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Syndrome méditerranéen

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En France, le syndrome méditerranéen est un terme désignant le préjugé raciste, consistant pour les soignants à considérer que les personnes de souche nord-africaine, noires, ou bien d'autres personnes d'origine étrangère exagèrent leurs symptômes et leurs douleurs, ce qui entraine une défaillance de la prise en charge médicale de ces populations. Il a aussi été appelé syndrome polonais.

Ce stéréotype se retrouve dans de nombreux pays sous des appellations différentes.

Origine et contexte historique

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Dans le contexte des mouvements migratoires qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, des études signalent la fréquence de syndromes douloureux mal caractérisés chez les personnes transplantées, migrantes ou appartenant à des minorités d'origine étrangère. Ces troubles sont interprétés dans le cadre d'une « pathologie d'adaptation » liée au changement social (du pays d'origine au pays d'accueil), de systèmes de vie et de valeurs, ou comme une « crise identitaire »[1].

Esquisse à la craie de Paul Guaguin représentant une femme bretonne au XIXe siècle.
Bretonne, par Paul Gauguin. La migration rurale des bretons à Paris a été l'occasion de décrire un « syndrome des bonnes bretonnes ».

Ces études décrivent un tableau clinique dominé par des « plaintes douloureuses excessives », considérées comme des cénestopathies[1], par exemple la « cénestopathie des arabes ». En France, ce type de trouble est familièrement désigné sous le terme de « syndrome méditerranéen », parce que rapporté aux populations du sud, avec de nombreuses appellations similaires ou équivalentes : syndrome nord-africain, syndrome douloureux polymorphe[2], syndrome polyalgique des maghrébins. Ce syndrome méditerranéen était aussi appelé en médecine coloniale « coulchite » (ou koulchite, de l'arabe coulch « tout, partout ») ou « mal partout »[3].

En Europe, ce type de trouble est rapporté sous le terme de « syndrome transalpin » en Suisse[4], de « syndrome italien » en Belgique ou en Allemagne. Par exemple, le syndrome italien se manifeste au début par une hostilité à la cuisine du pays d'accueil et une intolérance à son climat, ce qui annonce la survenue de douleurs diffuses et chroniques, de type dépressif[5]. Chez les migrants d'origine espagnole ou portugaise, ces états douloureux s'accompagnent plus fréquemment d'agitation et de confusion[1].

Ces troubles ne sont pas propres aux populations du sud, ils sont aussi mentionnés en Allemagne de l'Ouest pour les réfugiés allemands du Danube ; « syndrome polonais » chez les mineurs du nord de la France ; chez les travailleurs agricoles migrants au Kentucky (États-Unis). Au cours des années 1950, des troubles dépressifs et psychosomatiques sont signalés sous le terme de « syndrome des bonnes bretonnes à Paris » (migrantes rurales d'origine bretonne). De même pour le « syndrome des Alsaciens non francophones » incorporés dans l'armée française[1],[3].

Approches modernes

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Jusqu'en 2022, ce stéréotype du « syndrome méditerranéen » n'était pas enseigné au cours des études médicales au niveau national en France[6] mais transmis de manière informelle[7],[8] : « Qui n'a pas entendu parler du syndrome transalpin (terminologie helvétique, on parle plutôt de syndrome méditerranéen en France), entité nosologique censée décrire l'excès de plaintes des populations du Sud ? »[4].

Depuis la fin du XXe siècle, le contexte historique et politique des migrations a changé. À une migration de travail s'est substituée une immigration beaucoup plus difficile, représentée par un parcours d'obstacles traumatisants. Il n'est plus décrit de pathologie psychiatrique spécifique de la migration, et tous les troubles mentaux peuvent être rencontrés. Cependant, les auteurs s'accordent pour admettre que la dépression et le trouble de stress post-traumatique sont d'une grande fréquence[9].

