Agression sexuelle contre les personnes autistes

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Une agression sexuelle contre les personnes autistes est une violence sexuelle commise contre une ou des personnes autistes. Bien que tous types d'individus puissent subir des agressions sexuelles, différentes recherches menées plus particulièrement sur des femmes concluent à une surreprésentation des personnes autistes parmi les victimes d'agressions sexuelles et de viols, tant durant l'enfance qu'à l'âge adulte.

Ces agressions ont notamment pour conséquences le stress post-traumatique. Les taux de réparations par voie judiciaire et de soutien psychologique aux victimes sont faibles. L'éducation sexuelle des mineures autistes est préconisée pour diminuer ces agressions, bien que sa portée soit limitée.

Taux[modifier | modifier le code]

P. W. Gorczyca et ses collègues déterminent (en 2011) que le taux d'agressions sexuelles des enfants autistes est environ le double de celui des enfants de la population générale, et que l'agression est le plus généralement commise par une personne que l'enfant connaît, et en laquelle il a confiance[1]. Gibbs et al. ne déterminent pas de taux précis, mais notent aussi que les enfants autistes sont plus souvent victimes d'agressions sexuelles que les enfants qui ne sont pas autistes[2]. Il n'existe aucune preuve que ces taux d'agressions sexuelles diminuent à l'âge adulte[3].

L'analyse de Andrea L. Roberts et ses collègues, publiée en 2015, indique que les femmes ayant le plus grand nombre de traits correspondants au trouble du spectre de l'autisme sont aussi celles qui subissent les plus hauts taux d'agressions sexuelles, soit 40,1 %, contre un taux général de 26,7 %[4].

En 2022, la neuroscientifique Fabienne Cazalis et son équipe publient les résultats d'une étude menée auprès de 225 femmes autistes résidant en France, avec le concours de l'Association francophone de femmes autistes (AFFA)[5],[6] ; alors que les taux généraux d'agressions sexuelles contre les femmes sont situés autour des 30 %, ceux des femmes autistes françaises approchent des 90 %[6]. De plus, 75 % des femmes autistes interrogées témoignent de plus d'un cas de violences sexuelles, et les trois quarts des victimes témoignent n'avoir pu bénéficier d'aucun soin spécifique ni d'aucune réparation judiciaire après les agressions[6]. La moitié de ces femmes ont subi des violences pédophiles ou incestueuses alors qu'elles étaient âgées de moins de 15 ans[6].

Une étude avec groupe de contrôle menée auprès de 245 adultes autistes sans handicap intellectuel montre que les autistes victimes de violences sexuelles sont moins susceptibles de parler et de témoigner de ce qu'ils ont vécu que les personnes qui ne sont pas autistes[2].

Causes[modifier | modifier le code]

Interrogée dans la presse, la psychiatre Muriel Salmona met en cause la difficulté qu'ont les femmes autistes à décrypter les sous-entendus, mais aussi leur apprentissage de la contrainte, le handicap les ayant habituées à laisser des tiers décider à leur place de ce qui est bon pour elles : cela les rend facilement manipulables par des agresseurs sexuels[7].

Les chercheurs Dorothy Bishop (professeure de neuropsychologie du développement à l'Université d'Oxford), et Joel Swendsen (professeur de psychologie clinique au CNRS) soulignent qu'en France, un travail dans le milieu de la psychanalyse permet « la respectabilité professionnelle, un bon revenu et l'accès aux enfants vulnérables » ; ils estiment que la notion de complexe d'Œdipe (dont la validité n'est pas démontrée) a pu servir, en France, à justifier et garder impunies des agressions sexuelles contre des enfants (entre autres) autistes[8]. Ils citent aussi la responsabilité de Françoise Dolto, considérant qu'elle déclare, à diverses reprises dans ses ouvrages et en interview, que l'enfant chercherait des relations sexuelles avec des adultes[8].

Conséquences[modifier | modifier le code]

Les agressions sexuelles contre les femmes autistes entraînent un « coût pour la santé mentale et physique »[6]. L'isolement social est susceptible d'en aggraver les conséquences[1]. De plus, selon P. W. Gorczyca et ses collègues, l'abus sexuel dans l'enfance pourrait être un facteur de risque de développement d'une schizophrénie[1].

Le diagnostic de trouble de stress post-traumatique (PTSD) doit être considéré chez les personnes autistes victimes de violences sexuelles[9]. Mohamad Mehtar a cependant déterminé, sur la base du suivi de 69 enfants et adolescents autistes, que bien que le taux de stress post-traumatique soit élevé, le taux de victimes de violences sexuelles avec PTSD était plus bas qu'en population générale[10].

