Jeanne de Geneville

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Jeanne de Geneville (2 février 1286 – 19 octobre 1356), suo jure baronne Geneville, comtesse de March, baronne Mortimer, connue aussi sous le nom de Jeanne de Joinville, était la fille du seigneur Piers de Geneville et de Jeanne de Lusignan. Elle hérita des possessions de ses grands-parents paternels, Geoffroy de Geneville, 1er baron Geneville, et Mahaut de Lacy. Elle était l'une des plus riches héritières des Marches galloises et du comté de Meath, en Irlande. Elle fut l'épouse de Roger Mortimer, 1er comte de March, de facto régent de l'Angleterre de 1327 à 1330. Elle succéda suo jure au titre de baronne Geneville le 21 octobre 1314 après la mort de son grand-père Geoffroy[1],[2].

En conséquence de la révolte de son mari contre le roi Édouard II d'Angleterre, elle fut emprisonnée au château de Skipton deux années durant. Après l'exécution de son époux en 1330, Jeanne fut à nouveau placée sous surveillance. En 1336, ses terres lui furent restituées, après le pardon accordé par le roi Édouard III pour les crimes de son mari, le comte de March.

Famille et Héritage

château de Ludlow dans le Shropshire, lieu de naissance de Jeanne de Geneville

Jeanne naquit le 2 février 1286 au château de Ludlow dans le Shropshire[3]. Elle était la fille aînée du seigneur Piers de Geneville, de Trim et de Ludlow, dont le père, le seigneur Geoffroy de Geneville, 1er baron Geneville, était Justicier d'Irlande. Sa mère Jeanne de Lusignan était la fille de Hugues XII de Lusignan, comte de la Marche et d'Angoulême, et sœur de Yolande de Lusignan, comtesse de la Marche suo jure. Jeanne avait également deux autres sœurs, Mathilde et Béatrice, qui devinrent nonnes au prieuré d'Aconbury[4], ainsi que deux demi sœurs issues du premier mariage de sa mère avec Bernard-Ezi III, seigneur d'Albret: Mathe, Dame d'Albret (morte en 1283), et Isabelle, Dame d'Albret (morte le 1er décembre 1294), épouse de Bernard VI, Comte d'Armagnac.

À la mort de son père survenue en Irlande peu avant juin 1292, Jeanne devint l'une des plus riches et des plus convoitées héritières des Marches galloises, avec des possessions allant de la cité et du château de Ludlow, à la seigneurie d'Ewyas Lacy, laux manoirs de Wolferlow, Stanton Lacy, et Mansell Lacy dans le Shropshire et le Herefordshire, en passant par une partie considérable du Comté de Meath en Irlande[5],[6]. Elle était censée hériter de tout cela après la mort de son grand-père Geoffroy mais en 1308, ce dernier transféra la plupart des possessions qu'il tenait de son épouse Mahaut de Lacy à Jeanne et son époux, Roger Mortimer. Ils vinrent tous deux à Meath s'investir de leurs pouvoirs le 28 octobre de la même année. Geoffroy de Geneville mourut le 21 octobre 1314 chez les Frères Prêcheurs de Trim, et Jeanne lui succéda, devenant suo jure 2e Baronne Geneville[1],[2].

Mariage

Jeanne épousa Roger Mortimer, fils aîné d'Edmond Mortimer, baron Mortimer de Wigmore, et de Marguerite de Fiennes le 20 septembre 1301 au manoir de Pembridge[7]. Ce mariage était un immense bénéfice pour Mortimer, puisqu'il lui apportait en plus de ses riches possessions influence et prestige[8],[9]. Trois ans plus tard, Roger succéda au titre de baron Mortimer, faisant de Jeanne la nouvelle baronne Mortimer. Il fut armé chevalier lors de la Pentecôte 1306, le 22 mai, par le roi Édouard I d'Angleterre. L'adoubement eut lieu en l'Abbaye de Westminster et fut connu sous le nom de la Fête des cygnes, tous les chevaliers présents faisant leurs vœux au-dessus de deux cygnes[10]. Deux cent cinquante-neuf autres jeunes hommes furent adoubés en même temps que Mortimer, dont le prince de Galles, qui allait devenir peu après le roi Édouard II. Après la cérémonie, on tint un immense banquet dans la Grand-Salle de Westminster[11].

