Décrochage (aérodynamique)

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"Décrochage"
Influence de l’angle d'attaque sur l’apparition du décollement de la couche limite puis du décrochage.

En aéronautique, le décrochage est la perte généralement brusque de portance d’un aéronef, ou d’une structure portante (aile, ailette ou rotor principal). Dans cette circonstance, un avion n'est plus soutenu par l'air et tombe comme une pierre.

Pour un avion, il est dû à une incidence (angle d’attaque) trop importante entre la direction du vent relatif et la surface des ailes. Si le décrochage survient souvent lorsque la vitesse est basse, il peut se produire en fait à n’importe quelle vitesse.

Le décrochage peut aussi concerner les pales du rotor d’un hélicoptère (décrochage rotor) ou les ailettes du compresseur d'un turboréacteur (pompage réacteur).

Les voiliers sont également concernés par le phénomène de décrochage, au niveau des voiles ou des appendices immergés (dérives, safrans, foils).

Principes du décrochage et de la sortie de décrochage

Profil d'aile en soufflerie en situation de décrochage: les filets d'air se sont décollés de l'extrados.
Graphique donnant l'évolution du coefficient de portance en fonction de l'angle d'attaque. Le décrochage survient dans ce cas pour un angle d'incidence de 15°

En vol normal, l'écoulement de l'air est régulier sur les deux faces, intrados et extrados, de l'aile. Les filets d'air collent au profil de l'aile, ce qui favorise la portance.

La portance dépend de l'angle d'incidence[1], angle que fait la corde de profil de l'aile avec le vecteur vitesse. Lorsque l'angle d'incidence augmente, la portance augmente, et l'écoulement à l'extrados commence à se décoller aux alentours du bord de fuite (décollement de la couche limite).

Arrivée à une certaine valeur d'angle d'incidence, de l'ordre de 5 à 20°, selon les caractéristiques de l'aile (profil, allongement, etc.) et le nombre de Reynolds, il se produit un décollement de l'écoulement aérodynamique à l'extrados de l'aile entraînant une brusque chute de portance : c'est à ce moment que l'aile décroche.

À la suite d'un décrochage, il faut pousser sur le manche pour retrouver un angle d'incidence inférieur à l'incidence de décrochage, ce qui permet généralement de redonner de la vitesse à l'avion en piquant légèrement, avant de tirer doucement pour redresser la trajectoire et cabrer à nouveau.

Types de décrochage

  • Le décrochage à plat : la faible vitesse de l'avion tend à le faire descendre, mais si le nez de l'appareil reste toujours au-dessus de la ligne d'horizon, l'avion décroche, il suffit de pousser le manche pour rétablir une vitesse et annuler le décrochage, remettre un peu de gaz. A 1,3 de Vs, on effectue une ressource souple, et retour en configuration de départ.
  • Le décrochage dynamique : c'est un effet aérodynamique mal assuré non linéaire qui se produit quand les surfaces portantes changent rapidement l'angle d'attaque. Le changement rapide peut faire un fort tourbillon répandu du bord principal de l'aile et du à reculons au-dessus de l'aile. Le tourbillon, en contenant de hauts écoulements d'air accélérés, augmente brièvement l'ascension produit par l'aile. Aussitôt qu'il passe derrière le bord traînant, l'ascension se réduit radicalement et l'aile est dans le décrochage normal.
  • Le décrochage de dos est comme le décrochage a plat.

La vitesse de décrochage

Schéma montrant les force s'exerçant sur l'avion en virage
Illustration du décrochage en virage.
Plus le virage est serré, plus la portance (et donc l'angle d'attaque) doit être élevée pour contrer la somme de la force centrifuge et du poids. Si l'angle d'attaque critique est dépassé, l'avion décroche même si la vitesse reste constante.

Le décrochage dépend essentiellement de l'angle d'incidence. Cette augmentation d'angle d'incidence se produit lorsqu'on veut diminuer la vitesse tout en maintenant l'avion en vol. En effet, plus la vitesse de vol est basse et plus il faut augmenter l'angle d'incidence en tirant sur le manche. Pour une même configuration de vol (par exemple, en palier avec les volets rentrés), il y a donc une vitesse en dessous de laquelle l'angle d'incidence sera tellement important que l'avion décrochera. C'est une vitesse de décrochage, souvent notée VS (pour stall = décrochage).

