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Attentat de la rue des Rosiers

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Attentat de la rue des Rosiers
Image illustrative de l’article Attentat de la rue des Rosiers
Le restaurant Jo Goldenberg, lieu de la fusillade.

Localisation 7, rue des Rosiers, Paris
Cible restaurant Goldenberg
Coordonnées 48° 51′ 25″ nord, 2° 21′ 35″ est
Date
13 h 15
Morts 6
Blessés 22
Participants 2 à 5 personnes
Organisations Fatah-Conseil révolutionnaire
Géolocalisation sur la carte : Paris
(Voir situation sur carte : Paris)
Attentat de la rue des Rosiers
Géolocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Attentat de la rue des Rosiers

L’attentat de la rue des Rosiers est un attentat perpétré le dans un restaurant de la rue des Rosiers à Paris, tenu par une figure de la communauté juive parisienne. Le bilan est de six morts et vingt-deux blessés. Les auteurs de l'attentat n'ont pas été punis par la justice, et les revendications sont peu claires.

L'attentat

Le lundi 9 août 1982 à 13 h 15, un groupe de deux à cinq personnes (selon des témoignages contradictoires) masquées, en costume gris, sac noir à l'épaule, et armées de pistolets-mitrailleurs, descendent d'une voiture et font irruption dans le restaurant juif de Jo Goldenberg, au coin de la rue des Rosiers et de la rue Ferdinand-Duval. Une cinquantaine de clients se trouvent à table. Après avoir lancé une grenade, ils mitraillent clients et employés. Puis le commando lance une seconde grenade, ressort du restaurant et s'enfuit à pied en tirant dans la foule[1]. Un policier en civil intervient sur les lieux arme à la main. Dans la panique et pour se défendre, le fils du restaurateur, Marco Goldenberg, sort son fusil et tire une balle mortelle sur ce policier en pensant qu'il s'agit d’un terroriste revenu sur les lieux de l'attentat[2].

En moins de trois minutes, l’attentat fait six morts et vingt-deux blessés[3].

L'enquête

Une première revendication provient d'Action directe mais l'organisation anarcho-communiste se rétracte et condamne l'acte qualifié d'« erreur politique »[4].

L'enquête, menée par le juge Jean-Louis Bruguière jusqu'en 2007, incrimine rapidement le Fatah, Conseil révolutionnaire d'Abou Nidal — un groupe palestinien dissident de l’OLP. Les douilles retrouvées sont en effet des munitions de 9 mm court « Makarov » tirées par un PM Wz 63 (1,8 kg et 33 cm) de fabrication polonaise, « signature » de ce groupe[5]. Le 13 août 1982, des promeneurs retrouvent en effet, placé en évidence dans le bois de Boulogne « un sac en plastique contenant un pistolet-mitrailleur WZ 5,56, trois chargeurs et 29 balles de 9 millimètres. Pour les enquêteurs, c’est la signature d’Abou Nidal. Pourtant, contrairement à ses habitudes, celui-ci ne revendique pas expressément l’attentat[6]. »

En 2008, un journaliste lance une piste « néonazie »[7] : selon un ancien officier des renseignements généraux, Odfried Hepp et Walter Kexel, recherchés par la police allemande pour de multiples attentats, sont arrivés à Paris la veille de l'attentat de la rue des Rosiers en provenance d'Allemagne (via Metz, où ils ont été identifiés chez un militant nazi notoire le 7 août au soir). Hepp, qui a suivi des entraînements para-militaires dans des camps radicaux palestiniens et qui travaille activement depuis le mois d'avril 1982 pour la Stasi[8], reconnaît que son acolyte (suicidé depuis) aurait très bien pu en être l'auteur[9],[10]. Les portraits-robots correspondrait à la description des témoins (le type européen, l'âge, etc.).

En 2011, la piste néo-nazie est provisoirement abandonnée par le juge Marc Trévidic qui aurait identifié les auteurs de la fusillade grâce à des témoignages d'anciens membres du Fatah[11] obtenus grâce à une procédure « sous X » (dans les procès-verbaux, les témoins sont identifiés uniquement par des numéros).