Les manifestations douloureuses peuvent être modulées par des « expressions "culturelles" débordantes de la souffrance ». Des soignants se sentent peu formés et impuissants devant ces manifestations « autres »[9]. D'où le recours à des stéréotypes culturels (concepts médicaux anciens) comme le syndrome méditerranéen qui serait « un moyen de contourner l’incompréhension voire le malaise des professionnels de santé »[10], l'existence d'un véritable syndrome méditerranéen au sens clinique n'ayant jamais été démontrée[11].

Selon Marcel-Francis Kahn, pionnier de la reconnaissance en France de la fibromyalgie, la « coulchite » ou « mal partout » serait une forme fréquente de fibromyalgie chez les sujets originaires d'Afrique du Nord alors qu'elle serait absente chez les femmes originaires d'Afrique Noire[12]. Selon le même auteur, ce type de syndrome est d'abord biomédical avant d'être psychosocial : « Chez les Amish, population paisible et sans problèmes sociaux, la fréquence de la fibromyalgie est la même qu'ailleurs aux Etats-Unis. En Afrique du Nord, elle est connue sous le nom de koulchite, «mal partout». L'évolution de sociétés où l'on n'avait pas l'habitude de se plaindre fait qu'au Japon, on voit des fibromyalgique ; il y en a en Chine, au Vietnam, en Corée »[13].

Selon David Le Breton, le syndrome méditerranéen provient d'un fantasme selon lequel les personnes originaires du pourtour méditerranéen serait moins résistantes à la douleur. Il est facilité par de possibles problèmes de communication[7].

Pour le médecin et écrivain Baptiste Beaulieu, il relève du racisme institutionnel[14]. Il n'existe pas d'études de qualité sur les discriminations ethniques en milieux de soin[15]. Toutefois les données disponibles indiquent qu'il existe bien une inégalité de prise en charge et de soins, où une dimension raciste est présente[16] parmi d'autres facteurs (différences culturelles concernant la santé et la maladie, la relation médecin-malade, ou les barrières linguistiques)[17].

Dans les études de médecine, le manuel national de référence de santé publique consacre désormais une partie[18] à cette notion dans le nouveau chapitre sur les discriminations, au programme des épreuves dématérialisées nationales permettant d'accéder au troisième cycle (internat).

Conséquences

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Page de garde d'un guide d'accès au soin. Plusieurs photos monochromes représentent le visages de différentes personnes, la plupart souriantes.
Guide d'accès aux soins pour les minorités (de 2004) aux États-Unis.

Inégalités de santé

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La considération moindre accordée aux personnes victimes de racisme peut entraîner un ralentissement de leur prise en charge médicale[7],[16]. Des inégalités de santé (morbidité, mortalité...) frappent plus particulièrement des minorités ethniques ou des populations migrantes[19], indépendamment d'autres facteurs biomédicaux et socio-économiques (pauvreté, accès aux soins...) et qui sont attribuées à des stéréotypes culturels lors de la prise en charge médicale[20].

De telles situations ont été décrites aux États-Unis pour les afro-américains, les hispaniques et les amérindiens ; au Royaume-Uni pour les originaires de l'Inde et du Pakistan ; en France pour les nord-africains ; en Allemagne pour les Turcs ; en Turquie pour les Kurdes ; en Israël pour les juifs séfarades, juifs d'Éthiopie et de Russie ; au Canada pour les amérindiens[20], comme les Aborigènes en Australie ou les Roms dans les Balkans[4].

Par exemple, une étude réalisée dans les urgences d'un hôpital universitaire de Los Angeles a montré que dans la prise en charge des fractures, les hispaniques avaient deux fois moins de chance de bénéficier d'un traitement antalgique, indépendamment de la langue parlée par le patient, de son assurance maladie, de l'origine du médecin, de la sévérité de la fracture, etc. la variable « groupe hispanique » restant la plus significative[4].

Stéréotype culturel et approche transculturelle

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La culture des personnels soignants est faite d'une culture médicale (valeurs universelles inhérentes à la communauté des soignants) mais aussi d'une culture populaire (courants principaux de la société où ils vivent)[20]. Un stéréotype culturel est alors :

« l'appréciation d'un individu fondée, non sur un jugement objectif, mais sur une évaluation sommaire, basée sur son appartenance de groupe : nationalité, sexe, profession, religion. Le stéréotype culturel est une façon universelle et séculaire qu'ont les êtres humains de réagir face à ce qui leur est différent, étranger»[4].