On peut donc atteindre l'incidence de décrochage à des vitesses très variables en fonction de:

  • La position des dispositifs hypersustentateurs (becs, volets). Lorsqu'ils sont déployés, ils diminuent la vitesse de décrochage.
  • La masse de l'avion. Plus elle est importante et plus la vitesse de décrochage est importante.
  • Le facteur de charge . Plus il est important et plus la vitesse de décrochage est importante. C'est le cas en virage.

La vitesse de décrochage évolue approximativement selon la racine carrée du facteur de charge:

avec la vitesse de décrochage, vitesse de décrochage sans inclinaison et le facteur de charge.

La vitesse de décrochage augmente donc en virage car:

Avec est le facteur de charge et Φ est l'angle de d'inclinaison.

Par exemple, un avion qui a une vitesse de décrochage de 100 km/h sous un facteur de charge de 1:

  • décrochera à environ 140 km/h sous un facteur de charge de 2, par exemple lors d'un virage à grande inclinaison de 60°,
  • décrochera à environ 200 km/h sous un facteur de charge de 4, par exemple lors d'un virage à 75° ou d'une ressource à la suite d'un piqué,
  • ne décrochera qu'à 70 km/h à 0,5 (lors d'une évolution en cloche).

On parle souvent abusivement de vitesse de décrochage comme d'une caractéristique de l'avion — aux débuts de l'aviation, le décrochage était nommé perte de vitesse — en sous-entendant que l'avion vole en palier stabilisé (facteur de charge égal à 1).

Réglementation

La réglementation définit une vitesse conventionnelle de décrochage VSR[2]. Il s'agit de la vitesse minimale de vol stabilisé à laquelle l’avion est contrôlable avec une poussée nulle et le centrage le plus défavorable.

Comme elle dépend de la configuration de l'appareil, on définit les vitesses de décrochage suivantes :

  • VSR0 : vitesse de décrochage en configuration atterrissage
  • VSR1 : vitesse de décrochage en configuration spécifique (en approche, en lisse, etc.)

La vitesse de décrochage entre en ligne de compte dans la définition de plusieurs autres vitesses réglementaires : par exemple, la vitesse minimale d'approche VREF est généralement définie égale à 1,3.VSR0 (le coefficient de 1,3 procurant une marge de sécurité de 30 %).

Sur certains appareils, les commandes de vol électriques peuvent empêcher d’atteindre VSR (protection de l'enveloppe de vol pour raison de sécurité). Dans ce cas, la vitesse de décrochage retenue va être VS1g qui est une vitesse de décrochage à facteur de charge unitaire. Dans ce cas, les vitesses de référence qui dépendent de la vitesse de décrochage (comme VREF) sont calculées à partir de VS1g.

Jusqu'à VS1g, on peut maintenir un palier stabilisé. En deçà et jusqu'à VSR, on peut contrôler l'appareil mais plus maintenir le palier.

Nota : On trouve fréquemment la notation VS (ainsi que ses dérivés VS0 et VS1), mais cette notation n'est plus utilisée dans les réglementations car elle n'est pas assez précise (comme énoncé plus haut, il existe plusieurs vitesses de décrochage)[3]. VS vient de l'anglais velocity of stall, vitesse de décrochage.

Conséquences du décrochage

Lors du décrochage, l'avion s'enfonce, et perd rapidement de l'altitude. Il peut effectuer une abattée c'est-à-dire qu'il va piquer du nez même si on tire sur le manche. Près du sol, par exemple en dernier virage précédant l'atterrissage, la perte d'altitude peut ne pas être rattrapée.

Si une seule aile décroche, on parle de décrochage dissymétrique, ce qui peut conduire à une vrille.

