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=== ''Les Destinées, poèmes philosophiques'' ===
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'''''Les Destinées'''''<ref>''Les Destinées'' {{lire en ligne|lien=http://fr.wikisource.org/wiki/Livre:Vigny_-_Les_Destin%C3%A9es,_L%C3%A9vy,_1864.djvu}}</ref>, le sous-titre l’indique, est un recueil de [[poème|''poèmes'']] [[Philosophie|''philosophiques'']], lesquels relèvent d’un genre aux contours très variables. Ils ont été écrits par [[Alfred de Vigny]], entre [[1838]] et [[1863]], année de sa mort. Six d'entre eux paraissent, pendant et après sa campagne académique, dans la ''Revue des Deux Mondes'' et onze au total sont réunis dans le volume définitif publié à [[Paris]] en [[1864]]. Au fil des années, non sans de longues parenthèses, Vigny revoit les textes et le plan du recueil. Il n’interrompt cette tâche que dans les derniers mois de sa vie et livre au lecteur une suite de poèmes qui abordent des problèmes différents sans être pour autant liés entre eux de manière explicite. Il est donc possible de parcourir les textes des ''Destinées'' en les reliant aux champs philosophiques qu’ils abordent et en tentant de déceler les échos qu’ils ont suscités depuis leur publication.
'''''Les Destinées'''''<ref>''Les Destinées'' {{lire en ligne|lien=http://fr.wikisource.org/wiki/Livre:Vigny_-_Les_Destin%C3%A9es,_L%C3%A9vy,_1864.djvu}}</ref>, le sous-titre l’indique, est un recueil de [[poème|''poèmes'']] [[Philosophie|''philosophiques'']], lesquels relèvent d’un genre aux contours très variables. Ils ont été écrits par [[Alfred de Vigny]], entre [[1838]] et [[1863]], année de sa mort. Six d'entre eux paraissent, pendant et après sa campagne académique, dans la ''Revue des Deux Mondes'' et onze au total sont réunis dans le volume définitif publié à [[Paris]] en [[1864]]. Au fil des années, non sans de longues parenthèses, Vigny revoit les textes et le plan du recueil. Il n’interrompt cette tâche que dans les derniers mois de sa vie et livre au lecteur une suite de poèmes qui abordent des problèmes différents sans être pour autant liés entre eux de manière explicite. S’il est possible de lire les textes séparément<ref>http://romantis.free.fr/vigny/html/destines.html</ref> ou en fonction de leur place dans le recueil<ref>http://www.larousse.fr/encyclopedie/article/Laroussefr_-_Article/11000487</ref> on peut aussi les relier aux champs philosophiques qu’ils abordent et tenter de déceler les échos qu’ils ont suscités depuis leur publication.


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Version du 21 février 2012 à 15:08

Les Destinées, poèmes philosophiques

Les Destinées[1], le sous-titre l’indique, est un recueil de poèmes philosophiques, lesquels relèvent d’un genre aux contours très variables. Ils ont été écrits par Alfred de Vigny, entre 1838 et 1863, année de sa mort. Six d'entre eux paraissent, pendant et après sa campagne académique, dans la Revue des Deux Mondes et onze au total sont réunis dans le volume définitif publié à Paris en 1864. Au fil des années, non sans de longues parenthèses, Vigny revoit les textes et le plan du recueil. Il n’interrompt cette tâche que dans les derniers mois de sa vie et livre au lecteur une suite de poèmes qui abordent des problèmes différents sans être pour autant liés entre eux de manière explicite. S’il est possible de lire les textes séparément[2] ou en fonction de leur place dans le recueil[3] on peut aussi les relier aux champs philosophiques qu’ils abordent et tenter de déceler les échos qu’ils ont suscités depuis leur publication.

Genre

On a longtemps pensé et écrit que Vigny était l'inventeur du « poème philosophique » alors qu’il n’en est rien : si l’auteur des Destinées a créé l’appellation, il n’a pas créé le genre. Dans un article récent[4], Dominique Combe le prouve clairement, fait remonter l'origine du poème philosophique à Hésiode et aux présocratiques, avant de montrer qu'on peut en repérer les manifestations, au fil des époques, jusqu'à nos jours. Après avoir précisé quelques constantes nécessaires à l’appréhension du genre[5], Dominique Combe fait remarquer l’extrême souplesse de celui-ci. Qu’il s’en réclame ou non, le poète peut donc, sans être considéré comme un philosophe au sens strict du terme, modeler son œuvre selon sa personnalité et les buts qu'il s'est fixé. C’est notamment le cas, au XIXe siècle, de Lamartine et de Hugo[6].

