Avortement en Suisse

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L'avortement en Suisse est légal depuis 2002, jusqu'à la douzième semaine de grossesse ou plus tard sous certaines conditions. Il est pénalisé dans le cas contraire.

Les premières revendications pour le droit à l'avortement apparaissent au sein des organisations ouvrières vers le début du XXe siècle, avant de reprendre dans les années 1970 à l'initiative du mouvement féministe suisse.

Histoire[modifier | modifier le code]

Le Code pénal suisse condamne à partir de 1942 l'avortement par une peine d'emprisonnement pour la femme ayant avorté ainsi que le médecin l'y ayant aidé[1].

En 1970, plusieurs médecins du canton de Neuchâtel sont accusés d'avortements illégaux (affaire de la clinique des Bluets). En septembre 1971, le Conseil fédéral demande la révision du code pénal, notamment ses articles 118 à 121 concernant l'interruption de grossesse. Les mesures les plus restrictives sont adoptées en 1973[1]. En 1972, la pétition intitulée « Oui à la vie, non à l'avortement » réunit les signatures de 180 000 personnes[2]. Elle est déposée en septembre par un comité chrétien conservateur, et elle réclame un durcissement et une uniformisation du code pénal sur l'avortement[3]. Pour l'association Oui à la vie, seul un avortement sur mille pour les 22 000 réalisés en Suisse est thérapeutique[3]. En février 1973 est fondée l'Union suisse pour décriminaliser l'avortement (UPSDA)[2].

Une initiative populaire est lancée en 1971 pour la décriminalisation de l'avortement[4]. Après que tant le Conseil fédéral (en 1974) que le Conseil national (en 1975) en recommandent le rejet, elle est retirée en faveur d'une autre initiative, intitulée « Solution du délai pour l'avortement », lancée par l'UPSDA en [1],[5]. Déposée en avec 68 000 signatures, elle est rejetée par 51,7 % des voix en [2]. Le contre-projet indirect[n 1] adopté par l'Assemblée fédérale, la loi fédérale sur la protection de la grossesse et le caractère punissable de son interruption, qui visait à introduire comme indications non punissables, en plus de l'indication médicale (danger pour la santé de la mère), une indication sociale (état de détresse sociale grave pour la mère), une indication juridique (viol sur une femme faible d'esprit ou un enfant) et une indication eugénique (risque de graves lésions physiques ou psychiques pour l'enfant) fait l'objet d'une demande de référendum et se voit rejetée par 69 % des voix en [6],[7]. L'initiative « Droit à la vie » est refusée quant à elle le par 69 %.

En 2002, l'avortement devient licite s'il est effectué dans le délai de 12 semaines après les dernières règles, ou au-delà dans certaines conditions, il reste pénalisé dans les autres cas. Cette période rendant l'avortement licite est qualifiée de « régime des délais  »[8],[9]. Cette légalisation fait suite à l'acceptation par le peuple le 2 juin 2002 de la modification du code pénal suisse (Interruption de grossesse) par 72,2 % de oui. Le même jour les électeurs refusent l'Initiative populaire « pour la mère et l'enfant - pour la protection de l'enfant à naître et pour l'aide à sa mère dans la détresse », par 81,8% de non[10]. Le régime du délai entre en vigueur le 1er octobre 2002[11].

Législation[modifier | modifier le code]

L'interruption de grossesse (IVG) est autorisée par l’alinéa 2 de l'article 119 du Code pénal suisse[12]. L'avortement peut avoir lieu jusqu'à la douzième semaine après les règles, ou après confirmation de l'âge de la grossesse par échographie. L'IVG est possible au delà du délai légal si le médecin estime que la grossesse est de nature à mettre gravement en danger l'intégrité physique de la mère, ou bien si cette dernière se trouve en état de détresse profonde[13]. La femme doit remettre une demande écrite au médecin attestant qu'elle est alors en état de détresse[14]. Aucun délai de réflexion ne peut être exigé par le médecin, ni l'avis d'un second médecin. Si la personne est a moins de 16 ans, elle doit être adressée à un centre spécialisé pour les mineurs[13] Elle n'a pas l'obligation d'avertir ses parents ou ses responsables légaux[15].