Après avoir pris possession de leurs terres irlandaises en 1308, Jeanne et Roger firent de constants aller-retour entre leurs domaines en Irlande et ceux des Marches galloises. Considérant que Jeanne fit le choix de suivre son époux et qu'elle eut, sur une période de dix-sept ans, pas moins de douze enfants viables, le biographe de Roger Mortimer, Ian Mortimer, suggère que le couple partageait plus d'intimité et de d'affection qu'il n'était usuel d'en trouver à la même époque à l'intérieur des unions aristocratiques ; selon lui, « un partenariat médiéval de bénéfices et de sécurité mutuelle »[12]

Progéniture

Jeanne et Mortimer eurent douze enfants viables [12],[13],[14]:

Effigies de la fille de Jeanne, Katherine Mortimer et de son époux Thomas de Beauchamp, comte de Warwick. St. Mary's Church, Warwick

La liaison de Mortimer et de la reine Isabelle

Roger Mortimer serait prétendument représenté à l'arrière-plan, avec la reine Isabelle de France dans cette enluminure du XIV° siècle

Mortimer fut nommé Lord lieutenant d'Irlande le 23 novembre 1316 et s'embarqua pour le pays avec une importante force armée en février 1317[16]. Là, il combattit les Écossais conduits par Édouard Bruce, le plus jeune frère de Robert Bruce (qui espérait le faire roi d'Irlande), ainsi que leurs alliés irlando-normands, les Lacy - parents notamment de Jeanne de Geneville. Jeanne accompagna son mari en Irlande, et tous deux revinrent en Angleterre en 1318, après que Mortimer eut conduit les Écossais au nord, à Carrickfergus, et dispersé les Lacy. Durant quelques années, Mortimer ne s'occupa que des querelles baroniales sur les frontières galloises ; cependant, l'influence croissante des Despencer sur le roi éloignèrent Mortimer de son souverain, particulièrement lorsque ce dernier gratifia Hugues le Despenser le Jeune de terres appartenant de droit à Mortimer[17].

En octobre 1321, le roi Édouard et ses troupes firent le siège du château de Leeds, après que Marguerite de Clare, femme de son châtelain Bartholomé de Badlesmere, baron Badlesmere, en eut refusé l'accès à la reine Isabelle de France et ordonné par la suite à ses archers de repousser l'escorte d'Isabelle qui avait tenté d'entrer par la force. Elizabeth, troisième fille des Badlesmere, était mariée au fils aîné de Jeanne et de Roger, Edmund. Le roi exploita sa popularité nouvelle à l'issue de sa victoire à Leeds pour rappeler en Angleterre les Despencer, que les Seigneurs Ordainers, conduits par Thomas Plantagenêt, comte de Lancastre, cousin du roi, avaient fait exiler en août 1321[18]. Les seigneurs des Marches, déjà dans un état proche de l'insurrection dès avant le bannissement des Despencer[n 1], se levèrent aussitôt contre le roi, à leur tête Mortimer et l'Ordainer Humphrey de Bohun, 4e comte d'Hereford[19]. Le roi écrasa la rébellion, connue sous le nom de la guerre des Despenser ; Mortimer et son oncle Roger Mortimer de Chirk déposèrent les armes à Shrewsbury le 22 janvier 1322. Ils furent envoyés comme prisonniers à la Tour de Londres[17], détenus dans des quartiers malsains et humides. Cela fut sans doute l'une des causes de la mort de Mortimer de Chirk, qui survint en 1326. L'époux de Jeanne fut plus chanceux : parvenu à droguer le connétable de la Tour ainsi que les gardes, il s'enfuit vers la France le 1er août 1323[20]. C'est là qu'il devint plus tard l'amant d'Isabelle de France, écarté de son époux par l'influence des Despencer. Elle avait été envoyée en France par Édouard II afin de négocier la paix touchant au duché d'Aquitaine (ou Guyenne) mais elle avait saisi l'occasion pour demander de l'aide à son frère, le roi de France Charles IV pour se débarrasser des Despencer[21]. Le scandale de leur liaison les obligea à quitter la cour de France et à se réfugier en Flandre, où ils obtinrent de l'aide pour l'invasion de l'Angleterre[22].

