Intégrale indéfinie

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En analyse réelle ou complexe, une intégrale indéfinie d'une fonction f intégrable sur un intervalle I est une fonction définie sur I par

a est un élément de I et K une constante réelle ou complexe[1].

Lorsque f est continue, F est une primitive de f, c'est-à-dire que la dérivée de F est f. On prend alors l'habitude de noter toute primitive de f sous la forme

et de confondre intégrale indéfinie et primitive.

Lorsque f n'est pas continue, il n'y a pas de correspondance simple entre intégrale indéfinie et primitive, du moins tant qu'il s'agit de l'intégrale de Lebesgue. Mais d'autres types d'intégrales plus puissantes, telles que l'intégrale de Kurzweil-Henstock, permettent d'intégrer entre autres toute fonction admettant une primitive, en assurant l'égalité de l'intégrale et de la primitive à une constante près.

Cas de la fonction continue[modifier | modifier le code]

Toute fonction continue sur un intervalle I est intégrable sur tout intervalle fermé borné inclus dans I. Le premier théorème fondamental de l'analyse affirme que pour tout réel a de I, la fonction définie sur I par

est la primitive de f qui s'annule en a.

Les primitives de f sont donc les intégrales indéfinies

La constante K est nécessaire pour couvrir l'ensemble des primitives possibles de f.

Cas de la fonction non continue[modifier | modifier le code]

Durant quatre siècles, les mathématiciens, de Torricelli à Kurzweil et Henstock (en) en passant par Leibniz, Euler, Cauchy, Riemann, Lebesgue, Denjoy et Perron, se sont efforcés de rechercher un lien fort entre intégrale d'une part et primitive d'autre part. Tant que le travail s'effectue sur les fonctions continues, la relation est simple, et c'est Cauchy qui en fournit la preuve (26e leçon du Résumé des Leçons données à l'École royale polytechnique sur le Calcul infinitésimal en 1823)[2]. Ce résultat établi, les recherches se portent sur le cas des fonctions non continues. Riemann, puis Lebesgue, puis Kurzweil et Henstock s'efforcent de présenter des définitions de l'intégrabilité qui permettent d'élargir la relation entre intégrale indéfinie et primitive.

Intégrale indéfinie d'une fonction Riemann-intégrable[modifier | modifier le code]

L'intégrale indéfinie d'une fonction Riemann-intégrable est toujours continue. Elle est de plus dérivable en tout point où la fonction initiale est continue. Ce résultat est démontré par Darboux et du Bois Reymond en 1875[3]. Mais la relation entre intégrale indéfinie et primitive devient plus lâche. On rencontre ainsi

  • des intégrales indéfinies non dérivables en quelques points comme celle de la fonction partie entière ;
  • des intégrales indéfinies dérivables sur mais dont la dérivée ne coïncide pas en tout point avec f. Il suffit de prendre par exemple la fonction constante égale à 1 sauf en où la fonction vaut 2. Son intégrale indéfinie a pour expression F(x) = x + K et la dérivée de F en vaut 1 ;
  • des intégrales indéfinies qui restent non dérivables sur un ensemble dense[4] ;
  • des intégrales indéfinies dérivables sur [0, 1] dont la dérivée ne coïncide pas avec f sur un ensemble dense[5] ;
  • des fonctions F, dérivables sauf en quelques points, mais qui ne sont pas une intégrale indéfinie de leur dérivée : par exemple, la partie entière ;
  • Des fonctions F, dérivables sur , mais dont la dérivée f n'est pas Riemann-intégrable donc pour laquelle on ne peut pas définir d'intégrale indéfinie. Par exemple, le prolongement continu en 0 de la fonction est dérivable, de dérivée non bornée donc non intégrable en tant que fonction sur le segment [0, 1] par exemple[6]. Notons cependant que l'intégrale impropre de cette dérivée sur l'intervalle ]0, 1] est convergente.

Intégrale indéfinie d'une fonction Lebesgue-intégrable[modifier | modifier le code]

Les fonctions Lebesgue-intégrables élargissent le champ des fonctions intégrables et donc celui des intégrales indéfinies.

L'intégrale indéfinie d'une fonction Lebesgue-intégrable est absolument continue. Réciproquement une fonction absolument continue est l'intégrale indéfinie d'une fonction Lebesgue-intégrable.

L'intégrale indéfinie d'une fonction Lebesgue-intégrable est dérivable en tout point xf est continue et F'(x) = f(x) et, plus généralement, elle est dérivable μ-presque partout de dérivée f.

Si F est dérivable sur I et de dérivée Lebesgue-intégrable alors F est une intégrale indéfinie de sa dérivée. Autrement dit, si f est Lebesgue-intégrable et possède une primitive, cette primitive correspond à une intégrale indéfinie de f.

Escalier de Cantor : fonction continue, dérivable presque partout de dérivée presque partout nulle

Mais il existe encore des fonctions F continues, dérivables presque partout, dont la dérivée est Lebesgue-intégrable sans pour autant que F soit une intégrale indéfinie de sa dérivée. Un exemple classique de telle fonction est l'escalier de Cantor.

Cependant, toute fonction F à variation bornée est dérivable presque partout et est la somme d'une intégrale indéfinie de F et d'une fonction G à variation bornée de dérivée nulle μ-presque partout.

Intégrale indéfinie d'une fonction Kurzweil-Henstock-intégrable[modifier | modifier le code]

Les fonctions KH-intégrables élargissent encore le champ des fonctions intégrables et fait coïncider presque parfaitement la notion de primitive et d'intégrale indéfinie.

Si F est dérivable sur I, alors F' est KH-intégrable et F est une intégrale indéfinie de sa dérivée. Autrement dit, si f possède des primitives, alors ce sont des intégrales indéfinies de f.

Si f est KH-intégrable sur I, alors toute intégrale indéfinie de f est continue et admet presque partout une dérivée égale à f.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Roger Descombes, Intégration, Hermann, Paris, 1972 (ISBN 2 7056 5712 6), p. 116.
  2. Jean Mawhin, « Présences des sommes de Riemann dans l'évolution du calcul intégral », Cahiers du séminaire d'histoire des mathématiques, vol. 4,‎ , p. 117-147 (lire en ligne) : p. 133.
  3. Mawhin 1983, p. 136.
  4. Henri Lebesgue, Leçons sur l'intégration et la recherche des fonctions primitives, 1904, p. 65.
  5. Bertrand Hauchecorne, Les contre-exemples en mathématiques, Ellipses, Paris, 1988 (ISBN 2 7298 8806 3), p. 126.
  6. Alain Michel, Constitution de la théorie moderne de l'intégration, Vrin, 1992, p. 108, aperçu sur Google Livres.