations sociales procure un cadre théorique pertinent qui prend en compte ces deux influences précédemment développées[11][2]. D’après Moscovici, les représentations sociales se forment et se maintiennent par le biais de deux processus : l’objectivation (« objectification ») et l’ancrage (« anchoring »). L’objectivation consiste en la transformation progressive de nouveaux concepts abstrait et/ou complexe en éléments visuels concrets à travers l’échange social. Par exemple[11], la première épidémie de peste au Moyen-Age en Angleterre: Ne connaissant ni la maladie ni son origine, plusieurs causes et origines ont été inférées. La plus connue reste l’idée selon laquelle il s’agissait d’une punition divine à l’égard de la race humaine, plus particulièrement à l’égard de ceux dont la façon de vivre était jugée malsaine et non pieuse. L’objectivation nous éclaire sur le processus de reconstruction du passé en fonction de l’état actuel des choses. L’ancrage renvoi directement à l’intégration de nouvelles connaissances dans des cadres épistémologiques préexistant. L’ancrage permet de mieux comprendre le processus selon lequel un événement passé est utilisé pour donner un sens aux événements actuels. L’idée selon laquelle la peste serait d’origine hérétique à pousser la mise en pratique de procession de flagellants afin de brûler les hérétiques et les lépreux accusés de propager la maladie et de persécuter les juifs suspectés d’empoisonner les puits.

Mémoire collective et relations intergroupes: conflit et réconciliation[modifier | modifier le code]

Dans un contexte post-conflictuel, les relations qu’entretiendront les groupes protagonistes pourront dépendre de la manière avec laquelle l’histoire du conflit sera construite. Le statut des deux protagonistes à la fin du conflit – qu’ils se considèrent comme victime ou coupable – pourront alors être des facteurs important dans la volonté ou non d’engager des démarches de réconciliation. Comme le souligne Licata, Klein et Gély[9] « le rapport à la mémoire n’est bien sûr pas le même si l’on se considère comme victime de l’exogroupe ou comme son agresseur » (p. 572).

La position de victime renvoi d’avantage et de prime abord au poids de l’histoire sur l’état actuel du groupe bien que celle-ci peut être préférée à posteriori pour ces bénéfices en terme de négociation de reconnaissance et/ou de réparation de la part de l’exogroupe agresseur. Dès lors, le statut de victime peut également renvoyer à un passé délibérément choisi dans le cadre de ces avantages pour le groupe[9].

Selon Rothberg[12], la mémoire collective d’un groupe lié à un passé de victime peut s’articuler de plusieurs manières différentes parmi les membres d’un même groupe. Rothberg mobilise le terme de mémoire multidirectionnelle (multidirectional memory). Dans son étude, Vollhart[12] reprend cette notion en développant les différentes possibilités. Ainsi, il distingue dans l’appropriation du statut une conscience de victime inclusive (inclusive victim consciousness) d’une conscience de victime exclusive (exclusive victim consciousness). La première suppose que les membres du groupe considèrent leur histoire de victime comme étant similaire à celle vécue par d’autres groupes. La seconde suppose au contraire que les membres du groupes considèrent leur histoire de victime comme étant nettement différente et unique en comparaison aux vécues des autres groupes ayant également fait l’objet du même type d’agression. Dans le cas le plus extrême, un individu membre d’un groupe ayant un statut de victime peut également nier jusqu’à l’existence même d’une agression à l’égard d’un autre groupe ou nier les caractéristiques de cette agression (p.ex. nier le fait qu’il s’agisse également d’un génocide ou de meurtre de masse). Cela peut se faire d’une manière explicite par la comparaison des souffrances endurer par leur groupe par rapport à celles endurer par l’exogroupe (victimisation concurrentiel – competitive victimhood[2][12]. Elle peut également se faire d’une manière implicite lorsque le groupe supra-ordonné ne reconnait pas ou peu l’histoire d’un (sous)groupe[12].

Aussi, le statut de victime arboré par un groupe peut engendrer des effets négatives dans les relations intergroupes car elle favorise la mise en place de barrière psychologique[9]. Surtout dans le cas où l’agression a été perpétrée au sein d’un même territoire sur un des groupes minoritaires constitutif de l’identité supra-ordonnée, la victimisation peut entraver le processus de réconciliation. D'après Vollhardt et Bilewicz[13], sans réconciliation, le groupe victime peut choisir des actions violentes de représailles au lieu d’une solution pacifique au conflit actuel et le groupe agresseur y trouver des justifications au rejet de leur revendication.

Comme nous l’avons vu, la mémoire collective joue un rôle important dans la construction de l’identité d’une groupe dans la mesure où l’histoire racontée la défini et la valorise. Il est donc difficile d’intégrer dans cette mémoire les événements violents dont le groupe a été coupable. Selon Licata et Mercy[2], être reconnu par l’Histoire comme étant le groupe coupable de méfaits graves à l’encontre d’un ou de plusieurs autres groupes aurait des conséquences tant au sein de groupe que dans ses relations intergroupes. Selon Sibley, Liu, Duckitt et Khan[14], l’histoire d’un pays sert à satisfaire une fonction symbolique primordiale à son existence et permet également de s’assurer le soutien de ces membres dans ces décisions et/ou politiques publiques . Et ce, car la perception de continuité au court de son histoire est centrale pour le maintien de sa légitimité. Afin de maintenir une histoire positive et cohérente dans sa continuité, un groupe serait ainsi prêt à nier l’existence de son agression ou refuser la reconnaissance de celle-ci en faveur du groupe agressé. (cf. Maori en Nouvelle-Zélande[15]).