L'emprisonnement de Jeanne

château de Skipton, Yorkshire, où Jeanne fut enfermée de 1324 à 1326

Alors que le couple adultère était encore en France, le roi Édouard II fit arrêter Jeanne et ses enfants, qu'il plaça sous sa garde et « traita avec sévérité »[23]. En avril 1324, Jeanne fut extraite du Hampshire où elle avait été confinée dans une maison d'arrêt et envoyée au château de Skipton dans le Yorkshire; là, elle fut emprisonnée dans une cellule où elle endura de considérables souffrances et duretés[24]. La plupart de sa domesticité avait été démise, et on ne lui avait permis qu'un très petit nombre de serviteurs pour l'entourer. Elle ne recevait qu'un marc par jour pour ses besoins, et devait de plus nourrir ses domestiques[25]. Plus tard, on lui accorda dix marcs per annum à Pâques et à la Saint-Michel pour de nouveaux vêtements[26]. Ses filles vécurent de pires privations puisqu'elles furent dispersées dans divers maisons religieuses avec encore moins d'argent pour leur entretien[25]. Jeanne fut transférée par la suite de Skipton au château de Pontefract en juillet 1326[27].

Comtesse de March

Mortimer et Isabelle accostèrent en France deux mois plus tard, en septembre 1326, et les forces d'Henri Plantagenêt, comte de Lancastre et de Leicester les rejoignirent. Le 16 novembre, le roi Édouard était fait prisonnier et probablement assassiné au château de Berkeley, par des assassins à la solde de Mortimer[28]. De 1327 à 1330, Mortimer et Isabelle tinrent conjointement lieu de régents au nom du fils d'Isabelle et d'Édouard, le roi Édouard III qui avait été couronné après la mort de son père. Mortimer fut fait connétable du château de Wallingford ; en septembre 1328, il fut créé comte de March. Par conséquent, Jeanne devenait comtesse de March en plus de ses autres dignités ; mais on ne sait rien de ce qu'elle pensa de l'ascension de son époux, ni surtout de sa liaison avec la reine. La seule chose qui ait été établie, c'est que Jeanne ne prit jamais part à l'insurrection de son mari contre le roi Édouard II[29].

Mortimer et Isabelle étaient de facto les maîtres du pays. L'hostilité contre le pouvoir qu'exerçait Mortimer sur le pays mais également sur le jeune roi grandissait ; son ancien ami le comte Henri de Lancastre et de Leicester encourageait le roi à se débarrasser du comte de March. Quand Mortimer ordonna l'exécution du comte Edmond de Kent, oncle du roi, cousin de Lancastre, la colère et le scandale se répandirent par tout le pays. Le roi renversa sa mère et son amant ; Mortimer fut pris, arrêté et pendu le 29 novembre 1330, au gibet de Tyburn[30].

À la suite de l'exécution de son époux, Jeanne, femme d'un traître, fut à nouveau emprisonnée, encore dans le Hampshire ; ses enfants à nouveau placés sous surveillance. En 1331, elle reçut une indemnité pour les dépenses de sa Maison ; cependant, ses terres ne lui furent restituées qu'en 1336, après que le roi Édouard III eut accordé son pardon pour les crimes de Roger Mortimer. En 1347, on lui rendit Trim[31]

Mort

Jeanne de Geneville, baronne Geneville, comtesse douairière de March, mourut le 19 octobre 1356, à soixante-dix ans. Elle fut enterrée à l'abbaye de Wigmore aux côtés de son époux, dont le corps avait été rendu par le roi Édouard III à la demande de Jeanne. Sa tombe n'existe plus, ayant été détruite lors de la dissolution des monastères, et seules des ruines demeurent aujourd'hui.

La nombreuse descendance de Jeanne de Geneville compte l'actuelle Famille royale britannique, Sir Winston Churchill, et le premier président des États-Unis d'Amérique, George Washington.

Notes

  1. Débutées en février 1321, des attaques dévastatrices avaient été menées par Mortimer et d'autres seigneurs sur les possessions des Despencer en pays de Galles ; Mortimer et ses hommes avaient aussi tenté d'entrer dans Londres. Ces évènements, parmi d'autres, avaient rendu inévitable la demande de bannissement des Despencer auprès du roi par les Ordainers.

