Pierre Monnoir

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Pierre Monnoir
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Naissance
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Française
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Association de défense des handicapées de l'Yonne (ADHY)

Association départementale d'aide aux victimes d'infractions et à la réinsertion sociale (ADAVIRS) de l'Yonne

Pierre Monnoir est un lanceur d'alerte, connu pour avoir révélé au grand public l'affaire dite des disparues de l'Yonne. Membre fondateur de l’Association de défense des handicapés de l’Yonne (ADHY), il retrouve et fédère les familles des victimes, qui se constituent partie civile dans la procédure judiciaire qui aboutit, en 2004, à la condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité du tueur en série Émile Louis, peine confirmée en appel en 2006.

Biographie[modifier | modifier le code]

Affaire des disparues de l'Yonne[modifier | modifier le code]

Entrée à l'APAJH de l'Yonne[modifier | modifier le code]

À la suite du décès de sa mère en 1985, Pierre Monnoir prend en charge son frère handicapé. En 1989, il le place à la Maison d'accueil spécialisée (MAS) d'Augy, un des centres gérés par l’Association pour adultes et jeunes handicapés (APAJH) de l'Yonne[1].

Le 15 mai 1992, avec Jeannette Beaufumé, salariée de l'APAJH, il fonde l’Association de défense des handicapées de l’Yonne (ADHY)[2].

Il entre rapidement au conseil d'administration de l'APAJH, dans le collège des membres élus. Peu au fait de la prise en charge institutionnelle des personnes handicapées et du fonctionnement de l'association, il jouit alors d'une certaine neutralité de point de vue. Mais en 1993, il est informé d'un récent rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), accablant pour la gestion de certains établissements de l'APAJH de l'Yonne. Ce rapport relève de graves dysfonctionnements et met notamment en cause les compétences de Nicole Charrier, directrice du Foyer Guette-Soleil, autre établissement géré par l'association[3],[4]. Ayant pris connaissance des constats et recommandations de ce rapport, Pierre Monnoir aborde le sujet à l'occasion d'une assemblée générale de l'association et demande que Nicole Charrier soit écartée de la direction du foyer[5]. Cette intervention suscite une vive opposition et, selon Pierre Monnoir, les premières menaces et tentatives de pression.

C'est cet incident qui le conduit à entrer en dissidence au sein de l'APAJH de l'Yonne et à s'intéresser de plus près à son fonctionnement.

Découverte des premières disparitions[modifier | modifier le code]

Avec l'aide de salariés de l'association, notamment d'un directeur d'établissement, il est informé des rumeurs de disparition de résidentes et il accède à des copies de leurs dossiers[6]. Il constate alors que ces disparitions ont été classées comme de simple fugues, ce qu'il juge peu crédible au regard du profil des jeunes-filles concernées. Il parvient à en identifier quatre : Madeleine Dejust, Chantal Gras, Bernadette Lemoine et Christine Marlot.

Il tente alors d'alerter des élus locaux, le Conseil général de l'Yonne et la Direction départementale des affaires sanitaires et sociale (DDASS), sans succès.

Médiatisation de l'affaire[modifier | modifier le code]

Confronté à l'absence de réponse des acteurs institutionnels concernés, Pierre Monnoir choisit de médiatiser les quatre disparitions.

Sa première prise de parole médiatique intervient le 22 mars 1995, sous la forme d'une courte séquence dans l'émission Les auditeurs ont la parole sur RTL : « [...] depuis une dizaine d'années, quatre jeunes-filles déficientes mentales ayant transité par cette institution [l'APAJH de l'Yonne] restent toujours portées disparues. Malgré la vigilance de certains personnels travaillant dans ces établissements et malgré leur dévouement, ceux-ci sont mis à l'index, car ils nuisent à l'image de marque de l'institution. Peut-on continuer à cautionner par notre silence cette situation ? »[7]

Pierre Monnoir entre ensuite en contact avec l'équipe de l'émission Perdu de Vue, diffusée sur TF1 et présentée par Jacques Pradel. Il livre les informations dont il dispose au journaliste Stéphane Munka et parvient à le convaincre de l'intérêt de conduire une enquête journalistique. Les investigations réalisées par le journaliste sur le terrain, notamment auprès des familles, permettent d'exclure l'hypothèse de fugues, en confirmant l'absence de réapparition des quatre jeunes-filles. Mis en contact avec le gendarme Christian Jambert, auteur d'une enquête préliminaire en 1984, Stéphane Munka découvre trois nouvelles jeunes-filles disparues : Françoise Lemoine, Martine Renaud et Jacqueline Weis. Toutes ont été prises en charge par l'APAJH de l'Yonne entre le milieu des années 1970 et le début des années 1980. Cette découverte porte le nombre des disparitions à sept[8].

