Beurheu
Un beurheu désigne en français local de Lorraine un petit champ clos d'un mur en pierre sèche ou d'une haie. L'enclos qui permet le passage du bétail, et parfois son contrôle ou comptage, était plus impressionnant dans les pays pierreux, notamment dans les Vosges granitiques. Ce terme ancien, en partie oublié depuis les évolutions agricoles des deux derniers siècles, provient du dialecte lorrain ou vosgien.
Les beurheux désignent aussi, de façon plus récente, des terrains communaux défrichés par des particuliers, amassant les pierres aux périphéries des parcelles.
Beurheux des pays granitiques
Les beurheux forment des amoncellement de pierres et de blocs de granit, délimitant les anciennes parcelles ou propriétés. Ces enclos juxtaposés étaient autrefois des champs en culture avant le XVIIe siècle.
Leur rôle ancien était de protéger les cultures, voire de garder le bétail quelque temps s'il ne pouvait sortir du beurheu. En période de vaine pâture, les beurheux devaient être en principe ouverts, mais il y avait maintes dérogations particulières selon les communautés.
Des beurheux sont visibles dans des plantations forestières ou dans la forêt communale ou domaniale de Ban-sur-Meurthe-Clefcy, attestant le recul des cultures après la guerre de Trente Ans.
La dégradation des beurheux est parfois très rapide.
Toponymie
Les beurheux ont donné naissance à des noms propres de lieux. Un beurheu peut se nommer selon les lieux briheu, breux, berhé, beuré au masculin voire au féminin beurée ou burée. Ils sont aussi nommés champs enclos ou enclos. Les diminutifs sont aussi très communs : beurleux, brûlés...
La Beurée est un petit terroir de beurheux sur le versant au soleil de la vallée de Fraize. Victor Lalevée, un historien local, pensait que cette bûrâïe en patois local, servait autrefois au pacage et au comptage des moutons, en proposant comme racine du terme le mot latin beura, le bélier [1].
Le chanoine Hingre, qui explique ce terme ancien dans son patois de La Bresse, propose de façon plus plausible d'assimiler la racine beure de beurheû à une barre ou à un muret[2]. Un (petit champ) beurheu serait un champ barré, défendu. Mais il propose aussi une racine en brihi, ameublir la terre car il signale le choix des terres argileuses fines et ameublies, après expulsion des pierres et cailloux par le patient labeur des hommes à mains nues.
Le mot doit pourtant être assimilé à l'objectif que recherchent les patients constructeurs de beurheux, un petit champ enclos et protégé pour leur modeste culture, soit brogillum en latin médiéval, venant d'un diminutif du gaulois broga(e) au sens de champ, terre. Le mot ancien français bruel, brueil, bruoil qui désigne un bois taillis, une forêt ou une foule dense lui est apparenté. Serait-ce la haie épaisse, ou la succession de haies infranchissables, qui aurait engendré la représentation d'une forêt dense ? Il est aussi certain que les petits champs gallo-romains et médiévaux étaient parfois complantés d'arbres fruitiers : c'étaient à la fois des champs de céréales et des vergers.
Il faut noter que les toponymes Breux ou Breuil, par l'effet d'une précoce influence médiévale française, semble désigner des espaces champêtres ou des jardins agréablement arborées, parfois des vergers ou des réserves boisées, véritable parcs à gibier, en plaine lorraine.
Exemples en toponymie vosgienne
Les Berheux désigne une maison isolée de La Bresse. En 1836, le cadastre bressaud (section D) la décrit de manière explicite Les Beurheux. Les Breheux nomment aussi un écart de cette vaste commune, ainsi qu'une habitation d'Herpelmont.
Berheux est un ancien écart de Clefcy. Le Breheuil est une ferme-cens de Mandray : elle se nommait Le Breheu au XVIIIe siècle avant de devenir la cense du Breheuil en 1887.
Dans le sud vosgien, le toponymiste retrouve fréquemment Briseux ou Les Briseux, parfois Briseu. Ainsi à Ferdrupt, Rupt-sur-Moselle, au Syndicat ou au Thillot...
Les diminutifs sont encore plus communs. Les Berleux désignent un écart de Xonrupt. Les Beurleux désignent aujourd'hui un canton forestier surplombant le hameau du Vic à Ban-sur-Meurthe.
La Brûlée est un écart de La-Croix-aux-Mines. Les Brûlé(e)s se retrouvent à Plainfaing, Saint-Dié, La Petite Fosse...
Les Vosges méridionales se distinguent par un conservatisme de la dernière syllabe. Les Breuleux désignent un lieu du cadastre de Saint-Etienne-lès-Remiremont. Brûleux existe à Basse-sur-le-Rupt, Le Bruleux à Saint-Maurice-sur-Moselle, Ventron, voire Les Bruleux à Vagney, à Gerbamont, au Syndicat...
L'habitation nommée Le Bruleux en 1910 à Boulay montre l'évolution scripturale ou les hésitations phonétiques sur ce micro-toponyme : Le Breuleux en 1821, Breheux en 1857, voire Brilleux vers 1870.
Notes et références
- Victor Lalevée, Histoire de Fraize et de la Haute-Vallée de la Meurthe, René Fleurent éditeur, 1957, 384 pages. Notice p. 359
- Vocabulaire complet du patois de La Bresse (Patois-Français) publié en quatre petits tomes en 1950, mais par lettre dans le Bulletin de la Société Philomatique Vosgienne : A, Tome XXVIII, p. 297 à 347 ; B, C, Tome XXIX, p. 5 à 123 ; D, E, Tome XXX, p. 13 à 98 ; F, Tome XXXI, p. 293 à 324 ; G à K, Tome XXXII, p. 5 à 117 ; L, M, Tome XXXIII, p. 189 à 246 ; N-P, Tome XXXV, p. 117 à 165, P à R., Tome XXXVIII, 31 à 125 ; S, T, U, VW, Z (40-50e A) Tome XXXIX-XL, p. 3 à 85
Bibliographie
- Paul Marichal, Dictionnaire topographique du département des Vosges, CHTS, Imprimerie nationale, Paris, 1919.
- Georges Savouret, La vie pastorale dans les Hautes Vosges, éditions Serpenoise et Presses universitaires de Nancy, 1985, 176 pages.
- Georges Savouret, La structure agraire et l'habitat rural dans les Hautes Vosges, Publications de la société de géographie de Lille, 1942, 58 pages.
- Cartes IGN Top 25 du massif des Vosges.