Solidarité (notion sociologique)

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Manifestation de solidarité internationale à Kreuzberg, Allemagne

La solidarité est traditionnellement un devoir social ou une obligation réciproque d'aide et d'assistance ou de collaboration gracieuse qui existe entre les personnes d'un groupe ou d'une communauté du fait du lien qui les unit. Il n'y a pas de solidarité en dehors d'un groupe fermé.

La première des solidarité est la défense (contre des agressions ou des oppressions), ou la vengeance, ensuite vient l'aliment ou le secours, ensuite l'entre-aide et la coopération. C'est aussi l'obligation de faire cause commune, d'agir dans l'intérêt général du groupe.

La solidarité étant une obligation à l'intérieur d'un groupe social défini, le mot est utilisé abusivement pour désigner aussi l'altruisme, la générosité ou la charité.

Ces groupes sont à l'origine fondés sur un lien de sang ou de parenté (familles, clans, tribus), ou d'affilation (amis, compatriotes, collègues, membres d'une amicale, d'une confrérie, d'une commune, d'une nation), voire sur un contrat (mutuelle, assurance, syndicat, association), elle est alors onéreuse et monétisée. La première des solidarité est la défense (contre des agression ou des oppressions), ou la vengeance, ensuite vient l'aliment ou le secours, ensuite l'entre-aide et la coopération. C'est aussi l'obligation de faire cause commune, d'agir dans l'intérêt général du groupe. Elle existe toujours dans le droit positif entre ascendants et descendants et entre conjoints.

Le mot «solidarité» dérive du terme latin «obligatio in solidum» qui, en droit romain, signifiait devoir social, obligation communautaire, c'est-à-dire les responsabilités de l'individu dans une collectivité à laquelle appartient et bénéficie de votre famille, par exemple, n'est qu'une petite partie de cette communauté. Dans le domaine juridique contemporain, la solidarité est une communauté qui existe entre des personnes physiques ou morales qui sont tenues conjointement d'exécuter une obligation en raison de la loi, d'une convention ou d'un jugement. En d'autres termes, en tant que pratique sociale, elle renvoie au fait que ceux qui la pratiquent font partie d'une communauté dans laquelle chaque individu est supposé être interdépendant.

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Le terme solidaire apparaît en français au début du XVe siècle avec le sens juridique de " commun à plusieurs, chacun répondant du tout "; au XVIIIe siècle il y a une extension de sens depuis la locution latine juridique in solidum, proprement « pour le tout », du neutre de l'adjectif solidus [1].

La solidarité est aussi une appellation propre à sociologie et à d'autres sciences sociales, aussi bien en philosophie qu'en bioéthique. En octobre 2005, la Conférence générale de l'UNESCO a adopté la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l'homme. Dans un sens restreint, le terme est généralement utilisé pour désigner les pratiques humaines. Au sens large, elle s'applique non seulement à tous les animaux, y compris l'Homme, mais aussi à l'univers des plantes.

En tant que cohésion sociale, la solidarité est l'un des six principes de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (voir [1]), qui prend en compte les différents points de vue, de chapitre en chapitre, dans 54 articles.

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Le discours de solidarité

Émile Durkheim

Émile Durkheim (1858-1917), l'un des fondateurs de la sociologie moderne, définit le fait social comme étant une entité sui generis, non réductible à la somme de ses parties, développant le concept de conscience collective. Son travail va bien au-delà de cette discipline, s'implique dans les sciences humaines, la philosophie, l’anthropologie, l’économie, la linguistique, l’histoire. Dans son livre De la division du travail social [2] défend le principe selon lequel la société reste cohésive par deux forces unitaires. L'une est la relation de points de vues similaires partagés par les gens, les valeurs et les croyances religieuses, par exemple, à qu’il donne le nom de «solidarité mécanique», l'autre est la division du travail en professions spécialisées, appelée «solidarité organique».

Solidarité sociale

La solidarité sociale implique également l'identité psychique et sociale ou la similitude des individus, voire physique. Pour maintenir l'égalité, nécessaire à la survie du groupe, la cohésion sociale doit recourir à la conscience collective. Le progrès de division du travail change la société de la solidarité mécanique[3].

