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Patrick Singaïny

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Patrick Singaïny
Patrick Singainy à l'Université de La Réunion, le 16 mars 2015.
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Patrick Singaïny, né le à St-Pierre de La Réunion, est à la fois un penseur[1], un écrivain, un essayiste, un théoricien de l'art et un artiste contemporain français de culture réunionnaise.

Durant les années 2010, à travers deux essais présentés de façon distincte et sous la forme de diptyques, il s’est distingué par son travail mené avec le penseur, médiologue et philosophe français Edgar Morin père de la pensée complexe, docteur honoris causa de 26 universités à travers le monde.

Biographie

Avec Edgar Morin, au Salon du Livre de Paris en mars 2011.

Patrick Singaïny a étudié au lycée Leconte de Lisle (Saint-Denis de La Réunion) et à l’université de Picardie Jules Verne (Amiens).

Durant son séjour en Martinique de 2000 à 2009, il fut journaliste, éditorialiste économique, socio-politique et critique d’art à l’hebdomadaire Antilla, où a débuté notamment l’écrivain martiniquais Patrick Chamoiseau, et dans lequel le penseur Edouard Glissant publiait régulièrement ses tribunes.

Par ailleurs, en tant que théoricien de l’art, il a contribué à la revue du laboratoire de recherches C.E.R.E.A.P.[2] (Centre d'Etudes et de Recherches en Esthétique et Arts Plastiques en lien avec l’université Panthéon-Sorbonne Paris 1) créé et dirigé par Dominique Berthet, docteur en Esthétique et Sciences de l'art, docteur en Philosophie. Dans le même temps, il a participé au collectif d’artistes contemporains Code Barre (l’association comptait à l’époque le guadeloupéen Henri Tauliaut et le martiniquais Hervé Beuze).

Débuts en Martinique et rencontre avec Aimé Césaire (2001)

A partir de sa rencontre avec le poète et homme politique martiniquais Aimé Césaire, auquel il consacrera deux essais[3],[4], il se forge une pensée propre qui émerge à la suite d'une conversation à bâtons rompus sur le thème de la différenciation entre « origines et racines ».

Une pensée qui, à partir de la notion de processus de créolisation issue des travaux d’Edouard Glissant, s’en détache et se singularise quand il met en équation, d’une part, le peuplement historique et, d’autre part, le peuplement contemporain. Selon Patrick Singaïny, la seconde partie débute après la cristallisation et la sédimentation d’une identité originale. Depuis, le penseur réunionnais désigne ainsi en chaque individu (qu’il se réclame du peuplement historique ou du peuplement contemporain) une identité tellurique et une identité aérienne.

Diptyques avec Edgar Morin (2012 à 2015)

C’est en préparant son premier ouvrage sur l’intellectuel martiniquais décédé en 2008, auquel l’homme de la pensée complexe accepte de participer, qu’il rencontre véritablement Edgar Morin en se confrontant plus directement à son univers et notamment à sa réflexion sur la francisation. L’occasion pour lui de travailler sur ce qu’est être français au XXIe siècle à partir de son équation identitaire liant identité tellurique et identité aérienne, mais aussi à partir de ce qu’il appelle le siècle des Ténèbres, l’autre face du siècle des Lumières: l’esclavage et la colonisation[5].

En 2019, il approfondira son équation identitaire en déterminant la période de cristallisation identitaire de la société réunionnaise: la période qui couvre la fin du travail forcé (l’arrêt de l’engagisme) vers 1931, et la fin de la seconde guerre mondiale et le début de la départementalisation en 1946[6].

Pour le penseur, la réunionnisation[7] a eu lieu pendant cette courte période, où l’île a été complètement isolée confrontée à la faim, la maladie et l’extrême pauvreté, contraignant les habitants à s’entraider en dépit des différences sociales, ethniques et religieuses[6].   

L’identité banian et réflexions philosophiques sur l’ego (2019)

A partir de 2016, le parcours de Patrick Singaïny s’oriente vers la voie philosophique, après un court voyage à Pondichéry dans le sud de l’Inde. Il  s’y était rendu pour honorer une ancienne promesse faite à son grand-père paternel[8] et renouveler sa pensée. Il découvre qu’en Inde le banian du Bengale peut proliférer librement sur un grand espace. Un arbre hors du commun qui peut atteindre la taille de deux terrains de football et dont les branches deviennent troncs. Son approche de l’identité s’en trouve approfondie lorsqu’il observe que le banian gigantesque peut avoir perdu son tronc principal. Il en fait alors une parabole philosophique en décrivant la partie ancrée de l’identité comme pouvant être agie par des ramifications insoupçonnées situées dans de nombreux autres pays, abolissant ainsi la surdétermination de la seule origine.  

Lors de ce même séjour, il découvre également la source de son nom, et, selon son récit, vit un parcours similaire à celui d’un certain Veera Raghavan[9]. C’est à partir de l’histoire de ce pêcheur tamoul du XVIIe siècle, transmise de génération en génération à travers tout le Tamil Nadu, qu’il est amené à approfondir et à s’approprier la philosophie non-dualiste indienne, et à développer des considérations sur et autour de l’ego.

Le théoricien de l’art et l’artiste contemporain (depuis 2000)

Œuvre de Patrick Singaïny, livrée le 18 décembre 2013 à Sainte-Suzanne

Esthétique du dépassement par appropriation d’un lieu chargé d’histoire.