En France, pour réduire ce biais culturel et respecter l'article 7 du code de déontologie[21],[22], il est proposé une approche transculturelle. Cette approche vise à l'acquisition de nouvelles compétences dans la formation des soignants[10]. Il s'agit d'aborder le patient non pas seulement sur le modèle « standard », mais aussi sur le modèle du patient en tant que personne qu'il faut accepter telle qu'elle est.

« Cela revient à privilégier "l'altérité", à accepter naturellement "l'Autre" différent », ce qui ne nécessiterait pas de compétences ethno-anthropologiques particulières, d'où la notion de médecine transculturelle plutôt que celle d'ethnomédecine[23].

Mettre le patient « Autre » dans le sentiment d'exister, d'être compris et entendu en tant que personne, et non en tant que porteur de maladie, est un élément de succès dans la prise en charge médicale. Cet effet s'applique à tous les patients quels qu'ils soient, d'où ce paradoxe positif « plus on s'intéresse aux différences culturelles plus on se convainc de l'universalisme de l'humain »[23].

Mentions médiatiques

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Affaire Naomi Musenga

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La mort de Naomi Musenga après son appel au SAMU, en 2017, a été en partie imputée par des journalistes au « stéréotype raciste du syndrome méditerranéen » dans le monde hospitalier[24],[25],[26],[14].

Dans le monde

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Plusieurs cas de mauvaise prise en charge des autochtones du Québec dans le système de santé de cette province sont reliés à une forme de syndrome méditerranéen[27]. Dans son rapport déposé en 2019, la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec souligne la présence de préjugés qui peuvent mener à des pratiques discriminatoires envers eux[28].

