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Salon de 1845, Charles Baudelaire

Les Salons de Baudelaire[modifier | modifier le code]

Charles Baudelaire, auteur du recueil poétique Les fleurs du mal, a cultivé également la critique d'art, notamment dans les Salons de 1845, 1846 et 1859. Ces Salons ont profité d'une très large répercussion et ils ont jeté les bases d'une nouvelle critique d'art. Baudelaire assume un rôle de prophète.

Salon de 1845[modifier | modifier le code]

Influé par les Salons de Diderot, le poète français, sous le pseudonyme de Baudelaire Dufaÿs, publie, à 24 ans, le Salon de 1845. Grâce à cet essai, Baudelaire est devenu une autorité majeure dans le domaine de la critique d'art. Ainsi, André Ferran assure que “l'originalité de Baudelaire est d'avoir su, d'un grand clair, distinguer entre les faveurs d'un engouement moutonnier et le mérite durable”[1]. Il possède donc la sensibilité nécessaire pour apprécier les œuvres artistiques qui vaincront la temporalité, car il ne suffit pas d'avoir une bonne technique, car “tout le monde aujourd'hui peint trop bien”[2].

Ce Salon est une liste d'auteurs et de leurs œuvres, classés par genres : tableaux d'histoire, portraits, tableaux de genre, paysages, dessins et gravures et sculptures.

Fonction du Salon[modifier | modifier le code]

Baudelaire attaque la critique d'art de son époque. Il critique le manque d'impartialité des journalistes (“les savants du feuilleton”[3]) et la présence de la bourgeoisie. À son avis, “un esprit juste verra toujours qu'un grand artiste n'y peut que gagner, vu sa fécondité naturelle, et qu'un médiocre n'y peut trouver que le châtiment mérité”[4]. Voilà sa tâche. Il devra accorder à chaque artiste la place qu'il mérite vraiment. Il parle même de métier ; la critique d'art implique pour lui la prise en charge d'une responsabilité à l'égard des artistes dont il va analyser les œuvres. Il se considère un guide pour le public ; “il faut le mettre sur une pente, et lui imprimer l'élan”[5].

Delacroix, “le morceau capital de l'exposition”[6][modifier | modifier le code]

Lors du chapitre consacré aux tableaux d'histoire, Charles Baudelaire revendique l'œuvre d'Eugène Delacroix. Le poète montre son admiration pour les quatre tableaux envoyés par le peintre : La Madeleine dans le désert, Dernières paroles de Marc-Aurèle, Une sibylle qui montre le rameau d'or et Le Sultan de Maroc entouré de sa garde et de ses officiers. Il défend que “M. Delacroix est décidément le peintre le plus original des temps anciens et des temps modernes”[7]. Delacroix serait un génie à la recherche du neuf[8]. Dans son œuvre convergent donc l'originalité et la nouveauté, qui sont les deux axes sur lesquels doit s'appuyer l'art selon Baudelaire.

Le Sultan du Maroc entouré de sa garde et de ses officiers, Eugène Delacroix

Quant au premier tableau, il est construit avec de l'harmonie et à travers lui le spectateur atteint la vérité de la Madeleine[9]. Celui de Marc-Aurèle est un tableau “splendide, magnifique, sublime, incompris”[10]. Delacroix y place Commode – l'avenir – dans la lumière et les stoïciens – le passé – dans l'ombre. Il met l'accent sur le nouveau, comme Baudelaire. Par ailleurs, l'harmonie est aussi présente dans ce tableau, une harmonie “sourde et profonde”[11]. Baudelaire souligne aussi le travail de la couleur, “sanguinaire et terrible”[12]. Delacroix joue avec le vert et le rouge : l'ombre est verte et la lumière, rouge. Le peintre maîtrise la technique, mais, de plus, il dessine “d'une manière impromptue et spirituelle”[13]. Baudelaire revendique Delacroix face à Raphaël, car l'œuvre du premier saisit le “caractère insaisissable et tremblant de la nature”[14], et non pas celle du peintre italien. En ce qui concerne le tableau du Sultan de Maroc, l'harmonie devient une “coquetterie musicale”[15]. Il s'agit d'une peinture musicale, où la couleur, par ailleurs, a de l'esprit. Ce tableau est “gris comme la nature”[16]. L'originalité, la nouveauté, l'harmonie, et la nature convergent dans l'œuvre de Delacroix.

