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Affaire Luchaire

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L’affaire Luchaire est une affaire politico-financière française dont les faits se sont produits dans les années 1980.

Contexte

Après la révolution iranienne, en 1979, la France entretient des relations tendues avec l’Iran et soutient l’Irak lors de la guerre opposant les deux pays.

Faits

Entre 1982 et 1986, la société d'armement française Luchaire, livre en toute illégalité 450 000 obus à l’Iran. La Société Luchaire est dirigée à cette époque par Daniel Dewavrin. Alors que Charles Hernu est ministre de la Défénse et Jean-François Dubos son bras droit, ces ventes sont autorisées par la Commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériel de guerre grâce à un trucage, les certificats mentionnant d’autres pays. Par ailleurs, 3 millions de francs de commissions auraient pu être reversés au Parti socialiste[1].

L’affaire est révélée par La Presse de la Manche[2] le 28 février 1986. Selon le quotidien, deux cargos sous pavillon des Bahamas et de Chypre, ont en juillet et en septembre 1985, embarqué à Cherbourg des matériels militaires officiellement destinés aux gouvernements de la Thaïlande, du Brésil et du Portugal. Les Lloyds of London ont affirmé que les deux cargos ont déchargé leur cargaison au port iranien de Bandar Abbas.

Enquête

Le ministère de la défense annonce le 6 mars, son intention d'engager des poursuites judiciaires contre la société Luchaire, accusée d'avoir violé la législation en matière de commerce de matériels de guerre. Le ministère précise que « depuis plusieurs mois, les activités de cette société faisaient l'objet d'une surveillance, à la suite d'informations communiquées par les services spécialisés, concernant de possibles détournements de destination » et que le président de la société Luchaire a reconnu les faits le 5 mars[3]. Le ministre de la défense est alors le socialiste Paul Quilès. L’enquête est confiée au juge d’instruction Michel Legrand.

Au lendemain des élections législatives de mars 1986, le nouveau ministre de la défense André Giraud, membre du Parti républicain, commande un rapport sur cette affaire au contrôleur général des armées Jean-François Barba. Celui-ci le remet trois semaines plus tard. Il sera publié par L'Express en [4]. Il révèle que ces ventes illicites n'ont pu se dérouler qu'avec la complicité bienveillante du ministère de la Défense, sur ordre du cabinet de Charles Hernu, plus particulièrement de Jean-François Dubos, chargé de mission. Le rapport s'appuie sur le témoignage du général Armand Wautrin, directeur de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD), qui n'exclut pas que le trafic aurait alimenté les caisses du Parti socialiste, pour un montant de rétro-commissions proche de trois millions d'euros. Daniel Dewavrin, président de la société Luchaire et l'amiral Pierre Lacoste, directeur de la DGSE confirment cette information au contrôleur général Le 17 octobre 1987, le rapport classé « confidentiel défense » est communiqué au magistrat instructeur et déclassifié.

Le 17 décembre, celui-ci inculpe Daniel Dewavrin pour infraction à la législation sur le commerce des armes de guerre, faux et usage de faux, trafic d'influence et corruption de fonctionnaire. Le 21 décembre, Jean-François Dubos, Mario Appiano, conseiller à l'exportation et responsable des filiales italiennes de Luchaire et Guy Motais de Narbonne, président du directoire de Luchaire, sont également inculpés. Devant le juge, Daniel Dewavrin dément avoir versé des fonds à un parti politique, le général Wautrin dit avoir mal été compris par le contrôleur Barba et l'amiral Lacoste met en cause l'authenticité de l'information[5].

Le procureur de la République de Paris Pierre Bézard et le juge Michel Legrand rendent un non-lieu général le [1],[4],[6]. Les deux hommes estiment qu'aucune charge n'a pu être établie contre les quatre inculpés[7]. Selon Le Monde, le magistrat instructeur « laisse entendre que l'administration militaire était (...) complice des exportations de la société Luchaire », et il « reproche au ministère d'avoir sélectionné, au nom du " secret défense ", les éléments fournis à la justice alors que ce même ministère était " la partie poursuivante ". C'est pourquoi il s'est refusé à renvoyer en correctionnelle les dirigeants de Luchaire, estimant que les droits de la défense avaient été quelque peu bafoués par l'attitude du monde militaire[7] ». Gilles Gaetner dans L'Express, précise que le juge n'a pas obtenu la déclassification de certains documents de la Direction des affaires internationales du ministère de la défense. Ces documents étaient indispensables à ses investigations. André Giraud, puis son successeur Jean-Pierre Chevènement ont opposé leur veto. Selon le journaliste, « le complexe militaro-industriel a gagné[4] ».

Répercussions

À la veille de l’élection présidentielle de 1988, la première loi de transparence financière de la vie politique est votée. Le cadre législatif autour du financement des partis, des campagnes électorales et de la transparence du patrimoine des élus sera continuellement renforcé par la suite[8].

À la suite du scandale, la société Luchaire est absorbée par GIAT Industries[réf. nécessaire]

Notes et références

  1. a et b Jean Guisel, « La France, premier proliférateur nucléaire », dans Histoire secrète de la Ve République, p. 250
  2. « 130 ans de La Presse de la Manche : l'affaire Luchaire, un scoop à la Une du 28 février 1986 », (dont vidéo de l'INA de 2:16), sur actu.fr, (consulté le )
  3. « Des poursuites judiciaires sont engagées contre la société Luchaire », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  4. a b et c Gilles Gaetner, « 1987: l'affaire Luchaire », L'Express,‎ (lire en ligne)
  5. « Les ventes illicites d'armes à l'Iran Le PS et l'affaire Luchaire », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  6. Renaud Lecadre, « Une justice aux ordres, ou la machine à étouffer les scandales », dans Histoire secrète de la Ve République, p. 633
  7. a et b « JUSTICE Les ventes d'armes à l'Iran de 1982 à 1986 La justice rend un non-lieu général dans l'affaire Luchaire », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  8. Thomas Snégaroff, « La transparence de la vie politique à marche forcée (1988-2014) », sur www.franceinfo.fr,

Bibliographie