Solidarité organique

Puisque les fonctions sociales se spécialisent et se diversifient, Durkheim croit qu’ une «solidarité organique» remplacera la «solidarité mécanique». À l'opposé, la solidarité organique repose sur une différenciation des tâches impliquant les individus dans des liens d'interdépendance sociale. Dans les sociétés modernes, les membres du groupe sont à la fois spécialisés et complémentaires.

À mesure que les sociétés deviennent plus complexes, la division du travail et les différences qui en résultent parmi les individus conduisent à une indépendance croissante des consciences. Les sanctions répressives, qui existaient ou existent toujours dans les sociétés "primitives", sont aujourd'hui soutenues par le pouvoir législatif, qui protège les valeurs d'égalité, de liberté, de fraternité et de justice.

La division du travail, caractéristique des sociétés plus développées, génère un nouveau type de solidarité, qui ne repose plus sur la similitude parmi les composantes (solidarité mécanique), mais en complétant des parties diverses[4]. La rencontre d'intérêts complémentaires crée un nouveau lien social, c'est-à-dire un autre type de principe de solidarité, avec son propre moral, qui donne naissance à une nouvelle organisation sociale, à la solidarité organique. Puisqu'elle est fondée sur la diversité, la solidarité organique implique une plus grande autonomie, donnant lieu à une conscience individuelle beaucoup plus libre[5],[6].

Peter Kropotkin

La création d'un lien entre la biologie et la sociologie était d'une importance capitale pour renforcer le concept de solidarité. Ce pas en avant a été franchi par l'idéologue anarchiste et l'ancien prince Peter Kropotkin (1842-1921). Dans un livre célèbre, "Le mutualisme: un facteur d'évolution" (1902), écrit en partie en réponse au darwinisme social, Kropotkin a défini la coopération comme un mécanisme de survie pour les sociétés humaines dans leur processus d'évolution. Selon lui, l'entraide, la coopération au sein d'une espèce, a été un facteur important dans l'évolution des institutions sociales. La solidarité est essentielle à l'entraide, qui résulte non de l'attente d'une récompense, mais de sentiments instinctifs de solidarité[7].

Dans une préface du livre, Kropotkine a écrit: "Le nombre et l'importance des institutions d'entraide qui ont été développées par le génie créatif des peuples sauvages et semi-sauvages au début de la période du clan de l'humanité, et encore plus au cours de la période suivante de la communauté villageoise, ainsi que l'énorme influence que ces institutions primitives ont eu sur le développement ultérieur de l'humanité, jusqu'à aujourd'hui. Tout cela m'a amené à étendre mes recherches à des périodes historiques ultérieures, pour étudier en particulier le plus intéressant, le cas des républiques urbaines du Moyen Âge, dont l'universalité a influencé la civilisation moderne, qui n'a pas encore été correctement évaluée. J'ai essayé enfin et brièvement de souligner l'énorme importance des instincts de soutien mutuel, hérités par l'humanité pendant ses très longues périodes d'évolution, jusqu'à nos jours, jusqu'à présent, jusqu'à la société moderne dans laquelle nous vivons, qui restera probablement régie par le principe "chacun pour soi et l'État pour tous", ce qui ne s'est jamais produit ou ne se produira jamais. "Kropotkine a défendu un système économique et social alternatif, qui serait coordonné par un réseau horizontal d'associations volontaires avec des biens distribués en fonction des besoins physiques. de l'individu, et non selon les travaux[8].

Solidarité sociale parmi les espèces

L’Homme et les animaux Les premières manifestations de solidarité de l'être humain envers les animaux apparaissent dans la première enfance. C'est à l'âge de quatorze ans que les enfants commencent à voir les animaux comme des êtres identiques à eux-mêmes[9],[10]. Plusieurs espèces d'animaux non humains montrent que la même tendance existe également entre elles. De nombreux cas similaires sont désormais visibles grâce aux progrès des médias, notamment grâce à la publication en ligne de vidéos pédagogiques.

