Enquête de la Cour pénale internationale en Palestine

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Sceau de la Cour pénale internationale.

Le , Fatou Bensouda, procureure de la Cour pénale internationale (en), annonce l'ouverture d'une enquête sur les crimes de guerre qui auraient été commis en Palestine par du personnel israélien ou des membres du Hamas et d'autres groupes armés palestiniens depuis le [1],[2].

Les allégations portent notamment sur l'établissement de colonies illégales en Cisjordanie et sur des violations du droit de la guerre commises par du personnel des forces de défense israéliennes pendant la guerre de Gaza de 2014, y compris des allégations de ciblage d'installations de la Croix-Rouge. Des membres d'organisations palestiniennes armées, dont le Hamas, ont été accusés d'avoir délibérément attaqué des civils israéliens et d'avoir utilisé des Palestiniens comme boucliers humains (en)[2],[3],[4]. Israël n'est pas membre de la Cour pénale internationale (CPI) et conteste la compétence de cette dernière au motif que la Palestine n'est pas un État souverain susceptible d'être partie au Statut de Rome, et le Premier ministre d'Israël Benyamin Netanyahou a condamné à plusieurs reprises les allégations et l'enquête[5]. Selon le procureur général de la CPI, Karim Khan, les crimes de guerre présumés commis par des Israéliens sur le territoire palestinien et par des Palestiniens sur le territoire israélien pendant la guerre de 2023-2024 entre Israël et le Hamas relèvent de la compétence de l'enquête sur la Palestine[6].

Enquête préliminaire et question de compétence[modifier | modifier le code]

La compétence de la CPI est limitée aux territoires et aux ressortissants des États parties. Israël a signé le Statut de Rome le mais ne l'a pas ratifié. La Palestine est devenue un État partie avec effet au [2],[4].

Le , l'Autorité nationale palestinienne soumet une déclaration ad hoc, datée de la veille, acceptant la compétence de la Cour pour « les actes commis sur le territoire de la Palestine depuis le 1er juillet 2002 »[7]. Le , le Procureur de la CPI juge la déclaration invalide car le Statut de Rome n'autorise que les « États » à faire une telle déclaration et la Palestine est désignée à l'époque comme une « entité observatrice » au sein des Nations unies (l'organe qui est le dépositaire (en) du Statut de Rome)[8].

Le , l'Assemblée générale des Nations unies adopte la résolution 67/19, reconnaissant la Palestine comme un État observateur non membre (en). En , le Procureur conclut que cette décision « ne remédiait pas à l'invalidité juridique de la déclaration de 2009 »[9]. Une deuxième déclaration acceptant la compétence de la Cour aurait été soumise en par le ministre palestinien de la Justice Saleem al-Saqqa et le procureur général Ismaeil Jabr, mais le procureur de la CPI répond que seul le chef d'État, le chef de gouvernement ou le ministre des Affaires étrangères est habilité à faire une telle déclaration. N'ayant pas reçu, lors d'une réunion en août, la confirmation du ministre des affaires étrangères Riyad Al-Maliki que la déclaration avait été faite au nom du gouvernement palestinien, le procureur conclut que la déclaration est invalide parce qu'elle n'émane pas d'une autorité ayant le pouvoir de la faire[10].

Dans un avis publié en , le Procureur de la CPI déclare qu'en raison du nouveau statut de la Palestine, celle-ci est qualifiée pour adhérer au Statut de Rome[11]. Le , le Procureur précise que si la Palestine déposait une nouvelle déclaration ou adhérait au Statut de Rome, celle-ci serait considérée comme valide[11]. En , l'assemblée des États parties de la CPI reconnaît la Palestine comme un « État » sans préjudice de toute décision juridique ou autre prise par la Cour ou toute autre organisation[12],[13].Une troisième déclaration est soumise par la Palestine le , datée du , acceptant la compétence de la Cour à compter du [14].

