Paul Auguste Benoit

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Paul Auguste Benoit
Paul Auguste Benoit

Naissance
Troyes (Aube)
Décès (à 50 ans)
Origine Drapeau de la France France
Allégeance Armée française
Arme Infanterie de marine puis Infanterie
Grade lieutenant-colonel
Années de service 18841915
Conflits Campagne du Soudan
Première Guerre mondiale
Distinctions Légion d'honneur (Officier)
Médaille coloniale
Médaille commémorative de l'expédition du Dahomey

Paul Auguste Benoit, né le à Troyes (Aube) et mort pour la France le lors de la 2e bataille de l'Artois, est un militaire français des XIXe et XXe siècles.

Il est connu en tant que « capitaine Benoit » pour avoir, en 1898 dans les villages qui deviendront Bouaké (seconde ville la plus peuplée de Côte d'Ivoire), ouvert le premier poste militaire français et obtenu la fermeture de l'important marché d'esclaves de l'Almamy Samory Touré (village de Kotia Kofikro).

Biographie[modifier | modifier le code]

Origines et études[modifier | modifier le code]

Il naît le à Troyes (Aube), fils de Louis Benoit, contrôleur (premier commis à la Direction des contributions indirectes) et de Marie-Louise née Dumontelle[1]. Il étudie au Lycée Chrestien-de-Troyes[2].

Il étudie ensuite à Saint-Cyr de 1884 à 1886 (69e promotion, baptisée "de Fou Tchéou"[3]) dont il est le premier matriculé[4]. D'origine modeste (sa mère étant veuve et sans fortune avec 4 enfants à charge), une bourse et un trousseau lui avaient été attribués son entrée à Saint-Cyr[5].

Début de carrière dans l'infanterie de marine[modifier | modifier le code]

Il est d'abord sous-lieutenant au 1er régiment d'Infanterie de Marine (RIMA) en octobre 1886 (à Cherbourg[6]), passe au 4e RIMA en août 1887, puis revient au 1er RIMA en décembre 1887 où il est promu lieutenant le 12 septembre 1889[1]. Il sert en Guyane entre octobre 1887 (à la 36e compagnie du 4e RIMA[7]) et avril 1888, puis en Martinique jusqu'en septembre 1890[1],[8].

Affecté au 3e RIMA en janvier 1890, il passe au 8e RIMA le 8 août de la même année[1]. Le , il retourne au 4e RIMA mais cette fois au Bénin pour la fin de la Seconde guerre du Dahomey[1]. Toujours au Dahomey où il restera jusqu'en décembre 1894, il est affecté au bataillon de Tirailleurs haoussas le , et rejoint de nouveau le 1er RIMA en septembre[1]. En juillet 1895, il est promu capitaine et transféré au 6e RIMA[1].

Au Soudan et en Côte d'Ivoire[modifier | modifier le code]

Au Soudan[modifier | modifier le code]

En novembre 1896, il est transféré du régiment de tirailleurs Soudanais où il sert au Soudan français à partir de novembre 1897[1]. Capitaine à la tête de la 8e compagnie du régiment (compagnie d'auxiliaires), il s'illustre à la prise de Sikasso (Mali)[9],[10] le [11], ce qui est le fait cité pour sa nomination de 1899 à l'ordre de la Légion d'Honneur : « Capitaine à l'état-major hors cadres, au Soudan, a joué un rôle très important à la prise de Sikasso. Chargé de prendre le tata où se défendait Bab-mba avec l'élite de ses guerriers, a su enlever ses hommes grâce à sa bravoure et à sa vigueur, et s'est rendu maître rapidement du réduit où furent tués le chef noir et ses derniers fidèles. »[12].

Partant de Sikasso le 12 mai 1898, à la tête de la 8e compagnie du régiment (composée de 200 auxiliaires) et de quelques spahis, il ravitaille par la route de Soubakaniédiougou les postes du Comoé et le camp de Kong, puis se dirige vers Tiémou où il devra rejoindre son commandant Isidore Honoré Pineau le 5 juin[13]. Il revient ensuite avec sa compagnie à Bobo-Dioulasso début juillet[14].

A Bouaké[modifier | modifier le code]

Toujours à la tête de la 8e compagnie du régiment (composée de 200 auxiliaires[15]) renforcée par une fraction de la garnison de Kong (peloton du lieutenant Pruneau), il est chargé le 13 juillet 1898[16] par le commandant Isidore Honoré Pineau de partir de Kong et d'installer le premier poste militaire français à Bouaké[10]. Le 10 août 1898, le convoi est à Satama-Sokoura et y installe un poste militaire[16].

