Pégase dans la littérature
Le mythe de Pégase est omniprésent dans la littérature dite classique et dans la poésie, à tel point qu'on ne compte plus les célèbres auteurs qui lui ont dédié un ou plusieurs textes, en particulier des poèmes où il fait référence à l'appel de l'inspiration. Voltaire, Honoré de Balzac, Friedrich Schiller, Heinrich Heine, Victor Hugo, Alice de Chambrier, José-Maria de Heredia ou encore Jean Cocteau ont ainsi rendu hommage au cheval ailé de la mythologie grecque, chacun à sa façon, à travers une ou plusieurs de leurs œuvres.
Pégase en poésie
[modifier | modifier le code]C'est après l'Antiquité classique, à partir du XVe siècle[1] et principalement au XIXe siècle que Pégase devient le symbole de la poésie[2] et par extension de l'inspiration poétique. Dans cette fonction où le cheval ailé est alliés des poètes, probablement popularisée par Boiardo[3], ses ailes sont symbole d'un appel de l'inspiration, du besoin de s'élever dans les solitudes célestes, du bondissement de l'âme que la pensée arrache au sol[4].
Cette symbolique a donné naissance à des expressions littéraires liées à la poésie, mentionnées par l'Académie française au XIXe siècle. « Enfourcher Pégase » ou « monter sur Pégase » signifie « avoir de l'inspiration » et faire des vers, c'est-à-dire écrire de la poésie. « Son Pégase est rétif » ou « Pégase est rétif pour lui » désigne les mauvais poètes[5]. Le lien entre cette fonction d'allié des poètes et la symbolique originelle de Pégase dans la geste de Bellérophon semble découler du fait qu'en exerçant leur art, les poètes « deviennent Bellérophon volant sur Pégase, le cheval doté des ailes de l'imagination »[6]. En effet, écrire de la poésie demande, entre autres qualités, d'avoir de l'intuition et de l'imagination. Il s'agit là d'une qualité indispensable au poète : il aurait beau manier les mots avec la plus grande habileté, s'il n'a pas d'imagination, il ne peut pas être poète[7].
Voltaire
[modifier | modifier le code]Voltaire est l'auteur d'un Dialogue de Pégase et du vieillard dans lequel le coursier ailé rencontre un paysan travaillant la terre, et lui demande de le monter[8]. Cette œuvre a donné lieu à une poésie anonyme en réponse[9].
Friedrich Schiller
[modifier | modifier le code]Friedrich Schiller est l'auteur de Pégase mis au joug, un poème à morale dans lequel un paysan achète Pégase à un poète affamé, et tente de lui faire exécuter divers travaux de ferme sans succès, avant de le confier à un autre poète. Il a fait l'objet de traductions par Gérard de Nerval en 1830, Xavier Marmier en 1854 et William Chapman en 1912, dans son recueil Les Fleurs de givre.
Heinrich Heine
[modifier | modifier le code]L'Allemand Heinrich Heine nommait sa Muse « Pégase » et lui consacra forcément quelques poèmes :
« Mon Pégase n'obéit qu'à son caprice, soit qu'il galope, ou qu'il trotte, ou qu'il vole dans le royaume des fables. Ce n'est pas une vertueuse et utile haridelle de l'écurie bourgeoise, encore moins un cheval de bataille qui sache battre la poussière et hennir pathétiquement dans le combat des partis. Non ! Les pieds de mon coursier ailé sont ferrés d'or, ses rênes sont des colliers de perles et je les laisse joyeusement flotter. »
— Rêve d'une nuit d'été[10]
Victor Hugo
[modifier | modifier le code]L’écrivain et poète français Victor Hugo consacra deux poèmes entiers à Pégase dans Les Chansons des rues et des bois : Le Cheval, qui ouvre le recueil, et « Au cheval », qui le clôture :
Le cheval (extrait) | Au cheval (extrait, IX) |
---|---|
Moi, sans quitter la plate-longe, |
Si le passé se reconstruit |
Alice de Chambrier
[modifier | modifier le code]La poétesse suisse Alice de Chambrier est l'auteure de Pégase attelé, dans son recueil posthume Au delà :
Oh ! qui dira jamais la douleur impuissante
De Pégase arrêté dans son essor divin
Et qui sent tressaillir son aile frémissante
Sous le harnais pesant qu’il veut briser en vain !