L'originalité face à l'imitation[modifier | modifier le code]

L'originalité est l'une des bases sur lesquelles doit s'appuyer l'œuvre du peintre qui veut atteindre l'éternité. Baudelaire condamne l'imitation et la répétition. Quand il décrit la Fontaine de Jouvence de Haussoullier, par exemple, il avoue que le tableau “contient assez d'originalité pour promettre un heureux avenir”[17]. Par contre, lors de l'analyse de l'œuvre de Schnetz, Baudelaire critique son absence d'originalité et nouveauté (“Hélas! Que faire de ces gros tableaux italiens? – nous sommes en 1845 – nous craignons fort que Schnetz en fasse encore de semblables en 1855”[18]). L'érudition, qui mène à l'imitation, sert à cacher l'absence de talent[19]. Cet éloge de l'originalité conduit à une défense de la Modernité, “une nouvelle manière de voir et d'entendre les arts”[20]. C'est ce qui l'artiste doit chercher. Ainsi, en guise d'exemple, Baudelaire regrette, par rapport à Joseph Fay, que son talent ne soit pas “au profit d'idées plus modernes”[21].

L'innocence face à la pédanterie[modifier | modifier le code]

L'originalité n'est pas le seul axe que défend Baudelaire. L'innocence des peintres comme Dupont est mise en valeur[22] en détriment de la pédanterie d'autres artistes tels que Dugasseau[23]. Il défend la naïveté et condamne la prétention de la peinture dite sérieuse. La naïveté combinée avec l'originalité assure la valeur du peintre. De ce fait, lors du chapitre consacré à la peinture paysagiste, Baudelaire avoue que “ce sont la naïveté et l'originalité qui constituent le mérite de M. Corot[24]. Avec la prétention, l'artiste risque de tomber dans le mensonge. La clarté de la naïveté, pour sa part, ne gêne pas la recherche de la vérité.

Conclusions[modifier | modifier le code]

Sauf Delacroix, Haussoullier et Decamps, dans le Salon de 1845 “tout le monde peint de mieux en mieux […] mais d'invention, d'idées, de tempérament, pas davantage qu'avant”[25]. Il exalte, à nouveau, l'héroïsme de la vie moderne[26]. Ce que Baudelaire espère lors du suivant salon est “le vrai peintre, qui saura arracher à la vie actuelle son côté épique”[27], “l'avènement du neuf!”[28].


Salon de 1846[modifier | modifier le code]

L'année suivante, Charles Baudelaire publie un nouveau Salon, plus ambitieux que celui de 1845. Avec un texte d'une rédaction plus élaborée, il y développe davantage ses réflexions sur l'art et grâce à cet essai, il deviendra “l'un des fondateurs de la critique moderne”[29] selon David Kelley, qui assure que le poète assume un rôle de prophète[30]. Baudelaire lui-même, il décrit son Salon comme “un article qui a plutôt l'air d'une prophétie que d'une critique”[31]. Il s'agit d'une œuvre plus théorique : il va au-delà de son premier salon en proposant une nouvelle théorie de l'art. Il conserve son attitude réprobatrice envers la critique d'art journalistique : il assure même que ce sont des “ingrats”[32]. Par ailleurs, il maintient également la conclusion à laquelle il avait abouti lors du précédent salon selon laquelle il ne suffit pas de peindre bien ; la maîtrise d'une bonne technique doit être accompagnée de l'esprit. Ainsi, par exemple, lors du chapitre dédié aux portraits, Baudelaire assure que Victor Robert est “certainement un bon peintre, doué d'une main ferme ; mais l'artiste qui fait le portrait d'un homme célèbre ne doit point se contenter d'une pâte heureuse et superficielle ; car il fait aussi le portrait d'un esprit”[33]. Il considère que les vrais artistes sont des “ouvriers émancipés”[34], et non pas des produits des écoles.