Pour ce qui concerne Vigny, il projette, dès 1851 des « strophes de satire brûlantes et étincelantes »[7] afin de nuancer la tonalité de son œuvre en prose qu'il voyait, depuis longtemps, comme « une sorte de poème épique sur la désillusion »[8]. De plus, il tient à remplir ce rôle que le romantisme attribue au poète : celui d'un guide qui doit « éclairer l’humanité »[9]. Pour ce faire, il puise dans l'Antiquité, dans la Bible, dans son expérience et son histoire familiale aussi bien que dans l'actualité de son temps et en tire des symboles longuement médités. Ils sont introduits dans des poèmes de longueur variable, proches de ceux qu'il avait composés depuis 1823, date de publication d'Éloa, à une différence près : Les Destinées ont pour objectif de persuader. Leurs poèmes, tous en alexandrins, font alterner des types de texte et des registres très variés. Cette variété, à quoi s’ajoute le talent du poète, éloigne le recueil de ce qu’il pourrait avoir, par endroits, de trop didactique.

Genèse du recueil

C'est vers la fin de 1842 que le public découvre pour la première fois l'expression « poèmes philosophiques » sous la plume de Vigny[10]. Il s'en sert d'abord pour donner des gages à ceux qui pourraient soutenir sa candidature à l’Académie française. C’est pourquoi en 1843-44, cinq poèmes paraissent dans la Revue des deux Mondes : La Sauvage, La Mort du loup, La Flûte, Le Mont des Oliviers, La Maison du Berger ; un autre sera publié en 1854 : La Bouteille à la mer. Finalement, l'expression est retenue par le poète, puis par son exécuteur testamentaire, Louis Ratisbonne, pour désigner l'ensemble des onze textes qui, une fois rassemblés, prendront place dans Les Destinées. Le volume, achevé d’imprimer le 23 novembre 1863, paraît le 12 janvier 1864[11] ; il respecte l’ordre suivant : « Les Destinées », « La Maison du berger »,« Les Oracles » , « La Sauvage », « La Colère de Samson », « La Mort du loup », « La Flûte », « Le Mont des Oliviers », « La Bouteille à la mer », « Wanda », « L’Esprit pur ».

Le premier poème dans l’ordre chronologique, La Mort du loup, est mis au net le 31 octobre 1838 ; le plan du recueil, conçu dès 1847, est remanié plusieurs fois et ne trouve sa forme définitive qu’en 1863[12], peu avant la mort de Vigny. Il en va de même des textes, L’Esprit pur n’étant achevé qu’en mars-avril 1863. Le recueil paraît quatre mois après la mort du poète, Louis Ratisbonne suivant à la lettre les dernières volontés de l'auteur[13]. Celui-ci laisse donc à la postérité une œuvre dont la rédaction a été achevée dans l’urgence mais où il a tenté de donner la quintessence de sa pensée, dans quelques-uns des domaines de la philosophie : métaphysique, éthique, politique, esthétique

Les textes

Le poème liminaire et éponyme des Destinées[14] ainsi que Le Mont des Oliviers[15] posent, sous deux angles différents, la question métaphysique. Vigny s'interroge tout d’abord sur la notion de fatalité telle qu’elle a été vécue, au long des siècles, selon les civilisations et les religions, avant de conclure que le message du Christ n’a guère fait varier le déterminisme à quoi l’humanité reste soumise. Le second de ces textes est une méditation sur la solitude essentielle de l’homme et, en réponse « au silence éternel de la Divinité », le poète préconise une attitude d’indifférence hautaine et absolue. D’une manière beaucoup moins pessimiste, La Flûte[16] traite des faiblesses de notre condition limitée face aux virtualités illimitées de l'esprit. Pour l’auteur, l’homme qui constate ce hiatus sans renoncer à assumer les « souffrances humaines »[17] n’en est que plus grand. Par l'usage qu’il fait en l’occurrence du mythe de Sisyphe, comme par la leçon qu’il tire du Mont des Oliviers, il est possible d’affirmer que Vigny annonce Albert Camus[18].