José-Maria de Heredia
[modifier | modifier le code]Le poète français d'origine cubaine José-Maria de Heredia a lui aussi dédié l'un de ses poèmes parnassiens à Pégase, dans Les Trophées :
Voici le Monstre ailé, mon fils, lui dit la Muse.
Sous son poil rose court le beau sang de Méduse ;
Son œil réfléchit tout l’azur du ciel natal,
Les sources ont lavé ses sabots de cristal,
À ses larges naseaux fume une brume bleue
Et l’Aurore a doré sa crinière et sa queue…
Jean Cocteau
[modifier | modifier le code]Pégase apparaît aussi régulièrement dans les œuvres de Jean Cocteau[11].
Pégase en littérature
[modifier | modifier le code]Honoré de Balzac
[modifier | modifier le code]Honoré de Balzac cite Pégase dans La Peau de chagrin : « La fable des chevaux ailés, notre Pégase, a sans doute pris naissance dans ces pays, où les bergers ont pu voir souvent un onagre sautant d'un rocher à un autre[12] ». Dans Illusions perdues : « Lucien, épris du paradoxe, fit monter son esprit sur ce mulet capricieux, fils de Pégase et de l'ânesse de Balaam[13] », dans Physiologie du mariage : « Sachant mieux monter Pégase que la jument du compère Pierre, ils se marient rarement, habitués qu'ils sont à jeter, par intervalles, leur fureur sur des Chloris vagabondes ou imaginaires[14] », et dans de nombreux romans de La Comédie humaine.
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]Références
[modifier | modifier le code]- Carus 2008, p. 149-150.
- Cazeneuve 1966, p. 128.
- Jacobi 1863, p. 381.
- Ida-Marie Frandon, L'Orient de Maurice Barrès : étude de genèse, vol. 35, Droz, , 491 p. (lire en ligne), p. 160-161.
- Académie française 1835, p. 379.
- Vannoy Adams 2001, p. 215.
- Vannoy Adams 2001, p. 216.
- Voltaire 1774.
- Poitevin 1849, p. 126-128.
- Heinrich Heine, Atta Troll. Rêve d'une nuit d'été, 1847.
- Pégase dans les poèmes de Jean Cocteau sur la Librairie Loliée, site web consulté le 17 février 2009.
- La Pléiade, 1976, t. X, p. 241.
- La Pléiade, 1971, t. V, p. 461.
- La Pléiade, 1981, t. XI, p. 951.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]Liens externes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Sources primaires
[modifier | modifier le code]- Voltaire, Dialogue du vieillard et de Pégase, Londres, Typographical Society, Gabriel Grasset, (lire en ligne).
- Prosper Poitevin, Petits poètes français, depuis Malherbe jusqu'à nos jours, vol. 2, Firmin Didot frères, (lire en ligne), p. 126-128.
Sources secondaires
[modifier | modifier le code]- Jean Cazeneuve, Les mythologies à travers le monde, Hachette, , 351 p. (présentation en ligne).
- (en) Michael Vannoy Adams, The mythological unconscious, Other Press, , 488 p. (ISBN 978-1-892746-96-2, lire en ligne), « The myth of bellerophon and Pegasus ».
- Bruno Sibona, Le cheval de Mazeppa : Voltaire, Byron, Hugo : un cas d'intertextualité franco-anglaise, L'Harmattan, , 279 p. (ISBN 978-2-296-00320-0, lire en ligne).
- (en) Paul Carus, The History of the Devil and the Idea of Evil from the Earliest Times to the Present Day, NuVision Publications, LLC, , 336 p. (ISBN 978-1-59547-725-5, lire en ligne).
Dictionnaires
[modifier | modifier le code]- Académie française, Dictionnaire de l’Académie française, , 6e éd. (lire en ligne).
- E. Jacobi, Dictionnaire mythologique universel, F. Didot, , 6e éd., 515 p. (lire en ligne).