Baudelaire s'adresse tout d'abord à la bourgeoisie. Étant donné le pouvoir qu'elle a dans la société (“vous êtes la force”[35]), l'écrivain lui reproche de ne pas supporter suffisamment l'art. “Vous avez besoin d'art”[36], affirme Baudelaire. Le poète conçoit l'art comme une nécessité qui doit compter sur le support des bourgeois.

En ce qui concerne la critique, il propose d'en élargir la conception traditionnelle. Baudelaire veut dépasser les limites imposées et impulser une critique autre ; une critique “amusante et poétique”[37]. “Ainsi, le meilleur compte-rendu d'un tableau pourra être un sonnet ou une élégie”[38].

Le Romantisme et son plus grand maître, Eugène Delacroix[modifier | modifier le code]

Charles Baudelaire analyse le Romantisme du milieu du XIXe siècle pour mieux encadrer les artistes dont il va parler dans le Salon. Il assure que le Romantisme se repère par le présent : “S'appeler romantique, et regarder systématiquement le passé, c'est se contredire”[39]. Il l'associe, donc, à l'art moderne. Le romantisme se trouve à l'intérieur de chacun[40] et repose dans la nature et l'âme. L'harmonie et la couleur y jouent un rôle essentiel. Il propose une la suivante définition : “Pour moi le romantisme est l'expression la plus récente, la plus actuelle du beau”[41]. Delacroix est, selon Baudelaire, le meilleur représentant de ce romantisme.

Le peintre français est, d'après Baudelaire, le maître du romantisme, de la couleur et de la modernité. Cependant, “jusqu'à présent on a été injuste envers Eugène Delacroix”[42]. Comme lors du Salon de 1845, l'auteur des Fleurs du mal prend la défense de Delacroix. Il est un vrai créateur, par opposition à Victor Hugo, “un travailleur bien plus correcte que créateur”[43]. Baudelaire construit sa théorie de l'artiste suprême à partir de la description des aptitudes Delacroix, dont l'œuvre tourne autour de la nature (son tableau L'Enlèvement de Rébecca est “comme la nature” ; il a “horreur du vide”[44]), la naïveté et l'harmonie. De plus, sa peinture possède aussi de l'universalité (elle s'adapte à plusieurs genres). Pour conclure, Baudelaire considère que Delacroix est “la dernière expression du progrès dans l'art”[45] car il possède la mélancolie suffisante pour peindre la douleur morale[46].

L'enlèvement de Rebecca, Eugène Delacroix

Le rôle de la couleur dans la peinture[modifier | modifier le code]

Les couleurs sont dans la nature et l'artiste doit, en conséquence, les maîtriser et savoir les combiner pour recréer cette “sanglante harmonie”[47]. Baudelaire définit la couleur comme “l'accord de deux tons”[48], celui chaud et celui froid. Les coloristes sont, ainsi, comme des poètes épiques[49]. Le poète français inclut dans le groupe des coloristes des artistes tels que M. Catlin, M. Devéria ou M. Boissard[50]. Quant à M. Decamps, Baudelaire fait une fervente défense, car pour lui “la couleur était la grande chose, c'était pour ainsi dire sa pensée favorite”[51].

Les dessinateurs[modifier | modifier le code]

Tandis que les coloristes dessinent par tempérament, les dessinateurs le font par raison[52]. Selon Baudelaire, “un dessinateur est un coloriste manqué”[53]. Le dessinateur ne doit pas imiter la nature, mais l'interpréter. Le dessin résume non pas seulement le modèle, mais aussi l'idéal[54]. M. Ingres est le dessinateur le plus puissant de l'exposition car ses œuvres “engendrent la douleur”[55].