  • En 2000, au sein du collectif d’artistes contemporains Code Barre, Patrick Singaïny introduit l’esthétique du dépassement à partir d’un ensemble d’installations effectuées par les 3 artistes du groupe au Fort Delgrès à Basse Terre (Guadeloupe), lieu hautement chargé d’histoire où les Guadeloupéens se sont battus contre le rétablissement de l’esclavage par Napoléon. Il s’agissait de dépasser les schémas mentaux hérités de l’esclavage et de la colonisation[10]. L’artiste réunionnais avait construit au sein du fort, un dispositif de deuil. À l’entrée, le visiteur qui avait été interpellé à travers toute la ville et guidé par des pierres blanches jusqu’au monument historique, devait avoir déjà rédigé ce qu’il souhaitait en secret dépasser. Muni de cet écrit, il devait, à la nuit tombée, traverser une impressionnante allée de feu conduisant jusqu’à un dispositif où 3 textes étaient apposés : celui de Roger de Jaham[11] daté de 1998 reconnaissant, à travers la signature des 400 familles de Békés (descendants des esclavagistes), le caractère déshumanisant de l’esclavage, le texte de Christiane Taubira daté de 1999 qui faisait reconnaître à l’Etat Français l’esclavage comme crime contre l’humanité, et le texte de Patrick Chamoiseau daté de 2000 intitulé « De l’esclavage à la réparation ».
  • En , Patrick Singaïny s’empare du phare de Sainte-Suzanne, seule phare encore érigé à La Réunion, pour en faire à demeure un monument à la personnalité réunionnaise. Il y fait apposer une vitrophanie qui montre le drapeau régional réunionnais s’illuminant la nuit quand la lampe du phare vient l’éclairer.

Esthétique de l’agir par la transgression

  • En 2001, Patrick Singaïny introduit l’esthétique de l’agir déjà articulée lors de l’investissement du Fort Delgrès, en travaillant avec les artistes contemporains Alexandre Cadet-Petit et Monique Monteil. Avec l’aide de stagiaires, les artistes collaborent à une installation transgressive au cœur de Fort-de-France à laquelle les foyalais étaient invités à participer joyeusement. L’esthétique de l’agir sera d’ailleurs évoquée dans un numéro[12] de la revue du CEREAP.
  • En 2009, tout juste rentré à La Réunion, Patrick Singaïny se souvenant encore de l’acte appropriatif du Fort Delgrès, organise une installation sauvage au monument dédié à Michel Debré à Saint-Denis de La Réunion pour agir et manifester son soutien à l’édification de la MCUR (Maison des Civilisations et de l’Unité Réunionnaise) qui, in fine, n’a pu voir le jour.

Esthétique du futur antérieur par l’image complexe

  • En 2013, à partir des images fantomatiques de l’artiste photographe Séverine Chauveau[13] alors établie à La Réunion depuis plus de 20 ans et personnellement sensible à la problématique de la mémoire, il détermine ce qu’il nomme une esthétique du Futur Antérieur à travers la série Images hantées, anté-images dans le livre éponyme.
  • Patrick Singaïny est amené à conférer à ces images présentant un entre-deux (entre ce qui était là et ce qui ne l’est plus) une autre dimension. Pour le théoricien de l’art, à cause de l’indécision temporelle et de la charge mémorielle, il s’agit d’un autre type d’image, qu’il appellera image complexe en 2015, lors d’une conférence donnée au colloque organisé par l’ESA (École supérieure d’art de La Réunion) intitulé « L’image et son dehors: contours, transitions, transformations ».

Essais

Notes et références

  1. Emmanuel Khérad, « Raphaël Enthoven, David Diop, Karine Rosso, Patrick Singainy », sur France Inter, (consulté le )
  2. « Recherches en esthétique-cereap-site officiel », sur site-du-cereap (consulté le )
  3. Sous la direction de Patrick Singaïny, Aimé Césaire pour toujours, Editions Orphie,
  4. Avec Ina Césaire, Aimé Césaire, 10 ans après, Paris, Editions L'Esprit du Temps,
  5. La France une et multiculturelle, Paris, Editions Fayard, , p 36-37, 39
  6. a et b Patrick Singaïny, « Tribune : Comprendre qui nous sommes », Le Quotidien de La Réunion,‎ , p 2.
  7. Réunionnité via pondichéry, Editions L'Esprit du Temps, , p 54
  8. Réunionnité via Pondichéry, Paris, Editions L'Esprit du Temps, , p 17
  9. Réunionnité via Pondichéry, Paris, Éditions L'Esprit du Temps, , p 45
  10. Yvor J. Lapinard, « L'art contemporain investit le Fort Delgrès », France-Antilles Guadeloupe,‎
  11. « Roger de Jaham : Le béké dissident », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  12. « Articles 25. ALEXANDRE CADET-PETIT ET MONIQUE MONTEIL, "L'ESTHÉTIQUE DE L'AGIR" ENTRETIEN AVEC DOMINIQUE BERTHET ET PATRICK SINGAÏNY (2001) », sur www.editions-harmattan.fr (consulté le )
  13. « IMAGES HANTEES - ANTE IMAGES », sur photographie (consulté le )

Liens externes