Dans leur méta-analyse, Vollhardt et Bilewicz[13] reviennent sur les conséquences psychologiques d’un génocide parmi les membres d’un groupe coupable. Ils montrent que la descendance des agresseurs tendent à exonérer leurs ancêtres responsables ou complice en mobilisation des raisons situationnelles ou encore en blâmant les victimes de leurs sorts. Cette volonté d’exonération peut mener au refus de reconnaissance du statut de victime de l’exogroupe et limiter les possibilités de réconciliation. Cependant tous les descendants ne cherchent pas à exonérer leurs ancêtres. Les attitudes positives envers les victimes de leurs ancêtres améliorent les possibilités de réconciliations. Notons que d'après Shnabel et collègues[13], ces mêmes attitudes positives peuvent être mobilisées dans le but de servir la reconstruction de l’image de l’endogroupe menacée par un passé génocidaire . Toutefois, les attitudes positives envers les victimes de leurs ancêtres sont sources de sentiments négatifs comme la culpabilité, la honte, les remords ou encore les regrets. Selon Imhoff, Bilewicz et Erb[16], il existe une différence entre le sentiment de regret collectif et le sentiment de culpabilité collectif après une histoire commune de conflit entre deux groupes. Le sentiment de regret tient sa source du sentiment d’empathie aux victimes. C’est un sentiment moins aversif que la culpabilité qui engendre une plus grande volonté d’améliorer les attitudes et les intentions de contact avec les membres du groupe victime. Le sentiment de culpabilité collectif est donc plus aversif et provient de la reconnaissance de leur responsabilité à l’égard de l’histoire. Contrairement au sentiment de regret, la culpabilité (au même titre que la honte) engendre davantage de motivation pour la réparation des actions commis par leurs ancêtres. Dans les deux cas, les descendants possèdent se sentiment de continuités historiques. Si les membres du groupe croient partager une essence commune avec leurs ancêtres coupables, ceux-ci se sentiront contraint à la réparation. A l’inverse, ce même sentiment d’essentialisme de leur groupe d’appartenance peut également pousser à nier la responsabilité de leurs ancêtres et donc de leur groupe[13].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b (en) Jeffrey K. Olick, « Collective memory: The two cultures », Sociological Theory, vol. 17, no 3,‎ , p. 333-348
  2. a b c d e f g h i j k et l (en) Laurent Licata et Aurélie Mercy, « Collective memory (Social psychology of) », dans Wright, J. D. (Ed.), The International Encyclopedia of the social and behavioral sciences, in press
  3. (en) James V. Wertsch, Voices of Collective Remembering, Cambridge University Press, (ISBN 0-521-00880-8)
  4. a b c d e f et g (en) Alin Coman, Adam D. Brown, Jonathan Koppel et William Hirst, « Collective Memory from a Psychological Perspective », International Journal of Politics, Culture, and Society, vol. 22, no 2,‎ , p. 123-141
  5. (en) Olivier Klein, « The Lay Historian: How Ordinary People Think about History », dans Cabecinhas, R., & Abadia, L. (Eds.), Narratives and social memory: Theoretical and methodological approaches.,
  6. Valérie Haas et Denise Jodelet, « La mémoire, ses aspects sociaux et collectifs », dans Roussiau, N. (Ed.), Psychologie sociale, (ISBN 2-912-404-41-X)
  7. a et b (en) William Hirst et Gerald Echterhoff, « Remembering in Conversations: The Social Sharing and Reshaping of Memories », Annual Review of Psychology, vol. 63,‎ , p. 55-79
  8. Tajfel, H. & Turner, J.C. (1986). "The Social Identity Theory of Intergroup Behavior", in S. Worchel & W.G. Austin (eds) The Psychology of Intergroup Relations, pp. 7-24. Chicago: Nelson-Hall
  9. a b c d e f g et h Licata, L., Klein, O., & Gély, R. (2007). Mémoire des conflits, conflits de mémoires: une approche psychosociale et philosophique du rôle de la mémoire collective dans les processus de réconciliation intergroupe. Social Science Information, 46(4), 563-589.
  10. Schuman, H., & Rodgers, W. L. (2004). Cohorts, chronology, and collective memories. Public Opinion Quarterly, 68(2), 217–254.
  11. a b et c Kane, B. (2012). Social Representations of Memory and Gender in Later Medieval England. Integrative Psychological and Behavioral Science, 46(4), 544–558. doi:10.1007/s12124-012-9220-0
  12. a b c et d Vollhardt, J. R. (2013). “Crime against Humanity” or “Crime against Jews”? Acknowledgment in Construals of the Holocaust and Its Importance for Intergroup Relations. Journal of Social Issues, 69(1), 144–161.
  13. a b c et d Vollhardt, J. R., & Bilewicz, M. (2013). After the genocide: Psychological perspectives on victim, bystander, and perpetrator groups. Journal of Social Issues, 69(1), 1–15.
  14. Sibley, C. G., Liu, J. H., Duckitt, J., & Khan, S. S. (2008). Social representations of history and the legitimation of social inequality: the form and function of historical negation. European Journal of Social Psychology, 38(3)
  15. Sibley, C. G., & Liu, J. H. (2012). Social Representations of History and the Legitimation of Social Inequality: The Causes and Consequences of Historical Negation1: HISTORICAL NEGATION AND POLICY ATTITUDES. Journal of Applied Social Psychology, 42(3), 598–623.
  16. Imhoff, R., Bilewicz, M., & Erb, H.-P. (2012). Collective regret versus collective guilt: Different emotional reactions to historical atrocities: Collective regret versus collective guilt. European Journal of Social Psychology, 42(6), 729–742.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Maurice Halbwachs