Baudelaire contre le patriotisme[modifier | modifier le code]

Le poète français condamne le peintre Horace Vernet car il est un artiste national, l'incarnation de la France. Il l'accuse d'être un “militaire”[56], voire “l'antithèse absolue de l'artiste”[57]. Baudelaire déteste son patriotisme puisque le patriotisme conduit au conflit. C'est pourquoi il rejette Horace Vernet : “nous, toute une génération nouvelle, ennemie de la guerre et des sottises nationales”[58]. De plus, il cultive le chic, c'est-à-dire “l'absence de modèle et de nature”[59], qui comporte une certaine analogie avec le poncif (“le résumé des idées vulgaires et banales qu'on se fait de ces choses et de ces êtres”[60]).

Nature et amour[modifier | modifier le code]

Amour et nature sont des notions interdépendantes. L'amour constitue “le sentiment le plus important de la nature”[61], mais, selon Baudelaire, en général, les artistes qui le représentent manquent “de naïveté et de sincérité”[62]. Le peintre devrait oser montrer l'amour d'une façon plus libre. Il devrait peindre l'amour libertin[63]. Tassaert est l'un des artistes de ce Salon qui a présenté ce genre de tableaux, dont le sujet est l'amour, c'est-à-dire, le sentiment capital de la nature.

L'artiste a pour mission de “substituer l'homme à la nature, et de protester contre elle”[64]. Cependant, le doute (“l'absence de foi et de naïveté”[65]) chez l'artiste génère l'éclectisme. L'éclectique est défini par Baudelaire comme “un homme sans amour”[66] et par conséquent sans nature. L'éclectisme menace donc de briser ce lien nécessaire entre art et nature.

La peinture paysagiste[modifier | modifier le code]

À partir du Romantisme, les paysagistes se consacrent à la nature. Baudelaire célèbre le paysage de fantaisie, qui constitue “l'expression de la rêverie humaine”[67] et où l'imagination (qui sera l'un des axes de son troisième Salon, celui de 1859) triomphe. Il désapprouve, en revanche, le paysage historique, qui serait “la morale appliquée à la nature”[68].

La sculpture, une expression secondaire[modifier | modifier le code]

Comme elle est plus semblable à la nature, la sculpture est moins mystérieuse que la peinture. Pour Baudelaire, elle n'est qu'un art “complémentaire”[69]. Il considère, en conséquence, qu'elle doit servir à d'autres arts comme la peinture. Le sculpteur le plus important est Pradien. Cela prouve qu'il s'agit d'un art secondaire, car Pradien n'est pas un artiste majeur puisqu'il manque d'imagination.

Quant au buste, il ressemble au portrait : il faut bien connaître l'objet pour être capable de représenter “l'idéalisation trouvée dans la nature elle-même”[70].

Éloge de la Modernité[modifier | modifier le code]

En guise de conclusion, Baudelaire réfléchit sur le rapport entre l'art et son époque. Les artistes voulaient auparavant représenter le passé ; la tradition était d'idéaliser la vie ancienne[71]. Or, l'époque contemporaine à ce Salon (le XIXe siècle) possède aussi de la beauté et de l'épique, et les artistes doivent comprendre cela. Baudelaire témoigne l'existence d'une beauté moderne[72]. De la sorte, lors de la clôture de ce Salon, il parle de l'héroïsme de la vie moderne.

Salon de 1859[modifier | modifier le code]

Treize ans après son dernier salon, Charles Baudelaire publie un troisième pour dénoncer la conception selon laquelle l'art doit être “la reproduction exacte de la nature”[73]. Ce Salon prend la forme d'une lettre, envoyée à M. le Directeur de la Revue Française, Jean Morel. Baudelaire assume donc un rôle de sauveur de cet art moderne qu'il avait si fortement défendu.

Baudelaire condamne le peintre moderne, “l'enfant gâté”[74], qui renonce à l'imagination et à la contemplation du passé et dont la seule volonté est celle de ressembler, à tout prix, “à l'artiste à la mode”[75]. Il imite l'imitation. L'érudition sert ici à “déguiser l'absence d'imagination”[76].