En 2015, la justice française émet des mandats d'arrêts internationaux contre trois membres présumés du Fatah-Conseil révolutionnaire, ou groupe Abou Nidal, mouvement dissident de l'Organisation de libération de la Palestine[12]. Ces trois hommes vivent en Cisjordanie, en Jordanie et en Norvège[13],[14], formellement identifiés par les témoins 93 et 107. Le premier est Mouhamad Souhair Al-Abassi, alias « Amjad Atta » : chef des opérations en Europe, il aurait monté l’opération, choisi la cible, géré l’argent et livré les armes aux tueurs au dernier moment. Le deuxième est Mahmoud Khader Abed Adra, alias « Hicham Harb » : instructeur de tir dans les camps d’entraînement syriens d'Abou Nidal, responsable de l’armement pour l’Europe et l’Asie, il aurait effectué le repérage un mois avant la tuerie avec Atta, sous une fausse identité, comme étudiant ; puis il aurait récupéré les armes dans une cache secrète, désigné la cible aux autres, leur aurait indiqué comment s’enfuir, où et comment se débarrasser des armes ; il a été reconnu sur photo par Guy Benarousse, l’un des survivants de l’attentat. Le troisième est Walid Abdulrahman Abou Zayed[15], alias « Osman », un des tueurs chevronnés du groupe Abou Nidal : il aurait été le second tueur ; en 1991, il a émigré en Norvège avec sa femme et ses enfants.

Entre 1982 et 2015, il y a 32 ans, soit davantage que le délai de prescription ; mais cette dernière court à partir du dernier acte d’enquête, et l'audition des témoins a relancé d’autant la procédure judiciaire[14]. Le 1er juin, le cerveau présumé de ces attentats, Zouhair Mouhamad Hassan Khalid al-Abassi, alias « Amjad Atta », âgé de 62 ans[16], est interpellé en Jordanie mais il est relâché, sous caution avec interdiction de quitter le territoire jordanien, en attendant une décision quant à son extradition[17] ; le 29 octobre, la justice jordanienne rejette son extradition (ainsi que celle d'un autre suspect, Nizar Tawfiq Mussa Hamada) en raison du dépassement du délai de prescription[18] ; le procureur général de Jordanie fait appel de cette décision[19], appel rejeté par la Cour de cassation jordanienne en mai 2019[20].

Le juge Trévidic obtient du témoin no 93 des détails d'importance[6] : l’attentat a été supervisé au plus haut niveau par le bras droit d’Abou Nidal, Abou Nizar, chef des « opérations spéciales » ; le commanditaire serait Hafez el-Assad, chef de l'État syrien, en lutte contre la France qui soutient Yasser Arafat, le leader de l’OLP, alors encerclé à Beyrouth par les forces israéliennes et qui sera évacué sous protection militaire française trois semaines après l'attentat de la rue des Rosiers ; enfin, Abou Nidal n'aurait pas été inquiété sur le sol français avant sa mort en 2002 grâce à un accord secret avec le futur général Philippe Rondot, agent de la DGSE et parfait arabisant, qui prévoyait qu'Abou Nidal ne frapperait plus en France en échange de quoi ses hommes pouvaient y circuler sans être inquiétés.

En 2018, Yves Bonnet, patron de la DST à l'époque de l'attentat, révèle qu’un « marché non écrit » a été conclu avec le groupe d’Abou Nidal, en 1982 après son identification comme l'auteur de l'attentat. Le groupe s’était engagé à ne plus commettre d’attentats en France, en échange de quoi ses membres pouvaient continuer de venir en France[21],[22].