Références

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  1. a b c et d P. Berner, « Psychopathologie des migrations » (fascicule 37880 A 10), Encyclopédie médicochirurgicale, Psychiatrie,‎ , p. 1-8.
  2. M. Gentilini, « Santé publique et migrants », La Revue du Praticien, vol. 34, no 11 « Environnement et santé publique »,‎ , p. 499-510.
  3. a et b P. Guidicelli et R. Groselle, « Le syndrome polyalgique des immigrés Maghrébins », Marseille Médical, no 229,‎ , p. 75-77.
  4. a b c d et e Sophie Durieux-Paillard, « Diversité culturelle et stéréotypes : la pratique médicale est aussi concernée », sur Revue Médicale Suisse, (consulté le ).
  5. Marcel Gillet, « Dr J.-L. Villa, Problèmes de l'adaptation psycho-sociale de la main-d'œuvre étrangère en Suisse, in Praxis, Revue Suisse de Médecine, 51e année, n° 14, 5 avril 1962 », Revue du Nord, vol. 49, no 194,‎ , p. 595–597 (lire en ligne, consulté le )
  6. Christelle Murhula, « Au festival Nyansapo, le cliché raciste du « syndrome méditerranéen » ausculté » Accès payant, sur Les Inrockuptibles, (consulté le ).
  7. a b et c Fanny Marlier, « Le syndrome méditerranéen : un stéréotype « raciste » et « dangereux » pour les patients », sur Clique.tv, (consulté le ).
  8. Marie Campistron, « "Elle en fait des tonnes !" : à l'hôpital, le cliché raciste du "syndrome méditerranéen" » Accès payant, sur L'Obs, (consulté le ).
  9. a et b Thierry Baubet, « Santé mentale des migrants : des blessures invisibles », La Revue du Praticien, vol. 69 « Dossier : santé des migrants (II) »,‎ , p. 672-675.
  10. a et b Serpil Savasl, « A propos du syndrome méditerranéen : approche anthropologique de la douleur » [PDF], sur chu-besançon.fr, .
  11. (en) Gernot Ernst, « The Myth of the 'Mediterranean Syndrome': Do immigrants feel different pain? », Ethnicity & Health,‎ , p. 121-126 (DOI 10.1080/713667444).
  12. M.F. Kahn, « Fibromyalgie : où en est-on ? », La Revue du Praticien, vol. 53,‎ , p. 1865-1872.
  13. Marcel-Francis Kahn, «La fibromyalgie est d'abord un syndrome médical, ensuite une construction sociale», sur Revue Médicale Suisse, (consulté le ).
  14. a et b Safia Kessas, « Naomi Musenge et le syndrome méditerranéen », sur RTBF Info, (consulté le ).
  15. (en) Vickie L. Shavers, Pebbles Fagan, Dionne Jones et William M. P. Klein, « The State of Research on Racial/Ethnic Discrimination in The Receipt of Health Care », American Journal of Public Health, vol. 102, no 5,‎ , p. 953–966 (ISSN 0090-0036 et 1541-0048, DOI 10.2105/AJPH.2012.300773, lire en ligne, consulté le ).
  16. a et b (en) David R. Williams, Jourdyn A. Lawrence et Brigette A. Davis, « Racism and Health: Evidence and Needed Research », Annual Review of Public Health, vol. 40, no 1,‎ , p. 105–125 (ISSN 0163-7525 et 1545-2093, DOI 10.1146/annurev-publhealth-040218-043750, lire en ligne, consulté le ).
  17. (en) Barbara C. Schouten et Ludwien Meeuwesen, « Cultural differences in medical communication: a review of the literature », Patient Education and Counseling, vol. 64, nos 1-3,‎ , p. 21–34 (ISSN 0738-3991, PMID 16427760, DOI 10.1016/j.pec.2005.11.014, lire en ligne, consulté le ).
  18. Joëlle Kivits, Sander de Souza et Pascal Auquier, Santé publique, Elsevier-Masson, coll. « Réussir son DFASM - Connaissances clés », , 650 p. (ISBN 978-2-294-77466-9, présentation en ligne), « Item 8 – Discriminations et santé », p. 102.
  19. (en) Adele Lebano, Sarah Hamed, Hannah Bradby et Alejandro Gil-Salmerón, « Migrants’ and refugees’ health status and healthcare in : a scoping literature review », BMC Public Health, vol. 20,‎ (ISSN 1471-2458, PMID 32605605, PMCID 7329528, DOI 10.1186/s12889-020-08749-8, lire en ligne, consulté le ).
  20. a b et c (en) H. Jack Geiger, « Racial stereotyping and medicine: the need for cultural competence », CMAJ: Canadian Medical Association Journal, vol. 164, no 12,‎ , p. 1699–1700 (ISSN 0820-3946, PMID 11450212, lire en ligne, consulté le ).
  21. « Code de déontologie, article 7 », sur www.legifrance.gouv.fr (consulté le )
  22. Marc Gentilini, « Santé des migrants en Europe : au-delà de la santé publique, un enjeu éthique et politique ? », La Revue du Praticien, vol. 69,‎ , p. 715-719. (lire en ligne Accès payant)
  23. a et b Olivier Bouchaud, « Approche transculturelle de la santé des migrants : un outil pour l'alliance thérapeutique », La Revue du Praticien, vol. 69 « Dossier : santé des migrants (II) »,‎ , p. 670-671. (lire en ligne Accès payant).
  24. Oihana Gabriel, « Naomi Musenga a-t-elle été victime du «syndrome méditerranéen»? », sur 20minutes.fr, (consulté le ).
  25. Aude Lorriaux, « Refus de soin, grossophobie, racisme: le cas de Naomi Musenga est loin d’être isolé », sur Slate.fr, (consulté le ).
  26. Ambre Lepoivre, « «Syndrome méditerranéen» : une enquête évoque les maux de la régulation médicale », sur Le Parisien, (consulté le ).
  27. Jessica Nadeau et Magdaline Boutros, « Traitement des Autochtones à l'hôpital de Joliette: qui peut encore fermer les yeux? », sur Le Devoir, .
  28. « Rapport Synthèse » [PDF], Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec, (ISBN 978-2-550-84755-7, consulté le ), p. 72

Lien externe

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