Politique de rigueur

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 26 mars 2020 à 16:32 et modifiée en dernier par Bot de pluie (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.

Une politique de rigueur ou politique d'austérité est une politique économique qui recommande la hausse de la fiscalité et la maîtrise des dépenses publiques dans le but de réduire le déficit[1].

La mise en pratique d'une politique de rigueur peut passer par plusieurs canaux : politique budgétaire, politique fiscale, politique monétaire.

Motifs

Les mesures d'austérité sont généralement mises en place s'il y a une menace sur la solvabilité d'un État. Cette situation peut advenir si le gouvernement a emprunté dans une monnaie étrangère ou si le gouvernement n'a pas le droit d'émettre des devises dans sa propre monnaie. Afin de pallier les risques plus élevés d'insolvabilité des États, les établissements financiers sont alors conduits à exiger des taux d'intérêt plus élevés. Dans ce cas, le Fonds Monétaire International peut jouer le rôle de prêteur en dernier ressort en échange de mesures d'austérité souvent accompagnées d'ajustements structurels.

Les objectifs poursuivis par l'application d'une politique de rigueur sont multiples :

Pour maîtriser l’inflation, le gouvernement cherche à éviter de trop fortes hausses de salaires qui porteraient les salaires à un niveau trop élevé rendant la production des entreprises non rentable, évitant ainsi une augmentation du taux de chômage. Les hausses de salaire peuvent également provoquer une hausse générale des prix et ainsi engendrer un cercle vicieux.

Sur le moyen et long terme, la restauration des comptes publics et de la balance des paiements favorisent la confiance dans l'économie, la stabilité du taux de change, et augmentent l'investissement et les flux d'IDE (entrée de capitaux étrangers). À terme, la compétitivité économique est améliorée et donc la quantité d'emplois dans l’économie (en particulier dans le secteur privé) est plus élevée. Cependant, une politique de rigueur peut provoquer à court terme un ralentissement de l’activité économique.

Mise en place

Il existe traditionnellement plusieurs leviers pour une politique de rigueur selon les priorités visées (inflation et/ou réduction des déficits) et selon les causes des problèmes à résoudre (inflation par les coûts, inflation par un déséquilibre entre offre et demande, etc.).

Le gouvernement peut agir par la politique budgétaire et fiscale (réduction des déficits voire mise en place d'un excédent ; réduction de dépenses et augmentation de certains impôts).

La politique monétaire (principalement augmentation des taux directeurs, augmentation du taux de réserves obligatoires des établissements financiers) permet de restreindre l'investissement et d’éviter les bulles spéculatives. Cet instrument-ci est souvent une prérogative de la banque centrale, si elle est indépendante du gouvernement. Dans ce cas, il peut arriver que la politique économique soit contradictoire, le gouvernement menant une politique expansionniste par exemple à des fins électoralistes (court-termisme) alors que la banque centrale conduit une politique de rigueur.

Freinage de l'inflation et augmentation de l'offre

Une offre intérieure (c'est-à-dire la production des entreprises sur le territoire national) qui ne parvient pas à satisfaire la demande intérieure est source d'inflation et de déséquilibre de la balance des paiements (hausse des importations). Afin de réduire le déséquilibre, une politique de rigueur encouragera l'augmentation des capacités de production par une « politique de l'offre », et parallèlement pourra freiner à court terme la croissance des salaires.

L'État peut intervenir sur les salaires des ménages ; en bloquant l'évolution des salaires des fonctionnaires (qui représentent 23 % des emplois en France[2]), et des salariés des entreprises publiques (s'il y en a) ou enfin l'évolution des minima sociaux, l'État permettra une baisse temporaire de la demande globale de consommation de la part des ménages.

Le freinage de la demande et donc de la consommation provoquera à court terme une diminution du taux de croissance du PIB : c’est le « prix à payer » pour accroître le taux de croissance de long terme.

Histoire

En 1930, le chancelier allemand Heinrich Brüning instaure une politique d'austérité mêlant réduction des dépenses publiques et augmentation des impôts. Des économistes ont établi une corrélation entre les décisions économiques et la montée du nazisme. Si les plus pauvres ont au contraire plutôt voté communiste lors des élections de 1930 et 1932, la bourgeoisie et une partie des classes moyennes se sont portées vers les nazis : « Selon la façon dont nous mesurons l'austérité et selon les élections analysées, chaque écart-type d'1 % en termes d'augmentation de l'austérité est associé à une augmentation de 2 % à 5 % de la part de vote pour les nazis »[3].


