Zainichi

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Les Coréens Zainichi sont les Coréens ou descendant de Coréens, habitant le Japon. Ce groupe est issu des Coréens venus au Japon :

Ils forment actuellement le groupe minoritaire le plus important du Japon. À proprement parler, le terme ne désigne que les résidents permanents du Japon qui ont conservé leur nationalité coréenne (ancienne Corée non divisée) ou sud-coréenne, sans inclure les Coréens ayant acquis la nationalité japonaise.

Le terme japonais Zainichi signifie également « qui reste au Japon ». Par exemple, les Zainichi-Gaikokujin (在日外国人) sont les « étrangers vivant au Japon », et les Zainichi-Beigun (在日米軍) les membres des Forces américaines au Japon. Cependant, Zainichi est habituellement utilisé pour désigner les seuls Coréens Zainichi, significativement plus présents dans la société japonaise.

Statistiques

Selon le Bureau de l'immigration du Japon[1], il y a 613 791 Zainichi en 2003. Ce chiffre inclut les habitants permanents, les visiteurs en long séjour, les étudiants, mais pas les Coréens naturalisés Japonais.

  • Nombre d’habitants du Japon d’origine coréenne : 901 284
  • Habitants permanents et catégories particulières : 515 570
  • Coréens naturalisés : 284 840
  • Visiteurs en séjour de longue durée : 82 666
  • Étudiants coréens au Japon : 18 208

Histoire

Origines

L’origine de la diaspora des Coréens Zainichi remonte au début du XXe siècle, sous la domination de l’Empire du Japon. En 1910, les Coréens deviennent sujet de l’Empire japonais (traité de San Francisco). Les spoliations de terrain et les confiscations des Japonais des années 1910 provoquent une vague d’émigration économique dans les années 1920. De nombreux habitants de Jeju-do migrent au Japon pour fuir les discriminations en Corée.

Durant la Seconde Guerre mondiale

Entre 1939 et 1945, la pénurie de main-d'œuvre causée par la mobilisation durant la Seconde Guerre mondiale mène à une série de politiques officielles visant au recrutement de Coréens pour les faire travailler au Japon et évoluant vers une conscription obligatoire de 5 400 000 Coréens dont environ 670 000 déportés au Japon, y compris dans la préfecture de Karafuto (actuelle Sakhaline, actuellement russe). Sur ces 670 000, environ 60 000 sont morts entre 1939 et 1945, du fait des mauvais traitements et des conditions de travail inhumaines. La coercition croissante et les défaites poussèrent à une mobilisation des civils japonais pour l’effort de guerre, étendue à la Corée en 1944[2]. Les Coréens déportés au Japon étaient affectés aux usines, aux mines, la plupart du temps dans des conditions effroyables. Si la plupart sont rapatriés après la guerre, certains restent au Japon, notamment les 43 000 de Karafuto, occupée par l’Union soviétique juste avant la reddition du Japon ; on leur refusa le rapatriement sur l’archipel japonais ou la péninsule coréenne, et ils demeurèrent emprisonnés dans Sakhaline, apatrides. Leurs descendants sont les Coréens de Sakhaline. Les Coréens conscrits représentent 13,3 % des Zainichi de première génération, selon une étude.

La perte de la nationalité japonaise

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, il y avait environ 2,4 millions de Coréens au Japon, dont 93 % venaient du sud de la péninsule. La majorité fut rapatriée dans la moitié sud de la Corée, et seuls 650 000 restaient au Japon en 1946[3].

La défaite japonaise laissa les Zainichi dans une position ambigüe quant à leur nationalité. L’ordonnance de recensement des étrangers (外国人登録令, Gaikokujin-tōroku-rei) du 2 mai 1947, les classe comme de nationalité étrangère. Ils sont provisoirement enregistrés comme de nationalité Choson (en japonais : Chōsen, 朝鮮), l’ancien nom de la Corée unie. En 1948, le Nord et le Sud de la Corée déclarent leur indépendance individuellement, faisant de Choson un État disparu. Le gouvernement de Corée du Sud demanda au Commandant suprême des forces alliées, qui occupait alors le Japon, le changement de la nationalité des Zainichi Coréens en Daehan Minguk (대한민국, japonais : Daikan Minkoku, 大韓民國), le nom officiel de la nouvelle nation. Depuis 1950, les Zainichis sont autorisés à modifier ainsi leur nationalité.