Le 13 août, il arrive à Gbékékro et obtint du chef Kouassi Blé, un plateau pour bâtir une résidence[16]. Il fait construire le poste militaire entre Gbékékro et Kotia Kofikro (villages aujourd'hui situés dans Bouaké), ainsi que deux annexes à Kombara et Andromie[10],[17]. Le poste de Gbékékro, qui deviendra l'actuel camp militaire du 3e bataillon de Bouaké, est situé "à l’ouest de Gbêkêkro, au bord de la rivière Aboliba", est visité à la fin du mois d'août par l'administrateur colonial Anatole Albert Nebout[16].

Le , avec le lieutenant Pruneau, il obtient du chef Kotia Kofi la fermeture de l'important marché aux esclaves de l'Almamy Samory Touré (qui avait fui la région) où les tous les captifs des guerres samoriennes étaient vendus depuis 1894[17] :

« En réalité, le chef Kotia Kofi n’arrivait plus lui-même à gérer le nombre important d’esclaves. Ceux-ci étaient trop nombreux et avaient beaucoup de besoins. C’est ainsi qu’il n’opposa aucune résistance à la demande du Capitaine. Ce dernier offrit à cet effet, un long couteau et une grande marmite à Kotia, pour avoir donné une suite favorable à sa requête. Ces présents consacraient en même temps l’alliance de paix entre le colonisateur et le colonisé. »

Les anciens esclaves libérés sont logés dans des nouveaux quartiers de Toumodi (où le capitaine Benoit en envoie une partie sous escorte[9]) et de Bouaké, nommés "Liberté", encore existants aujourd'hui dans les deux villes[17].

Les tensions montent entre les baoulés et le capitaine Benoit : ce dernier leur avait pris leurs esclaves et leur demandait des ressources pour les loger et les nourrir ainsi que pour entretenir la garnison française, et il tire par accident en décembre 1898 sur Kasso, un notable de Gbékékro, pour impressionner le chef Kouassi Blé[9],[18]. Les Faafoué (tribu baoulé de la région de Gbékékro) attaquent ensuite sans succès le camp militaire français en essuyant de lourdes pertes[9] parmi leurs 3000 guerriers[18]. En représailles, le capitaine Benoit incendie Gbékékro et emmène des otages dont la sœur de Kouassi Blé qui parvient à s'enfuir rapidement[9]. La guerre des Faafoué reprend et le capitaine Benoit prend des mesures de plus en plus draconiennes[9]. Les Faafoué se lassent et demandent la paix, l'obtenant en payant un lourd tribu en or et livrant de nombreux otages[9]. Les autres tribus baoulés n'étaient pas intervenues au côté des Faafoué[9].

En mars 1899, le capitaine Benoit est remplacé par le capitaine Jobard[18]. Bouaké devient le 11 mars 1899, le chef-lieu du cercle du Baoulé, créé le même jour[18].

Retour en métropole[modifier | modifier le code]

Nommé chevalier de la Légion d'Honneur par décret de mai 1899, il est promu capitaine de 1re classe le 3 juillet, quitte le Soudan et rejoint le 3e RIMA, stationné à Rochefort, en août[1]. Il est transféré au 78e régiment d'infanterie de ligne en mars ou avril 1900, puis au 27e régiment d'infanterie courant avril de la même année[1]. Devenu capitaine adjudant-major au 1er régiment de tirailleurs algériens[1] (où il est déjà en février 1904[19]) en garnison à Blida (Algérie), il se marie avec Jeanne Pelaz en 1907[20]. Il est promu chef de bataillon au 17e régiment d'infanterie en décembre 1907[1]. En 1911, il est au 137e régiment d'infanterie[21].

Première Guerre mondiale[modifier | modifier le code]

Il fait la guerre en tant que lieutenant-colonel commandant le 114e régiment d'infanterie au sein de la 17e DI (membre du 9e corps d'armée).