Ces disparitions donnent lieu à quatre émissions de Perdu de Vue : le 25 mars 1996, le 29 avril 1996, le 3 juin 1996 et le 2 septembre 1996, auxquelles participent Pierre Monnoir et Jeannette Beaufumé. À l'occasion de la dernière émission, une interview de Christian Jambert est diffusée. Les soupçons pesant sur Émile Louis sont exposés[8].

Cette médiatisation contribue à donner un retentissement national à l'affaire et permet à l'ADHY d'entrer en contact avec les avocats Pierre Gonzalez de Gaspard et Corinne Hermann, rejoints ultérieurement par Didier Seban. Ces derniers vont ensuite accompagner les parties civiles tout au long de la procédure.

Malgré la diffusion des trois premières émissions, le parquet d'Auxerre ne se saisit pas immédiatement de l'affaire.

Accompagnement de la plainte des familles, jusqu'au procès d’Émile Louis[modifier | modifier le code]

Le 3 juillet 1996, Pierre Monnoir, l'ADHY et les avocats accompagnent les familles des victimes au tribunal d'Auxerre pour un dépôt de plainte avec constitution de partie civile. Non sans réticence, le juge d'instruction Benoit Lewandowski accepte finalement de recevoir les plaintes, mais refuse dans un premier temps de les instruire. Il faudra un arrêt de la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris pour qu'il y soit finalement contraint.

Pendant les dix années qui suivent, Pierre Monnoir et son association soutiennent et accompagnent les familles des victimes, jusqu'à la condamnation définitive d’Émile Louis à la réclusion criminelle à perpétuité par la Cour d'appel de Paris, le 27 juin 2006[8],[9].

Activités après 2006[modifier | modifier le code]

Plaintes pour harcèlement[modifier | modifier le code]

En septembre 2023, la presse fait état de trois plaintes émanant de salariés et de bénévoles de l'Association départementale d'aide aux victimes d'infractions et à la réinsertion sociale (ADAVIRS) de l'Yonne, visant Pierre Monnoir[10]. Les faits qui lui sont reprochés relèveraient essentiellement du harcèlement moral. Mais il serait également question d'allusions sexuelles répétées[11].

Les faits rapportés justifient l'ouverture d'une information judiciaire au printemps 2023, selon le procureur de la République d'Auxerre[11]. Ce dernier saisit le parquet général d'une demande de dépaysement judiciaire de l'affaire, en raison des liens existant entre le parquet d'Auxerre et l'ADAVIRS. Le dossier est finalement renvoyé vers le tribunal judiciaire de Fontainebleau.

Une ancienne administratrice de l'ADAVIRS évoque des faits similaires en 2019, ayant déjà donné lieu à un dépôt de plainte par une salariée de l'association. Cette plainte a fait l'objet d'un classement sans suite[12].

L'Association nationale France victimes, dont dépend l'ADAVIRS, affirme quant à elle n'avoir reçu aucun signalement et indique que les départs de salariés de l'association seraient liés à des situations personnelles et non au comportement de Pierre Monnoir[11].

Pierre Monnoir annonce sa démission de la présidence de l'ADAVIRS, à l'occasion du conseil d'administration de l'association du 26 août 2023. Selon lui, cette décision serait sans rapport avec les plaintes dont il fait l'objet.

Le 31 août 2023, il exerce son droit de réponse en faisant paraitre sa version des faits dans le quotidien local L'Yonne Républicaine[11].

La comparution devant le tribunal correctionnel de Fontainebleau de Pierre Monnoir et de Lionel Reber, son prédécesseur, poursuivi pour des faits similaires, est annoncée dans la presse pour le [13].