La Mort du loup [19] s'ouvre sur une scène de chasse qui renvoie, probablement, à un paysage évoquant les abords du Maine-Giraud et, plus certainement, à la tradition familiale de Vigny — puisqu’il fait clairement allusion à cette tradition dans L'Esprit pur. Quoi qu'il en soit, La Mort du loup, souvent considéré comme un des canons du poème philosophique, contient une leçon d'énergie en même temps qu'une longue méditation morale sur la mort et sur le stoïcisme aristocratique qu'il convient de lui opposer. La popularité de ce poème tient sans doute à la clarté de sa composition, à une adéquation entre le symbole et la réflexion qu’il soutient, ainsi qu’aux formules gnomiques que renferme sa troisième et dernière partie, laquelle renvoie à la tradition des moralistes classiques.

La Colère de Samson[20] a été, depuis sa publication, la pièce la plus critiquée de son auteur puisque l'épisode biblique[21] de Samson et Dalila n’y est utilisé que pour mettre en scène un face-à-face très manichéen « Entre la bonté d'Homme et la ruse de Femme ». Longtemps, on a vu dans la rupture qui met fin à la liaison de Vigny avec Marie Dorval une des sources du texte, aussi bien à cause de son contenu qu’en raison de sa date de composition : 1838-39, peu après la séparation des deux amants[22]. S'il en est ainsi, une question reste posée : le poète a-t-il, dans ces vers, transcendé une anecdote génératrice d’amertume pour atteindre au plan de la réflexion philosophique ? Le doute subsiste malgré la caution, en son temps, de Théophile Gautier[23] et celle, plus récente, de Marcel Proust[24].

À l'opposé, dans La Maison du berger[25], c'est précisément la femme, sous les traits idéalisés d'une mystérieuse Eva, qui est présentée comme le principal recours de l'homme face aux rigueurs de sa condition. Séparé de la « froide Nature » qui l'entoure, rejetant le grouillement des « cités serviles », il n’a pour seul réconfort, au sein d'une solitude consentie, que l'amour partagé. Cette expression doit être prise dans son acception romantique, mais il est possible de lui trouver un sens quasi platonicien. L’amour offre en effet à l’homme non seulement l’occasion de se connaître — la femme devenant, métaphoriquement, un « miroir » pour son compagnon — mais aussi la possibilité de s'élever jusqu'à la Connaissance. C'est du moins l'hypothèse de sens émise par Pierre-Georges Castex en s'appuyant, il est vrai, sur un fragment de manuscrit que le poète n'a pas publié [26]. Dans La Maison du berger Vigny expose, en outre, sa conception exigeante d’une poésie toute de concentration et de clarté. Cette conception, illustrée par deux métaphores récurrentes chez Vigny — celle de la « perle » et celle du « diamant » —, apparaît dans la deuxième partie du poème. Ce dernier, en dépit d'un réquisitoire contre les chemins de fer qui peut paraître rétrograde mais s’intègre à la cohérence de l’ensemble, est considéré comme un des chefs-d’œuvre du lyrisme romantique. Il faut également noter que la vision de la nature développée ici n’est pas sans ambiguïté : le poète s’y réfugie bien qu’elle soit indifférente au sort de l’homme. Une telle vision est, en son temps, très personnelle.

Les Oracles[27], La Sauvage[28] et Wanda[29] ont une visée commune : celle d’exprimer la pensée politique de leur auteur. Le premier de ces textes, très polémique, achevé en 1862, porte sur l'échec de la Monarchie de Juillet et sur la lucidité du philosophe et du poète lorsqu'il applique sa réflexion aux bouleversements du monde pour « [démonter] le mécanisme profond des révolutions »[30]. La Sauvage traite du rapport entre « La Loi d’Europe » et la liberté individuelle afin de louer « les bienfaits de la colonisation » dans le Nouveau Monde. Le titre, qui n’a rien de rousseauiste, est un indice de la bonne conscience civilisatrice propre au XIXe siècle ; un commentateur parle, en langage d’aujourd’hui, de « choc des cultures »[31], sans doute par euphémisme. Le poème de Wanda, évoquant le sort tragique de la famille Troubetzkoï, vise le despotisme tsariste car ses excès, indépendamment des malheurs individuels qu’ils provoquent, conduisent au crime suprême selon Vigny : l’« attentat contre l'Esprit »[32].

La Bouteille à la mer[33] et L'Esprit pur[34], se font écho et se complètent, liés qu'ils sont par la réflexion du poète sur la supériorité de l'œuvre d'art et sur les conditions de sa transmission à travers le temps. Ces deux textes ,à cause de la confiance en l’homme et en l'avenir qu'ils manifestent, dépassent le pessimisme métaphysique que contient, par ailleurs, le recueil. Le premier, par sa métaphore finale, semble même apporter un correctif à la conclusion du poème liminaire. Le second permet à Vigny d'exposer, quelques mois avant de disparaître, sa conception d’une « religion de l'Esprit »[35], laquelle possèderait « sa liturgie : celle de l’Écrit »[36].