L’occupation du Japon par les Alliés s’achève le 28 avril 1952 avec le traité de San Francisco, par lequel le Japon renonce formellement à toute revendication territoriale sur la péninsule coréenne, ce qui entraîne la perte de la nationalité japonaise pour les Zainichi[4].

La division de la Corée conduit à la division des Coréens au Japon. Mindan, ou Union des résidents coréens au Japon, est fondée en 1946 pour soutenir le régime sud-coréen, s’oppose à Chōren (Ligue des Coréens du Japon), la principale organisation de Coréens, d’idéologie socialiste. Après les émeutes du 1er mai 1952, l’organisation pro-Corée du Nord est interdite, mais se reforme sous divers noms et devient l’Association générale des Coréens résidant au Japon, ou Chongryon, en 1955. Elle reste socialiste, et sur des positions pro-Nord, et bénéficie du soutien financier du gouvernement nord-coréen[3].

En 1965, le Japon conclut le traité sur des relations basiques entre le Japon et la République de Corée avec la Corée du Sud, dont le gouvernement est reconnu pour seul légitime en Corée[3].

Division des Zainichi entre Chongryon et Mindan

Des deux associations coréennes au Japon, la Chongryon, pro-communiste, est la plus militante dans la conservation de l’identité coréenne. Ce militantisme se manifeste notamment :

  • une opération concernant soixante écoles coréennes dans tout le Japon, au départ en partie fondées par le gouvernement nord-coréen, écoles qui enseignent en coréen. Elles diffusent une idéologie fortement pro-nord-coréenne, parfois critiquée par les élèves, les parents, et le public. Jusqu’à très récemment, les diplômes des écoles Chongryon ne permettaient pas de postuler aux examens d’entrée de l’Université ; les écoles n’étaient pas non plus légalement classées comme des écoles générales, mais comme des établissements d’enseignement, comme des auto-écoles ou des écoles de cuisine ;
  • elle déconseille le mariage de ses membres avec des non-Coréens ;
  • elle gère des entreprises et des banques pour fournir emplois, services et réseau social aux Zainichi dans la société ;
  • elle s’oppose au droit de vote aux élections japonaises des Zainichi, qui est vu comme une tentative inacceptable d’assimilation[5] ;
  • une campagne de la fin des années 1950 visait à persuader les Zainichi d’émigrer en Corée du Nord, décrit comme un Paradis sur Terre. Environ 90 000 Zainichi et leurs épouses japonaises sont partis en Corée du Nord avant que cette émigration diminue puis s’arrête complètement, au fur et à mesure que les conditions effroyables de vie en Corée du Nord apparaissent de plus en plus clairement.

Les Zainichi pro-Corée du Nord qui conservent leur nationalité Choson sont appelés « Nord-Coréens du Japon » par des auteurs anglo-saxons comme Sonia Ryang. Ce terme est techniquement incorrect, et a quelque chose de trompeur. Ces Zainichi, dans leur grande majorité, se sont installés au Japon avant la création de l’État de Corée du Nord, et sont de plus en grande majorité originaires du sud de la Corée. Seul leur choix idéologique justifie cette appellation.

Jusqu’à la fin des années 1970, Chongryon est le principal groupe de Zainichi, et reste significatif politiquement dans le Japon moderne. Cependant, l’important écart de démocratie et de niveau de vie entre les deux Corées a fait du Mindan, le groupe pro-Corée du Sud, le plus important et le moins controversé politiquement des deux. 65 % des Zainichi sont affiliés au Mindan. Le nombre d’enfants éduqués dans les écoles Chongryon a rapidement baissé, et le plus souvent les Zainichi choisissent d’envoyer leurs enfants dans les écoles japonaises. Certaines écoles Chongryon ferment à cause du manque de ressources, et la viabilité à terme du système est douteuse. Mindan gère aussi traditionnellement un système scolaire pour les enfants de ses membres, bien qu’il n’ait jamais été aussi étendu et organisé que son équivalent de Chongryon, et il est actuellement proche de disparaître.