Malheureusement, cet enfant gâté ne constitue pas le seul obstacle de l'art, mais aussi le public moderne qui considère que l'art doit imiter la nature. De la sorte, l'art suprême serait la photographie. Dans la photographie se sont réfugiés tous ces peintres qui n'ont pas triomphé. La photographie, “grâce à l'alliance naturelle qu'elle trouvera dans la sottise de la multitude”[77], risque de remplacer la peinture. Tout cela a été provoqué par l'incapacité du public de concevoir “qu'il y a de plus éthéré et de plus immatériel”[78]. Le public français ne cherche que le Vrai et il méprise, ainsi, le Beau, qui sert à provoquer l'étonnement, car ce public est “singulièrement impuissant à sentir le bonheur de la rêverie ou de l'admiration”[79].

L'imagination, la reine des facultés[modifier | modifier le code]

Comme il s'oppose à la doctrine selon laquelle l'art doit copier la nature, Baudelaire assure qu'il faut représenter la fantaisie interne de chacun. Cette doctrine “ennemie de l'art”[80] est liée au manque d'imagination, la reine des facultés. Il revendique le Salon d'Alexandre Dumas, qui, lui aussi, avait compris la valeur de l'imagination. Elle est au cœur de la création : “elle crée un monde nouveau”[81]. L'imagination créatrice gouverne le monde. L'artiste doit, à travers l'imagination, interpréter la réalité et non pas se contenter de la contempler : “Toutes les facultés de l'âme humaine doivent être subordonnées à l'imagination”[82]. En résumé, il existe deux types d'artistes : le réaliste ou positiviste (celui qui imitent la nature, “l'univers sans l'homme”[83]) et l'imaginatif (celui qui exprime son reflet de cet univers).

La crise de la peinture religieuse[modifier | modifier le code]

Les peintres religieux sont en décadence. Baudelaire critique que la foi soit considérée la base de ce genre. Comme il qualifie la religion de “fiction”[84]. C'est pourquoi elle réclame de l'imagination. Dans l'art il n'y a pas de foi, mais d'imagination. Le sujet religieux se trouve, selon Baudelaire, entre le comique et le tragique.

Le tableau Sœurs de charité d'Arnaud Gautier présenté dans ce salon, fait partie de la peinture religieuse. Mais l'artiste par excellence de ce genre c'est Eugène Delacroix. Doté d'une imagination sans limites, Delacroix est un “peintre-poète”[85]. Il a envoyé au salon de 1859 le tableau La mise au tombeau. Baudelaire explique ce qui rend Delacroix unique : “il exprime surtout l'intime du cerveau, l'aspect étonnant des choses […]. C'est l'infini dans le fini. C'est le rêve!”[86]. Il peint l'âme.

La Mise au tombeau, Eugène Delacroix

La peinture militaire et la peinture de fantaisie[modifier | modifier le code]

La peinture militaire, qui repose sur le patriotisme, exige “la fausseté ou la nullité”[87] : la bataille représentée ne peut pas être vraie. Horace Vernet cultive ce genre. Il se sert de la juxtaposition de scènes. D'après Baudelaire, pour qu'il soit transcendant, le tableau militaire ne peut représenter qu'un seul épisode. C'est pourquoi il considère que le tableau de Vernet reste “privé d'unité”[88]. M. Tabar, pour sa part, a fait un tableau militaire, ou plutôt pastoral – Guerre de Crimée –, dans lequel peint “la beauté tranquille d'une nature qui fait rêver plutôt que penser”[89]. Il s'agit d'un tableau de contemplation, de contemplation d'une “idylle traversée par la guerre”[90]. C'est de la peinture romanesque.

En ce qui concerne la peinture de fantaisie, Baudelaire considère qu'elle est “dangereuse comme toute liberté absolue”[91]. M. Baron a cultivé ce genre et a produit l'un des “meilleurs rêves de bonheur parmi ceux que la peinture a jusqu'à présent essayé d'exprimer”[92].