L’Homme et les plantes

Nous savons aujourd'hui que les plantes sont des êtres intelligents qui ont des capacités cognitives, dans certains cas non inférieures à celles des humains, qui ont des "œils", des "oreilles", du "tact", de l"odeur", qui communiquent entre elles, qui ont un fort sentiment de solidarité sociale, non seulement parmi celles de leur espèce, mais aussi avec d'autres espèces et, plus encore, avec les êtres humains. Les plantes habitent la Terre depuis bien plus longtemps que les hommes, ce qui leur a permis d'acquérir des capacités identiques bien avant. Elles entretiennent avec eux une relation d'ancienne solidarité d'intérêt commun. Les hommes mangent principalement des céréales comme le blé, ce qui se traduit par un processus de protection mutuelle. Une peinture égyptienne datée de 1200 avant JC illustre cette condition[11]. En plus le blé, d'autres plantes, comme le riz et la pomme de terre, ont domestiqué l’Homo sapiens. Le blé était une herbe sauvage au Moyen-Orient il y a dix mille ans, avant d'être cultivé partout dans le monde et de devenir l'une des plantes les plus réussites dans l'histoire de la Terre, grâce au travail humain. Actuellement, le blé couvre environ 2,25 millions de kilomètres carrés de la surface du globe. L'interdépendance entre l'homme et les plantes est aujourd'hui un problème écologique d'une importance cruciale. Les forêts, qui ont été dévastées par le feu en raison de la négligence humaine, devront être restaurées à temps pour éviter une tragédie mondiale[12].

Discussion sociologique

La solidarité caractérise des personnes qui choisissent ou ressentent la nécessité morale d'assister une autre personne et réciproquement. La solidarité se distingue de l'altruisme : l'altruiste peut souhaiter aider autrui sans pour autant se sentir concerné par ce qui lui arrive, et inversement on peut se rendre solidaire d'autrui simplement par intérêt bien compris (attente d'une réciprocité) et non par altruisme.

Très souvent, on présente sous cette forme positive des formes de solidarité plus ambiguës :

  • une forme d'échange mutuel, où chaque membre se rend solidaire des autres parce que les autres se rendent solidaire de lui. C'est donc un calcul (économique) et non une démarche généreuse (voir coopération) ;
  • une forme de solidarité imposée, où chaque membre se trouve obligé d'adhérer au groupe sous peine de perdre certains bénéfices (frais de copropriété...), voire sous la menace de sanctions (partie socialisée du salaire, impôts, conscription). Par exemple, l'armée inculque généralement une grande solidarité et de l'entraide entre les soldats, qui sont liés par un destin commun (« gagner ou mourir ensemble »).

La solidarité se manifeste particulièrement lorsqu'une partie d'une population est victime d'un problème inattendu frappant aléatoirement : une catastrophe naturelle, un acte terroriste, etc.

Historique de l'analyse sociologique du terme

La notion a été étudiée par Charles Gide à la fin du XIXe siècle ; théoricien de l'École de Nîmes, mouvement coopératif français, il a développé les idées de coopération émancipatrice à partir de 1886[13].

Puis Émile Durkheim, dans De la division du travail social (1893), reprend et développe la notion de solidarité sociale en tant que lien moral entre individus d'un groupe ou d'une communauté. Selon Durkheim, pour qu'une société existe, il faut que ses membres éprouvent de la solidarité les uns envers les autres. Elle est liée également à la conscience collective qui fait que tout manquement et crime vis-à-vis de la communauté suscite l'indignation et la réaction de ses membres. Il développe les concepts de « solidarité mécanique » et de « solidarité organique »[14]. Une société donnant lieu à de la solidarité mécanique tient sa cohésion de l'homogénéité de ses membres, qui se sentent connectés par un travail, une éducation, une religion, un mode de vie similaires. La solidarité mécanique se produit normalement dans les sociétés traditionnelles de petite taille[15]. La solidarité organique provient quant à elle de l'interdépendance qui vient de la spécialisation du travail et des complémentarités entre personnes, que provoquent les sociétés modernes, industrielles[15], [16].

Formes de solidarité

La solidarité au sein d'une société s'exprime en particulier envers les plus pauvres ou des groupes ou personnes vulnérables, à court, moyen ou long terme, à échelle locale ou plus large (coopération décentralisée, solidarité internationale). Elle peut prendre la forme d'une aide pécuniaire, d'un soutien moral, ou d'une aide en nature (nourriture, etc.), de l'accueil de réfugiés, etc.

Depuis la fin du XXe siècle, et en particulier depuis le Sommet de la Terre de Rio, on parle aussi de solidarité transgénérationnelle [17] (ou envers les générations futures, et de solidarité écologique, thèmes retrouvés dans le projet de "Pacte de solidarité écologique" sur le site du ministère de l'Écologie [18],[19].