Selon l'article 120 du code pénal qui présente les peines qu'encourt un médecin ne respectant pas ses obligations durant la procédure[16], le médecin a l'obligation de procéder à un entretien approfondi avec la femme qui sollicite un avortement, pour la conseiller, la prévenir des risques de l'intervention et lui remettre des informations sur l'adoption.

L'IVG doit avoir lieu dans les établissements désignées par chaque canton[12]. Elle est prise en charge par l'assurance maladie obligatoire, et 10 % des coûts ainsi que la franchise restent à la charge de la personne qui avorte[14].

Selon les cantons, l'interruption de grossesse peut être déclarée par le médecin, de manière anonyme pour la femme, comme dans le canton de Vaud[15]. Cette information est utilisée à des fins statistiques pour définir le profil de femme ayant recours à une IVG[17].

L'article 118 du code pénal définit les types d'interruption de grossesse punissables par la loi. Le fait de forcer une femme à avorter est sanctionné, ainsi que le fait d'avorter après les délais légaux ou dans des conditions non conformes à la loi sont défendus[18].

Chiffres[modifier | modifier le code]

Le taux d'avortement en Suisse est l'un des plus bas d'Europe. Le nombre d'avortement est en légère baisse depuis sa légalisation en 2002[17].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Un contre-projet indirect désigne un projet de loi adopté par le Parlement en réponse à une initiative populaire (qui ne peut en Suisse que modifier la Constitution). Il s'oppose au contre-projet direct, qui est une proposition d'autre article constitutionnel. Cf. « Lexique du Parlement », sur Parlement suisse (consulté le ).

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c « Timeline — L'histoire du droit à l'avortement en Suisse », sur RTS Info (consulté le )
  2. a b et c « Dépénaliser l'IVG », sur rts.ch, (consulté le )
  3. a et b « Non à l'avortement », sur rts.ch, (consulté le )
  4. « Initiative populaire fédérale 'concernant la décriminalisation de l'avortement' », sur Chancellerie fédérale suisse, (consulté le )
  5. « Initiative populaire fédérale 'Solution du délai pour l'avortement' », sur Chancellerie fédérale suisse, (consulté le )
  6. Votation populaire du - Explication du Conseil fédéral, pp. 6 à 11 et 17 à 22 [lire en ligne (page consultée le 16.9.2023)]
  7. Brigitte Troyon et Claudine Haenni, « Suisse : Table-ronde sur l'interruption volontaire de grossesse », Annuaire international de justice constitutionnelle, vol. 2, no 1986,‎ , p. 201–211 (DOI 10.3406/aijc.1988.945, lire en ligne, consulté le )
  8. Groupe Medecine & Hygiene, « Interruption volontaire de grossesse: la loi suisse respecte la liberté de décision de la femme », sur Interruption volontaire de grossesse: la loi suisse respecte la liberté de décision de la femme - Planete sante (consulté le )
  9. « L'avortement ne sera pas dépénalisé en Suisse », sur www.lespecialiste.be (consulté le )
  10. Votation populaire du 02.06.2002, Chancellerie fédérale (Suisse)
  11. Le régime du délai entrera en vigueur le 1er octobre 2002, Département fédéral de justice et police,
  12. a et b art. 119 CP
  13. a et b Groupe Médecine & Hygiène, « Interruption volontaire de grossesse: la loi suisse respecte la liberté de décision de la femme », sur Interruption volontaire de grossesse: la loi suisse respecte la liberté de décision de la femme - Planete sante (consulté le )
  14. a et b « Interruption de grossesse - Santé sexuelle et planning familial à Genève aux HUG », sur www.hug.ch (consulté le )
  15. a et b « Interruption de grossesse | VD.CH », sur www.vd.ch (consulté le )
  16. art. 120 CP
  17. a et b Julie Conti, « La Suisse connaît un des taux d'avortement les plus bas d'Europe », sur RTS Info, (consulté le )
  18. art. 118 CP

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bases légales[modifier | modifier le code]

Liens internes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]