La profondeur du portrait[modifier | modifier le code]

Baudelaire critique la conception de la bourgeoisie selon laquelle l'imagination n'est pas nécessaire pour faire un portrait car le peintre n'a besoin que d'un modèle. Cette conception ne sert qu'à limiter ce genre. Il défend que le portrait n'est pas si banal : “Un portrait! Quoi de plus simple et de plus compliqué, de plus évident et de plus profond?”[93]. L'imagination dans le portrait est indispensable pour illuminer le tableau. L'artiste doit peindre non seulement ce qu'il voit, mais aussi ce qui est caché derrière le modèle. Ainsi, un bon portrait doit être “le drame inhérent à tout homme”[94]. Le portrait, en apparence si simple, est un genre d'une énorme complexité. M. Ricard, par exemple, possède “une intelligence toujours apte à peindre l'âme qui pose devant lui”[95].

Malheureusement, dans l'école d'Ingres, l'enseignement de la méthode du portrait a été “despotique”[96]. La nature est devenue “moins belle et moins excitante”[97]. Les disciples d'Ingres commettent l'erreur de déformer le modèle.

La communion entre la nature et l'homme dans la peinture paysagiste[modifier | modifier le code]

La nature et l'homme sont indissociables. La beauté du paysage réside dans celui qui le regarde : “Si tel assemblage d'arbres, de montagnes, d'eaux et de maisons, que nous appelons un paysage, est beau, ce n'est pas par lui-même, mais par moi, par ma grâce propre, par l'idée ou le sentiment que j'y attache”[98]. Le paysagiste doit être capable de traduire ce sentiment attaché au paysage. L'homme doit donc être présent dans le portrait de la nature. Malheureusement, sauf quelques exceptions comme M. Daubigny, “presque tous oublient qu'un site naturel n'a de valeur que le sentiment actuel que l'artiste y sais mettre”[99], comme M. Troyon, qui possède une “habilité sans âme”[100]. Selon l'opinion publique, les meilleurs paysagistes sont M. Rousseau et M. Corot. Le premier est un maître de la lumière, mais il en voit que la nature. M. Corot, pour sa part, est incapable de provoquer l'étonnement.

Quant à la place de l'imagination dans la peinture paysagiste, elle est de plus en plus réduite[101], même si c'est l'imagination qui “fait le paysage”[102]. La peinture paysagiste – qui peut représenter également des grandes villes – doit montrer “le mystère dans le ciel”[103].

La sculpture[modifier | modifier le code]

Dans ce salon, Baudelaire défende une vision de la sculpture très différente de celle du salon de 1846. La sculpture, incarnée par “le fantôme de pierre”[104], dialogue avec le lecteur pour lui expliquer que l'art renvoie à l'éternité. Ce fantôme assure que le “rôle divin”[105] de la sculpture est de transcender la nature saisissable : il faut “penser aux choses qui ne sont pas de la terre”[106]. La sculpture a le pouvoir de donner “à tout ce qui est humain quelque chose d'éternel”[107]. Cependant, assez souvent, le manque d'imagination annule ce pouvoir. C'est le cas de ce salon, sauf quelques exceptions telles que M. Franceschi et son Andromède ou M. Hébert, dont l'ouvrage est “plein de vide”[108].

Amère conclusion[modifier | modifier le code]

Malgré quelques honorables exceptions, Baudelaire fait la suivante valorisation du Salon de 1859 : “en résumé, beaucoup de pratique et d'habilité, mais très-peu de génie!”[109].


Bibliographie[modifier | modifier le code]

BAUDLAIRE, Charles, Salon de 1859 dans Œuvres complètes de Charles Baudelaire. II . Curiosités esthétiques, Paris : Michel Lévy Frères, 1868.

BAUDELAIRE, Charles, Salon de 1845. Édition critique avec introduction, notes et éclaircissements par André Ferran, Toulouse : Éditions de l'Archer, 1933.

BAUDELAIRE, Charles, Salon de 1846. Texte établi et présenté par David Kelley, Oxford : Oxford University Press, 1975.





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