Utilisation politique du terme

L’État pratique une redistribution des revenus et des richesses que les hommes politiques élus justifient, selon leur tendance politique, par un « devoir de solidarité » entre membres d'une même société, par une augmentation des inégalités sociales menaçant la cohésion sociale, ou par une confiscation des richesses produites par le travail au profit du capital, nécessitant une redistribution des richesses. Selon les plus libéraux, économiquement parlant, cette pratique tend vers l'assistanat et la spoliation étatique.

Divers types d'organisations se réclament de la valeur positive de solidarité, voire se considèrent comme un fragment de l'incarnation de la solidarité :

Il est à noter que, dans le vocabulaire administratif, législatif et gouvernemental, le mot solidarité est presque toujours employé dans un sens restreint, très éloigné du sens propre puisqu'il exclut précisément toute notion de mutualité ou de réciprocité. Il est plutôt utilisé pour désigner des prélèvements obligatoires sans contrepartie, ne permettant pas aux assujettis de bénéficier d'un mécanisme de solidarité. Le mot "solidarité", dans ce cas, est utilisé pour sa connotation sociale positive, sans signification particulière[20]. Plus généralement, le mot solidarité est souvent utilisé comme un substitut de notions idéologiquement connotées, désuètes ou susceptibles d'interprétations négatives telles que charité, aumône ou assistance, et sans référence au sens initial. Il fait partie, à cet égard, du vocabulaire français politiquement correct.

Mise à l'honneur

L'astéroïde (8991) Solidarité est nommé en l'honneur de la notion.

Notes et références

  1. Albert Dauzat, Dictionnaire étymologique, Larousse
  2. De la division du travail social, de 1991, livre en ligne
  3. Solidarité mécanique ou par similitudes
  4. La sociologie d’Émile Durkheim
  5. Chapitre 8 : Quels liens sociaux dans des sociétés où s’affirme le primat de l’individu ?
  6. Sociologie 2 : Intégration, conflit et changement social Ch.1 : Quels liens sociaux dans les sociétés où s’affirme le primat de l’individu ?
  7. L'entraide: un facteur d'évolution
  8. Efremenko D., Evseeva Y. Studies of Social Solidarity in Russia: Tradition and Modern Trends. // American Sociologist, v. 43, 2012, n ° 4, pp. 349-365 - NY: Springer Science + Business Media
  9. Solidarity with Animals: Assessing a Relevant Dimension of Social Identification with Animals – article de Catherine E. Amiot dans PLOS, 3 janvier 2017
  10. Un dauphin sauve un chien menacé par des requins (video)
  11. Peinture de la tombe de Sennedjem, Deir-el-Medina, Égypte
  12. Lire l'article en anglais HAVING TO DO sur le site de Ricardo Costa
  13. « Charles Gide (1847-1932) », Musée virtuel du protestantisme
  14. article "Solidarité sociale", Encyclopédia Universalis. Consulté le 11 août 2008
  15. a et b (en) Collins Dictionary of Sociology, p. 405-6
  16. « Éléments pour une généalogie du concept de solidarité », Bruno Karsenti, in Futur Antérieur, no 41/42, 1997 ; La solidarité. Histoire d'une idée, Marie-Claude Blais, 2007, Gallimard
  17. La transmission transgénérationnelle, Cahiers de psychologie clinique 2014/2 (n° 43), pages 43 à 58
  18. projet de "Pacte de solidarité écologique" sur le site du ministère de l’Écologie
  19. Synthèse et rapport de mission Transformation des modes de vie, des comportements et de la consommation (PDF - 760 Ko)
  20. Par exemple, en France, certains exploitants sont redevables d'un prélèvement obligatoire dit "cotisation de solidarité", qui contribue au financement de la Mutualité sociale agricole sans leur donner droit aux prestations sociales correspondantes; de même, l'Impôt de solidarité sur la fortune, n'est ni plus ni moins "solidaire" que n'importe quel autre impôt.

Voir aussi

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Articles connexes

La citation du philosophe grec Protagoras, « L'homme est la mesure de toutes choses », et l'Homme de Vitruve, dessin de Léonard de Vinci (fin XVe), sont les symboles les plus connus de la pensée humaniste.

Bibliographie

Organisations

Liens externes