Accidents aériens dus à des décrochages

  • Au décollage :
    • Vol 5022 Spanair (2008) : décrochage au décollage près du sol, dû à un oubli des volets. L'alarme de détection de l'oubli des volets n'a pas fonctionné.
  • En croisière (dans ces deux cas, le décrochage a été tellement "doux" que la descente n'a pas été ressentie par les pilotes ni les passagers[4]):
    • Vol 708 West Caribbean (2005) : pilotage automatique mis en situation de décrochage, à cause d'une mauvaise connaissance des performances de l'avion, un manque de vigilance et une mauvaise gestion du décrochage (160 morts).
    • Vol 447 Air France (2009) : décrochage dynamique en haute altitude, provoqué par une manipulation du copilote aux commandes, et non détecté à cause d'une situation inhabituelle (perte des informations de vitesse) et d'un manque d'expérience des deux pilotes aux commandes (Commandant de bord en période de repos) (228 morts).
  • En approche :
    • Vol 4184 American Eagle : décrochage dû au givre.
    • Vol 888T XL Airways Germany (2008) : exercice de décrochage mal géré, à basse altitude (approche), avec un système de détection du décrochage inopérant.
    • Vol 1951 Turkish Airlines (2009) : sur le point d'atterrir, le pilote automatique du Boeing 737 effectue un arrondi en diminuant la vitesse et en levant le nez de l'avion, à 500 pieds du sol. L'avion décroche. Cela était dû à un radiomètre défectueux et un équipage qui n'a pas réagi assez tôt.
    • Vol 3407 Continental Airlines (2009) : en phase d'approche, l'équipage a mené involontairement l'avion au décrochage et n'a pas su en sortir ; les deux pilotes avaient accumulé de la fatigue.
  • En virage :

La prévention du décrochage

L'avertissement du décrochage

Détecteur de décrochage. Lorsque l'air attaque de manière trop importante depuis le dessous de l'aile, la languette change de position et active une alarme.

Plusieurs indices permettent de détecter l'approche du décrochage :

  • les gouvernes deviennent molles, elles sont moins efficaces ;
  • l'avion vibre (c'est le buffeting), cela est dû à l'écoulement tourbillonnaire de l'air sur l'aile après le décollement des filets ;
  • l'avertisseur de décrochage. C'est une palette située sur le bord d'attaque de l'aile qui est soulevée vers le haut par le vent relatif lorsque l'angle d'incidence atteint une valeur proche de l'incidence de décrochage. Le pilote est averti par une lumière et/ou par une sonnerie.
  • Il se déclenche à 1,1. de Vsro.[pas clair]

Les dispositifs hypersustentateurs

L'aile de l'avion est conçue pour avoir son meilleur rendement à la vitesse de croisière. Mais elle doit permettre également de maintenir l'avion à basse vitesse, lors notamment des phases de décollage et d'atterrissage. Ces deux objectifs sont contradictoires, l'aile est donc conçue pour la vitesse la plus élevée et des dispositifs ont été mis au point pour déformer le profil de l'aile à faible vitesse. Ce sont des dispositifs hypersustentateurs qui sont principalement les volets et les becs de bord d'attaque. Ces dispositifs agissent de différentes façons, en augmentant la cambrure du profil et permettant ainsi de garder une portance suffisante malgré la baisse de vitesse ou en ré-énergisant localement la couche limite à l'aide d'un apport d'air provenant de l'intrados ce qui prévient son décollement du profil.

Le « vrillage négatif » d'une aile

Le « vrillage négatif » d'une aile, c'est-à-dire un angle d'incidence du profil au saumon inférieur à celui de l'emplanture, permet de retarder, sinon d'avertir du décrochage. En effet, cette différence d'incidence fait que l'emplanture de l'aile décroche avant le saumon. Aux abords du décrochage, l'emplanture de l'aile ne porte plus, l'aile sustente moins l'aéronef, et celui-ci « s'enfonce » sans faire d'abattée violente. Le décrochage de l'aile est progressif. Ce vrillage permet aussi de limiter le départ en vrille (décrochage dissymétrique).

Enfin, le pilote conserve toujours un contrôle de l'axe de roulis, les saumons supportant les ailerons n'étant pas « décrochés ». Ce vrillage dégrade un peu les performances de l'aile, mais c'est une solution économique pour assagir un avion. C'est d'ailleurs la solution retenue sur les voilures des avions Jodel, qui sont doux et démonstratifs dans cette manœuvre[réf. nécessaire].

Notes et références

Articles connexes