Références

  1. a et b Hammond, Peter W. (1998), editor. The Complete Peerage or the History of the House of Lords and All its Members From the Earliest Times, Volume XIV: Addenda & Corrigenda. Stroud, Gloucestershire, UK: Sutton Publishing. p. 87
  2. a et b Cokayne, G. E. (2000). The Complete Peerage of England, Scotland, Ireland, Great Britain and the United Kingdom, Extant, Extinct or Dormant, nouvelle édition, 13 Volumes in 14 (1910-1959); réimprimé en 6 Volumes, UK: Alan Sutton Publishing. Volume II, p. 130 Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « cokayne130 » est défini plusieurs fois avec des contenus différents.
  3. Calendarium Genealigicum. p. 449
  4. Cawley, Charles (2010). Medieval Lands, Champagne Nobility, Seigneurs de Joinville. De Dugdale Monasticon V, Tintern Abbey, Monmouthshire V, In Chronicis Abbatiae Tynterne in Wallia. p.270
  5. Costain, Thomas B. (1958). The Three Edwards. Garden City, New York: Doubleday and Company, Inc. p. 196
  6. G. Holmes. Estates of the Higher Nobility in Fourteenth Century England. p. 11-12
  7. Holmes, G. A. (2009). The Estates of the Higher Nobility in Fourteenth-Century England. UK: Cambridge University Press. p. 11
  8. Costain, p. 205
  9. Mortimer, p. 13
  10. Haines, Roy Martin (2003). King Edward II: Edward of Caernarfon, his life, his reign, and its aftermath. Canada: McGill-Queens University Press. p. 16-17.
  11. Haines, p. 16-17
  12. a et b Mortimer, p. 20
  13. Cawley, Charles (2010). Medieval Lands, England, Earls-creations 1207-1466
  14. thePeerage.com. De G. E. Cokayne. The Complete Peerage of England, Scotland, Ireland, Great Britain and the United Kingdom, Extant, Extinct, or Dormant, Volume I, p. 24, 339; Volume III, p. 161
  15. Charles Hopkinson and Martin Speight, The Mortimers: Lords of the March (Logaston Press 2002), p. 84-5.
  16. Cawley, Charles (2010). Medieval Lands, English earls 1207-1466
  17. a et b Costain, p. 197
  18. Costain, p. 195
  19. Costain, p. 196-97
  20. Costain, p. 207-08
  21. Costain, p. 209-212
  22. Costain, p. 213-16
  23. Costain, p. 212
  24. Mortimer, Ian (2003). The Greatest Traitor: The Life of Sir Roger Mortimer, Ruler of England, 1327-1330. UK: Jonathan Cape Ltd. p. 145
  25. a et b Mortimer, p. 136.
  26. Seabourne, Gwen (2011) Imprisoning Medieval Women: The Non-Judicial Confinement and Abduction of Women in England, c.1170-1509. Great Britain: Ashgate Publishers Ltd. p. 73
  27. Moor, Charles (1930): Knights of Edward I, Publications of the Harleian Society Volume 82 of Knights of Edward I, Charles Moor. USA: University of Michigan. p. 220.
  28. Costain, p.236-7.
  29. Seabourne, p. 65.
  30. Costain, p. 274-75.
  31. Dictionary of National Biography (1885-1900), Volume 39, Mortimer, Roger de (1287-1330) par Thomas Frederick Tout (1894). Extrait de Rotulae Parliamentariae ii. 223a.

Bibliographie

  • Costain, Thomas B. (1958). The Three Edwards. Garden City, New York: Doubleday and Company, Inc.
  • Cawley, Charles (2010). Medieval Lands, Champagne Nobility, Seigneurs de Joinville
  • Cokayne, G. E. (2000). The Complete Peerage of England, Scotland, Ireland, Great Britain and the United Kingdom, Extant, Extinct or Dormant, new edition, 13 Volumes in 14 (1910-1959); reprint in 6 Volumes, Gloucester, UK: Alan Sutton Publishing
  • « thePeerage.com entry » (consulté le )
  • Haines, Roy Martin. (2003). King Edward II: Edward of Caernarfon, his life, his reign, and its aftermath. Canada: McGill-Queens University Press
  • Mortimer, Ian (2003). The Greatest Traitor: The Life of Sir Roger Mortimer, Ruler of England, 1327-1330. UK: Jonathan Cape Ltd.
  • Seabourne, Gwen (2011). Imprisoning Medieval Women: The Non-Judicial Confinement and Abduction of Women in England, c.1170-1509. Great Britain: Ashgate Publishers Ltd.

Voir aussi