En marge de l'attentat

  • En réaction à la fusillade, le président de la république François Mitterrand annonce dans son allocution du 17 août 1982 qu'il confie la direction de l'enquête à la cellule antiterroriste de l'Élysée, dirigée par le patron du GIGN, Christian Prouteau, et son adjoint, le capitaine Paul Barril. Le , Barril interpelle les auteurs supposés de l'attentat de la rue des Rosiers : des nationalistes irlandais. C'est le début de l'affaire des Irlandais de Vincennes, dans laquelle Paul Barril est soupçonné d'avoir apporté lui-même les pièces à conviction, armes, explosifs et documents compromettants.
  • Dans son allocution du 17 août 1982, le président Mitterrand annonce la création d'un secrétariat d’État à la sécurité publique, confié à Joseph Franceschi.
  • L’impact des balles a été visible sur la vitrine jusqu'en 2010, quand le restaurant est remplacé par un magasin de vêtements. La plaque commémorant l'attentat ayant disparu, une nouvelle plaque a été posée par la mairie de Paris en 2011[23].

Notes et références

  1. Dominique Zardi, Rue des Rosiers. Si le Marais m'était conté, Dualpha, , p. 44-47.
  2. Dominique Zardi, Rue des Rosiers. Si le Marais m'était conté, Dualpha, , p. 43.
  3. Alain Vincenot, Les larmes de la rue des Rosiers, Genève, Éditions des Syrtes, coll. « Documents/Histoire », , 281 p. (ISBN 978-2-84545-154-4, BNF 42192022), p. 204
  4. Serge Garde, Rémi Gardebled et Valérie Mauro, Guide du Paris des faits divers : du Moyen âge à nos jours, Le Cherche Midi, , p. 75.
  5. Roland Jacquard, Les Dossiers secrets du terrorisme : tueurs sans frontières, Paris, Albin Michel, , 328 p. (ISBN 978-2-226-02337-7), p. 262.
  6. a et b Frédéric Helbert, « L'heure de la justice a sonné », Paris Match,‎ (lire en ligne)
  7. Thierry Vincent, 2008. « Attentat de la rue des Rosiers : la piste oubliée ». Spécial investigation. Diffusion: 5 octobre à 22h40 sur Canal+.
  8. (de) « Der nützliche Nazi », Andreas Förster, berliner-zeitung.de, 14 juin 2001.
  9. « Attentat de la rue des Rosiers, la piste des néo-nazis allemands », Jean-Yves Camus, Rue89, 3 octobre 2008.
  10. « L'enquête sur la rue des Rosiers relancée », Pascal Bovo, bakchich.info, 3 octobre 2008.
  11. « Attentat de la rue des Rosiers : deux auteurs identifiés », Pascal Ceaux et Jean-Marie Pontaut, lexpress.fr, publié le 9 novembre 2011.
  12. Élise Vincent, « Trois suspects identifiés trente-trois ans après l'attentat de la rue des Rosiers », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  13. « Attentat de la rue des Rosiers : des suspects identifiés 32 ans plus tard », lepoint.fr, 4 mars 2015.
  14. a et b Emmanuel Fansten et Willy Le Devin, « Rue des Rosiers : une traque de trente ans », .
  15. Voir sur parismatch.com.
  16. Francetv Info avec A.F.P., « Attentat de la rue des Rosiers : le cerveau présumé, un Palestinien interpellé en Jordanie, 32 ans après les faits » (consulté le )
  17. Céline Revel-Dumas, « Le cerveau présumé de l'attentat de la rue des Rosiers arrêté », sur Le Figaro, .
  18. « Attentats de la rue des Rosiers : la Jordanie refuse l'extradition de deux suspects », Le Figaro, 11 février 2016.
  19. « Attentat rue des Rosiers : appel du procureur général jordanien », sur The Times of Israel, .
  20. « Attentat rue des Rosiers : la justice jordanienne refuse d’extrader un suspect vers la France », sur Le Parisien, .
  21. Antoine Flandrin, « Histoire secrète de l’antiterrorisme : trente ans de lutte », sur Le Monde, .
  22. « Attentat de la rue des Rosiers : le pacte secret passé avec les terroristes », Le Parisien, 9 août 2019.
  23. Voir sur mairie04.paris.fr.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes