Travelling

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Tournage du film Alamo en 2004. Chariot de travelling sur bogies et rails en U, supportant une dolly sur pneumatiques. Au loin, une Louma ou autre marque de bras d'élévation de caméra.

Le travelling est un déplacement de la caméra au cours de la prise de vues, dont l'une des utilisations est de suivre un sujet parallèlement à son mouvement, une autre de se rapprocher ou de s'éloigner du sujet, de le contourner et éventuellement d'en révéler de nouveaux aspects.

Histoire

Le premier travelling est attribué à Alexandre Promio, opérateur des frères Lumière qui, en 1896, filme Venise depuis une gondole en navigation sur le Grand Canal, ce que Louis Lumière appelle une « vue panoramique Lumière »[1].

Bien d'autres prises de vues, au cours de laquelle la caméra se déplace, sont exécutées à partir du succès public de ce bobineau de Promio. Sont utilisés les bateaux, les automobiles, les trains, les ascenseurs, les téléphériques, les tapis roulants, les traîneaux, les aérostats, et enfin les avions. Georges Méliès, dont le principe avait été de déterminer une fois pour toutes la position de sa caméra dans son studio de verre, a recours à un effet spécial pour donner l'impression de grossissement (par gonflage - L'Homme à la tête de caoutchouc, ou par déplacement - Le Voyage dans la lune) : il met l'objet à grossir sur un chariot que ses machinistes rapprochent de la caméra. C'est, on pourrait dire, l'inverse du travelling.

En 1903, Alfred Collins, qui travaille pour la filiale londonienne de Gaumont, réalise dans Mariage en auto (The Runaway Match) une poursuite automobile en passant d'un véhicule (poursuivi) à l'autre (poursuivant), montage encore jamais vu à l'époque, et il est obligé, pour que le public comprenne la simultanéité des plans, d'indiquer le passage d'une voiture à l'autre, par des intertitres : « voiture poursuivie », « voiture des poursuivants »[2].

En 1912, plusieurs films américains ont recours systématiquement à une série de travellings embarqués pour créer des poursuites haletantes, au cours desquelles le passage poursuivi-poursuivant n'a pas besoin d'être souligné car, depuis le premier film de D. W. Griffith (Les Aventures de Dollie), les cinéastes savent comment on raconte des actions simultanées mais prenant place en des lieux différents (montage parallèle), une technique de récit empruntée à la littérature, à laquelle le public est désormais familiarisé. Le Cuirassé confédéré, réalisé par Kenean Buel, La Fille et sa promesse et La Bête sur la baie, réalisés par D.W. Griffith mettent en vedette la caméra en mouvement[3]. Les déplacements sont nommés dès cette époque par le moyen utilisé pour les exécuter.

Et, toujours en 1912, Oscar Apfel réalise pour Thomas Edison un film dont le scénario est basé sur plusieurs flash-backs : Le Passant. Les travellings ont ici une autre fonction que le dynamisme de la course-poursuite. Ils sont les premiers de ceux qu'on nomme dans les années 1950, des « travellings psychologiques ». Apfel utilise le déplacement de la caméra en avant et en arrière sur un chariot pour s'approcher du comédien en état d'anamnèse ou au retour du flash-back. La caméra « serre » ainsi (et « desserre ») sur le visage du comédien pour « entrer dans sa tête » ou « en sortir »[4].

Deux ans plus tard, en 1914, l'Italien Giovanni Pastrone utilise le procédé pour son film monumental Cabiria, avec des travellings descriptifs, où la caméra se déplace plusieurs fois et longuement devant un décor ou un groupe de comédiens. C'est le carrello (chariot), qui désigne encore aujourd'hui en Italie le travelling[5].

Description

Installation d'un travelling circulaire.

La trajectoire d'un travelling peut être frontale (travelling avant, travelling arrière), latérale (vers la droite ou vers la gauche), en croissant ou arc, ou circulaire, et les combinaisons sont multiples.

  • Le travelling peut être obtenu simplement par le déplacement de l'opérateur qui porte la caméra sur l'une de ses épaules (caméra à l'épaule) ou devant lui par un double guidon.
  • Il peut être obtenu par l'installation de la caméra et de l'opérateur sur un chariot qui circule soit sur des bogies empruntant des rails tubulaires dans le cas d'un mouvement sur terrain accidenté, soit sur des pneumatiques haute pression dans le cas d'un mouvement sur terrain plat ou aplani par des plaques de contreplaqué. Le chariot peut être simplifié sous la forme d'un pied à roulettes (pied boule) ou d'une colonne centrale entourée de bras réglables et repliables (Spyder) qui accepte l'opérateur assis. Il peut aussi être très élaboré : la colonne ou le bras qui porte la caméra est alors mobile, la caméra peut effectuer une courte montée ou une descente qui permettent des recadrages dynamiques; ce type de chariot de travelling s'appelle une dolly). En plus compliqué, et en plus onéreux, viennent ensuite les travellings combinés avec des mouvements de grue, exécutés sur de gros chariots équipés d'un système de parallélogramme à contrepoids qui permet éventuellement à l'opérateur et son assistant d'être assis aux commandes de la caméra, mais nécessite une équipe de machinistes renforcée.
    Opérateur steadicam en tournage
  • Grâce aux visées vidéo, tous ces procédés ont évolué. Le port à l'épaule est remplacé par le steadicam, un système qui absorbe par un jeu équilibré de ressorts les chocs provoqués par la marche de l'opérateur. La visée est effectuée sur un écran de contrôle installé sur le bras et l'assistant-opérateur contrôle le point à distance par un boîtier de télécommande. Les chariots à grue sont maintenant de type Louma, mais il y a d'autres marques, ils n'embarquent plus l'opérateur, l'assistant (et parfois le réalisateur !), qui contrôlent au sol par télécommande les mouvements de grue, de panoramique, la mise au point, grâce à des écrans de contrôle. Des systèmes très sophistiqués, à l'emploi complexe et pour un seul rendu spectaculaire, sont utilisés pour obtenir des travellings en vue plongeante, qui tiennent du téléphérique ou du déplacement sur quatre câbles enroulés ou déroulés en opposition synchronisée[6].

Un travelling peut être associé à d'autres mouvements de caméra, comme le panoramique (pivotement de la caméra sur l'un de ses axes) ou le mouvement de grue (élévation ou abaissement de la caméra au sein du décor). Les mouvements sont alors dits « combinés », quand ils travaillent dans le même sens, ou « compensés » quand l'un travaille en sens contraire de l'autre, en compensant légèrement son effet, ou « contrariés », quand l'un transforme l'autre en son exact contraire.

  • Exemple 1 : un travelling avant latéral le long du déplacement d'un personnage peut être « combiné » avec un panoramique découvrant le lieu où se rend ce personnage.
  • Exemple 2 : le même travelling avant latéral peut dépasser le personnage (qui rencontre des difficultés sur le terrain), puis le personnage rattrape la caméra et la dépasse, ainsi de suite ; à chaque fois, la caméra « compense » ces mouvements contradictoires par des panoramiques qui sont autant de recadrages.
  • Exemple 3 : ce même travelling avant latéral plus rapide que le sujet amène la caméra à se retourner complètement dans un panoramique dit « contrarié » qui inverse le sens de son déplacement par rapport au travelling avant (objectif de la caméra orienté dans le sens de la marche du personnage) qu'elle transforme en travelling arrière (objectif de la caméra orienté dans le sens contraire à la marche du personnage).

Le travelling optique (ou zoom) est parfois confondu avec le travelling mécanique. Mais son effet est totalement différent. Pour simplifier, un zoom est un objectif à focale variable, c'est-à-dire que le mouvement apparent de rapprochement ou d'éloignement est obtenu par le grossissement plus ou moins important d'une image virtuelle avec une loupe. Le travelling mécanique fait varier les perspectives au cours de son mouvement à l'intérieur du décor, le zoom rend un effet plat de coulissement optique sans modification des perspectives. En revanche, le zoom permet un effet très dynamique de rapprochement brutal : le zoom « coup de poing »[7].

Le zoom et le travelling mécanique sont souvent associés. Quand ils travaillent en sens contraire, ils sont dits « travelling contrarié » ou « zoom contrarié », ou parfois en jargon venu d'un dépôt de brevet pour un asservissement mécanique du déplacement du chariot de travelling avec la commande de zoom : « Transtrave ». Les effets obtenus sont intéressants et différents selon la combinaison. Un zoom avant contrarié par un travelling mécanique arrière exécuté à la même vitesse donne un cadrage qui semble être le même du début à la fin du plan, mais toutes les perspectives se déforment au cours du mouvement, le fond semble absorbé par ce qui se situe en premiers plans. Inversement, le zoom arrière contrarié par un travelling mécanique avant donne l'impression d'un éloignement progressif et inéluctable du fond. Ces deux effets spéciaux procurent au spectateur une sensation bizarre d'élasticité de l'espace filmé, qui traduit souvent un certain malaise du personnage à l'écran[8].

Voir aussi

Sur les autres projets Wikimedia :

  • Travelling est le nom d'une association loi 1901 qui organisait depuis 1985 le festival des cinémas d'Irlande et de Grande-Bretagne de Cherbourg-Octeville[9].
  • Travelling est aussi le nom d'un festival[10] de cinéma, qui se tient tous les ans à Rennes.
  • Voiture travelling
  • Travelling est un anglicisme. Le mot n'est pas employé par les équipes de tournage anglophones. Elles utilisent des termes précis qui correspondent au moyen de portage de la caméra : tracking shot (en) (référence aux rails sur lesquels est déplacé le chariot qui porte la caméra), dolly shot (en) ou encore trucking shot, booming et craning (grues), crabbing (Spyder ou similaire), etc. À noter qu'en américain, "traveling" s'écrit avec un seul l, respectant ainsi la règle du doublement de consonne finale en anglais (dont travel est l'une des seules exceptions)[11].

Références

  1. Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, « Grammaire du cinéma », Paris, Nouveau Monde éditions, 2010 (ISBN 978-2-84736-458-3), 588 pages, page 43
  2. Georges Sadoul, « Histoire du cinéma mondial, des origines à nos jours », Flammarion, 1968, 719 pages, page 44
  3. Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, « Grammaire du cinéma », op. cité, page 53
  4. Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, « Grammaire du cinéma », op. cité, pages 397-398
  5. Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, « Grammaire du cinéma », op. cité, page 154
  6. Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, « Grammaire du cinéma », op. cité, page 395
  7. Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, « Grammaire du cinéma », op. cité, page 396
  8. Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, « Grammaire du cinéma », op. cité, pages 396-397
  9. Site du festival Travelling (en archive)
  10. Festival Travelling
  11. Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, « Grammaire du cinéma », op cité, page 399