La Palestine adhère au Statut de Rome le , avec effet au , et le procureur accepte la Palestine en tant qu'État partie. En , Israël soutient que la Cour n'est pas compétente parce que la Palestine n'est pas un État souverain, dans un mémoire du procureur général israélien Avichaï Mandelblit publié quelques heures avant l'annonce de Fatou Bensouda[4],[15]. La validité juridique de la décision d'accepter la Palestine en tant qu'État partie est définitivement confirmée six ans plus tard, en 2021[16].

Une enquête préliminaire est ouverte en 2015[3].

Rapport de Fatou Bensouda (2019)[modifier | modifier le code]

Selon Fatou Bensouda, en , les critères pour une enquête approfondie sont tous remplis, mais la compétence n'a pas été établie[3]. Elle déclare : « Je suis convaincue que des crimes de guerre ont été ou sont en train d'être commis en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, et dans la bande de Gaza »[4].

Selon le rapport de Fatou Bensouda, le système judiciaire israélien prévoit déjà des dispositions pour punir les personnes accusées de crimes de guerre, ce qui signifie que la CPI pourrait ne pas être compétente pour les violations israéliennes présumées ; Fatou Bensouda écrit qu'elle devra continuer à examiner « la portée et l'authenticité des procédures nationales pertinentes » qui sont toujours en cours. Elle considère « une base raisonnable pour croire que les membres du Hamas et des groupes armés palestiniens » sont coupables de crimes de guerre, mais ces groupes ne disposent d'aucun mécanisme pour punir de telles violations[2].

Israël est accusé d'avoir établi illégalement des colonies en Cisjordanie et d'avoir violé les lois de la guerre pendant la guerre de Gaza de 2014, notamment en affirmant avoir pris pour cible des installations de la Croix-Rouge. Des organisations palestiniennes armées, dont le Hamas, sont accusées d'avoir délibérément attaqué des civils israéliens et d'avoir utilisé des Palestiniens comme boucliers humains[2],[3],[4].

Réactions[modifier | modifier le code]

Le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou condamne l'enquête comme étant « un jour noir pour la vérité et la justice »[4] et « du pur antisémitisme », tandis que le journal israélien Yediot Aharonot dénonce « l'hypocrisie de La Haye » dans un titre[2]. Dans une interview avec The Times of Israel, Fatou Bensouda décrit l'accusation d'antisémitisme comme « une accusation particulièrement regrettable et sans fondement » et elle souligne que le tribunal s'efforce d'être juste et impartial[17].

Le secrétaire d'État américain Mike Pompeo déclare : « Nous nous opposons fermement à cette action et à toute autre action visant à cibler Israël de manière injuste »[3]. L'Australie fait valoir que les problèmes devraient être résolus par la négociation, tandis que l'Allemagne déclare qu'elle fait confiance à la Cour et qu'elle veut éviter de politiser l'affaire[18]. La Hongrie annonce qu'elle est d'accord avec les arguments d'Israël concernant la juridiction[19].

L'Autorité palestinienne publie une déclaration indiquant que « la Palestine se félicite de cette mesure qui aurait dû être prise depuis longtemps pour faire avancer le processus vers une enquête, après près de cinq longues et difficiles années d'examen préliminaire »[3].

Décisions relatives à la compétence[modifier | modifier le code]

Décision finale du procureur général[modifier | modifier le code]

Le , à la suite de la présentation de mémoires d'amicus curiae[20], Fatou Bensouda demande un mois supplémentaire pour examiner la question du statut d'État palestinien et de la juridiction sur la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est[21]. Environ 50 pays et ONG ont déposé de tels mémoires pour examen et le , plus de 180 organisations palestiniennes et internationales et des particuliers ont déposé une lettre ouverte en faveur de la Palestine[22],[23]. Les mémoires d'amici curiae déposés par huit États parties, l'Australie, l'Autriche, le Brésil, le Canada, la République tchèque, l'Allemagne, la Hongrie et l'Ouganda font valoir que la CPI n'est pas compétente au motif que la Palestine n'est pas un État[24].

