Je ne dis pas que les émotions sont à mettre de côté, y compris sur WP. Si tu veux une preuve que je ne les mets pas de côté moi-même, va lire Discussion:Luce Douady/Suppression où je critique justement ceux qui font "comme si la réalité n'existait pas en-dehors de WP".
Mais inversement, il faut également prendre du recul sur ses émotions, sur son propre vécu, même sur ses propres valeurs et combats, dès lors qu'on prétend vouloir faire acte de neutralité dans un cadre encyclopédique. J'ai pour ma part rédigé de nombreux articles ou paragraphes sur des sujets qui m'agacent ou qui me révulsent, et cela doit passer par un effort de recul. Idem, dans le cas contraire, pour des sujets que j'adore ou qui me tiennent à coeur.
Ce n'est évidemment pas aisé (surtout si c'est un sujet qui nous fait personnellement souffrir), mais on ne peut pas réfléchir et rédiger correctement sans cet effort de mise à distance. Dans les deux sens, d'ailleurs : dans le cas qui nous occupe ici, une personne foncièrement transphobe et une victime de transphobie auront sans doute tout autant de difficultés à prendre du recul sur leur façon de voir et vivre les choses.
L'aller-retour/l'échange entre émotion et raison est donc indispensable, tout comme l'est la complémentarité entre des personnes concernées directement par un sujet et d'autres qui ne le sont pas ou seulement de façon indirecte (proches, combats connexes...).
Un homme trans m'a dit un jour, en substance, qu'en tant homme cis, je devais seulement écouter et fermer ma gueule. Grotesque et grossière erreur que d'essentialiser ainsi les gens dans le cadre d'un combat contre une discrimination ! Si l'écoute mutuelle devient à ce point impossible, alors la discrimination risque au contraire de gagner du terrain.
De façon plus générale, réfléchir et agir de façon automatique dans des cas aussi complexes n'est guère pertinent ni constructif. On ne peut décemment pas juger ou accuser quelqu'un de façon automatique. On ne peut pas non plus faire comme si toutes les personnes étaient les mêmes et pensaient de la même façon dès lors qu'ils appartiennent à une "catégorie" (femme/homme, cis/trans, homo/hétéro, noir/blanc, valide/handicapé...). Scriptance, tes divers messages montrent d'ailleurs une bien curieuse perception de la justice qui serait, à te lire, automatique pour juger le mégenrage comme des actes délectueux relevant de la transphobie. Heureusement, la justice ne fonctionne pas ainsi (du moins dans un Etat de droit).