Une étude menée auprès d'adultes autistes qui sont entrés en contact avec la police australienne conclut que la grande majorité le font en tant que victimes, que la plupart sont déçus de cette expérience, et qu'il leur a souvent fallu cacher leur diagnostic d'autisme pour que l'agression soit prise au sérieux[11].

Prévention[modifier | modifier le code]

L'isolement des familles d'enfants autistes accroît le risque de négligences et de violences (y compris sexuelles) contre ces enfants, de la part de leur propre famille[12].

Les enfants autistes qui n'accèdent pas à la communication verbale peuvent rencontrer de grandes difficultés pour témoigner de ce dont ils ont été victimes[1]. La validité de la technique controversée de la communication facilitée a été évaluée pour leur permettre de communiquer si elles ont été victimes de violences sexuelles[13].

L'accès à une éducation sexuelle est préconisée pour réduire les agressions sexuelles des adolescents[14]. Cependant, en raison de la très forte fréquence des violences ciblant des mineures de moins de 15 ans, Cazalis et al. estiment que la portée de l'éducation sexuelle scolaire est limitée[6]. Elles préconisent plutôt d'éduquer et de sensibiliser les agresseurs potentiels, en soulignant le nombre élevé de personnalités psychopathes et narcissiques prédisposées à ce type d'agressions[6].

Affaires judiciaires et témoignages[modifier | modifier le code]

La présidente de l'AFFA, Marie Rabatel, a témoigné dans la presse d'avoir subi plusieurs viols à l'adolescence[7].

Affaire du FAM Les Baous de Vence[modifier | modifier le code]

En avril 2023, le kinésithérapeute Olivier Benham est condamné pour le viol de trois résidentes autistes du Foyer d'accueil médicalisé Les Baous, situé à Vence, et ce malgré le déni du personnel travaillant dans ce foyer, qui a accusé les trois victimes d'être des menteuses ou des aguicheuses[15]. La cour l'a condamné à 15 ans de réclusion, notamment après avoir retrouvé des traces de son sperme sur les murs de son lieu d'exercice[15]. Marie Rabatel souligne la grande rareté de ce type de jugements, les condamnations d'agresseurs sexuels étant très rares, dans un contexte où la parole des victimes autistes est souvent remise en cause[15].

Affaire de l'IME des Nivéoles à Voiron[modifier | modifier le code]

Dans le cadre de l'affaire de l'IME des Nivéoles, dont le volet judiciaire s'étend sur huit ans, deux éducateurs ont été mis en examen après réouverture de l'enquête en 2021, l'un des deux étant poursuivi pour viol, l'autre pour agression sexuelle[16].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d Gorczyca et al. 2011, p. 205.
  2. a et b Gibbs et al. 2021.
  3. (en) Vicki Gibbs et Elizabeth Pellicano, « ‘Maybe we just seem like easy targets’: A qualitative analysis of autistic adults’ experiences of interpersonal violence », Autism,‎ , p. 136236132211503 (ISSN 1362-3613 et 1461-7005, DOI 10.1177/13623613221150375, lire en ligne, consulté le ).
  4. (en) Andrea L. Roberts, Karestan C. Koenen, Kristen Lyall et Elise B. Robinson, « Association of autistic traits in adulthood with childhood abuse, interpersonal victimization, and posttraumatic stress », Child Abuse & Neglect, vol. 45,‎ , p. 135–142 (ISSN 0145-2134, DOI 10.1016/j.chiabu.2015.04.010, lire en ligne, consulté le ).
  5. Muriel Salmona, Le livre noir des violences sexuelles, Dunod, , 3e éd. (ISBN 978-2-10-085004-4, lire en ligne).
  6. a b c d e f et g Cazalis et al. 2022.
  7. a et b Zoé Boiron, « La souffrance invisible des femmes autistes victimes de violences sexuelles », sur Le Figaro, (consulté le ).
  8. a et b (en) D. V. M. Bishop et Joel Swendsen, « Psychoanalysis in the treatment of autism: why is France a cultural outlier? », BJPsych Bulletin,‎ , p. 1–5 (ISSN 2056-4694 et 2056-4708, DOI 10.1192/bjb.2020.138, lire en ligne Accès libre [PDF], consulté le ) :

    « The problem, though, is that if someone were inclined towards paedophilia, then Dolto's version of psychoanalysis would appear very attractive, promoting as it does the idea that sexual relationships between adults and children, while prohibited by society, are a natural and therefore blameless aspect of the human condition. Psychoanalysis can provide professional respectability, a good income and access to vulnerable children. »