Le , Fatou Bensouda maintient sa conclusion initiale, en écrivant : « L'Accusation a examiné attentivement les observations des participants et reste d'avis que la Cour a compétence sur le Territoire palestinien occupé »[25],[26]..

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) « Déclaration du Procureur de la CPI, Mme Fatou Bensouda, à propos d’une enquête sur la situation en Palestine », sur le site de la CPI, (consulté le ).
  2. a b c d e et f (en) « The Hague vs. Israel: Everything you need to know about the ICC Palestine probe », The Times Of Israel,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  3. a b c d e et f (en) Stephanie Van Den Berg, « ICC to probe alleged war crimes in Palestinian areas, pending jurisdiction », Reuters,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. a b c d e et f (en) Peter Beaumont, « ICC to investigate alleged Israeli and Palestinian war crimes », The Guardian,‎ (lire en ligne, consulté le )
  5. (en) « Israel livid over ‘anti-Semitic’ ICC war crimes probe; PA and Hamas cheer », The Times Of Israel,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. (en) « Exclusive: Hamas attack, Israeli response fall under ICC jurisdiction, prosecutor says », Reuters,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. (en) « Declaration by the Palestinian National Authority Accepting the Jurisdiction of the International Criminal Court » [PDF], sur le site de la CIJ, (consulté le ).
  8. (en) « Situation in Palestine » [PDF], sur le site de la CIJ [lien archivé], (consulté le ).
  9. (en) « Report on Preliminary Examination Activities (2013) » [PDF], sur le site de la CIJ [bureau du procureur], (consulté le ).
  10. (en) « Is the PA stalling Gaza war crimes probe? », Aljazeera,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  11. a et b (en) Fatou Bensouda, « The truth about the ICC and Gaza », The Guardian,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  12. (en) « Assembly of States Parties to the Rome Statute of the International Criminal Court. Resumed 13th session [pages 12-15] » [PDF], sur le site de la CPI, 24-25 juin 2015 (consulté le ).
  13. « Hague-based ICC accepts Palestine’s status », Aljazeera,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  14. (en) « Declaration accepting the jurisdiction of the International Criminal Court » [PDF], sur le site de la CPI, (consulté le ).
  15. (en) « ICC Prosecutor gives Hague Court Israel’s brief », The Jerusalem Post,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  16. (en) « ICC Pre-Trial Chamber I issues its decision on the Prosecutor’s request related to territorial jurisdiction over Palestine », (consulté le ).
  17. (en) « ICC prosecutor: Netanyahu’s anti-Semitism charge is ‘particularly regrettable’ », The Times of Israel,‎ (lire en ligne, consulté le )
  18. (en) Raphael Ahren, « Australia rejects ICC Palestine probe; Germany warns against politicization », The Times Of Israel,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  19. (en) « Backing Israel, Hungary says it opposes potential ICC probe of Jewish state », The Times Of Israel,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  20. (en) « In a letter to ICC Prosecutor: Time to investigate Israeli crimes in Palestine, time for justice », Wafa,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  21. (en) Rapahael Ahren, « ICC prosecutor requests more time to weigh jurisdiction over Palestinian areas », The Times Of Israel,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  22. (en) « ICC Prosecutor to give final position on if Palestine is a state », The Jerusalem Post,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  23. « Joint Open Letter to the Office of the Prosecutor of the International Criminal Court: Time to Investigate Crimes in Palestine, Time for Justice », AL-HAQ,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  24. (en) « State of Exception: Critical Reflections on the Amici Curiae Observations and Other Communications of States Parties to the Rome Statute in the Palestine Situation », Journal of International Criminal Justice, vol. 18, no 4,‎ , p. 905-920 (DOI 10.1093/jicj/mqaa049, lire en ligne, consulté le ).
  25. (en) Raphael Ahren, « Chief prosecutor insists ICC has jurisdiction to probe war crimes in ‘Palestine’ », The Times Of Israel,‎ (lire en ligne, consulté le )
  26. (en) « Situation in the state of Palestine » [PDF], sur le site de la CIJ, (consulté le ).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]