Il est bénéficiaire d'une citation à l'ordre de l'armée[22] :

« Lieutenant-colonel au 114e régiment d'infanterie, blessé grièvement le 25 août, est revenu sur le front à peine rétabli. A maintenu avec énergie son régiment pendant plus de trois mois dans un secteur particulièrement battu par l'ennemi, sans jamais céder un pouce de terrain. »

Il décède le lors d'un assaut de la 2e bataille de l'Artois devant Loos [23]:

« Le 3e Bataillon sur une seule ligne se porte splendidement à l'assaut. Le Lt-Colonel Benoit suit cette ligne, aussi calme que s'il s'agissait d'une manoeuvre. Il marche un peu péniblement appuyé sur une canne regrettant de ne pouvoir galoper comme ses soldats. Soudain une balle le blesse à l'épaule. Il se contente de sourire et pousse droit sur la tranchée allemande; mais à quelques mètres d'elle une seconde balle l'atteint en pleine poitrine. Il tourne sur lui-même et sans un seul mot s effondre. L'âme du 114 s'est envolée... »

Distinctions[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f g h i j k et l « Notice de Paul Auguste Benoit - Base de données Léonore », sur www.leonore.archives-nationales.culture.gouv.fr (consulté le )
  2. Le Petit Républicain de l’Aube, (lire en ligne)
  3. Ce nom évoque la destruction de la flotte chinoise et de l'arsenal de Fou-Tchéou, par l'amiral Courbet, durant la guerre du Tonkin
  4. voir : Historique de la 69e promotion de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr
  5. « Le Petit Troyen : journal démocratique régional ["puis" journal quotidien de la démocratie de l'Est "puis" grand quotidien de la Champagne] », sur Gallica, (consulté le )
  6. France Ministère de la marine et des colonies Auteur du texte, « Annuaire de la marine et des colonies », sur Gallica, (consulté le )
  7. « Moniteur de la Guyane française : journal officiel de la colonie », sur Gallica, (consulté le )
  8. France Ministère de la marine et des colonies Auteur du texte et France Ministère de la marine (1893-1947) Auteur du texte, « Annuaire de la marine / Ministère de la marine », sur Gallica, (consulté le )
  9. a b c d e f g et h Fride et al. 1965.
  10. a b et c Ministère de la Guerre 1934.
  11. La Dépêche coloniale, (lire en ligne)
  12. Irénée Blanc (dir.), « L'armée aux colonies », La Liberté des colonies,‎ , p. 1 (lire en ligne)
  13. Ministère de la Guerre 1934, p. 81-82.
  14. Ministère de la Guerre 1934, p. 118.
  15. Ministère de la Guerre 1934, p. 81.
  16. a b c et d Traoré 2020, p. 106.
  17. a b et c Gbodje 2010.
  18. a b c et d Traoré 2020, p. 107.
  19. France Ministère de la guerre (1791-1936) Auteur du texte, « Annuaire de l'Armée française pour l'année ... : publié sur les documents communiqués par le Ministère de la guerre », sur Gallica, (consulté le )
  20. « Le Tell : journal des intérêts coloniaux », sur Gallica, (consulté le )
  21. France Ministère de la guerre (1791-1936) Auteur du texte, « Annuaire officiel de l'Armée française, troupes métropolitaines et troupes coloniales pour ... / Ministère de la guerre », sur Gallica, (consulté le )
  22. La Petite Gironde, (lire en ligne)
  23. Paul 1923, p. 12.
  24. France Ministère des colonies Auteur du texte et France Sous-secrétariat des colonies Auteur du texte, « Bulletin officiel du Ministère des colonies », sur Gallica, (consulté le )

Sources[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Bernard Fride, Le Chau, Hugues Lhuillier, Pierre Michaud et C. Ripailles, Le peuplement : Etude régionale de Bouaké 1962-1964, Ministère de l'économie de la République de Côte d'Ivoire, , 1894 p. (lire en ligne)
  • Sekre Alphonse Gbodje, « Le marché d'esclaves de Kotia Kofikro, 1893-1898 », Revue Ivoirienne d'Histoire « 17 »,‎ , p. 48-70 (lire en ligne)
  • Pierre Paul, 114e au feu. Historique de la guerre 1914-1918, Saint-Maixent, Impr. E. Payet, , 42 p. (lire en ligne)
  • Siaka Traoré (Doctorant au Département d’Histoire, Université Alassane Ouattara), « Du poste militaire au 3e bataillon de Bouaké : Origine, création et évolution, 1893-1964 », SIFOE, La Revue d’Histoire, d’Arts et d’Archéologie de Bouaké - Côte d'Ivoire, Bouaké, Université Alassane Ouattara « Bouaké : Histoire et mutations d’une ville africaine »,‎ , p. 102-119 (ISSN 2313-2647, lire en ligne Accès libre [PDF])
  • Ministère de la Guerre, Historique du 2e régiment de tirailleurs sénégalais : 1892-1933, Paris, Imprimerie-librairie militaire universelle L. Fournier, , 208 p. (BNF 34076968, lire en ligne)

Liens externes[modifier | modifier le code]