    .
  9. (en) EDWIN H. Cook, JOHN E. Kieffer, DAVID A. Charak et BENNETT L. Leventhal, « Autistic Disorder and Post-Traumatic Stress Disorder », Journal of the American Academy of Child & Adolescent Psychiatry, vol. 32, no 6,‎ , p. 1292–1294 (ISSN 0890-8567, DOI 10.1097/00004583-199311000-00025, lire en ligne, consulté le ).
  10. (en) Mohamad Mehtar et Nahit Motavalli Mukaddes, « Posttraumatic Stress Disorder in individuals with diagnosis of Autistic Spectrum Disorders », Research in Autism Spectrum Disorders, vol. 5, no 1,‎ , p. 539–546 (ISSN 1750-9467, DOI 10.1016/j.rasd.2010.06.020, lire en ligne, consulté le ).
  11. (en) Vicki Gibbs et Kaaren Haas, « Interactions Between the Police and the Autistic Community in Australia: Experiences and Perspectives of Autistic Adults and Parents/Carers », Journal of Autism and Developmental Disorders, vol. 50, no 12,‎ , p. 4513–4526 (ISSN 1573-3432, DOI 10.1007/s10803-020-04510-7, lire en ligne, consulté le ).
  12. Gorczyca et al. 2011, p. 206.
  13. (en) M. Mary Konstantareas, « Allegations of sexual abuse by nonverbal autistic people via facilitated communication: testing of validity11An earlier version of this paper was presented at the Conference on Child Abuse in Toronto, November 1993, and the Canadian Psychological Association Conference, Charlottetown, P.E.I., June 1995. », Child Abuse & Neglect, vol. 22, no 10,‎ , p. 1027–1041 (ISSN 0145-2134, DOI 10.1016/S0145-2134(98)00082-9, lire en ligne, consulté le ).
  14. (en) Susan Wilczynski, Shawnna Sundberg, Brandon Miller et Sam Johnson, « The Need for Relationship and Sexuality Education for Transition-Aged Autistic Youth », dans Postsecondary Transition for College- or Career-Bound Autistic Students, Springer International Publishing, (ISBN 978-3-030-93947-2, DOI 10.1007/978-3-030-93947-2_13, lire en ligne), p. 259–281
  15. a b et c Franck Seuret, « Un kiné condamné pour le viol de trois résidentes handicapées », sur Faire Face - Toute l'actualité du handicap, (consulté le ).
  16. « IME Voiron : abus sur enfants autistes, 2 éduc mis en examen », sur Handicap.fr, (consulté le ).

Annexes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • [Cazalis et al. 2022] (en) Fabienne Cazalis, Elisabeth Reyes, Séverine Leduc et David Gourion, « Evidence That Nine Autistic Women Out of Ten Have Been Victims of Sexual Violence », Frontiers in Behavioral Neuroscience, vol. 16,‎ (ISSN 1662-5153, PMID 35558435, PMCID PMC9087551, DOI 10.3389/fnbeh.2022.852203, lire en ligne, consulté le )
  • [Dike et al. 2023] (en) Janey E. Dike, Elizabeth A. DeLucia, Olivia Semones et Theresa Andrzejewski, « A Systematic Review of Sexual Violence Among Autistic Individuals », Review Journal of Autism and Developmental Disorders, vol. 10, no 3,‎ , p. 576–594 (ISSN 2195-7185, DOI 10.1007/s40489-022-00310-0, lire en ligne, consulté le )
  • [Douglas et Sedgewick 2023] (en) Sarah Douglas et Felicity Sedgewick, « Experiences of interpersonal victimization and abuse among autistic people », Autism,‎ (ISSN 1362-3613 et 1461-7005, DOI 10.1177/13623613231205630, lire en ligne, consulté le )
  • [Gibbs et al. 2021] (en) Vicki Gibbs, Jennie Hudson, Ye In (Jane) Hwang et Sam Arnold, « Experiences of physical and sexual violence as reported by autistic adults without intellectual disability: Rate, gender patterns and clinical correlates », Research in Autism Spectrum Disorders, vol. 89,‎ , p. 101866 (ISSN 1750-9467, DOI 10.1016/j.rasd.2021.101866, lire en ligne, consulté le )
  • [Gorczyca et al. 2011] (en) P. W. Gorczyca, A. Kapinos-Gorczyca, K. Ziora et J. Oświęcimska, « Sexual Abuse in Autistic Children as a Risk Factor of Developing of Schizophrenia », dans A Comprehensive Book on Autism Spectrum Disorders, (ISBN 978-953-307-494-8, lire en ligne), p. 205-.