Les retours en Corée

Les rapatriements des Zainichi vers la Corée ont d’abord été conduit par la Croix-Rouge du Japon avant de recevoir l’appui officiel du gouvernement début 1956. En 1959, la Corée du Nord lance un programme de rapatriements. Le gouvernement japonais y était très favorable, y voyant un moyen de réduire le nombre de travailleurs en période de récession, mais aussi de se débarrasser d’une minorité ethnique considérée comme communiste, voire subversive[6]. Au départ ignorant de ces rapatriements, le gouvernement américain ne s’y opposa pas. L’ambassadeur des États-Unis aurait ainsi dit, selon son homologue australien, que « les Coréens formaient un groupe misérable, avec de nombreux communistes et autant de criminels »[7].

Bien que 97 % des Zainichi soient originaires de la moitié sud de la péninsule coréenne, ceux-ci choisissent plus souvent le Nord que le Sud. Cependant, avec les nouvelles des conditions de vie difficiles au Nord et la normalisation des rapports entre le Japon et la Corée du Sud (1965), le nombre de Coréens choisissant la Corée du Nord diminua de façon drastique, bien qu’il y ait eu des volontaires jusqu’en 1984[8] Au total, 93 340 personnes ont émigré du Japon vers la Corée du Nord grâce à ce programme de rapatriement, dont environ 6 000 Japonais suivant leur épouse coréenne. Environ une centaine d’entre eux ont ensuite fui la Corée du Nord, dont le célèbre Kang Chol-Hwan, qui a publié un livre sur son expérience, Les Aquariums de Pyongyang[7]. Bien que les rapatriés soient en bute à une discrimination sociale et à une répression politique (environ 10 000 ont été emprisonnés dans des camps de concentration), certains ont réussi à s’élever à des postes importants, comme Kenki Aoyama (pseudonyme), un rapatrié qui est retourné au Japon, et qui était un espion des services secrets Nord-Coréens à Pékin[9]. Les rapatriements ont donné lieu à de très nombreux travaux au Japon. Un film documentaire sur une famille dont les fils ont été rapatriés alors que les parents et la fille restaient au Japon, Dear Pyongyang, a ainsi remporté le prix du jury du Festival du film de Sundance de 2006.

Quelques Zainichi sont aussi allés en Corée du Sud, soit pour étudier, soit pour s’y établir. On peut citer l’exemple de l’écrivain Yangji Lee qui étudia à l’université nationale de Séoul au début des années 1980[10].


Notes et références

  1. 平成15年末現在における外国人登録者統計について (en japonais).
  2. (de) R. J. Rummel, Statistics of Democide: Genocide and Mass Murder Since 1990, Münster, Lit Verlag, (ISBN 978-3-8258-4010-5, LCCN 2004269756) Available online: « Statistics of Democide: Chapter 3 - Statistics Of Japanese Democide Estimates, Calculations, And Sources », Freedom, Democracy, Peace; Power, Democide, and War (consulté le )
  3. a b et c (en) Sonia Ryang, Koreans in Japan: Critical Voices from the Margin, United Kingdom, Routledge,
  4. United Nations International Convention on the Elimination of all Forms of Racial Discrimination (26 septembre 2000) : "E. Résidents coréens au Japon 32. La majorité des résidents coréens, soit environ un tiers de la population étrangère au Japon, sont des Coréens (ou leur descendants) venus vire au Japon pour différentes raisons durant les 36 années (1910-1945) de domination japonaise sur la Corée, et qui ont continué à vivre au Japon après la perte de leur nationalité japonaise, qu’ils avaient acquis sous la domination japonaise, perte confirmée par le traité de San Francisco
  5. Yonhap news, 17 mai 2006.
  6. (en) Tessa Morris-Suzuki, « Japan's Hidden Role In The 'Return' Of Zainichi Koreans To North Korea », sur Zmag.org, (consulté le )
  7. a et b (en) Morris-Suzuki, Tessa, The Forgotten Victims of the North Korean Crisis, Nautilus Institute, (lire en ligne)
  8. (en) Yoshiki Nozaki, Hiromitsu Inokuchi et Tae-Young Kim, « Legal Categories, Demographic Change and Japan’s Korean Residents in the Long Twentieth Century », sur Japan Focus
  9. « Spy's escape from North Korean 'hell' », sur BBC News, (consulté le )
  10. (en) SHIN Eunju (申銀珠), ソウルの異邦人、その周辺一李艮枝「由煕」をめぐって (Portrait of a Foreigner's World in Seoul: Yuhi by Yi Yangji), Niigata University of International and Information Studies (lire en ligne)

Voir aussi