Lors de la situation de crise de la France en 1958, Charles de Gaulle revenant au pouvoir, établira une politique de rigueur, déclarant[4] :

« Avec mon gouvernement, j'ai donc pris la décision de mettre nos affaires en ordre réellement et profondément. Le budget en est l'occasion, peut-être ultime, très bonne en tout cas. Nous avons adopté et, demain, nous appliquerons tout un ensemble de mesures financières, économiques, sociales, qui établit la nation sur une base de vérité et de sévérité, la seule qui puisse lui permettre de bâtir sa prospérité. Je ne cache pas que notre pays va se trouver quelque temps à l'épreuve. Mais le rétablissement visé est tel qu'il peut nous payer de tout. »

En France, des politiques de rigueur permettant de maîtriser l’inflation provoquée par les chocs pétroliers eurent lieu sous les gouvernements Raymond Barre. En 1983-1984, le président François Mitterrand a pris le « tournant de la rigueur », après l'échec des politiques dirigistes annoncées par le « programme commun ».

Le Premier ministre François Fillon annonce le un programme de maîtrise de la dépense publique et de réduction des déficits.

Crise de la dette publique

La crise de la dette souveraine de 2010 (Grèce, Portugal, Espagne, etc.) a mis en lumière les limites de l’intégration européenne en matière monétaire, et suscité un renouveau du débat économique opposant partisans de la relance financée par la dette publique et partisans d'une politique de rigueur — favorables au désendettement des États, des entreprises et des ménages[5],[6].

À terme, selon le centre de recherche économique World Pensions Council (WPC), le retour à l’orthodoxie financière prôné par le gouvernement allemand et la BCE et la politique de rigueur généralisée qui en découle nécessiteront une révision du traité de Lisbonne, car ils pourraient avoir pour conséquence de réduire les prérogatives budgétaires et fiscales des États-membres au-delà des dispositions du traité dans sa forme actuelle[7].

Politiques monétaires

Les banques centrales sont généralement détachées des objectifs court-termistes des hommes politiques ; elles peuvent ainsi privilégier la croissance économique de long terme, et dans ce cadre s’assurer d’un niveau d’inflation compatible avec une croissance équilibrée.

Ainsi, la Banque centrale européenne a pour objectif principal la maîtrise de l'inflation.

Politiques de relance

Les politiques de relance s'opposent aux politiques de rigueur, d'inspiration néoclassique (à ne pas confondre avec le libéralisme classique). Selon Lucas Maynard, en deçà de ces politiques conjoncturelles, ce sont des visions de l'homme et de la société qui s'opposent. La vision de l'homme que véhicule les politiques économiques de rigueur est celle d'un individu gouverné par l'intérêt matériel calculé ; vision de l'homme que Keynes juge trop étriquée, lequel prétend intégrer à ses analyses une lecture de Freud qui le rendrait aussi sensible aux « pulsions » qui animent les hommes qu'à leur raison calculatrice et utilitaire.

« Le monde [...] au nom duquel sont mises en œuvre les politiques de rigueur que veulent construire les néoclassiques-libéraux est un monde où l'économie est quasi exclusivement régie par le marché et la recherche par chaque individu de son intérêt particulier [...] Le monde au nom duquel sont mises en œuvre les politiques de relance est un monde où l’État, agissant au nom de l'intérêt général, n'est pas une institution économique moins légitime que le marché ; un monde fait d'hommes et de femmes sachant subordonner leurs intérêts particuliers à des considérations jugées supérieures comme l'amitié ou les arts[8]. »

Notes et références

  1. En 2012, « il faudra une politique de rigueur », prévient Jérôme Cahuzac (PS), Claire Guélaud, 7 mars 2011
  2. cf. Fonction publique française.
  3. « Les politiques d'austérité ont contribué à la victoire électorale des nazis », Slate.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. Discours sur la politique de rigueur, 28 décembre 1958, Charles de Gaulle
  5. cf. M. Nicolas J. Firzli : ‘Orthodoxie Financière et Régulation Bancaire’, Revue Analyse Financière, 1er janvier 2010
  6. Corporate Europe Observatory, ‘De quoi l'austérité est-elle le nom ?’, Dessous de Bruxelles, 6 mars 2011
  7. Nicolas Firzli, « Greece and the EU Debt Crisis », The Vienna Review de mars 2010
  8. Lucas Maynard, Rigueur versus relance, QCMlire.com Ed., (ISBN 2954086408), consultable en ligne

Voir aussi

Articles connexes