Distinctions[modifier | modifier le code]

Chevalier de l'ordre national du Mérite Chevalier de l'ordre national du Mérite[14]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Ils se sont battus pour que l'affaire éclate au grand jour », L'Humanité,‎ (lire en ligne)
  2. « Association de défense des handicapés de l'Yonne », sur Data-asso (consulté le )
  3. Jean-Marc Ducos, « Un rapport oublié accablait les responsables du foyer », Le Parisien,‎ (lire en ligne)
  4. Jean-Luc Rongé, « Yonne : de la disparition des jeunes : Les rapports de l'Inspection générale des affaires sociales », Journal du droit des jeunes, vol. 2001/9, no 209,‎ , p. 35-37 (ISSN 2114-2068, lire en ligne, consulté le ) :

    « Plus étonnante demeure l’absence de suites données au rapport d’audit de l’IGAS en juillet 1993 concernant le foyer «Guette Soleil» accueillant 45 déficients intellectuels adultes. Le signalement avait de quoi alarmer : direction absente, incompétente et irrespectueuse [...] La DDASS de l’époque ne s’est pas sentie investie de la responsabilité du suivi des recommandations de l’IGAS. La mission a constaté qu’aucune réponse n’avait été faite aux propositions transmises par l’association sur les suites qu’elle souhaitait donner au rapport. »

  5. S1 E7 : La loi du silence [Production de télévision], Thierry Fournet et Vincent Hérissé (réalisateurs), dans La conspiration du silence () France 3 Bourgogne-Franche-Comté et AMDA Production. Consulté le . La scène se produit à 23:55. “[Pierre Monnoir] Lors d'une assemblée générale de l'APAJH, je parlais d'incompétence et je demandais qu'on exclut cette personne de la direction du Foyer Guette-Soleil. Tollé général, menaces de mort, suspension de séance. Il y avait tout le staff de la ville d'Auxerre qui était là, du député-maire, il y avait beaucoup d'amis de Pierre et Nicolas Charrier, etc.”
  6. S1 E7 : La loi du silence [Production de télévision], Thierry Fournet et Vincent Hérissé (réalisateurs) () France 3 Bourgogne-Franche-Comté et AMDA Production. Consulté le . La scène se produit à 25:30.
  7. S1 E7 : La loi du silence [Production de télévision], Thierry Fournet et Vincent Hérissé (réalisateurs) () France 3 Bourgogne-Franche-Comté et AMDA Production. Consulté le . La scène se produit à 31:17.
  8. a b et c S1 E8 : Révélations [Production de télévision], Thierry Fournet et Vincent Hérissé (réalisateurs) () France 3 Bourgogne-Franche-Comté et AMDA Production. Consulté le .
  9. « Émile Louis a été condamné à la réclusion à perpétuité », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  10. « Disparues de l’Yonne : tombeur d’Émile Louis, Pierre Monnoir, accusé de harcèlement moral et sexuel : L’une des personnalités qui a permis de démasquer le tueur en série de l’Yonne fait l’objet de trois plaintes pour harcèlement. », Le Parisien,‎ (lire en ligne)
  11. a b c et d Thomas Ribierre, « Visé par trois plaintes pour harcèlement, Pierre Monnoir quitte la présidence de l'Adavirs 89 », L'Yonne Républicaine,‎ (lire en ligne)
  12. Éloïse Bussy, « Yonne : le lanceur d'alerte Pierre Monnoir, visé par trois plaintes pour harcèlement, quitte la présidence de l'Adavirs 89 », France 3 Bourgogne Franche-comté,‎ (lire en ligne)
  13. Thomas Ribierre, « Deux ex-présidents de l'Adavirs 89, Pierre Monnoir et Lionel Reber, convoqués en correctionnelle pour harcèlement moral », L'Yonne Républicaine,‎ (lire en ligne)
  14. France. « Décret du 14 mai 2001 portant promotion et nomination », NOR : PREX0104833D [lire en ligne (page consultée le 19 novembre 2023)]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Ouvrages[modifier | modifier le code]

Émission de télévision[modifier | modifier le code]

  • Document utilisé pour la rédaction de l’article Pierre Monnoir, simple citoyen [Production de télévision], Thierry Fournet et Camille Morhange (réalisateurs), dans La France en vrai sur France 3 Bourgogne-Franche-Comté (, 52:03 minutes) France Télévisions et AMDA Production. Consulté le .

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]