Postérité

Longtemps considéré comme un des plus représentatifs du XIXe siècle, le recueil des Destinées semble aujourd’hui connaître un oubli relatif malgré la parution d’une biographie récente de son auteur[37]. Pourtant, à cause de la forme de ces poèmes, et notamment du choix des symboles qui préside à leur rédaction, Vigny précède parfois son contemporain Charles Baudelaire[38]. Il annonce Stéphane Mallarmé et le symbolisme, ainsi que, d'une manière peut-être encore plus nette, Paul Valéry[39]. Au strict plan philosophique, Les Destinées trouveront une filiation, certes limitée à certains de leurs aspects, dans l’humanisme athée du XXe siècle.

Sources

  • Verdun-Louis Saulnier, Les Destinées : édition critique, D Droz[le lien externe a été retiré], .
  • Pierre-Georges Castex, « Les Destinées » d'Alfred de Vigny, SEDES[le lien externe a été retiré], .
  • Paul Viallaneix, Vigny par lui-même, coll. Écrivains de toujours, Éd Éditions du Seuil[le lien externe a été retiré], .
  • Alfred de Vigny, Poèmes complets : Poèmes antiques et modernes, Les Destinées, L Livre de poche[le lien externe a été retiré], .
  • Henri Lemaître, Dictionnaire Bordas de littérature française, Bordas, (ISBN 2-04-729834-2).
  • Fernand Baldensperger, Œuvres complètes d'Alfred de Vigny, t. II, Paris, Gallimard, (ISBN 2070105806).
  • François Germain, André Jarry et Auguste Bouvet, Œuvres complètes d'Alfred de Vigny, Paris, Gallimard, (ISBN 2070113396).
  • Dominique Combe, « Le poème philosophique ou "l’hérésie de l’enseignement" », Études françaises[le lien externe a été retiré], vol. 41, no 3,‎ , p. 63-79 (ISSN 0014-2085 (imprimé) 1492-1405 (numérique)[à vérifier : ISSN invalide], lire en ligne).
  • Jean-Pierre Lassalle, Alfred de Vigny, (maisond’édition) Fayard[le lien externe a été retiré], (ISBN 978-2-213-63028-1)

Références

  1. Les Destinées [lire en ligne]
  2. http://romantis.free.fr/vigny/html/destines.html
  3. http://www.larousse.fr/encyclopedie/article/Laroussefr_-_Article/11000487
  4. Combe 2005.
  5. Combe 2005, p. 68.
  6. Combe 2005, p. 66.
  7. Baldensperger 1948, p. 1283.
  8. Baldensperger 1948, p. 1037.
  9. Combe 2005, p. 65.
  10. Germain, Jarry et Bouvet 1996, chronologie.
  11. Lassalle 2010, p. 428.
  12. Germain, Jarry et Bouvet 1993, chronologie.
  13. Lassalle 2010, p. 428.
  14. Les Destinées [lire en ligne]
  15. Le Mont des Oliviers [lire en ligne]
  16. La Flûte [lire en ligne]
  17. La Maison du berger, vers 321.
  18. Voir notamment Lassalle 2010, p. 430 et Viallaneix 1964, p. 66, 117, 139.
  19. La Mort du loup[lire en ligne]
  20. La Colère de Samson [lire en ligne]
  21. Livre des Juges [[lire en ligne], 13.24 à 16.31.
  22. Lassalle 2010 p. 161 à 220 et plus précisément p. 211-213.
  23. Saulnier 1961, p. 112.
  24. Voir Alfred de Vigny, section Réception et postérité.
  25. La Maison du berger [lire en ligne]
  26. Castex 1964, p. 209.
  27. Les Oracles [lire en ligne]
  28. La Sauvage [lire en ligne]
  29. Wanda [lire en ligne]
  30. Castex 1964, p. 258
  31. Lassalle 2010, p. 428
  32. Lassalle 2010, p. 244
  33. La Bouteille à la mer [lire en ligne]
  34. L’Esprit pur [lire en ligne]
  35. Lemaître 1994, p. 877.
  36. Saulnier 1961, p. 223-228.
  37. Lassalle 2010.
  38. Voir notamment Vigny 1967, p. 304., note 3.
  39. Vigny 1967, p. 14, 279 et 281 (préface de Marcel Arland et notes de Samuel de Sacy).